Je vais commencer par évoquer une anecdote amusante et je finirai par traiter d'un sujet sérieux, l'homosexualité, dont la dépénalisation constitue un autre des innombrables progrès apportés par la Révolution française.
Une pluie de dons patriotiques.
Souvenez-vous de ces citoyennes qui, le 7 septembre 1789 étaient venues déposer leurs bijoux devant l’Assemblée nationale dans le désir de contribuer à rembourser la dette nationale. Sa majesté elle-même, le 22 septembre suivant, avait annoncé faire don de sa vaisselle d’argent pour aider à rembourser ladite dette.
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Louis XVI fait don de sa vaisselle d'argent. |
Depuis, les dons patriotiques, comme on les appelle, ne cessent d’affluer à l’Assemblée. Dans le numéro deux de son journal des Révolutions de France et de Brabant, Camille Desmoulins cite de nombreux exemples de dons patriotiques. Un ancien Rouannais, demeurant depuis trente ans à Amsterdam a fait présent à la caisse patriotique de 20.000 Livres, onze domestiques d’un seigneur anglais ont envoyé 120 Livres, les Maitres Chandeliers de Paris 5.936 Livres, la ville de Dieppe, 107 marcs d’argent et un carton plein de bijoux ! Il ajoute que la multiplicité des dons fatigue souvent l’haleine de Monsieur de Virieux, chargé en sa qualité de Receveur national, d’en faire l’énumérations ! Dans le numéro huit de janvier 1790, il évoquera même le cas de ce citoyen suisse de la ville de Constance qui, voulant faire éclater son admiration pour la sagesse des décrets de l’Assemblée nationale, et pour les merveilles de la révolution de France, ne veut plus d’autre patrie. Se regardant déjà comme citoyen français, il s’est acquitté de la contribution patriotique, et, versant 6000 Livres à la caisse nationale, a demandé des lettres de naturalité et d’adoption.
C’est à qui fera montre de la plus grande générosité, toujours ostensiblement, bien évidemment !
On reparle des boucles d'argent.
Monsieur le Marquis de Villette a envoyé dernièrement les
boucles d'argent de son club, surnommé national. Serait-ce parce que le port
des boucles d’argent sur les chaussures est devenu bien risqué depuis que - comme nous l’avons appris en novembre - des margoulins les prennent de forces
aux particuliers, pour en faire don, prétendent-ils, à la nation ? C’est
la ville d’Issoudun, rappelons-le, qui avait initié ce mouvement des boucles, en envoyant à l'Assemblée
nationale environ 115 marcs de boucles d'argent provenant des chaussures de ses
citoyens. Bordeaux avait suivi le mouvement peu après, ainsi que les vols de boucles...
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L'affaire des boucles d'argent. |
Monsieur de Villette propose de frapper avec les lingots d’argent
des contributions patriotiques, des dons et offrandes, etc. , de nouvelles
pièces à emblèmes et symboles de la liberté. Il croit qu'elles ne passeront pas
alors aussi facilement la frontière que les monnaies portant les effigies
royales, parce que, suppose-t-il, les souverains voisins les arrêteraient comme
séditieuses. Il pourrait bien se tromper : car le bon argent, comme le bon vin,
n'a point d'enseigne !
Le même marquis engage également les jeunes gens à revêtir
des costumes moins recherchés, et à déposer la coûteuse rente qu'ils font à
leurs coiffeurs sur l'autel de la patrie.
Mais toutes ces démonstrations patriotiques commencent à
fatiguer quelque peu le public. Les plus sensés savent bien que ce n'est point
par de si pauvres moyens que se sauvent les grands États. "Épluchons d'abord le
livre rouge" : disent-ils, c’est-à-dire la comptabilité du royaume et surtout, surtout,
vendons les biens nationaux !
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Le poids écrasant de la dette nationale (Estampe de 1789) |
L'étonnant Marquis de Villette !
