jeudi 17 décembre 2020

Basset devrait lire Charles-François Lhomond #orthographe

 

"Bertrand, alias le citoyen Basset, défaillant de honte,
alors que des lecteurs  lui signalent des fautes d'orthographe dans ses articles"
(Détournement d'une estampe de 1770 représentant la mort d'Hercule (un opéra))

    Si le citoyen Basset de 1789 se souciait bien peu de l’orthographe, comme le prouve l’enseigne de sa boutique, celui de 2020 est obsédé par celle-ci, en raison du respect qu’il doit à ses lecteurs !

Enseigne de la boutique de Basset représentée sur une estampe.
Lire l'article "Basset, graveur et marchand d'estampes, religieuses puis révolutionnaires"
Hélas !

    Hélas, mille fois hélas, il me faut souvent un délai de plusieurs semaines, avant que je puisse enfin déceler, horrifié, une hideuse faute d’orthographe dans l'un de mes articles ! 

    C’est pour moi une fatalité et un drame. Les fautes des autres me sautent immédiatement aux yeux, mais les miennes se rient de mon aveuglement ! Pas plus tard qu’aujourd’hui, quelqu’un a eu la bonté de me signaler l’une d’entre-elles, qui déshonorait la page d’accueil du site !

    Accablé de honte, je me suis renversé des cendres sur la tête, j’ai lacéré de mes ongles mon visage ravagé de larmes, et j’ai entrepris de rédiger ce bref article, en guise d’expiation.

    Quel meilleur moyen d’expier ma faute, que de rendre hommage aux mânes de Charles-François Lhomond, le grand maître de l’orthographe au 18ème siècle !

(Ne trouvez-vous pas que j’en fait parfois un peu trop ?) 😉

L’abbé Lhomond

    Charles François Lhomond naquit en 1727 à Chaulnes, dans la Somme et rendit l’âme à Paris le 31 décembre 1794 (Aucun lien n’a été établi entre son décès et le réveillon du 31). C’était vraiment un homme du 18ème siècle, à la fois humaniste, historien (de l’Eglise et de la religion chrétienne), pédagogue, mais aussi et surtout un grammairien.

    Parmi les sept ouvrages publiés par cet érudit, celui publié en 1780, intitulé « Elémens de la grammaire françoise » (l’orthographe est d’époque), fit l’objet de sept rééditions du vivant de son auteur, preuves d’un grand succès. De plus il fut continuellement réédité et adapté tout au long du 19ème siècle.

Statue de l'abbé
à Chaulnes

    Vous avez déjà dû constater, si vous avez lu par exemple certains des ouvrages que j’ai partagés sur ce site, que l’orthographe, durant le siècle des Lumières, était souvent très libre. 

    Lhomond a réussi à faire une synthèse de différentes approches de la grammaire déjà esquissées par de précédents auteurs, en tenant compte également de la langue telle qu’elle était parlée. Ce faisant, il a eu le mérite de clarifier la fonction de chaque mot au sein des phrases, selon une logique qui a peu ou prou perduré jusqu’à nos jours. La grammaire n’est pas qu’une invention destinée à faire souffrir les élèves en classe ou les scribouilleurs de mon genre, c’est avant tout une sorte de solfège permettant de jouer harmonieusement des mots et de se faire bien entendre. 

Quid de L'Esclache ?

    J'ai choisi d'évoquer Lhomond, un homme du 18ème siècle. Mais j'aurais pu vous proposer "Les véritables règles de l'ortografe francèze, ou L'art d'aprandre an peu de tams à écrire côrectement" publié par Louis de Lesclache en 1668 ! 

    Je suis certain que si vous parcourez l'ouvrage de ce grammairien réputé (en son temps), vous allez pleurer ! 😆

De l'utilité d'une langue commune...

    Ecrire correctement pour se faire comprendre, c’est bien. Mais parler la même langue, c’est encore mieux ! J’avais déjà évoqué ce problème le 30 Octobre dernier, à l’occasion de la présentation de la motion de Monsieur Target devant l'Assemblée, concernant l'instruction publique et l'éducation nationale. Celui-ci avait posé la question suivante : « A quoi bon faire d’aussi belles lois, si elles ne sont pas comprises ?».

    En effet, très peu de citoyens parlaient et comprenaient le français sous la Révolution !   

    Nous verrons un peu plus tard, qu’après avoir fait enquêter sur l’ensemble du territoire national, l’abbé Grégoire constatera que la langue française n’était parlée que dans une quinzaine de départements sur les 83 ! Il écrira dans son rapport présenté à la Convention le 4 Juin 1794 :

« On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement encore moindre.

Ainsi, avec trente patois différents, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que, pour la liberté, nous formons l'avant-garde des nations. »

    Comment constituer une nation unie par des liens fraternels si ses citoyens ne parlent pas une langue commune ? Comment éduquer lesdits citoyens, si chaque livre scolaire ou chaque méthode d’agriculture doit être traduite en une infinité de patois, parlers et langues ? A quoi bon publier des lois si celles-ci ne sont pas comprises ? Contrairement à ce que ne cessent de soutenir les ennemis de la République ou les bonnes âmes naïves qui ont cru leurs dires, une langue nationale commune n’a pas pour but d’écraser ou humilier des cultures locales, c’est aussi un ciment indispensable pour construire une nation unie. 

Il est temps de lire Lhomond !

    Comme il en est d’usage sur le site, à chaque fois que je le peux, je partage ci-dessous avec vous l’ouvrage de Charles François Lhomond, disponible sur le site Gallica de la BNF :


Conclusion

    Un dernier mot, ne croyez pas ceux qui disent que les grands lecteurs ne font pas de fautes d’orthographe. Mes bibliothèques surchargées de livres sont là pour témoigner du contraire ! J’ai lu une fois dans un livre, qu’il était pratiquement impossible de repérer soi-même ses fautes (surtout dans un bref délai), car on ne ferait jamais que lire chaque fois ce que l’on a voulu écrire et non ce qui avait été réellement écrit.

    Je termine cet article un peu spécial avec cette photo de street art. L’artiste a eu l’idée amusante de représenter un écolier qui a été "mis au coin" (comme on disait autrefois), sous la plaque de la rue Lhomond, à Paris, dans le 5ème arrondissement.

Source : Les rues de Paris




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Bien cordialement
Bertrand