Bienvenue en 1789 !
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Le numéro du 1er janvier 1789 du Journal de Paris, après ses
indications relatives à la météo ( -17.3° dans la nuit du 30 au 31), commence par
des extraits relatifs aux Belles Lettres.
L’auteur de l’article s’étonne que la plupart des esprits,
pendant l’année 1788, se sont tournés vers des objets fort étrangers à la
Poésie. Raison pour laquelle, la Notice des ouvrages de poésie qui termine l’Almanach des Muses est-elle beaucoup moins considérable qu’à l’ordinaire.
Cependant,
précise-t-il, le Recueil lui-même se ressent moins de cette stérilité. Il
contient un grand nombre de Pièces importantes par leur étendue & par le
talent qui les a produites, telles que les "Etats-Généraux de Cythère", Imitation
très élégante du Congrès de Cythère du Comte Algarotti, par Monsieur le
Chevalier de Cubière ; (…)
L’ouvrage du Chevalier Barbier Michel Cubières de Palmeseaux
est accessible en ligne en cliquant sur l’image ci-dessous !
Après une "courte" présentation de 11 pages, le texte
poétique couvre une petite trentaine de pages. Amusez-vous à le lire. C’est
comment dire ? Frais et pittoresque ? Poétique ? Bienvenu
au 18ème siècle !
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Vignette extraite du bel ouvrage "Etats-Généraux de Cythère" |
Etats-généraux de Cythère, et de France
Michel de Cubière, né en 1752, a laissé de lui dans l’histoire
de la littérature, le souvenir d’un poète « léger » et surtout celui
d’une véritable girouette politique (ce qui lui permettra de s’éteindre
paisiblement en 1820). Il a néanmoins été parfaitement en phase, avec la principale préoccupation
du moment, en versifiant sur ses « Etats généraux de Cythère ».
En effet, tout le
monde le sait, les Etats généraux qui vont avoir lieu à Paris en Mai prochain,
vont être l’événement de l’année 1789 ! Aucun autre événement ne pourrait
surpasser celui-là en importance !...
Pourquoi cette convocation des Etats Généraux par le roi
Louis XVI ?
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Louis XVI |
Ce 1er janvier 1789, la dette de la France s’élève à 4
milliards et demi. Elle a triplé durant les quinze années passées du règne de
Louis XVI. Il faut savoir que les dépenses occasionnées par le soutien de la France
aux colons insurgés américains, ont été évaluées à plus de 2 milliards. La
guerre d’indépendance américaine a été l’une des causes principales qui ont
provoqué la Révolution française.
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Budget de l'Etat en 1788 |
Le royaume est au bord de la faillite. Ces dernières années,
les ministres successifs de Louis XVI ont tenté, en vain, de réformer le royaume.
En vain, parce que l’Ancien régime est devenu irréformable, du fait des
privilèges anachroniques que détiennent deux corps minoritaires de la société (2%),
la noblesse et le clergé (l’Eglise).
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Répartition proportionnelle des Français au sein des trois corps de la société, en 1789. |
Louis XVI a bien essayé de réunir ces deux corps privilégiés à l’occasion
de deux Assemblées des Notables, qui ont eu lieu en 1787 et 1788. Mais ces "grands du royaume" n’ont rien cédé. Louis XVI et ses ministres successifs ont également été confrontés à l’hostilité des Parlements. Ces derniers instrumentalisant souvent le
peuple en fomentant des émeutes pour les soutenir, quand ils refusaient les
réformes du roi.
Les premiers à bafouer l’autorité royale et à semer les
graines de la révolte à venir, furent ces privilégiés de la noblesse et du haut
clergé.
Lire mon article : "Les Parlements contre le Roi, 30 ans d'une lutte de l'aristocratie contre l'absolutisme royal"
Nous serons amenés à reparler des Etats Généraux, leur
préparation, leur déroulement, ainsi que leur aboutissement totalement imprévu.
Des articles évoqueront plus précisément, au cours de cette chronique de
1789, les problèmes de l’Ancien régime. Néanmoins, le survol de la petite
chronologie ci-dessous, vous donnera une meilleure idée de la situation. Elle n'est pas exhaustive et certains des événements qui y sont mentionnés, seront repris et développés dans
de prochains articles.
De 1786 à 1788, les nuages s’amoncèlent.
20 Août 1786
Charles Alexandre de Calonne, contrôleur
général des finances et de fait premier ministre, remet à Louis XVI un mémoire
sur le déficit financier du royaume ; il préconise comme indispensable une
réforme de l'Etat suivant un plan en trois points plan :
- Plan fiscal : tendance à l'égalité devant
l'impôt et à l'unification ;
- Plan économique : liberté du commerce des grains,
suppression des douanes intérieures ;
- Plan administratif : création d'assemblées
municipales (élues par tous les propriétaires ayant au moins 600 livres de revenu),
qui éliraient des assemblées de district, lesquelles éliraient à leur tour des
assemblées provinciales ; toutes ces assemblées demeurant d'ailleurs purement
consultatives.
Au lieu de soutenir Calonne et d'imposer son
plan de réformes, Louis XVI tergiverse et cherche, pour vaincre la résistance
prévisible des parlements, à obtenir le soutien de la Noblesse.
Calonne dira au roi :
« Ce qui est nécessaire pour le salut de l’État serait impossible par des
opérations partielles, il est indispensable de reprendre en sous-œuvre
l’édifice entier pour en prévenir la ruine… Il est impossible d’imposer plus,
ruineux d’emprunter toujours ; non suffisant de se borner aux réformes
économiques. Le seul parti qu’il reste à prendre, le seul moyen de parvenir
enfin à mettre véritablement de l’ordre dans les finances doit consister à
vivifier l’État tout entier par la refonte de tout ce qu’il y a de vicieux dans
sa constitution. »
Calonne ajoutera en trois ans 653 nouveaux
millions aux emprunts précédents. (Source : Mathiez p43).
22 Février 1787
Première Assemblée des Notables
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29 Janvier 1787 Convocation à l'Assemblée des notables |
Cette réunion des
grands du royaume réunis, durera jusqu'au 25 mai. Elle sera composée de 114
membres désignés par le roi, dont 7 princes de sang, 36 ducs et pairs ou
maréchaux de France, 33 présidents ou procureurs généraux de parlements, 11
prélats, 12 conseillers d'Etat, 12 députés des "pays d'Etat", 25
maires ou échevins des principales villes, etc.
Les grands rejetteront
toutes les réformes de Calonne (un programme calqué sur celui de Turgot) qui remettent
en question leurs prérogatives fiscales. Ils se considèrent comme inaptes à
décider la levée d'un nouvel impôt (la subvention territoriale, un impôt
foncier qui s'appliquerait à tous les propriétaires, y compris les privilégiés).
31 Mars 1787
Calonne dénonce l’opposition des Notables aux réformes dans
un manifeste qu’il rend public. Ce document expose le contenu de ses réformes
jusqu’alors tenues secrètes, pour en appeler à l’opinion publique.
Avril 1787, un certain La Fayette
Gilbert du Motier, marquis de La
Fayette, dit « La Fayette », le héros de la guerre en Amérique, participe à cette
première assemblée des notables. Il appartient au bureau présidé par le comte
d'Artois, frère du roi. Lafayette saisit l’opportunité qui se présente à lui de
produire quelques-unes des réformes qu'il a méditées, (voter la suppression de
la gabelle et la mise en liberté des personnes détenues à l'occasion de cet
impôt, abolition des lettres de cachet et des prisons d'État, révision des lois
criminelles. Il est de ceux qui demandent et obtiennent le renvoi du ministre
Calonne.
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Eventail - Assemblée des Notables - 1787 |
Assemblée des Notables, suite et
fin.
La Fayette formule le vœu d'une convocation des États
généraux, comme le seul remède efficace aux maux de la situation ; mais ce vœu
demeure sans écho. Il fait la motion expresse (mot prononcé pour la première
fois) de la convocation de la nation représentée par ses mandataires. Cette
idée n’aura pas de suites immédiates mais fera son chemin malgré tout.
L’Assemblée des Notables se termine sur un échec.
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Assemblée des Notables |
16 Juillet 1787
Le Parlement de Paris déclare que seule la Nation réunie
dans ses Etats Généraux peut consentir un impôt perpétuel.
15 au 18 Août 1787
Des émeutes populaires éclatent à Paris pour
soutenir les Parlements. La négociation entre Loménie de Brienne qui
a remplacé Turgot, et les parlements, aboutit à un compromis : le
gouvernement envisage de convoquer les États Généraux, mais demande du temps et
des moyens financiers pour présenter en 1792 un bilan satisfaisant…
Au même moment, on commence à traiter la reine Marie
Antoinette de "Madame Déficit" et d'"Autrichienne" ; des
mannequins de ses favorites sont traînés au ruisseau. L’affaire dite, du collier de la reine, en 1785, a contribué à un retournement de l'opinion publique contre la
reine.
19 Septembre 1787
Une séance royale a
lieu au Parlement pour l'enregistrement de l'édit (prorogation de l’impôt des
deux vingtièmes) et du lancement d'un emprunt. Le Parlement réclame les Etats
Généraux pour 1789. Le roi répond par l'ordre pur et simple d'enregistrer. Le
Duc d'Orléans proteste ; Louis XVI lui répond : "C'est légal parce que je
le veux". Le Parlement annule l'enregistrement comme illégal. Le ministre Loménie
de Brienne fait arrêter deux conseillers (Fréteau et Sabatier) par lettre
de cachet. Le duc d'Orléans que la foule avait porté en triomphe, est exilé à
Villers-Cotterêts.
3 Mai 1788
Avec la subvention territoriale, qui ne serait pas seulement
payé par le Tiers-Etat mais aussi par les autres Ordres, Louis XVI entend
instaurer l'égalité de tous devant l'impôt. Le Parlement de Paris refuse
catégoriquement d'enregistrer la loi, la rendant donc inapplicable. Dans ce cas,
le roi est obligé de faire un lit de justice afin de les forcer à obéir.
Le Parlement publie une « déclaration des droits de la Nation » et réclame à nouveau la convocation des états généraux en espérant
qu'ils contraindront le roi à respecter les exemptions fiscales des
privilégiés.
6 mai 1788
Le capitaine des gardes arrête en pleine séance les
conseillers d’Epremesnil et Montsabert.
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Arrestation de d'Eprémesnil, Goislard de Veny et Girardet. Jean
Jacques Duval d'Eprémesnil et Anne Louis Goislard de Montsabert étaient 2 conseillers
au Parlement de Paris. |
8
mai 1788
Par un lit de justice tenu à Versailles,
Louis XVI impose les réformes judiciaires et politiques, tandis que les
gouverneurs de province tiennent des lits de justice dans toutes les cours
souveraines. 47 tribunaux de grand bailliage, remplacent les Parlements.
Ils doivent appliquer un nouveau code d’instruction criminelle qui supprime la
« question préalable », torture précédant
l'exécution afin d'obtenir le nom des complices du condamné. L’enregistrement
des lois passe à une cour plénière dont les membres sont choisis par le roi.
Elle se réunit le 9 mai, mais de nombreuses personnalités refusent d’y siéger.
Les Parlements résistent à leur mise en vacance et sont soutenus par des
émeutes populaires à Paris (19 juin), Toulouse et Rennes.
L’assemblée du clergé, réunie en mai, refuse
d’entériner les réformes du 8 mai et condamne l’octroi de droits civils aux non-catholiques.
7 Juin 1788
Le duc de Clermont-Tonnerre, Lieutenant général du Dauphiné, confie à des
patrouilles de soldats des lettres
de cachet à remettre aux parlementaires dauphinois pour leur signifier
un exil sur leurs terres ; Le
tocsin sonne. La population est rameutée par les auxiliaires de justice, fâchés de perdre le Parlement, qui représente une grande
partie de leurs ressources. Des Grenoblois s'emparent des portes de la
ville, d'autres, montés sur les toits, jettent des tuiles et divers objets sur
les soldats. L'hôtel du gouvernement est pillé et vers la fin de l'après-midi,
les émeutiers, maîtres de la ville, réinstallent les parlementaires à
l'intérieur du palais du parlement. Il y aura eu trois morts. Cet événement s’inscrira dans les mémoires sous le nom de « Journée
des Tuiles ».
14 Juin 1788
Les notables grenoblois des trois ordres se réunissent à
l'Hôtel de Lesdiguières et demandent le rappel des magistrats et la convocation
des États de la province et des États généraux du Dauphiné.
5 Juillet 1788
Loménie de Brienne promulgue un arrêté du Conseil d’État
annonçant la convocation des États Généraux. Il institue en pratique la liberté
d'expression.
15 Juillet 1788
La Fayette est démis de son grade pour ses protestations
contre la politique royale.
À l'initiative de Gouy d'Arsy et de Moreau de Saint-Méry,
neuf grands propriétaires de Saint-Domingue résidant en France et souhaitant
représenter la colonie aux États Généraux se forment en Comité des colons de
Saint-Domingue ou Comité colonial. Ces commissaires demandent aux Domingois de
ratifier leur nomination à la représentation de l'île aux États Généraux. Source : Les traites négrières.
21 Juillet 1788
Réunion des états
généraux du Dauphiné au château de Vizille, propriété de grands industriels,
les Périer. Les Dauphinois, qui réclament le rétablissement de leurs États
provinciaux, envoient leurs délégués au château de Vizille. L’assemblée que le
commandant militaire n’ose dissoudre, décide sous les conseils des avocats
Mounier et Barnave que désormais le tiers état aura une représentation double
et qu’on votera aux états non plus par ordre mais par tête. Elle se déclare
représentative et réclame la convocation des États du Dauphiné. De nouveaux
États se réuniront en septembre.
5 Août 1788
Loménie de Brienne annonce
la convocation des états généraux.
8 Août 1788
Un arrêt du 8 août
1788 fixe la tenue des Etats Généraux au premier mai 1789 (à l’exception des
colonies). A cette occasion, des cahiers de doléances doivent être présentés au
roi, conformément à une tradition héritée du XVIe siècle. Selon l’article 24 du
règlement du 24 janvier 1789, « tous les habitants composant le Tiers-Etat
des villes ainsi que ceux des bourgs, paroisses et communautés de campagne
seront tenus de s’assembler à l’effet de rédiger le cahier de leurs plaintes et
doléances ».
À la demande de Gouy d'Arsy et du Comité colonial, un Comité
provincial du Nord de Saint-Domingue se constitue officieusement. Il se réunit
officiellement le 27 janvier 1789, tandis que ceux de l'ouest et du sud le font
les 25 janvier et 9 mars 1789. Ces assemblées provinciales élisent, pendant le
premier trimestre de 1789, une députation de 37 membres où figurent 8 des 9
membres du Comité colonial de France. Ces comités prendront l'appellation
d'Assemblées provinciales, d'où les gens de couleur libres sont exclus. Source : Les traites négrières
16 Août 1788
Proclamation de la banqueroute financière de l'État.
Suspension des paiements de l’état pour 6 semaines.
25 Septembre 1788
Le Parlement de
Paris prend un arrêt aux termes duquel les états généraux doivent être
« régulièrement convoqués et composés suivant la forme observée en
1614 » (vote par ordre) autrement dit avec trois ordres très
inégalitairement représentés.
6 Novembre 1788
Début à Versailles
d'une seconde assemblée des notables de France convoqués par le roi, pour
traiter les questions préliminaires relatives à l’organisation des Etats
Généraux. L’Assemblée recommande le vote par ordre et refuse le doublement du
Tiers Etat. Elle sera congédiée le 12 décembre, sans avoir rien fait
d'important.
26 Décembre 1788
À l'occasion de la convocation des États Généraux, les chefs
de Saint-Domingue invitent les colons à leur exposer leurs requêtes par lettres
à la condition de ne pas porter plus de cinq signatures, mais interdisent la
réunion de toute assemblée illicite. Les Blancs ne tiendront pas compte de cette dernière prohibition
et désigneront trois Assemblées provinciales (nord, ouest, sud) et une
Assemblée coloniale. Source : Les traites négrières.
27 Décembre 1788
Louis XVI arrête,
dans son conseil privé, que le Tiers-Etat aura autant de représentants aux
états-généraux que la noblesse et le clergé réunis
Cela ne peut que
plaire au clairvoyant Necker qui déclare : "Il y a une multitude
d'affaires dont elle seule (elle, la nouvelle classe bourgeoise) a
instruction", c'est-à-dire connaissance. Quelles affaires ? Les
transactions commerciales, les manufactures, le crédit public, l'intérêt et la
circulation de l'argent. C'est-à-dire qu'un état bien ordonné doit admettre la
participation des plus éminents citoyens." Source : Les 2 Révolutions françaises, Henri Guillemin, p15.
29 Décembre 1788
Réunion des États provinciaux d’Artois.
Marseille réclame l’augmentation du nombre des élus
du tiers état et le vote par tête aux États généraux.
A Rennes, la cinquantaine de députés du Tiers État
breton fait savoir qu’elle refuse de délibérer avec les députés des deux
autres ordres, la noblesse et le clergé, tant que leurs revendications ne sont
pas entendues. Ces députés demandent notamment à avoir autant de
représentants que les deux autres ordres, qui détiennent tout le pouvoir.
La noblesse refuse, le ton monte, l’agitation est telle que le roi va suspendre
les États de Bretagne. Source : FranceTV info (eh oui!)
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En parcourant les 4 pages de ce numéro du "Journal de Paris", vous constaterez l'étonnante place laissée à la culture, chronique littéraire, poésie, programmes des théâtres. Le XVIIIe siècle...
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Alors d'après-vous, les Etats-Généraux, l'évènement de l'année 89 ? Vraiment ? 😉