Article de l'historienne Isabelle Bernier, provenant du site Futura-science.com
Quand on évoque l'administration fiscale avant la
Révolution, il faut imaginer un découpage territorial du royaume correspondant
à différents régimes fiscaux.
La répartition de l’impôt sur le territoire
La taille est
un impôt direct dont le montant global, appelé brevet, est fixé chaque année
par le Conseil du roi. C'est également au sein du Conseil que se décide la
première répartition sur l'ensemble du territoire, entre les
« généralités » et les « pays d'états ».
En 1789, il existe vingt-neuf généralités : ce sont des circonscriptions financières confiées aux intendants, commissaires du roi représentant l'État dans les provinces du royaume. Les généralités sont subdivisées en « élections », entités territoriales chargées à leur tour de répartir l'impôt au niveau des paroisses fiscales. Les « généralités » représentent environ 60 % du territoire du royaume.
Les « pays d'états », quant à eux, disposent
d'assemblées provinciales (les « états ») de députés des trois ordres (Tiers-État, noblesse, clergé) qui fixent l'impôt et
gèrent sa perception, en le répartissant entre les diocèses fiscaux qui le
transmettent aux collectes des paroisses. Au XVIIIe siècle,
subsistent les « états » suivants : Bretagne, Bourgogne,
Languedoc, Provence (tous quatre, appelés grands pays d'états) puis
Flandre, Artois, Bresse, Bugey, Dauphiné, ainsi que les petits pays d'états du
Sud-Ouest (Béarn, Bigorre).
Enfin, les « pays de libre imposition » sont
directement administrés par les intendants et à l'entière disposition du
souverain en matière de fiscalité : leur point commun est d'avoir été conquis
depuis le règne de Charles IX (roi de 1560 à 1574). Les régions frontalières
concernées se situent autour des villes de Lille, Valenciennes, Metz, Nancy,
Strasbourg, Besançon, Perpignan et Bastia.
Découpage du territoire français correspondant aux trois régimes fiscaux de la Taille en 1789. |
Comment définir la taille ?
Créée en 1439, la taille pourrait être considérée comme un
ancêtre de l'impôt sur le revenu. Elle frappe plus de 85 % de la
population française : noblesse, clergé et bourgeoisie des villes en sont
dispensés. L'unité perceptrice de base est la paroisse : la perception de
la taille produit une somme globale qu'il faut faire remonter à la généralité
(via l'élection), puis au Trésor royal, grâce aux receveurs généraux. Des
« asséeurs », choisis parmi les paroissiens, sont chargés de dresser
la liste des imposables et de répartir l'impôt entre les « feux » (foyers fiscaux).
Les habitants d'une même paroisse sont solidaires devant l'impôt : si un
foyer fiscal fait défaut, c'est l'ensemble de la communauté qui s'engage à
régler le montant exigé.
Il existe deux types de taille :
La taille réelle : l'impôt est réglé sur le bien
foncier sans appréciation des circonstances personnelles (nombre d'enfants,
âge, métier, revenus...) du propriétaire.
La taille personnelle : l'impôt est appliqué sur les
revenus de la personne en tenant compte des circonstances personnelles et de
toutes ses activités (artisan, marchand, agriculteur, rentier...). Ceci
implique des enquêtes approfondies et régulières effectuées par le collecteur
de la paroisse (l'asséeur).
Dès le XIVe siècle, en Languedoc, les
« compoix » (ancêtres des matrices cadastrales dans les régions de
langue occitane) donnent la nature, la surface et la valeur des biens fonciers,
pour le prélèvement fiscal. Ils sont révisés régulièrement afin de tenir compte
des changements de propriétaires ou des défrichements. La taille réelle
s'applique ainsi à tous les pays disposant de compoix, c'est-à-dire Guyenne,
Quercy, Languedoc, Provence, Dauphiné, Bourgogne mais aussi Alsace, Flandre et
Artois.
Des déséquilibres importants existent entre pays d'élections
et pays d'états : les pays d'élections assujettis à la taille personnelle
sont les plus imposés. Au niveau des paroisses, la répartition de la taille
subit l'appréciation arbitraire des collecteurs, puisque le calcul de l'impôt
s'estime en fonction de la valeur des biens de chacun, d'où de nombreux abus.
Budget simplifié du Royaume de France en 1789. La taille figure dans la catégorie "impôts directs" des recettes. |
À savoir
Vers 1610, la taille représente environ 60 % des revenus de la monarchie, 25 % vers 1715. L'État a multiplié les sources de financement, en élargissant la gamme des impôts directs, indirects et en recourant de plus en plus à l'emprunt. En 1789, la monarchie est incapable de faire face aux dépenses courantes sans emprunter, la taille représente encore 15 % des recettes dans le budget royal. Quant au remboursement de la dette, il correspond à 50 % des dépenses dans le budget de 1789. À titre de comparaison, en 2018, la charge de la dette dans le budget de l'État s'élève à 11,6 % de ses dépenses.
Auteur : Isabelle Bernier.
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Bertrand