mardi 22 septembre 2020

22 Septembre 1789 : Le roi fait don de sa vaisselle d’argent pour aider à rembourser la dette nationale ! L’Assemblée apprend la nouvelle avec stupeur !

 Article mis à jour le 22/09/2023.

Ménagère en argent, style Louis XVI

Des donateurs inattendus !

    Souvenez-vous du 7 septembre dernier, lorsque des femmes étaient venues déposer leurs bijoux à l’Assemblée pour aider à rembourser la dette nationale. Depuis, l’Assemblée reçoit chaque jour des dons patriotiques. Mais aujourd’hui, le donateur n’est autre que Louis XVI ! Louis XVI fait don de sa vaisselle d’argent afin de participer au remboursement de la dette nationale.

    Nous apprendrons de la voix de Necker, lors de son discours de présentation de l'état des finances devant l'Assemblée nationale, que c'est lui qui a fait cette proposition au roi ! Proposition que le roi a accueillie avec empressement, et que l'apprenant, la reine a ordonné sur le champ de disposer également de toute sa vaisselle !

Source, page 140 : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5042_t1_0139_0000_6

Petit rappel. Comment en est-on arrivé là ?

    Durant des années, Louis XVI s’est heurté à l’hostilité de l’aristocratie qui l’a empêché de faire procéder aux réformes nécessaires pour renflouer les caisses de l’Etat par le biais de ses ministres successifs. La Noblesse ne voulait rien céder de sa richesse ni de ses privilèges. Les Assemblées des notables organisées en 1787 et 1788 ont échoué. Les parlements ont refusé d’enregistrer les lois nouvelles, et en manipulant le peuple pour qu’il se révolte, ils ont même contribué à créer une hostilité grandissante envers le pouvoir royal. C’est dans cette situation d’impasse que Louis XVI a dû se résoudre à convoquer les Etats Généraux, comme pour prendre à témoins l’ensemble de la société.

    Finalement (si l'on peut dire), les Etats Généraux, ont accouché de cette Assemblée nationale de notables, qui apprennent ce jour avec stupeur que le roi a fait don de sa vaisselle pour aider à rembourser la dette nationale...

Je vous laisse réfléchir un instant à tout cela.

Le couvert du roi, exposé à Versailles.

Voici la réaction de l’Assemblée nationale, lorsqu’elle apprend la nouvelle :

M. Boéry fait la motion suivante :

« Le sacrifice auquel le Roi s'est déterminé en envoyant son argenterie à la Monnaie, nous prouve assez qu'en voulant consacrer à jamais la liberté, il veut aussi rétablir l'ordre des finances. Un si généreux patriotisme est bien capable de donner l'éveil le plus puissant à tous les cœurs français.

Dans ce moment, lorsque la nation est rassemblée, souffrira-t-elle que le Roi se prive d'une superbe argenterie, le chef-d'œuvre de l'art, ouvrage des artistes les plus célèbres, et qui fait l'admiration de tous les princes étrangers ? Vous ne souffrirez sans doute pas, Messieurs, que le sacrifice auquel le Roi s'est déterminé s'accomplisse. Déjà vous avez annoncé que vous alliez décréter que les citoyens payeraient le centième de leur fortune ; les députés du Berry renouvellent ces engagements ; ils font leur soumission pour payer le centième de leur fortune, et leur soumission, ils l'ont déposée sur le bureau. »

Mirabeau répond :

« Je ne m’apitoie pas aisément sur la faïence des grands ou la vaisselle des rois ; je pense néanmoins, comme les préopinants, qu’il n’y a pas lieu à délibérer, mais par une raison différente : c’est qu’on ne porte pas un plat d’argent à la Monnaie qui ne soit aussitôt en circulation à Londres. »

Monsieur de Toulongeon voudrait qu’on prît des moyens plus grands et plus dignes d’une nation pour le paiement des dettes de l’Etat ; mais dans les calamités publiques, c’est le luxe corrupteur, ce sont les jouissances fastueuses et les richesses stériles qu’il faut sacrifier à la sûreté de la patrie.

