lundi 27 avril 2020

27 Avril 1789 : Mort du Seigneur des Abus ! Vraiment ?

"CONVOIS DE TRÈS HAUT ET TRÈS PUISSANT SEIGNEUR DES ABUS
MORT SOUS LE RÈGNE DE LOUIS XVI LE 27 AVRIL 1789."

L'Obsession des Français de 89. 

    De nombreuse estampes publiées avant la Révolution traitent de cette obsession des Français de 1789, à savoir mettre fin aux abus. Les abus, se sont tous ces privilèges dont bénéficiaient la Noblesse et le Clergé. (Concernant le clergé, rappelons que tous ses hauts dignitaires, c'est-à-dire le "haut clergé", étaient tous des nobles). Dans l'ensemble, les nobles ne payaient que très peu d'impôts, voire pas du tout. Cela commençait à poser question aux Français, y compris au roi, compte tenu de la dette qui accablait le royaume de France. Le peuple était écrasé par les impôts comme le montrent les estampes ci-dessous.

Quelques estampes de 1789 illustrant le fardeau de la dette et des impôts. 

Pourquoi cette date du 27 Avril sur l'estampe ?

    Cette date était celle prévue pour l'ouverture des États généraux figurant, telle qu'elle figurait dans la lettre envoyée par le roi le 24 Janvier 1789 à tous les gouverneurs des Provinces. Cette annonce officielle de la tenue prochaine des états généraux avait suscité une vague d'espoir dans le pays.

"A bas les impôts !"

L'Exemption fiscale nobiliaire.

    La noblesse ne payait pas l'impôt direct que constituait la Taille. Elle aurait dû payer la Capitation et le Vingtième, ces deux impôts extraordinaires, d'abord temporaires puis devenus perpétuels, qui avaient été créés à la fin du règne de Louis XIV et sous Louis XV pour faire face aux dépenses de la Guerre de Sept Ans. Mais elle obtenait facilement des décharges ou des réductions et les employés du fisc ne mettaient guère de zèle à recouvrer les sommes dues par les nobles. Quant au clergé, il avait racheté sa contribution à la capitation à titre définitif en 1710 moyennant une somme de 24 millions...

    Ces "privilèges pécuniaires", comme on les appelaient à l'époque, avaient fait l'objet de débats passionnés tout le long du 18ème siècle. Lors des "Assemblées des notables" de 1787 et 1788, le pouvoir royal avait tenté de les supprimer, ou pour le moins de les retreindre.

Assemblée des notables de 1787
 

    Le ministre Calonne avait évoqué "les abus" lors de son discours d'ouverture de l'Assemblée des Notables le 27 février 1787 :

Charles Alexandre de Calonne
« Oui, messieurs, c'est dans les abus mêmes que se trouve ce fonds de richesses que l'État a le droit de réclamer. C'est dans la proscription des abus que réside le seul moyen de subvenir à tous les besoins. Ces abus qu'il s'agit aujourd'hui d'anéantir pour le salut public, ce sont les plus considérables, les plus protégés, ceux qui ont les racines les plus profondes et les branches les plus étendues. Ce sont les abus des privilèges pécuniaires, les exemptions à la loi commune, qui ne peuvent affranchir une partie des contribuables, qu'en aggravant le sort des autres ».


    
L'historien Guy Chaussinand-Nogaret l'a brillamment expliqué dans un article au sein duquel j'ai choisi ce extrait :

« Malgré ses efforts l'absolutisme n'est jamais parvenu à faire payer les privilégiés. On peut légitimement se demander s'il l'a vraiment voulu. Il semble que l'on puisse, à cette interrogation, répondre par l'affirmative, et imputer aux seuls bénéficiaires de l'immunité, la responsabilité de l'échec du régime. Le pouvoir a maintes fois manifesté sur ce point sa détermination et pris sans ambiguïté les mesures les plus appropriées à la réalisation de ses objectifs. Mais les privilégiés ont cherché tout au long du siècle des parades aux initiatives du pouvoir, et construit tout un arsenal d'arguments pour assurer la défense de l'exemption fiscale. Le plus commun assimile l'immunité à une compensation, à un rachat pour service rendu ou pour capital investi et, retournant contre le régime la notion d'abus, l'accuse de manquer à ses engagements et à la justice. »

 Lien vers l'article : "Le fisc et les privilégiés sous l'ancien régime".

L'obsession des exemptions pécuniaires.

    Lorsque les 20 et 22 mai 1789, pendant les États généraux, le Clergé puis la Noblesse annonceront qu'ils renoncent à leurs exemptions pécuniaires, beaucoup croiront que la crise qui secouait le royaume était enfin terminée. Mais un autre enjeu était devenu prépondérant pour les députés du Tiers-état, vous allez le découvrir, celui de la représentation nationale...

 Représentants de la Noblesse et du Clergé aux États généraux.


Légende complète de l'estampe du 27 Avril 1789 :

Convois de très haut et très puissant Seigneur des Abus

Mort sous le règne de LOUIS XVI Le 27 Avril 1789

Des antiques abus le souverain empire

A ma voix de Louis tremble chancelle, expire ;

Victimes des abus ! séchez enfin vos pleurs ;

Et toi Divinité de la Reconnaissance,

Prépare ton encens, et grave dans nos cœurs

Le nom du Prince aimé, par qui venait la France.

En tête du cortège, les « Pauvres victimes des Abus » suivie par :

Une des Furies

L’Avarice

Génies chantant les Ouvrages les plus estimés sur les États Généraux.

La Folie

L’Orgueil

Le Tiers-État portant le Corps immense des Abus, couvert d’un riche poêle sur lequel la Mitre désigne les abus du Clergé, l’Épée liée à une Bourse, ceux de la Noblesse, le Bonnet carré, ceux de la chicane, à côté une Couronne de Fer marque l’empire tyrannique des abus.

L’Égalité

La Prudence et la Force

La Justice

M. Necker qui après avoir approfondi les abus les conduits au tombeau.

Grand Deuil de ceux qui peuvent regretter les abus.

Necker ? 

    Vous avez lu ? On parle encore de Necker ! Certes, Jacques Necker était populaire en 1789, mais tant d'estampes vantent sa gloire, que l'on peut se demander si ce brillant homme, si doué en communication (il faisait publier nombre d'ouvrages expliquant (et vantant) sa politique), ne serait pas à l'origine de ces publications massives...

D'autres estampes à propos des abus !



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Bertrand