samedi 4 juillet 2020

4 Juillet 1776 Les 13 colonies font sécession

Article mis à jour le 4 JUILLET 2023

Independance day aux USA !

"Yippee !" Aujourd’hui 4 juillet, c’est la fête nationale aux USA. Nos amis américains fêtent la déclaration d’indépendance des 13 colonies britanniques vis-à-vis de la Grande Bretagne, votée le 4 juillet 1776. Bonne fêtes les amis !
    Mais bon, connaissez-vous vraiment la raison de cette déclaration d’indépendance américaine ?

La proclamation du roi fou...
    Peu de gens ont entendu parler de la proclamation de 1763 par le roi de Grande Bretagne George III d'Angleterre, surnommé le roi fou. Pourtant, celle-ci fut lourde de conséquences…
Portrait de George III en 1762.
    Cette proclamation royale fut délivrée le 7 octobre 1763 par le roi George III à la suite de l'acquisition par la Grande-Bretagne de territoires français, après la fin de la Guerre de Sept Ans (1756-1763)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e4/Declaration_of_Independence_%28USA%29.jpg
    Cette guerre de Sept Ans fut le premier conflit européen qui puisse être qualifié de guerre mondiale. Connue pour ses combats en Amérique du Nord sous le nom de French and Indian War, elle avait opposé la Grande-Bretagne à la France et à l'Espagne et elle avait vidé les caisses de la Couronne britannique. À l'issue du conflit, la dette britannique liée à la guerre s'élevait à 317 000 000 £. Lord Jeffery Amherst, Commandant en chef des forces royales en Amérique du Nord, estimait à 10 000 le nombre de soldats nécessaire au maintien de la paix dans les territoires nouvellement acquis. Le gouvernement décida donc de garder dans les colonies une armée de plusieurs milliers d'hommes, dont le coût de maintien avoisinait les 300.000 £ annuels. Alors que les treize colonies étaient prospères, la Grande-Bretagne subissait une crise économique. Londres décida qu'une partie des frais de guerre et du maintien des troupes serait supportée par les colons américains.
    La proclamation royale de 1763 avait trois principaux objectifs : organiser l’empire colonial britannique en Amérique du Nord et pacifier les relations avec les Amérindiens surtout après la révolte de Pontiac afin d'éviter la spéculation foncière. 

27 avril 1763, Pontiac, le chef des Indiens outaouais
appelle ses compatriotes à se soulever contre les Britanniques.

    La Proclamation visait également à apaiser les craintes indiennes vis-à-vis d’une arrivée massive de paysans blancs sur leurs territoires. « La Frontière » attirait les migrants en quête de terres comme les Écossais suivis par les Allemands. L'épuisement des sols à l'est des Appalaches et la pression démographique accentuèrent la faim de terre des colons.
  Cette proclamation avait donc pour but d'organiser les vastes et nouvelles terres britanniques de l'Amérique du Nord, et de stabiliser les relations avec les Amérindiens en réglementant la traite des fourrures, la colonisation et l'achat des terres à la frontière occidentale. La proclamation royale de 1763 avait aussi pour but d'assimiler les colons francophones, pour faire du Québec une vraie colonie britannique. Elle est également connue sous les appellations anglaises « Indian Bill of Rights » ou « Magna Carta for Indian affairs ».

Coup d'arrêt à la conquête de l'Ouest !
    La Proclamation de George III interdisait aux habitants des treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest des Appalaches. La Couronne se réservait une partie du bois américain ainsi que le monopole dans l’acquisition des terres indiennes ; elle garantissait la protection des peuples indiens. Londres avait prévu la construction de forts britanniques le long de la limite de colonisation ; ce dispositif devait permettre le respect de la Proclamation mais aussi favoriser le commerce des fourrures avec les Indiens. Le gouvernement britannique estimait que ces avant-postes assuraient la défense des treize colonies et que leur financement revenait donc aux colons.

    La Proclamation royale de 1763 souleva le mécontentement des colons américains qui s’étaient déjà implantés dans ces territoires indiens. Ils devaient rendre la terre et revenir dans les treize colonies.
Vous comprenez pourquoi on appela George III le roi fou ?...