Je vous invite à lire la fiche Wikipédia du sympathique
Marquis de Villette. Vous y apprendrez qu’il était le « fils probable »
de Pierre-Charles de Villette, seigneur du Plessis-Longueau, trésorier général
de l’extraordinaire des guerres (la paternité est toujours une probabilité), et
le « fils certain » de Thérèse-Charlotte Cordier de Launay, tante
du marquis de Sade, connue pour son esprit et sa
beauté, mais aussi pour avoir été la maitresse du grand Voltaire ! Raison pour
laquelle le Marquis de Villette se reconnaissait Voltaire pour vrai père,
auquel il portait une affection filiale véritable. Son personnage mériterait un
article plus complet, car ce brave homme était vraiment atypique. Connu pour son
homosexualité affichée, il provoqua quelques scandales et fit même quelques
séjours en prison, mais sa vie fut bien plus que cela !
Le Marquis de Villette était un homme bon et courageux. Il avait abandonné la charge d’avocat conseiller du roi au Châtelet, que son père lui avait acheté pour entrer dans la carrière des armes. Il avait acquis en 1757 la charge de maréchal des logis général de la cavalerie, puis en 1758 celle de mestre de camp de dragons, et en 1759 celle de premier aide de camp du prince de Condé. Il avait reçu en 1763 la croix de Saint-Louis à la suite de blessures au combat, en particulier à la bataille de Minden où son cheval avait été tué sous lui. Soucieux de son fils spirituel ou réel, Voltaire l’avait marié en 1777, chez lui à Ferney, à Reine Philiberte de Varicourt, que Voltaire n’appelait que « Belle et Bonne ».
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Reine Philiberte de Varicourt |
Dévoué à ses amis, le Marquis de Villette montra lors de la Révolution un vrai courage à soutenir ses opinions à la
fois contre les préjugés de la noblesse et contre les excès révolutionnaires.
Il fut l’un des rares qui osèrent condamner les massacres de septembre. Il fut également un
défenseur du droit des Femmes !
Accessoirement, Villette profita de la Révolution pour prendre la liberté d’effacer, à l’angle de l’hôtel qu’il possédait et qu’avait habité Voltaire, l’inscription : « quai des Théatins » pour y substituer « quai de Voltaire ». Il justifia cela en disant : « C’est chez moi qu’est mort ce grand homme, son souvenir est immortel comme ses ouvrages. Nous aurons toujours un Voltaire, et nous n’aurons jamais de Théatins »
Charles de Villette succomba à Paris le 7 juillet 1793, à l’âge de 56 ans de ce qu’on appelait alors une maladie de langueur et qui était probablement une grave dépression...
Un mot sur l'homosexualité sous la Révolution.
Je pense nécessaire de rappeler que la dépénalisation de l’homosexualité
constitue un des nombreux progrès apportés par la Révolution française. C’est en effet à l’automne 1791 que l’Assemblée constituante promulgua un nouveau code pénal
abolissant la criminalisation de la sodomie, (décision confirmée par le code
pénal de Napoléon de 1810). À partir de ce moment, les relations entre adultes
de même sexe ne furent plus jamais illégales en France. La dernière application
de la sentence pour fait de sodomie remontait à 1750. Il s'agissait des cas de
Bruno Lenoir et Jean Diot, qui après avoir été surpris sur le fait par un
sergent du guet, avaient été condamnés à être exécutés et qui périrent sur le
bûcher en juillet 1750. Le projet avait été porté par Jean-Jacques-Régis
de Cambacérès, député de l’Hérault aux États généraux, franc-maçon assumé et
accessoirement homosexuel. L’idée était de cesser de punir les « crimes
imaginaires », réputés sans victimes.
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Plaque commémorative posée devant le N°67 rue Montorgueil à Paris. |
Petit retour à notre ami Villette.
Malgré sa brillante carrière, cet aimable marquis se voulait être un écrivain. De mauvaises langues prétendent néanmoins qu'une part de son talent littéraire revenait à son secrétaire Claude-Marie Guyétand. Peu importe, je vous propose de lire via la fenêtre ci-dessous, l’éditions de 1788 des œuvres du Marquis de Villette. Cinquante-cinq éditions ont été publiées depuis la première en 1782, en 4 langues. (On trouve une réimpression de l'édition de 1923 pour seulement 25 € chez Amazon).
(Je suis heureux de posséder celle de 1782.)
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand