mercredi 23 septembre 2020

23 Septembre 1789 : L'Assemblée s'intéresse à l’Eglise Catholique Romaine, mais Gallicane.

Réformer l'Eglise ? Pourquoi pas ? Tant de souverains l'avaient déjà fait depuis Philippe le Bel, jusqu'au propre frère de Marie Antoinette !

Jean-Baptiste Treilhard

    Ce mercredi 23 septembre 1789, parmi les nombreux sujets traités par la laborieuse Assemblée, le Comte Jean-Baptiste Treilhard, un des membres du comité des affaires ecclésiastiques, présente un rapport sur le remplacement des dîmes appartenant aux ecclésiastiques et gens de mainmorte.
    Le rapporteur explique que les dîmes ecclésiastiques abolies les 4 août et jours suivants, ne l'ont été que sauf à pourvoir d'une autre manière aux frais du culte divin et autres objets énoncés dans l'arrêté, en sorte qu'il en résulte qu'elles n'ont pas été abolies sans remplacement.

    Le premier moyen de remplacement devrait être tiré des bénéfices qui sont aux économats, moyen insuffisant ; le second devrait être trouvé dans le titre des bénéfices qui ne sont pas nécessaires et qui viendront à vaquer ; le troisième se trouve dans les biens monastiques.


    M. Treilhard pense qu'il ne faut pas supprimer d'ordre entier, parce que les pensions des membres de ces ordres absorberaient tous les revenus, mais qu'on doit seulement faire refluer les religieux de plusieurs maisons moins considérables, dans un certain nombre de maisons du même ordre, alors on pourra disposer des biens des maisons évacuées ; mais jusqu'à quel point trouvera-t-on des ressources dans ces opérations ? On ne pourra le savoir qu'en se procurant la connaissance de tous les biens ecclésiastiques.

C'est pour pourvoir à ces connaissances préliminaires que le comité ecclésiastique propose le projet d'arrêté suivant :

« L'Assemblée nationale autorise le comité des affaires ecclésiastiques à se procurer tous les renseignements nécessaires sur les dîmes et sur les biens ecclésiastiques. »

(Cette partie du rapport est adoptée.)

M. Treilhard proposait en outre :

1° Qu'il sera fourni par le directeur des économats un état exact de tous les bénéfices étant actuellement aux économats, de tous leurs revenus, de toutes les charges dont les économats peuvent être grevés, même des états des revenus de tous les bénéfices consistoriaux qui ont été aux économats ;

2° Que le Roi sera instamment supplié de suspendre la nomination à tous bénéfices étant à sa disposition, autres toutefois que les évêchés et bénéfices à charge d'âmes et à résidence, et les bénéfices simples dont le revenu est au-dessous de 3,000 livres ;

3° Qu'il sera fourni par les administrations provinciales, municipalités, chambres ecclésiastiques, syndics des diocèses, procureurs généraux, archevêques, évêques, chefs d'ordres et supérieurs de maisons, un état exact de tous les titres de bénéfices, établissements ecclésiastiques, hôpitaux, collèges, séminaires et communautés étant dans leur ressort, avec un état de tous les revenus desdits bénéfices et établissements ainsi que des charges dont lesdits revenus et notamment les dîmes peuvent être grevés ;

4° Toute personne qui peut avoir des connaissances particulières sur la valeur des biens ecclésiastiques est invitée à les fournir.

5° Enfin l'Assemblée nationale charge le comité des affaires ecclésiastiques de suivre avec soin l'exécution du présent arrêté.

L'Assemblée ne statue rien sur ces cinq articles.

M. Treilhard n'insiste pas pour que la discussion continue.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5037_t1_0125_0000_7 

Inventaire ?

    Vous aurez remarqué que le sujet de l’inventaire de tous les biens ecclésiastiques est à peine effleuré. Mais soyez certains que ce sujet va devenir particulièrement brûlant, car dans cette France au bord de la faillite, l’Eglise est immensément riche.


Eglise gallicane ?

    Le comité Ecclésiastique avait été établi par un décret de l’Assemblée nationale constituante du 12 août 1789, commun aux comités de Judicature et Féodal. Tous trois avait été chargés de préparer le travail législatif relatif aux anciens droits supprimés lors de la fameuse nuit du 4 août. Au comité Ecclésiastique revenait la question de la dîme, dont le remplacement avait été proposé par les députés du clergé eux-mêmes, mais dont le mode de compensation divisait l’Assemblée. Plus généralement, le comité était chargé de préparer une réforme de l’Église gallicane.

    Peut-être êtes-vous surpris par cette dénomination de l’église, comme gallicane ? Le gallicanisme remonte pourtant à Philippe le Bel, dont les hommes de loi avaient commencé à concevoir cette doctrine, quand ce roi s’opposait au pape Boniface VIII. Il s’agissait pour le roi de marquer l’indépendance du pouvoir temporel, c’est-à-dire son pouvoir, par rapport au pouvoir spirituel qui était du domaine du Pape. Le pape avait publié une bulle le 18 novembre 1302, dans laquelle il affirmait :

« Il est de nécessité de salut de croire que toute créature humaine est soumise au pontife romain : nous le déclarons, l’énonçons et le définissons. » 

    Philippe Le Bel avait très mal pris cette ingérence du pape dans les affaires de son royaume, qu'il entendait gouverner à sa guise. Il avait même essayé de faire enlever ledit pape pour le faire remplacer.

    Nous nous sommes éloignés de l'époque de la Révolution, mais la Nation dont nous reparlerons souvent, s'est construite durant des siècles. Je me permets de vous conseiller l'écoute de cette passionnante émission de France Culture évoquant Philippe le Bel, le roi qui inventa une monnaie royale, dans le but d'affirmer sa légitimité sur son royaume si fragmenté.

Lien : https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/chroniques-de-linterventionnisme-14-philippe-le-bel-ou-linvention-de-la-monnaie-unique

Philippe le Bel et ses légistes

    On verra très souvent, au cours de l’histoire de France, le roi s’opposer au pape et tenter de mettre de la distance entre l’église de France et le Vatican. Cela n’atteindra jamais le stade du schisme, comme ce qui est arrivé en Angleterre avec l’Anglicanisme, que les gens confondent souvent à tort avec le Protestantisme (Les Anglais ne sont pas Protestants). Mais cela imprégnera fortement la politique des rois. Il s’agit en quelque sorte d’une première tentative de séparation de l’église et de l’état, 600 ans avant celle de 1905.


Périlleuses réformes de l'Eglise.

    Comme les rois avant eux, les constituants vont donc tenter de réformer l’Eglise Catholique et Romaine, en essayant, une fois de plus, de la détacher du pouvoir du pape.

    Certains rois de France, comme Charles IX et Henri III, procédèrent même en leur temps à d'importantes ventes de biens du Clergé.

    Mais de cela, on ne vous parle jamais bien sûr. Dans l'esprit de tous, il n'y a que la grande méchante révolution qui a malmené le richissime clergé ! Même les décapitations de statues des saints sur les églises, causées pour la plupart par les Protestants dans les guerres de religions, sont attribuées systématiquement à la Révolution !

Lire cet article : Les aliénations du temporel ecclésiastique sous Charles IX et Henri III (1563-1587)


    Savez-vous que Joseph II, l'empereur du saint-empire Romain d'Autriche Hongrie, le propre frère de Marie-Antoinette, avait déjà lui-même procédé à d’importantes réformes de l’Eglise dans son empire, en vendant lui aussi des biens ecclésiastiques et en fermant des couvents ? Il était même entré en conflit ouvert avec le pape à cause de cela. Raison pour laquelle le Pape verra d'un très mauvais oeil cette réforme française et qu'il réagira très très mal à la publication de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Joseph II


    Joseph II fut surnommé l'Empereur révolutionnaire. Il 
publia à lui seul des milliers de décrets en 10 ans ! Sa doctrine de réformes pris le nom de Joséphisme. Je vous conseille de vous intéresser à la vie de ce "despote éclairé" dont la devise était "Tout pour le peuple, rien par le peuple"...

    Quel dommage que la pauvre Marie-Antoinette n'ait pas eu les talents de son frère. Elle et Louis XVI s'en seraient mieux portés...


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Bien cordialement
Bertrand