Caricature du londonien Matthew Darly
"Pauvre vieille Angleterre s'efforçant de récupérer ses méchants enfants américains"

Révolte fiscale
    Alors oui, bien sûr, on vous raconte que les colons américains se sont révoltés contre les méchants anglais qui imposaient, entre autres, une insupportable taxe sur le thé ou les journaux. Vous avez tous entendu parler du Boston Tea Party de décembre 1773, lorsque des colons (déguisés en indiens !?) se révoltèrent et jetèrent à la mer la cargaison de thé de trois navires anglais venus des Indes. Ces contraintes fiscales étaient effectivement en violation avec la loi anglaise qui stipulait qu'aucun citoyen britannique de devait payer un impôt qui n'ait été consenti par lui-même ou ses mandataires, et les colons n'avaient effectivement pas de représentants au parlement anglais.
    En 1774, les représentants des colonies, réunis en congrès, affirmèrent dans une déclaration solennelle le droit de tous les peuples de participer à l'élaboration des lois les concernant (à l'exception bien sûr des Amérindiens et des Afro-Américains.)

Quelle liberté ?
    On nous présente la révolte de ces colons en 1775 comme un combat pour la liberté. Mais de quelle liberté s’agissait-il selon vous ? La liberté des esclaves dans les plantations ? La liberté des Indiens qui allaient ensuite subir un vrai génocide ? Pas vraiment. La liberté dont il était question, c’était juste la liberté de commercer, celle que réclameront les révolutionnaires Girondins, ceux qui souhaitaient que la devise de la France soit « Liberté égalité propriété ». Ah bon ? Vous êtes déçus ? Désolé.

Si on parlait du Canada ?

    Beaucoup l'ignorent, mais en 1775, deux armées américaines, voulant affaiblir la position des Britanniques en Amérique du Nord, envahirent le Canada. L'une avança le long du lac Champlain, prit Montréal et marcha sur Québec. Elle y rejoint une seconde armée arrivée difficilement par voie terrestre à travers le Maine. Le 31 décembre 1775, une force de soldats réguliers britanniques et de miliciens francophones et anglophones infligèrent une cuisante défaite aux assaillants. Les Américains demeurèrent à l'extérieur de Québec, souffrant du froid, de la faim et de maladies. En mai 1776, des troupes régulières britanniques et des troupes engagées dans les provinces allemandes de Brunswick et de Hess-Hanau arrivèrent en renfort par mer, et les Américains se retirèrent. (Source Musée canadien de la guerre. et History Map)

    Mais ils n’en avaient pour autant pas fini avec les Canada puisque les USA tentèrent de l’envahir de nouveau en 1812. Ils échouèrent mais ils eurent plus de succès en 1848 contre le Mexique dont ils annexèrent la moitié du territoire, du Texas à la Californie.


Washington et La Fayette à Valley Forge


Et la France dans tout cela ?
    Ah oui, j’oublie de vous dire qu'à partir de 1777 la France aida, en hommes, en argent, en fusils et canons, lesdits américains durant toute cette guerre qui ne se termina qu'en 1783. Comment pouvait-il en être autrement, après la défaite de la France face à l'Angleterre à la fin de la terrible guerre de sept ans ?
    L’aide de la France fut tellement considérable qu’elle causa la ruine de nos finances. Face à l’opposition des nobles et du clergé qui refusèrent toutes les propositions de réformes fiscales lors des « Assemblées des notables » organisées en 1787 et 1788, le roi Louis XVI accepta la proposition du Tiers Etat d’organiser des Etats Généraux. La suite, vous la connaissez...

Dette de guerre...
    Encore un petit détail. Il faut savoir que les Américains refusèrent de payer leur dette à la France (24 millions) et qu’ils se réconcilièrent rapidement avec les Anglais, sur notre dos, évidemment. Lisez cet article : "27 octobre 1789, Necker invite Morris pour lui suggérer que les Etas-Unis remboursent leur dette à la France"
    Mais ne soyons pas ingrats, ils nous ont quand même sacrément aidés lors des deux précédentes guerres mondiales. De nombreux cimetières sont là pour un témoigner.
    

Liberté, terreur, légendes dorées ou noires...
    Ne faisons pas trop de mauvais esprit à l'encontre du discours de liberté de nos amis américains. Nous savons trop bien comment s'éteindront les rêves de liberté de la Révolution française. L'Histoire sert aussi, quoi qu'on en dise, à raconter de belles histoires qui font rêver les gens. Des mythes fondateurs et autres légendes dorées, qui lorsqu'ils sont partagés par un même peuple, constituent le ciment du contrat social.
    Les Américains sont particulièrement doués pour la glorification de leur histoire, comme de leur culture en générale. Ils appellent cela le soft power. Contrairement à notre Révolution, leur Révolution a été écrite par les vainqueurs. Raison pour laquelle leur révolution, largement aussi sanglante que la nôtre n'est pas entachée d'une légende noire. Leurs historiens sont horrifiés par notre Terreur qui ne dura que 17 mois. Mais comment appeler le génocide des Indiens, l'esclavages des africains et la ségrégation raciale dont les lois ne furent abolies qu'en 1964 ? Sinon une forme de Terreur qui dura près de deux siècles ?

