dimanche 13 décembre 2020

13 Décembre 1789 : Colson évoque le masque de fer

Gravure de 1789, représentant l'Homme au Masque de Fer.

Les archives de la Bastille ?

    J'aime bien vous rapporter des extraits de la correspondance de l'avocat parisien Adrien Joseph Colson, adressée régulièrement à son ami de Province. On y découvre les événements tels qu'ils ont été vécus ou compris par les gens du peuple. C'est parfois différent de ce que l'on peut lire dans les livres d'histoire. Ne serait-ce que parce que Colson rapporte également les rumeurs qui courent dans les rues de Paris, rumeurs souvent sans fondements, simple reflet qu'elles sont des fantasmes et peurs de l'époque. Souvent sans fondement, mais pas toujours...

Dans son courrier du dimanche 13 décembre 1789, Adrien-Joseph Colson évoque le Masque de fer. Lisons ensemble :

" (...) Depuis la prise de la Bastille j'ai ouï dire, Monsieur, que dans les papiers qu'on a trouvé dans cette forteresse on a eu l'éclaircissement que l'homme qui y a été longtemps détenu avec un masque de fer sur la figure était un fils naturel de Louis XIV et, je crois, de Madame de Lavallière, qui méritait la mort pour avoir donné un soufflet au grand dauphin. Mais Louis XIV qui l'aimait beaucoup, comme son fils, ne put se résoudre à lui laisser faire son procès et qu'il préféra de le faire enfermer toute sa vie avec le masque en question dans cette forteresse, et de faire courir le bruit qu'il avait été tué dans une bataille à laquelle il s'était réellement trouvé. Mais je ne sais si cette histoire se trouve confirmée (...)"

    De quels papiers peut-il s'agir ? Qu'a-t-on pu trouver à la Bastille qui apporta une clé à ce mystère qui passionnait nombre de gens à l'époque ? Le journal intime du malheureux ? Ou bien ne s'agit-il que d'un fantasme né de la démolition du cachot de ce célèbre prisonnier ?

L'homme au masque de fer.

L'énigme du masque de fer !

    L'homme au masque de fer, ou selon les versions, au masque de velours noir, a réellement existé. Le malheureux a plusieurs fois changé de prison, au gré des mutations de son geôlier personnel, le gouverneur de Saint-Mars. Après le Fort de Pignerol, ce sera le fort d’Exilles, puis le cachot du fort royal de l'île Sainte-Marguerite au large de Cannes. Enfin, en 1698, Monsieur de Saint-Mars et son prisonnier arriveront à la Bastille, dernière prison dans laquelle mourra en 1703 ce prisonnier mystérieux.

    C'est dans son ouvrage "le Siècle de Louis XIV", publié chez C. F. Henning, à Berlin, que le grand Voltaire évoqua pour la première fois l'énigme du masque de fer. Des rumeurs avaient déjà commencé à se répandre dès la fin du XVIIe siècle, alors que l’homme au masque était toujours en vie. À l’époque, on pensait notamment qu’il s’agissait du duc de Beaufort.

Cliquez pour accéder au livre

    La version rapportée par notre ami Colson est celle qui fut exposée en 1745, dans un ouvrage publié à Amsterdam, intitulé : "Mémoires secrets pour servir à l’histoire de Perse". L’auteur y développait une « satire des intrigues politiques et galantes de la cour de Louis XIV » ​(rebaptisé Cha-Abas), transposée en Orient. Publié anonymement, ce livre est attribué au diplomate Antoine Pecquet (1704-1762), connu pour son ouvrage publié en 1737 "Discours sur l'art de négocier".

    Ce livre révélait "un fait peu connu qui concerne le Prince Giafer"​. Pour avoir eu l’outrecuidance de donner un soufflet à son demi-frère le Dauphin (Séphi-Mirza), Giafer avait été envoyé dans l’armée, déclaré mort de la peste puis enfermé avec interdiction de communiquer avec quiconque ni de montrer son visage.

