vendredi 11 décembre 2020

11 Décembre 1789 : Que faire en cas d’égalité des suffrages ? M. Regnaud à une idée.

M. Regnaud de Saint-Angely (sous la Révolution)
Voir en bas de page, le même sous l'Empire.

    L'historien Hippolyte Monin dans son « Journal d'un bourgeois de Paris pendant la Révolution française », nous relate le fait suivant à la date du 11 décembre 1789 (page 388) :

M. Regnaud a fait adopter les articles suivants en matière d'élections :

" En cas d'égalité de suffrages entre deux concurrents, la préférence sera donnée à l'homme qui est ou a été marié, sur celui qui ne le sera pas. Entre les hommes mariés, elle sera donnée à celui qui a eu ou qui a le plus grand nombre d'enfants ; et enfin, s'ils ont ou ont eu un nombre égal d'enfants, elle sera donnée au plus âgé. "

Ce sont là des moyens, sinon de régénérer l'esprit de famille, du moins de l'honorer. Un curé avait proposé cet amendement : " En cas de concurrence entre un garçon et un homme marié, qui vivra séparé de sa femme, la préférence sera donnée au garçon. " Quoi donc ! Lui a- t-on fait observer, vous voudriez punir un honnête homme du malheur d'avoir une méchante femme ? ' En effet, le cas se présente. 

C'est aussi dans une vue d'éducation morale et politique que le comte de Mirabeau avait précédemment fait voter l'inscription civique des jeunes gens qui auraient atteint l'âge de vingt et un ans, afin de donner à leur adoption par la patrie ce caractère de solennité religieuse dont les anciens ont connu tout le prix. Ce serait une belle fête nationale que celle de la jeunesse. "

Source : « Journal d'un bourgeois de Paris pendant la Révolution française » (page 388) : https://books.google.fr/books?id=qikvAAAAYAAJ&hl=fr&pg=PA388#v=onepage&q&f=false

    Le Regnaud dont il est question n'est autre que de Michel Louis Etienne Regnaud de Saint-Jean d'Angely, né à Saint-Fargeau, dans l’Yonne, Homme politique, avocat et journaliste. - Député aux États Généraux, conseiller et ministre d'État sous l'Empire, comte d'empire. - Membre de l'Académie française (élu en 1803 ; exclu en 1816) ; une belle carrière, s’il en est. D'aucuns l'ont même qualifié d'éminence grise de Napoléon.

En fait, la discussion a eu lieu le 8 décembre 1789

En vérité cette discussion a eu lieu lors de la séance du 8 décembre 1789, comme nous le rapporte le procès-verbal de l’Assemblée nationale. Lisons le P.V. :

Discussion sur les nouveaux articles sur les élections et l'organisation des municipalités, lors de la séance du 8 décembre 1789

M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angély. Je propose d'ajouter à cet article les deux conditions de préférence indiquées par M. le comte de Mirabeau et qui sont ainsi conçues :

« En cas d'égalité de suffrages entre concurrents, la préférence sera donnée à l'homme qui est ou qui a été marié, sur celui qui ne le serait pas ; entre les hommes mariés, à celui qui a ou qui a eu le plus grand nombre d'enfants, ou un nombre égal d'enfants, au plus âgé. »

M. de Montlosier, tout en approuvant les motifs qui ont dicté la proposition, déclare qu'elle est mesquine, qu'elle entre dans des détails trop minutieux et il conclut à la question préalable.

M. Prieur. La demande de la question préalable est inconcevable ; elle ne doit être réclamée ni sur un point de constitution, ni sur une loi morale. L'âge est une considération intéressante, mais il faut convenir que le père de famille mérite une distinction dans la société. Je réclame l'adoption d'une mesure dont les Romains, dans le bel âge, nous ont donné l'exemple.

M ; Target. On aurait pu accuser de mesquinerie l'édit de Louis XIV, qui n'avait que le défaut d'être appliqué dans des cas très-rares et de n'accorder qu'une mince pension ; mais le droit d'administrer son pays est assez précieux pour faire l'objet d'un décret.

M. Barnave. Il serait peu honorable pour cette Assemblée d'écarter une si belle motion par la question préalable ; on objecte qu'elle a trop peu d'importance dans son application et qu'elle est trop minutieuse pour la constitution ; il est inconcevable d'appeler minutieuse la prérogative d'administrer sa patrie. Consacrez le principe, il deviendra fécond en l'appliquant aux magistratures, aux municipalités, aux assemblées nationales. Cette préférence des pères de famille sera d'un emploi très-utile dans la régénération publique.

M. Dillon. Je propose de compléter l'article par l'amendement qui suit :

« Lorsque l'homme marié sera séparé juridiquement de son épouse, le célibataire sera préféré. »

Cet amendement a d'abord excité les applaudissements de toute l'Assemblée, tant à cause de sa singularité, que parce qu'il touchait directement quelques membres.

M. Prieur. Il est dans les principes de l'Assemblée de rendre les fautes personnelles. Il peut arriver que le caractère d'une femme ou sa mauvaise conduite force un mari à se séparer d'elle : à coup sûr, l'intention de l'Assemblée n'est pas de punir un homme d'avoir une mauvaise femme.

Divers membres parlent pour et contre l'amendement. L'Assemblée devient tumultueuse.

On réclame la question préalable. Elle est mise aux voix et adoptée.

On revient à l’article de M. le comte de Mirabeau.

La question préalable est mise aux voix et repoussée.

Source :
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3980_t1_0426_0000_5


M. Regnaud de Saint-Angely (sous l'Empire)



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Bertrand