    Regardez cet extrait du magnifique film Barry Lyndon de Stanley Kubrick qui représente une bataille durant cette guerre en Amérique.




Alors bonne fête amis Américains !
    Je ne me moquais donc pas lorsque je souhaitais une bonne fête à nos amis américains. L'histoire n'a jamais été une discipline simple. Elle fait partie des sciences humaines. Elle est donc souvent sujette à interprétations.

Et tout ce qui est prétexte à se rassembler et faire la fête est une bonne chose !


Merci de votre lecture.

Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset.


Post Scriptum :
    Tous les Américains n'ont pas la même vision de cette guerre d'indépendance. Je vous conseille le lire cet article sur ce site au nom bien surprenant "JACOBIN" : Défense de la Révolution américaine.

Emeutes du Stamp Act à Boston en 1765

    Si vous souhaitez une lecture plus traditionnelle, avec des Anglais méchants et des Indiens cruels, je vous propose cet excellent article, très détaillé du site HistoryMaps.





Cet article a été publié initialement sur ma page Facebook :
"Les estampes révolutionnaires du Citoyen Basset"
(N'hésitez pas à vous y abonner) 😉

mardi 30 juin 2020

30 Juin 1789 : Libération par le peuple des soldats des Gardes françaises emprisonnés


Du jamais vu !

    Du jamais vu à Paris (ni ailleurs), ce 30 Juin 1789, entre 7 et 8 heure du soir, Onze soldats appartenant au régiment des Gardes Françaises, prisonniers dans l'Abbaye Saint Germain, pour faits d'insubordination, sont délivrés par une foule "d'honnêtes particuliers", comme les appelle le Journal des Révolutions de Paris dans l'illustration figurant dans son N°28. Bientôt certains désigneront ces "honnêtes particuliers", par des qualificatifs moins bienveillants, tels que bandits ou populace.

    Ces soldats avaient été emprisonnés car ils avaient refusé d'obéir à l'ordre de tirer sur la foule à Versailles. Les hussards et les dragons envoyés pour rétablir l’ordre refusèrent eux aussi de charger la foule et ils s'écrièrent : « Vive la Nation ! ». Une autre version affirme qu'ils se sont plaints de l'excessive sévérité de leur colonel.

    Ces refus par les soldats de différents régiments d'obéir aux ordres, nous permettent de mieux comprendre certains événements majeurs du mois de juillet 1789.

    Les Grades françaises constituaient un corps d’élite très populaire. Ils étaient disséminés partout dans la capitale et avaient progressivement créé des liens amicaux avec la population. Soldats, sous-officiers, petits artisans, commerçants et journaliers se rendaient compte qu’ils partageaient les mêmes opinions. Peu à peu ces militaires s’étaient laissé gagner par les idées révolutionnaires qui courraient dans Paris.

Nous les verrons en effet bientôt agir dans ce sens…

Les Gardes françaises.

Un évènement qui a étonné.

    L'événement a beaucoup marqué, puisque j'ai retrouvé 4 gravures différentes, dont une imprimée aux Pays-Bas.

 


 






mercredi 24 juin 2020

24 Juin 1789 : Une fessée donnée en public au Palais-Royal (réflexions sur la fessée patriotique)

Article mis à jour le 31 juillet 2023.

    Ce 24 juin 1789 un événement a marqué les esprits au point de d'être à l'origine de nombreuses estampes. Une fessée aurait été donnée en public dans les jardins du Palais-Royal. Mais qui a-t-on fessé réellement ? Selon certaines estampes, une dame de qualité qui aurait craché sur le portrait de Necker et selon d'autres estampes, un abbé insolent. Mystère.


La colère du Peuple.

    Ces événement que l'on peut trouver à première vue, cocasses mais insignifiants, révèlent en fait la colère du peuple envers certaines catégories sociales. La plupart du temps, ce sont des femmes qui ont été les actrices de ces expéditions punitives.

La semaine fouettarde d'avril 1791.

    Il y aura d'autres fessées célèbres durant la Révolution. Les plus connues sont celles administrées entre les 10 et 17 avril 1791, à Paris principalement, mais en province aussi.

    Le Docteur Robinet, dans son ouvrage intitulé « Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution (1789-1801) » évoque en page 464 les fustigations infligées à des religieuses et des prêtres :

« Au nombre des premières violences contre les personnes, doivent prendre place d'ignobles excès qui se produisirent non seulement à Paris, mais dans un certain nombre de villes.

Nous transcrivons la notice du Dr Robinet.

« Toutes les chapelles des couvents et des hôpitaux restaient le lieu d'élection des intrigues et des conspirations catholiques et royalistes.

C'est ainsi que le comprit la partie de la population de Paris (et d'ailleurs) qui était attachée à la Révolution ; aussi y eut-il sur plusieurs points de la capitale des religieuses que des femmes patriotes ne craignirent pas de fouetter publiquement.

« Ces exécutions populaires, sorte de châtiment civique, eurent lieu du 10 au 17 avril, quoique les ordres monastiques qui en furent atteints se trouvassent assez nombreux : les sœurs de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine ; les Miramionnes, sur le quai du même nota (aujourd'hui quai de la Tournelle) ; les Récollettes, de la rue du Bac ; les Filles du Précieux Sang ; les Filles du Calvaire et surtout les sœurs Grises, dont les maisons étaient situées dans les paroisses de Saint-Sulpice, Saint-Laurent, Sainte-Marguerite, la Magdeleine et Saint-Germain-L'auxerrois.

« S'il faut en croire les brochures et journaux du temps, trois cents religieuses, y compris quelques prêtres et quelques dévotes laïques, auraient subi cette correction de la part des marchandes de la Halle, du marché de la place Maubert, etc., auxquelles s'étaient jointes, dans les différents quartiers, mais surtout au faubourg Saint-Antoine, des femmes du peuple, voire des héroïnes (1) des 5 et 6 octobre.

« Partout le motif de cette répression extra légale était, nous l'avons dit, que ces maisons devenaient ostensiblement le refuge des prêtres non-jureurs et des nobles qui conspiraient contre le nouvel état de choses ; les couvents leur étaient ouverts, les premiers y étaient logés et nourris, et y recevaient, sous prétexte de conférences religieuses, les aristocrates des deux sexes et leurs agents, ainsi que la foule demeurée fidèle à l'ancienne Église et à l'ancien régime. On y prêchait la résistance aux nouvelles lois, la haine et le mépris des prêtres constitutionnels et de l'Assemblée nationale. On y recevait les mots d'ordre de Rome et de Coblentz, que les élèves mêmes des religieuses colportaient dans leurs familles.

« La verve gouailleuse et brutale avec laquelle sont rapportées ces violences dans les brochures du temps nous interdit malheureusement d'en donner des extraits.»

    Ce livre du Dr. Robinet est entièrement consultable sur le site Internet Archives :
 
https://archive.org/details/lemouvementreli00euggoog 

    La gravure ci-dessous illustre une fustigation infligée le 6 avril 1794 aux sœurs grises, après la messe par des "ennemis des servantes de dieu".


    Voici d'autres estampes illustrant ces fessées de la semaine Pascale de 1791. Plus d'info dans cet article du site Sciences Humaines.

 
 
 

    A noter que cet événement tragicomique choqua profondément nos amis Britanniques, au point qu'ils en firent une illustration à leur façon, l'année suivante, en 1792.

Plus d'infos sur les fessées révolutionnaires.

    Si vous souhaitez en apprendre plus sur ce sujet brûlant, je vous propose de lire ces deux articles :

    Celui, d’Annie Duprat qui parle de fesses et de fessées sous la Révolution : « La trésorière des Miramionnes n’avait qu’une fesse… »

    Et cet autre, lui aussi fort intéressant : "Tu la veux ta bonne fessée ?"

    Ce document à télécharger est également très bien ! : "Entre scatologie et fantasmes sexuels, le cul et son imaginaire".

D'autres fessées ?

    Voici trois autres estampes représentant la célèbre fessée infligée à Théroigne de Méricourt le 16 mai 1793.

  

L'art de la fessée, ou de l'utilité de celle-ci...

    Si votre soif d'érudition vous incite à en apprendre toujours plus, vous pouvez éventuellement lire cet ouvrage publié en 1788, intitulé :"Traité du fouet, ou Aphrodisiaque externe".

  


Une conclusion ?

    Là encore, de même que pour la violence, la fessée ne fut pas l'apanage de la Révolution. Cette pratique était déjà fort appréciée sous l'Ancien régime, comme le démontre si brillamment l'ouvrage que je vous ai proposé ci-dessus, ainsi que ces trois dernières illustrations :

 

    La gravure ci-dessous (une préparation à la fessée) fait partie des nombreuses images illustrant le livre du Marquis de Sade "Justine ou les malheurs de la vertu". C'est aussi une des moins choquantes, je vous assure. Car certaines des illustrations sont très "difficiles".

Désolé... 😉

vendredi 19 juin 2020

19 Juin 1789 : Fondation du journal « Le Point du Jour » par Bertrand Barère

 

    Je partage avec vous cette nouvelle source d’information numérique. Il s’agit du journal fondé par Bertrand Barère, dit Barère de Vieuzac « Le Point du Jour, ou Résultat de ce qui s’est passé la veille à l’Assemblée Nationale ». Son objet était de rendre compte des discussions et décrets de l’Assemblée et donner son avis sur les réformes à mettre en place. Ce journal connu un grand succès. Bertrand Barère publia son journal jusqu’au 31 septembre 1791.

Vous vous doutez bien que j’y jette un œil de temps en temps pour alimenter ma chronique. Mais comme je suis partageur, je vous ouvre une fenêtre sur ledit document, en bas de cet article !

Voici tout de même un court extrait de la fiche Wikipédia de Bertrand Barère, pour lequel j’éprouve une certaine sympathie.

"Bertrand Barère dit Barère de Vieuzac, né le 10 septembre 1755 à Tarbes, où il est mort le 13 janvier 1841, est un homme politique de la Révolution française et juriste français.

Bertrand Barère

Avocat méridional, élu à la Constituante, puis à la Convention où il est une des têtes politiques de la Plaine (la majorité des députés) avant de se rallier comme elle et jusqu’au 9 thermidor à la Montagne, menée par Robespierre, Bertrand Barère est l'un des orateurs les plus importants de la Révolution : l’énoncé de ses motions et de ses rapports occupe plus de douze colonnes du Moniteur, contre huit pour Robespierre et deux pour Danton.

Rapporteur attitré du Comité de salut public (où il détient le record de longévité : dix-sept mois), ses discours lui valent un succès prodigieux à la Convention : il est l’aède des soldats de l’an II avec ses carmagnoles et donne un visage avenant, par sa verve, aux mesures d’exceptions du gouvernement révolutionnaire (Wikipédia qui est de parti pris, qualifie les mesures de « terroristes »).

Proscrit sous le Directoire, amnistié sous le Consulat et l’Empire, exilé sous la Restauration, rentré en France sous Louis-Philippe, il meurt à 85 ans, conseiller général à Tarbes. Pendant cette dernière période, il sera élu à trois reprises député par les électeurs des Hautes-Pyrénées : 1797, 1815, 1834, ces élections, sauf celle des Cent-Jours, étant à chaque fois annulées par les pouvoirs en place."


dimanche 7 juin 2020

7 Juin 1789 : La famille royale frappée par le malheur. Mort du Dauphin Louis Joseph Xavier François

 

Portrait présumé de Louis Xavier François de France


    Louis Joseph Xavier François de France, né 22 octobre 1781, fils aîné de Louis XVI et de Marie-Antoinette, deuxième enfant du couple royal, s'éteint ce jour à Meudon.

    Louis XVI, accablé de douleur, demanda qu'on reculât la demande d'audience de la délégation du tiers état de quelques jours, le temps de faire son deuil. Les députés refusèrent.

« N'y a-t-il pas de pères dans cette assemblée du tiers ? » demanda-t-il alors.

    Marie-Antoinette écrira à son frère Léopold le 17 décembre 1790 : « À la mort de mon cher petit Dauphin, la Nation n'a pas seulement eu l'air de s'en apercevoir. À partir de ce jour-là, le peuple est en délire et je ne cesse de dévorer mes larmes ».

    Le malheureux enfant souffrit toute sa vie de très fortes fièvres. Une rumeur disait que sa nourrice Geneviève, surnommée Madame Poitrine lui avait transmis la tuberculose. Cet enfant intelligent souffrit malheureusement toutes sa petite vie. On lui fit porter des corsets de fer pour tenter de redresser sa colonne vertébrale.

    En janvier 1788, le docteur Petit lui avait diagnostiqué une carie vertébrale, l'enfant qui avait déjà des vertèbres gangrénées était d'ores et déjà condamné.

Le voici ci-dessous, peint entouré de sa famille, en 1782, à l'âge d'un an.





Juin 1789 : Un Louis XVI mal habillé, un Gustave III égaré et une Marie-Antoinette avisée

Gustave III, rois de Suède


















Source

    J'ai trouvé cette curieuse anecdote dans le livre de Charles Kunstler "Fersen et son secret", (que vous pouvez découvrir en bas de page). Mais c'est dans l'ouvrage de Mathieu Auguste Geffroy "Gustave III et la cour de France" que j'ai trouvé le plus d'explications concernant le contexte politique du séjour du roi Gustave III de Suède à la Cour de France. Cette anecdote s'est produite obligatoirement après l'arrivée de Gustave III à Paris le 7 juin 1789. Mais n'oublions pas que cette date correspond également à la mort tragique du fils ainé de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Louis Joseph Xavier François.

 Visite incognito du roi de Suède à Paris

    Lors de son séjour à Venise, le roi de Suède Gustave III avait décidé d’aller en France (Gustave III était un souverain francophile et réformateur. Il avait été adepte de la philosophie des Lumières, au début de son règne). Il s'était séparé d’une partie de sa suite et n'avait gardé auprès de lui qu’Axel de Fersen, Armfelt, Peyron et Franc. Ils arrivèrent le 7 juin, à Paris.
    Le roi de Suède – ou plutôt le comte de Haga, car Gustave avait décidé de garder l’incognito – descendit chez le baron de Staël, son ambassadeur, qui demeurait rue du Bac. Le baron de Staël était également l’époux de la fille du ministre Jacques Necker. Puis Gustave III se rendit à Versailles.

Un roi de France avec un talon rouge et l'autre noir.

    Louis XVI chassait à Rambouillet. Averti par M. de Vergennes (1), il revint en toute hâte. On ne trouva point la clé de son appartement, ni ses valets de chambre. Les premiers venus l’habillèrent. Si bien que le roi de France parut devant son hôte « avec un soulier à talon rouge et un autre à talon noir, une boucle d’or et une autre d’argent, et ainsi du reste »

Chaussures d'homme du 18ème siècle

.    Gustave soupa dans les petits appartements avec Louis XVI et Marie-Antoinette. Afin d’être plus libre, il refusa le logement qu’on lui avait préparé au château et logea en ville, chez Touchet, le baigneur. 
    A partir de ce moment-là, ce ne furent, pour le comte de Haga et sa suite (au sein de laquelle figurait Fersen, le tendre ami de la reine), que réjouissances de toutes sortes. Le plus souvent, le souverain dînait et soupait au château de Versailles et, presque chaque soir, il assistait à deux ou trois représentations, au cours desquelles un public enthousiaste l’applaudissait et l’acclamait. L’opéra monta pour lui Armide, la Caravane, de Gréty, les deux Iphigénie, de Gluck, le Seigneur bienfaisant, Atys, Didon.

(1) De quel Vergenne s'agit-il ? Car le Vergen, ennemi de Necker était mort le 13 février 1787.


Un roi qui se perdit par la musique

Source du timbre commémoratif
    Gustave III était connu pour son goût des cérémonies et des spectacles ; ce goût avait même dégénéré en une passion qu’il lui fallait satisfaire à tout prix. Il en était venu en Suède à exercer une véritable tyrannie envers la noblesse de sa cour pour que rien ne manquât à ses fêtes. Il fallait que, sur son ordre, des jeunes filles de haute naissance, des mères, des vieillards, quittassent leurs familles pour paraître sur le théâtre, où il se montrait lui-même. On risquait la ruine de tout crédit et le renversement de toute fortune, si l’on tardait de complaire à de bizarres caprices qui donnaient au règne de Gustave III un fâcheux air de ridicule despotisme. C’était à l’Opéra que les ministres étrangers pouvaient entretenir le roi des intérêts de leurs cours, et l’ambassadeur de France regardait comme un solide avantage d’y avoir sa loge à côté de la sienne. 

Le ministre de Danemark avait écrit en 1781 :

 « Tel jeune cavalier de la noblesse suédoise, qui autrefois passait ses matinées à lire l’Esprit des Lois ou les oraisons de Cicéron, les emploie maintenant à faire des entrechats et des cabrioles. Le peuple, qui s’assemblait anciennement pour disserter des affaires de l’état, court actuellement en foule aux comédies pour voir représenter les parodies des opéras qui se donnent aux théâtres de la cour, et les troupes de comédiens qui se forment de toutes parts dans les provinces, ainsi que les institutions de bals, assemblées et mascarades, prouvent assez que le goût du spectacle et des amusements se répand à l’excès par tout le royaume. »

Un ambassadeur désapprobateur

    Le baron de Staël, cachait mal dans sa correspondance diplomatique, des opinions bien différentes de celles de son maître Gustave III. Bien qu’il lui fût redevable de sa charge d’ambassadeur à Paris et de son mariage avec la fille du ministre Necker, le baron ne craignait pas, dans ses dépêches, de désigner la reine Marie Antoinette « comme l’unique auteur de tous les maux qui affligeaient la France ». Mieux encore, il s’efforçait de la noircir aux yeux de Gustave III. « La Reine, mécontente du parti que votre Majesté a pris de déclarer la guerre à la Russie, lui écrivait-il, m’a dit, à plusieurs reprises, que ce n’était pas son opinion. »

Le baron de Staël

La perfide Albion...

    Le roi de Suède Gustave III avait été poussé à déclarer cette guerre par l’Angleterre et la Prusse, alliées depuis le récent avènement de Frédéric-Guillaume, successeur de Frédéric II.     Le but général de la ligue anglo-prussienne était de tenir en échec la Russie et l’Autriche (pays natal de Marie-Antoinette), en suscitant contre elles la Suède, la Pologne et les Turcs. Par ailleurs, la Suède avait perdu ses dominions baltes pendant la grande guerre du Nord avec la Russie entre 1700 et 1721 et comptait les récupérer par cette guerre. L’Angleterre cherchait particulièrement l’occasion de se venger du secours prêté par la France aux colonies d’Amérique. Déjà, en mettant aux prises les Russes et les Turcs, elle avait causé un grand embarras à la France, amie de ces deux peuples ; elle essayait cette fois de nuire davantage encore à la France en détournant d’elle Gustave III. On avait compris à Versailles d’où venait le coup, et l’on essaya en vain de retenir le roi de Suède.

    Marie-Antoinette avait compris cela. Mais qu’est-ce que Louis XVI, avec ses chaussures dépareillées, avait compris à cette affaire ?

Marie-Antoinette représentée par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1788


Fersen et son secret :

samedi 30 mai 2020

30 Mai 1789, 18 heures, Hôtel de la Chancellerie, Versailles : Joute verbale.

Hôtel de la Chancellerie, Versailles.

    Je vous invite à écouter ce podcast diffusé par Radio France le 23 décembre 2016 ou à lire le texte correspondant retranscrit ci-dessous. Il raconte la confrontation qui a eu lieu lors de la Conférence organisée le 30 Mai 1789 à l'Hôtel de la Chancellerie de Versailles et en expose brillamment les enjeux. 

Cliquer sur l'image ci-dessous pour accéder au podcast,


Ou lisez le texte suivant :

"Une nouvelle histoire de vote ce matin avec l'historien Guillaume Mazeau".

Avec Guillaume Mazeau Historien

Le 30 mai 1789, à 6 heures du soir, ceux qui entrent à l’hôtel de la Chancellerie, à Versailles, savent qu’ils s’apprêtent à jouer une partie de l’avenir du royaume. Envoyés par le Tiers État, le clergé et la noblesse, qui sont alors réunis séparément à l’hôtel des Menus Plaisirs, ces commissaires sont censés débloquer une situation lourde de menaces.

Et pourtant, malgré la gravité du moment, le comte d’Antraigues, se lance dans un extravagant point d’histoire : les États Généraux de « 1560, 1576, 1588 et 1614 portent le témoignage que la vérification des pouvoirs y fut faite par ordre », affirme-il. Remontant jusqu’à ceux de 1356, il rappelle que, je le cite encore, « dans les deux procès-verbaux de ces États, les principales séances furent tenues en trois lieux divers, pour chacun des trois ordres ». Chargé de documents, le représentant du Tiers État lui répond point par point, arguant que les habitudes ne valent rien face à la raison qui, par l’examen des faits historiques, ne permet pas de prouver que la séparation des trois ordres dans des salles différentes tient davantage de la loi que des simples habitudes.

Sans vainqueur, les champions se séparent.

Pour mieux comprendre ce qui se noue autour de cette querelle, il faut replonger dans une histoire qui nous semble bien connue et qui, pourtant, se révèle bien plus exotique que l’on croit généralement : celle des débuts de la Révolution française.

Depuis le 6 mai, les 1177 députés convoqués par le roi s’opposent frontalement. Trois semaines après le discours d’ouverture de Louis XVI les sommant de résoudre le plus vite possible la grave crise financière, ceux-ci n’ont en réalité même pas commencé à donner le moindre avis, occupés à une bataille en apparence des plus étranges, portant sur des questions de procédures électorales.

Le Tiers État réunit 663 députés. 663, c’est deux fois plus que ceux de la noblesse et du clergé. Et pourtant, ces hommes vêtus de noir demeurent sous-représentés par rapport à leur importance réelle dans la société française, dont ils rassemblent, en réalité, plus de 98%. En outre, ce n’est qu’après une longue bataille qu’ils ont obtenu, cinq mois plus tôt, leur doublement.

Malgré cette victoire, certains députés du Tiers affichent leur volonté d’aller plus loin. Pour le moment, le doublement du Tiers ne lui assure aucun poids supplémentaire dans les décisions qui seront prises à l’issue des États Généraux : les votes sont en effet comptés par ordre et non par individu, ce qui, compte tenu de l’alliance des privilégiés, réduit le Tiers État, même plus nombreux, à l’impuissance. Le vote par tête devient dès lors l’enjeu politique principal.

D’autre part, les interminables discours de Barentin, le Garde des Sceaux, et de Necker, le ministre d’État, ont indigné les plus patriotes. Alors qu’ils étaient arrivés chargés de nombreuses doléances, appelant à d’amples changements, les voilà sommés de ne discuter, et le plus promptement possible, que de la question des finances publiques. Investis de puissantes attentes, ils réalisent, médusés, qu’ils ne sont là que pour faire ce que l’on attend d’eux : acquiescer à la réforme de l’impôt. Contrairement à leurs espérances, le roi leur ordonne en outre de se réunir en trois chambres séparées, afin de respecter la hiérarchie des ordres du royaume.

Le piège politique s’est ainsi refermé : en insistant sur l’imminence de la banqueroute de l’État, les ministres ont su imposer le discours de la nécessité et faire croire qu’il pas d’autre choix que de se plier à l’agenda pressé des créanciers du Trésor Public et de reporter, voire de laisser là les projets de profonde régénération de la nation.

En séparant les trois ordres dans des chambres distinctes, le message est limpide : ces États Généraux ne sont rien d’autre que ce qu’ils ont été dans l’histoire du royaume : une assemblée consultative, destinée à se séparer après avoir « consenti » à l’impôt, euphémisme signifiant, dans le langage de la monarchie absolue, « obéir ».

Indignée, la partie la plus radicale des députés du Tiers choisit alors une stratégie décisive, dans laquelle les grands discours ne leur sont, dans l’immédiat, d’aucune utilité. C’est, contrairement à l’impression que le grand roman de la Révolution nous a souvent laissée, par une lutte acharnée sur les questions les plus arides et tatillonnes de procédures électorales, que ces députés vont, en quelques semaines, réussir à faire exploser un des États les plus autoritaires d’Europe.

À peine réunis, assumant le risque de désobéir, ces députés entrent dans une résistance inattendue : alors qu’ils sont censés au plus vite commencer à vérifier la légalité des procédures électorales, ils décident de ne pas le faire, faisant du vote par tête et de la vérification en commun une condition préalable au début des débats. Délibérer en commun, réunir ensemble les députés des trois ordres dans un même lieu, c’est, en effet, transformer les États Généraux en Assemblée représentative de toute la nation, c’est-à-dire, en Assemblée nationale. C’est, en somme, par une simple question de procédure, amorcer une révolution politique.

Cela, les députés des ordres privilégiés le savent parfaitement. C’est pourquoi dès le début, s’appuyant sur l’autorité de « traditions » non écrites et à interprétation variable, ils acceptent, parce qu’ils y ont intérêt, l’agenda de l’urgence installé par le roi et ses ministres, afin de pousser le Tiers à la faute.

Pétris de courage, taraudés par la peur, les députés du Tiers tentent, quant à eux, de ralentir le tempo imposé. C’est grâce à ce refus d’obéir aux nécessités d’une histoire déjà en marche, c’est grâce cette volonté de se saisir du temps et à imposer leur propre rythme que les députés du Tiers réussissent à, littéralement, « prendre le temps » de la monarchie.

Un mois plus tard, au début du mois de juin, les États Généraux qui avaient été présentés comme la dernière chance d’éviter la crise, n’ont toujours pas commencé et pourtant la catastrophe annoncée n’est pas arrivée. En revanche, ce temps interminable a permis à ceux qui occupent de fait la salle commune des États Généraux, de parler, de débattre, de s’affronter, de s’organiser : c’est en somme dans ce temps volé à l’histoire jusqu’ici écrite par le pouvoir et les élites privilégiées que s’est inventée la parole politique moderne, révélant enfin combien les obscures controverses sur l’histoire des procédures électorales était, en vérité, un combat fondamental pour la souveraineté.