samedi 26 septembre 2020

26 Septembre 1789 : Le baron de Jessé revient sur le sujet brûlant des richesses de l’Eglise


Gravure anonyme de 1789 critiquant les richesses de l'Eglise
Source : Musées de la Ville de Paris

    Je ne peux pas bien sûr, évoquer tous les événements d'une seule journée. Mais je ne puis passer sous silence cette intervention du Baron de Jessé. Car nous verrons dans les semaines et les mois qui suivront, que les députés révolutionnaires de l'assemblée vont finir par un faire un mauvais sort aux richesses du Clergé. 

    Pour quelle véritable raison d'après-vous, iront-ils chercher dans les églises l'argent nécessaire au renflouement du pays ? 

    Par manque d'imagination ? En se contentant d'imiter le propre frère de Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II qui avait tant irrité le Pape par ses réformes religieuses ?

    Ou pour éviter de devoir eux-mêmes mettre la main à la poche ?

    Nous verrons qu'ils iront même jusqu'à orienter la colère du peuple contre l'église...

    Nous verrons tout cela le moment venu. Pour l'instant, écoutons le Baron...

M. le baron de Jessé :

"Messieurs, la justice doit passer avant l'enthousiasme. Le premier ministre des finances nous a proposé l'imposition du quart du revenu net de chaque citoyen ; personne ne doute moins que moi de ses lumières et de ce que peut faire le Français ; mais nous avons souvent remarqué que les efforts héroïques ne sont jamais que le produit delà confiance. S'il est une nation qui, dans la paix et dans la guerre, soit tout par la confiance et rien sans elle, c'est assurément la nôtre

Quelle sera la détermination de nos commettants lorsque, sans préjudice des impôts futurs, ils se verront demander le quart de leur revenu, lorsque le peuple qui ne calcule point, s'était imprudemment flatté d'une diminution dans ses charges ? Lorsque l'on apprendra que sur 20 millions de pensions faites par la cour, au lieu d'en supprimer 15 sur 20, il n'en sera supprimé que 5 ? Lorsqu'on ne verra pas la haute finance supprimée et tous les frais immenses de régie ? Le Français fera ce sacrifice et bien d'autres pour sa patrie ; mais il voudra être assuré que sa patrie sera bonne, qu'elle ne sera plus la patrie des plus insolents abus.

Il s'en faut bien, Messieurs, que ce quart de revenu, fût-il accordé, n'amenât pas les plus grands retards dans le payement ; il sera peut-être impossible ; ceux qui connaissent les provinces vous diront combien l'argent y est rare ; que le cultivateur y a à peine vendu sa récolte, qu'il est obligé d'employer une grande partie de son produit en frais de nouvelle exploitation ; que par cette raison ou par d'autres, il en est peu qui ne soient obérés ; qu'il n'y a peut-être pas en France deux cent mille particuliers qui aient le quart de leur revenu net disponible. Si vous le demandez à l'amiable, beaucoup se croiront fondés, sur leur détresse, à ne pas l'envoyer ; si vous en voulez forcer le payement, je vous prie de considérer que jusqu'à ce que la nation soit heureuse, il sera imprudent de lui commander autre chose que ce qu'elle voudra.

Il faut des moyens prompts, des moyens possibles ; nous rougirions devant ceux qui nous ont honorés de leur confiance, si, avant de leur demander des devoirs nécessaires, nous ne frappions pas sur des richesses immenses., des richesses mortes, des richesses dont le remplacement se fera presque sans aucuns frais. Ces richesses sont l'argenterie de toutes les églises ou monastères de France ; de ces richesses qui en mériteront véritablement le nom si elles sont employées à épargner l'obole du pauvre et à solder notre liberté.

Un habile calculateur fait monter l'argent orfévré du royaume à un milliard, ce qui est assurément le calcul le plus modéré ; évaluons que l'argenterie des églises compose seulement le septième de cette somme et je crois encore ne pas 1 exagérer, voilà une somme de plus de 140 millions ; il n'est pas besoin de vous faire sentir l'avantage d'une pareille somme dans un pareil moment.

Ce n'est pas devant une Assemblée aussi éclairée qu'il est besoin d'exercer une pareille émotion ; si un conseil honteux pouvait sauver la nation française, je dirais, il lui appartient dépérir, mais notre respect pour l'Etre suprême ne sera point douteux. Son luxe est dans la magnificence de la nature qu'il a ordonnée pour nos besoins et non dans les présents mesquins de la vanité des hommes."

M. Le Clerc de Juigné, archevêque de Paris, demande la parole et dit :

"Messieurs, nous avons vu l'Eglise consentir au dépouillement des temples pour secourir les pauvres et pour subvenir aux besoins de l'Etat ; ces exemples que nous offre l'histoire nous déterminent, au moins c'est le vœu de tous les confrères qui m'environnent, de soutenir l'Etat par la portion de l'argenterie qui n'est pas nécessaire à la décence du culte divin. Je propose de faire ce dépouillement de concert avec les officiers municipaux, les curés et les chapitres."

M. Glezen :

"Messieurs, il faut un décret exprès de l'Assemblée nationale pour autoriser la veille de l'argenterie des églises. Les évêques et le clergé n'ont pas le droit d'en disposer parce qu'elle ne leur appartient pas."

Jean-Marie Pelauque-Béraut
M. Pelauque fait une autre motion tendant à donner aux églises des reconnaissances du produit de la fonte de l'argenterie avec intérêt à 4 % au profit des pauvres.

Divers membres demandent à aller aux voix sur la motion de M. le baron de Jessé.



Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5052_t1_0192_0000_10

Le 29 septembre, l'Assemblé nationale finira par décider la saisie de l'argenterie non nécessaire au culte.



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Bien cordialement
Bertrand