    Selon ces "mémoires secrets", l’homme au masque de fer aurait donc été le Prince Giafer ou plutôt le comte de Vermandois, fils de Cha-Abas (Louis XIV) et d’une "Indienne, sans beauté, grande et assez bien faite, mais que le Ciel avait bien dédommagée du côté de l’esprit et des sentiments"​, c'est-à-dire Louise de La Vallière. Cette identification était quelque peu étrange car ledit le comte était mort depuis vingt ans quand on enterra "l’homme au masque de fer".

Alexandre Dumas

    C'est Alexandre Dumas dans son roman "Le vicomte de Bragelonne" qui rendra populaire ce personnage mystérieux en imaginant qu'il s'agissait de Philippe, frère jumeau de Louis XIV, qui, né avant lui, aurait compromis la légitimité du Roi Soleil !

Le Masque de Fer sur les remparts de la forteresse de l'île de Sainte-Marguerite.
Illustration dans le journal "Les bons romans" publié le 8 août 1862

Un mystère comme on les aime !

    L'énigme du masque de fer à fait parler nombre d'historiens et de pseudos historiens ! Dans ma génération, qui ne se souvient pas du récit passionnant qu'en avait fait l'historien Alain Decaux à la télévision ?! Pour celles et ceux qui ne l'ont pas vu sur le petit écran, je vous la propose dans la fenêtre ci-dessous !

L'historien Alain Decaux vous raconte l'énigme du Masque de Fer !


Le Masque de fer au cinéma !

    Le cinéma ne pouvait pas manquer un personnage aussi romanesque ! Raison pour laquelle l'histoire du masque de fer fera l'objet de nombreuses adaptations au grand écran.

De grâce, faites-vous plaisir et regardez la bande annonce de ce délicieux film sorti en 1962 !

Qui était le masque de fer ?

Ah oui, J'allais oublier ce détail !

    Il semblerait que les historiens aient résolu au moins une partie de l'énigme, à savoir l'identité du quidam. Hélas ce n'est ni un prince ni un bel aventurier ! Il s'agirait d'un certain Eustache Dangers, valet de son état, qui aurait été arrêté à Calais début août 1669 et conduit jusqu’à Pignerol où il aurait été remis à Monsieur de Saint-Mars avec de curieuses instructions. Il lui aurait été dit : "Vous devez construire un cachot où personne ne pourra entendre ce que cet homme pourra dire ou crier, ne jamais écouter vous-même ce qu’il voudra vous dire en le menaçant de le faire mourir s’il ouvre la bouche". Il est aussi précisé qu’il "faudra préparer les meubles nécessaires à ce misérable mais que, comme ce n’est qu’un valet, il ne lui en faudra pas de considérables."

    Mais alors, pourquoi ces trente-quatre années de cachot ? Selon certains, le malheureux valet, proche de la cour du roi, aurait pu entendre des secrets d'état qui lui auraient valu cette terrible mise à l'écart. Au moment de son arrestation se tenaient des négociations extrêmement secrètes entre Louis XIV et Charles II d’Angleterre. On parlait, dans des correspondances chiffrées, du "grand secret". Il aurait été question que Charles II entrerait en guerre contre les Provinces Unies protestantes qui avaient arrêté Louis XIV dans sa conquête des Pays-Bas espagnols, en échange du soutien au roi d’Angleterre qui souhaitait se convertir au catholicisme. Ce qui était évidemment explosif dans l’Angleterre anglicane, protestante, de cette époque.

    Qu'importe que ce "grand secret" fût vrai. J'imagine difficilement qu'en cette époque de justice expéditive, on ait pris tant de soin pour faire taire de la sorte un simple valet, alors qu'il suffisait de lui couper la langue et de l'envoyer aux galères ! Louis XIV est connu pour sa cruauté envers ses ennemis (Ravage du Palatinat, Dragonnades, etc.). Cette histoire garde donc des pans de mystère...


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Bertrand