Monsieur Deschamps parle avec éloquence, et intéresse l’Assemblée, enfin un cri presque général s’élève pour que Monsieur le Président se retire auprès du Roi, pour lui porter le vœu de l’Assemblée.

D’un autre côté, quelques personnes interrompent la discussion, et retardent la délibération.

Monsieur le Président observe que l’argenterie est peut-être déjà partie ; qu’il faut mettre beaucoup de promptitude dans la délibération.

Monsieur le Président parvient enfin à recueillir les voix, et presque à l’unanimité, il est décrété que Monsieur le Président se retirera sur le champ par devers le Roi pour le supplier de conserver sa vaisselle.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5026_t1_0099_0000_5

Le président s'est bien rendu auprès du roi et il en rend compte lors de la séance du 22 septembre :

Retour du Président et compte-rendu de sa visite au Roi, lors de la séance du 22 septembre 1789

On propose quelques amendements. Les choses étaient dans cet état, lorsque M. le Président est rentré.

M. le Président rend compte qu'il s'est, conformément aux ordres de l'Assemblée , retiré par devers le Roi, à qui il a dit : «Sire, l'Assemblée nationale a appris avec douleur la résolution que Votre Majesté a prise d'envoyer à la Monnaie sa vaisselle et celle de la Reine ; elle supplie Votre Majesté de révoquer cette résolution, ne pouvant regarder que comme sacrifices les plus pénibles pour elle et pour la nation, ceux qui seraient personnels à Votre Majesté. »

Le Roi lui a répondu : «Je suis fort touché des sentiments que l'Assemblée nationale me témoigne ; vous l'en assurerez de ma part ; mais je persiste dans une disposition que la rareté du numéraire effectif rend convenable. Ni la Reine, ni moi, n'attachons aucune importance à ce sacrifice. »

L'Assemblée a témoigné par des applaudissements unanimes la sensibilité de sa reconnaissance.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5028_t1_0101_0000_3


Etonnant, non ?


Et la Constitution ?

    Ah ! J'allais oublier ! L'Assemblée nationale constituante traite tant et tant de sujet important en une journée, que j'allais oublier que ses députés ont voté ce jour l'article 1 de la Constitution :

« Le gouvernement français est monarchique : il n'y a point en France d'autorité supérieure à la loi ; le Roi ne règne que par elle, et ce n'est qu'en vertu des lois qu'il peut exiger l'obéissance. »

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5027_t1_0100_0000_10


Post Scriptum :

    L’objet de mon modeste site n’est pas de lancer des polémiques. Mais tandis que je publie cet article, j’apprends que le Président de la République a fait dépenser au Trésor Public 930.000 € (presque un million !), pour rénover son bureau de l’Elysée. C’est vrai que c’est bien peu de chose au regard de l’immense dette publique du pays qui est de 2 358,9 milliards d'euros (soit 99,6% du PIB).

    Selon ma théorie, fort heureusement partagée par nombre de psychologues, ce genre de d'attitude résulte de comportements propres à l’espèce humaine, hérités de sa longue évolution. Le Président est soumis à ce déterminisme.

J'allais oublier la nouvelle vaisselle à 500.000 € achetée en 2018 !
Source : Capital (Journal que l'on ne peut qualifier de gauchiste)

Explication scientifique

    On peut résumer ainsi. Prenez le plus honnête et le plus désintéressé des hommes ; traitez-le comme un roi en le mettant dans un palais et en lui rendant les honneurs dus à un roi ; immanquablement celui-ci finira par se comporter comme un roi. Cela vaut aussi pour fabriquer une reine.

    La solution serait peut-être de transformer le Palais de l'Elysée en musée et de faire travailler le Président dans un immeuble de bureau normal. Je ne dis ça que pour aider.


La vaisselle d'or n'a pas été évoquée.

Argument réfuté !

    Que me dites-vous ? L'industrie du luxe enrichit le pays ? Oups ! Lisez mon article du 29 juillet 1789 à propos du décès du Baron d'Holbach, grand pourfendeur du luxe...



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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand