dimanche 20 septembre 2020

20 septembre 1789 : Emeutes de femmes pour le pain (Avant-goût du 5 octobre prochain.)

 


Femmes en colère !

    Depuis l'affaire du boulanger de Versailles, pendu, dépendu puis caché le 16 septembre dernier, il ne s'est pas passé de jour sans quelque trouble relatif au pain.

    Le 16, à Paris, dans le quartier de l'Hôtel de ville, les boulangeries étaient vides dès six heures du matin ; à onze heures, le même jour, une femme résolue a arrêté hardiment, à Chaillot, cinq voitures de grains qui se dirigeaient vers l'École militaire ; deux des conducteurs se sont sauvés par crainte de la foule ; les trois autres ont consenti à prendre le chemin de la place de la Grève, devant l'hôtel de ville de Paris !

    Le 17, une multitude de femmes, désespérées par la faim, par les cris de leurs enfants, et par leurs longues stations aux portes des boulangers, se sont amassées devant l'Hôtel de ville. Elles ont dit hautement que « les hommes n'y entendaient rien, » qu'elles voulaient se mêler des affaires, et que tout irait bien alors.

   Le 18 septembre, les représentants de la Commune de Paris ont été accusés ouvertement de négligence, de trahison. Place des Trois-Maries (au droit du Pont Neuf, au bout de la rue de la Monnaie), ce sont encore des femmes qui ont arrêté un chariot de sacs de grains ; elles l'ont amené triomphalement au district de Saint Germain l'Auxerrois. Elles se sont mêlées au cortège de la paroisse de Saint-Jean de Belleville, qui se rendait à Sainte- Geneviève.

    Le soir se sont formés des attroupements d'affamés "ou prétendus tels", comme disent certains (Toujours beaucoup d'allusions de ce genre à l'époque), sur le Pont-au-Change et le pont Notre-Dame.

    Les faubourgs, heureusement, sont mieux approvisionnés que l'intérieur de la ville.

    Un avocat s'est avisé d'écrire que les boulangers mettaient de la chaux dans leur pain : la brochure a été publié par l'imprimeur Claude François Maradan, 42 rue Saint-André-des-Arts, en l’hôtel de Châteauvieux. Des boulangers du quartier se sont portés en foule chez cet imprimeur, et ont menacé de le "lanterner", c'est-à-dire de le pendre à une lanterne. Il a dit qu'il n'avait point lu la brochure, et en a nommé l'auteur, afin de détourner l'orage. La chose s'est arrêtée là.

    Hier, 19 septembre, dans l'après-midi, la ville de Chartres a fait convoyer à Paris trente voitures de farine gardées par sa garde nationale, commandée par trois officiers. Elle en a promis la même quantité pour chaque semaine et a fait demander aux représentants de la Commune de contracter une alliance de fraternité avec Paris. Les membres de l'escorte ont été fêtés au Cadran bleu, puis à l'Opéra, comme des sauveurs.

    Dans son courrier du 22 septembre rédigé par l'avocat Adrien-Joseph Colson à son ami de Province, celui-ci évoque les 400 sacs de pain envoyé par la ville de Chartres. Il lui raconte également qu'un corps de volontaires de 1200 hommes qui s'est formé à Rouen a fait demander une pareille alliance pour cette ville et, en mémoire dit ce corps, du service à jamais mémorable que Paris a rendu à toute la France, tous ses membres ont prêté et seront tenu de prêter serment à l'avenir d'escorter à jamais tous les convois qui auront leur destination pour cette capitale. Il ne précise pas qui paiera les frais.

    Nous verrons le 5 octobre prochain que ce seront les femmes de Paris qui dans leur quête de pain, feront prendre un tour nouveau à la Révolution !

Poissardes parisienne
(Gravure allemande)



Entre autres sources :
"Lettres d'un bourgeois de Paris à un ami de Province, Adrien-Joseph Colson"

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Bien cordialement
Bertrand