Jeton d'admission aux séances du club des Cordeliers (1790) |
Les Cordeliers ?
Les "Cordeliers" commencent à faire parler d'eux.
Non-pas les moines résidant au sein du vaste couvent fondé par Saint-Louis, ni
encore les artistes et artisans auxquels ils louent des salles, mais les
habitants de ce 13ème district parmi les 60 de Paris. Ils sont en désaccord
avec la politique menée par la Commune de Paris, à la tête de la laquelle
préside le Maire Bailly, assisté de Lafayette, le Commandant de la Garde
Nationale.
Fondé par Georges Danton et Jean-Paul Marat, le club des cordeliers est ouvert aux Parisiens pour une cotisation annuelle de 24 sous (salaire d'une journée de travail d'un ouvrier).
Plan des 60 districts parisiens. En rouge le district des Cordeliers. |
Les Cordeliers, sur le plan "dit" de Turgot. |
Nous avons vu dans l'article du Journal des Révolutions de Paris du 8 Novembre, que certains s'irritent de "cette usurpation du nom de commune que la municipalité s'en arroge les droits et les pouvoirs" et n'oublions pas Marat qui dans son journal "L'Ami du Peuple", ne cesse de pester contre ladite Commune et le duo à sa tête, Marat, qui précisément réside dans ce district des Cordeliers.
Dans un an...
L'an prochain, le 27 avril 1790, un club révolutionnaire se créera dans la Chapelle du couvent des Cordeliers, devenu bien national. Ce club portera le nom de "Société des amis des droits de l'homme et du citoyen", plus connu sous le nom de club des Cordeliers. Il sera l'un des clubs les plus à "Gauche" de la Révolution. Danton participera à sa fondation mais il le quittera très vite.
Ce club aura pour emblème l'œil de la surveillance, car ses membres se consacreront
"à dénoncer au tribunal de l'opinion publique les abus des différents
pouvoirs et toute espèce d'atteinte aux droits de l'homme", comme il est
écrit dans l'arrêté du 27 Avril. Ils se donneront comme les protecteurs
de tous les opprimés, les défenseurs des victimes de toutes les injustices, les
redresseurs de tous les abus particuliers ou généraux. Leur mission sera
essentiellement une mission de surveillance et de contrôle à l'égard de toutes
les autorités. Ils provoqueront des dénonciations, ils entreprendront des
enquêtes, ils visiteront dans les prisons les patriotes opprimés, ils leur
donneront des défenseurs, ils solliciteront en leur faveur auprès des autres
clubs ou des autorités, ils saisiront l'opinion par des placards, ils viendront
en aide aux familles des victimes par des souscriptions, etc. Bref, ils constitueront
un groupement d'action et de combat. Ainsi, ils resteront fidèles à la
tradition de l'ancien district des Cordeliers qui protégeait Marat contre les
poursuites du Tribunal du Châtelet, au besoin à force ouverte. Ainsi, ils resteront
en contact avec le peuple des travailleurs et des petites gens, continuellement
et directement intéressés à leurs démarches.
Source : Le Club des Cordeliers - Albert Mathiez, 1910.
Ce club sera fréquenté par des personnalités telles Camille Desmoulins, les journalistes Momoro et François Robert, Fournier l'Américain, ou encore le Chevalier de Rutledge dont nous parlerons bientôt. A noter que ce club n'accueillera pas seulement en son sein des hommes de toutes les conditions, de simples citoyens passifs, il permettra aussi aux femmes d'assister à ses séances et de prendre part aux délibérations. Les Cordeliers adopteront par exemple les adresses que leur présentera Mademoiselle Le Maure, l'une des citoyennes les plus assidues à leurs séances.
Selon certaines versions, la cotisation annuelle au club était de 24 sols, soit le salaire journalier d'un ouvrier spécialisé et selon
d'autres, chaque membre donnait ce qu'il voulait sur un drapeau tendu à cet
effet. Ce très faible coût était une particularité, car les droits d'entrées dans les autres clubs politiques étaient coûteux.
Retour en 1789 !
Mais nous ne sommes pour le moment qu'en 1789 et les
représentants de ce district des Cordeliers se plaignent à l'Assemblée de certains abus de
pouvoir de la Commune de Paris.
Ecoutons M. Hebrard en rendre compte.
Rapport par M. Hébrard sur les difficultés survenues entre
le district des Cordeliers et la commune de Paris
M. Hébrard rend compte, au nom du comité des rapports, des difficultés qui se sont élevées entre le district des Cordeliers et les représentants de la commune de Paris. II donne lecture des articles 2, 3 et 4 du plan provisoire que les districts ont au moins adopté tacitement. La preuve en est dans la nomination des 60 membres qui forment le conseil de ville.
Chaque district a nommé 5 députés ; les uns à temps limité,
les autres avec certains pouvoirs.
Les districts se plaignent, et c'est le plus grand nombre,
que les députés à l'Hôtel-de-Ville ont bientôt usurpé une autorité qui ne leur
appartient pas.
Ainsi ils ont formé un régiment de chasseurs, fait des
règlements de police qu'ils ont portés à l'Assemblée, pour éviter de les
soumettre à la décision des districts, et ont prié le Roi de rappeler les
gardes du corps, etc.
Le district des Cordeliers a révoqué ses députés et en a
nommé d'autres sur la démission des trois membres de la commune qui n'ont pas
voulu prêter le serment qui leur était demandé ; ces députés nouveaux n'ont de
pouvoirs que pour un règlement provisoire et non des pouvoirs indéfinis.
L'assemblée des représentants des communes a voulu conserver les anciens
membres et rejeter les nouveaux.
Les questions soumises à l'Assemblée sont donc :
1° de savoir si d'un côté les commettants peuvent révoquer à leur gré leurs députés nommés par un règlement provisoire de police et d'administration ;
2° s'ils peuvent leur imposer tel ou tel serment. Le serment exigé soumet les députés à l'assemblée de la commune, à la révocabilité volontaire des districts ;
3° si la commune peut casser l'arrêté du district, rappeler les anciens députés dans son sein, malgré la volonté expresse du district qui, sur la démission de ses représentants en l'assemblée de la commune, en a nommé d'autres.
Discussion sur le rapport par M. Hébrard sur les difficultés
survenues entre le district des Cordeliers et la commune de Paris
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3862_t1_0145_0000_2
M. Duport a demandé que toutes choses demeurassent en état
jusqu'à ce que l'Assemblée nationale pût donner elle-même un plan de
municipalité ; il lit un décret conforme à ses idées de paix et propose de
l'étendre à toutes les municipalités.
M. Démeunier propose un projet de décret portant que
l'Assemblée nationale s'occupant de L'organisation des municipalités et de
l'élection qui aura lieu incessamment pour les membres municipaux, recommande
la modération à toutes les villes qui n'ont pas changé leurs municipalités, ou
qui, entraînées par des circonstances impérieuses, en ont formé d'autres, sur
lesquelles il y a des réclamations.
On demande l'ajournement.
M. Hébrard demande qu'on décide sur-le-champ, parce que le
district n'a plus de représentants.
M. Fréteau de Saint-Just appuie la motion de M. Démeunier.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3862_t1_0145_0000_3
L'ajournement demandé pour demain, deux heures après midi,
est mis aux voix et prononcé.
La séance est levée.
Suite, le 23 novembre...
Démolition du couvent des Cordeliers en 1802. |
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand