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mercredi 20 juillet 2022

Zograscope et vues d'optiques, pour vous en mettre plein les yeux !



(Si la lecture d'un trop long article vous rebute, vous pouvez "scroller" jusqu'aux vidéos en bas de page). 😉

Vue d'optique ?

    Il y a quelques jours, j'ai acquis cette estampe d'époque (1792), représentant la prise des Tuileries, le 10 août 1792 (début de la seconde Révolution française). Cette gravure a une particularité. Il s'agit d'une vue d'optique. Vous connaissez ?

    En quoi est-elle différente des autres gravures ou estampes ? Comme les estampes classiques, les vues d'optiques étaient gravées à l'eau forte sur plaques de cuivre, puis colorées au pochoir. Leur taille était d'environ 23 cm par 40 cm. Elles étaient vendues elles-aussi par des boutiquiers et des colporteurs.
    Cependant, elles étaient destinées à être regardées au travers d'un appareil d'optique très particulier qui les grossissait et qui leur donnait de la profondeur, le zograscope ! (Vous comprenez mieux à présent pourquoi sur ces gravures, certains détails sont si petits !)

Zograscope ?

    Le nom de cet appareil étrange se décompose en 3 mots d'origine grecque. On reconnaît la racine "zo" (Zoo) la vie ; le préfixe des mots relatifs à l'écrit "grapho" et le verbe scopein "observer, voir". On pourrait donc traduire zograscope ainsi : "voir et enregistrer (écrire) la vie". Il était également connu sous le nom de miroir diagonal, de machine à pilier optique ou de machine diagonale optique. 

    Voici à quoi cela ressemblait, une sorte de visionneuse ou de rétroprojecteur. L'observateur regardait au travers d'une lentille double convexe, l'image posée à plat, reflétée par un miroir incliné à 45° placé devant la lentille (on parle alors de vision catoptrique).

Le zograscope

Regardez dans le zograscope, via cette vidéo !

    Et lisez cet article évoquant une exposition du musée Paul Dupuy de Toulouse, d'où vient la vidéo ci-dessus : Un voyage dans l'œil du zograscope.

Origine du zograscope

    Je ne vais pas vous faire un cours d'optique (il y a des liens à la fin de l'article pour cela). Mais sachez que depuis le 16 siècle, les savants expérimentaient beaucoup dans le domaine de l'optique. Voici deux exemples :
  • En 1677, l'écrivain allemand Johann Christoph Kohlhans avait décrit l'effet produit par une lentille convexe dans une camera obscura (chambre obscure) comme si le sujet apparaissait « nu devant l'œil en  largeur, familiarité et distance ». Cette découverte était promise à un riche avenir !
  • En 1692, William Molyneux  avait écrit dans son "Dioptrica Nova" comment « Des parties de perspective semblaient naturelles et fortes au travers de lunettes convexes dûment appliquées ».

    C'est aux Pays-Bas, au 17ème siècle, que ces expériences débouchèrent sur une application destinée au public. Cette nouveauté enthousiasma aussi bien la bonne société que le petit peuple. 

    On appelait "peep show", "peep boxe", "raree show" ou "rarity show" (spectacle rare), le spectacle extraordinaire produit par cet appareil optique si spécial.

    Beaucoup de gens étaient si émerveillés, si désorientés par ce phénomène qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils considéraient cela comme de la magie ! Heureusement que les Hollandais Protestants, renommés pour leur tolérance, ne brûlaient pas ces montreurs d'images magiques !

Montreur de Peep show
(1835 Adolph Glasbrenner Guckkästner)

    Dans le monde des arts, certains artistes de la peinture hollandaise de l'âge d'or du XVIIe siècle, comme Pieter Janssens Elinga et Samuel Dirksz van Hoogstraten, inventèrent eux aussi un type de peep-show avec une illusion de perception de la profondeur en manipulant la perspective de la vue.

Boite à perspective d'Elinga
(Musée de La Haye)

    Beaucoup de ces "boîtes de perspective" ou "optiques" étaient déjà équipée (comme le zograscope), d'une lentille biconvexe de grand diamètre et d'une petite dioptrie pour une perspective exagérée, donnant une plus forte illusion de profondeur. La plupart des images montraient des sujets architecturaux et topographiques avec des perspectives linéaires.

Jusqu'au bout du monde !

    Les Hollandais étant d'aussi grands commerçants que de grands voyageurs, raisons pour laquelle ils exportèrent vers leurs comptoirs commerciaux au Japon (l'autre pays des estampes) ces boîtes à images. Les Japonais appelèrent les zograscope : 和蘭眼鏡 (Oranda megane, "lunettes hollandaises") ou 覗き眼鏡 (nozoki megane "lunettes voyeuses"), quant aux images ils les appelèrent 眼鏡絵 ( megane-e , « image optique ») ou 繰絵 (karakuri-e "image délicate").

Estampe japonaise représentant
une mère et son enfant, devant un zograscope.

L'arrivée en France du zograscope

    C'est en 1730 qu'apparurent à Paris les premiers zograscopes, alors appelés "optiques". Ils incorporaient un miroir mais manquaient du moyen simple de faire varier la distance de l'objectif à l'image.

    En 1745, les premières versions anglaises de ces appareils ont commencé à se diffuser et bientôt de nombreuses vues en perspective ont été imprimées pour répondre à la demande du public, principalement des vues d'architecture urbaine (au début). La plus ancienne référence connue du dispositif anglais se trouve dans une publicité d'un journal anglais d'avril 1746. Le terme machine diagonale optique date de 1750.

Ci-dessous des "zograscopeurs".

 

    Les zograscopes devinrent rapidement très populaires au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, aussi bien dans les beaux salons du grand monde, que sur les places de villages du petit peuple. Transportés à dos d’homme par les colporteurs, les zograscopes constituaient un formidable vecteur de diffusion d’images dans les provinces et les campagnes.

Sur cette image extraite du "Transparent" de Carmontelle,
le montreur d'optique se situe au pieds du premier arbre situé à gauche.
(Je vais évoquer Carmontelle plus bas)

L'arrivée de la lumière !

     Les montreurs d’optique attiraient un public nombreux, sur les places publiques et les foires, autour de démonstrations scénarisées. Très créatifs, ils mettant en scène des vues perforées aux surprenants effets de jour et de nuit.

Effet de nuit donnée à une vue d'optique

Explication en 3 images

  • Vue et Perspective de la Trinité à Vienne. A Paris chez Chereau rue St Jacques au Coq. Gravure collée sur carton, avec nombreuses découpes et rubans de couleurs collés au dos pour l'effet de nuit.

 

Verso de la gravure, avec les rubans de couleurs sur les découpes.

Naissance de la société des images

    Dans ce XVIIIe siècle si inventif, dont nous découvrons ensemble la seconde partie turbulentece succès des spectacles de vues d’optique répondait à la curiosité grandissante de l’ensemble de la société envers le monde.

    Les gens avaient toujours aimé, voire adoré, les images. Mais celles-ci, en dehors des églises et des châteaux, avaient été jusque-là fort rares.

    Comme l'imprimerie, qui au 16ème siècle avait favorisé la Réforme protestante, (sans laquelle elle aurait échoué, comme les autres tentatives de réformes auparavant), l'évolution des moyens de fabrication et de diffusion des images allait bouleverser la société de l'ancien régime et faire entrer nos ancêtres dans la société des images. 

    Images colorées, lumineuses, animées, ça ne vous fait penser à rien ? Sur quoi lisez-vous cet article ?

    Vous remarquerez au passage que le 18ème siècle vole la vedette au 19ème siècle, quant aux premiers spectacles publics d'images animées ! 

Pourquoi je parle d'images animées ? Continuez votre lecture 😉

Porcelaine du 18ème siècle.
Enfants devant une boite à image.

De l'usage des images

    Les éditeurs d'images donnèrent bien sûr une place importante aux sujets d’actualité, souvent dramatiques : guerres, catastrophes naturelles et industrielles, événements politiques, etc. Mais ils n'oublièrent pas de faire rêver leur public avec l’évocation d’un passé magnifié, telles les grandes compositions consacrées à l’histoire antique et aux Merveilles du monde.

Rome au temps de son antique splendeur

La ville et de la tour de Babel (1761)
(Source Gallica)

    Genre populaire par excellence, le spectacle de vues d’optique était aussi un outil très efficace au service du pouvoir. Les montreurs d’images diffusaient en province une vision heureuse et idyllique de la monarchie : bals masqués, fêtes privées ou officielles, feux d’artifice, mariages royaux, étaient autant d'occasions de fédérer le peuple autour du souverain, mais aussi de diffuser en province les modes de la Cour et de la haute société.

Vue d'optique du feu d'artifice donnée le 30 mai 1770,
en l'honneur du future Louis XVI et de Marie Antoinette.

    La mode des vues d’optique satisfaisait également le goût du voyage et de l’exotisme si caractéristique du 18ème siècle, en montrant des représentations de villes, de monuments ou de paysage de l'étranger.

Voulez-vous voyager un peu ? 

Alhambra de Grenade

L'antique cité de Palmyre
(Source)

La ville de Nanquin, en Chine.

La Sibérie

Le Maroc

La Martinique

Les vidéos !

Je vous avais promis des vidéos au début de l'article. Les voici !

    Cliquez sur l'image ci-dessous pour visionner sur Facebook la présentation de cette exposition dédiée au zograscope, mise en ligne par la mairie de Toulouse en 2015 :


Images animées ? Au 18ème siècle ?

    Je vous ai parlé d'images animées. Eh oui ! Elles aussi sont nées au 18ème siècle, pas au 19ème !
Regardez cette vidéo qui vous présente les lanternes magiques !


    J'ai trouvé la vidéo ci-dessus, dans un article très intéressant, publié sur le site Proantic. Je vous conseille de le lire également : La lanterne magique

Un mot sur Carmontelle, l'inventeur du Cinéma

    Je ne peux pas ne pas vous parler de Louis Carrogis dit Carmontelle. Il ne se rendit pas célèbre avec un zograscope, mais avec une autre machine à images lumineuses de son invention...

    Ce Parisien était un portraitiste et un paysagiste. Il créa des jardins pour Philippe d'Orléans et le Duc de Chartres (le parc Monceau) et organisa des fêtes. Il était également connu comme écrivain pour ses "Proverbes dramatiques", petites pièces théâtrales que les aristocrates jouaient entre eux.

Cette vidéo de 22 minutes présente l'œuvre graphique de Carmontelle :


Le "Transparent" de Carmontel

    C'est en 1798 que Carmontelle présenta au Domaine de Sceaux son "Transparent".

    L'ensemble comprenait un coffre dans lequel un rouleau de quarante-deux mètres, constitué de 119 dessins réalisés sur feuilles de papier collées bout à bout, se déroulait et s'enroulait. Le panorama était éclairé à contre-jour, ou par des bougies. 

    Au cours de cette séance de cinéma avant l'heure, le public émerveillé découvrit les paysages de l'île de France qui s'animèrent alors sous les yeux de ces spectateurs amateurs de jeux optiques. La représentation fut accompagnée de musique de chambre, de bruitages et d'historiettes.

    Sur le thème des quatre saisons, le transparent illustrait des scènes de la vie campagnarde où les paysans et les aristocrates vaquaient à leurs occupations. Les paysans moissonnaient le blé, sciaient du bois, pêchaient dans l'étang, transportaient des vivres vers les châteaux, etc.

Source : Blog de Catherine Alice Palagret

Voici un extrait de ce Transparent (sans musique, hélas) :


Le siècle des Lumières

    Ce 18ème siècle qui avait commencé avec les Lumières projetées par de grands esprits, se terminait donc par des œuvres de l'esprit projetées en images et en lumières !

Etonnant, non ?

Tableau transparent, à côté d'une fenêtre (1794)


Oups ! Je regarde la pendule. Il est temps de terminer cet article !

Pendule de 1810, portant un zograscope.
(Source)


Mes sources:

Articles sur le WEB

Sur le site Stringfixer :

Sur le site Proantic :

Présentation très complète sur tous les systèmes d'optiques : 

Sur le blog Machines du Fantasmagore :

Documents PDF :

Sur le site du Ministère de la Culture :

Sur le site de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier :

Sur le site Researchgate.net (En Anglais) :

Le livre complet (492 pages) de Laurent Mannoni :



Merci pour votre lecture !

Bertrand Tièche





mardi 2 novembre 2021

Les drapeaux des 60 districts parisiens de la Garde Nationale en 1789

District de Saint-Jacques du Haut Pas


    Je vous offre aujourd'hui un petit bijou. Il ne s'agit rien moins que des reproductions des drapeaux des 60 districts de la Garde Nationale en 1789.

    Ces petites merveilles sont regroupées et présentées avec érudition en deux cahiers édités en 1947 par les Editions Militaires Illustrées.


    Cette édition originale a été tiré à 1500 exemplaires, dont 900 sur vélin pur fil Crèvecœur des Papeteries du Marais.

Regardez ci-dessous ce que cela donne :


    Le premier cahier présente l'histoire de ces drapeaux rédigée par le Commandant Henry Lachouque. Le second cahier regroupe les planches dessinées par Gérard Blanckaert. Je dois dire que ces dessins sont d'une qualité peu commune, que mes photos ne peuvent pas rendre complètement. En effet, les parties dorées ou argentées des drapeaux brillent vraiment comme de l'or ou de l'argent !



Des drapeaux disparus dans les limbes du temps

    Il ne reste absolument plus rien de ces prestigieux drapeaux, car ils furent brûlés conformément à la Loi du 22 avril 1792, l'an 4e. de la Liberté, "relative au brûlement des anciens Drapeaux, Étendards & Guidons".

    Cette loi avait été rendue nécessaire par suite des difficultés qui avaient été constatées pour l'application du décret du 30 juin 1791, pour un nouveau modèle de drapeau. A partir de ce décret, chaque régiment à deux bataillons, possèderait dorénavant deux drapeaux différents. Sur le premier, on trouverait les trois couleurs nationales mais on conserverait la croix blanche avec mention du numéro du régiment. Sur le second, figureraient la croix blanche, le numéro du corps et différentes couleurs. Pour tous les drapeaux, la devise, qui existait déjà sous l'Ancien Régime, se généraliserait et s'intitulerait : "discipline, obéissance à la loi".

    L'auteur de la préface, Monsieur Rosset, Syndic du Conseil de Paris en 1947, nous dit se perdre en conjectures sur les motifs qui ont pu animer ce qu'il appelle "le zèle iconoclaste des hommes de 1792" et il fait de cet acte l'un des épisodes "caractéristiques et des plus significatifs du drame de la Révolution naissante". Il semble donc oublier que cette loi avait été signée de la main du roi Louis XVI ! D'un point de vue militaire, cette loi homogénéisait les uniformes et les drapeaux, mettant fin ainsi aux disparités chatoyantes qui contribuaient à semer la confusion sur les champs de bataille, quand dans la mêlé on se savait plus qui était qui. En revanche, je trouve intéressant qu'il qualifie les événements de 1792, de révolution naissante, ce qu'ils furent effectivement.


Le ton est donné, si j'ose dire. 

    Monsieur Rosset n'apprécie guère cette révolution populaire de 1792. Il remercie d'autant plus sincèrement le commandant Henry Lachouque pour cet ouvrage, que celui-ci partage avec lui les mêmes a priori et préjugés. Il le remercie "au nom du Conseil municipal de Paris, toujours attentif, quels que soient les hommes ou les partis qui passent à l'Hôtel de Ville".

    En effet, on comprend très vite ce que le Commandant pense du peuple de Paris ; ces gens qu'à la cour du roi on surnomme les grenouilles, rappelle-t-il. (Lisez mon article à ce sujet).

    Les Parisiens de 1789 en révolte sont qualifiés de : pègre, voyous, ivrognes, valetaille, guenilleux, bonnets gras, motionnaires, crapules, chienlit, greluchons, clercs de basoche, têtes fêlées, catins, souteneurs, galériens évadés, vagabonds sortis de leurs tanières et bien sûr, brigands. (Lire mon article "Peuple ou Populace").

Il résume sa pensée avec une citation tirée d'une comédie de Victorien Sardou (Ragagas) :

"L'émeute, c'est quand le populaire est vaincu… tous des canailles. La révolution, c'est quand il est le plus fort… tous des héros."

 

Un mot sur les uniformes

    Seul un bourgeois pouvait se payer la tenue nécessaire pour entrer dans la Garde nationale. Un uniforme coûtait 117 Livres, auxquelles il fallait ajouter 66 Livres pour l'équipement suivant :

  • 1 chemise de toile,
  • 2 cols en basin blanc
  • 1 col noir
  • 1 mouchoir en coton
  • 1 paire de bas
  • 3 paires de guêtres
  • 1 cocarde
  • 2 paires de souliers de cuir à boucles
  • 1 tire-bouton
  • 1 épinglette
  • 1 havresac en peau de veau
  • 1 boucle de col
  • 1 tournevis
  • 1 sac de toile.

    Pour mémoire, 1 Livre valait 20 sous (ou sols) et 20 sous était le montant du salaire journalier d'un ouvrier parisien (un artisan pouvait gagner jusqu'à 50 sous). L'uniforme et son équipement valait donc 243 Livres, soit 243 journées de travail d'un ouvrier.

(Je ne vous cache pas que j'essaie de trouver d'autres sources, tellement cela me semble exorbitant !)


Accès aux galeries !

    Je suis sûr que certains s'impatientent et veulent voir les gravures ! Il vous suffit de cliquer sur les images ci-dessous pour accéder aux albums. Vous constaterez, qu'à la fin de la première, il y a quelques variantes, car des sources donnaient des versions différentes :




Je continue... 😉

Ce que nous apprend la lecture de ce bel ouvrage.

1/ Concernant le commandant Lachouque, nous sommes faces à un personnage dont les préjugés vis-à-vis de la Révolution étaient courants à l'époque dans le milieu militaire (et le sont probablement encore, hélas, et pas seulement dans l'armée).

    Paradoxalement, ce militaire de carrière, au service de la République, n'aime guère la République et il méprise le peuple. Il est nostalgique de l'Ancien régime, où selon lui tous les Français étaient heureux, et seul le 1er Empire auquel il consacrera de nombreux ouvrages, trouve grâce à ses yeux.

    Si le commandant Lachouque s'intéresse autant aux magnifiques drapeaux des 60 districts de Paris, c'est parce que ce sont encore des drapeaux de l'ancien régime, les tout derniers. Leur iconographie mêle quelques nouveaux symboles (Liberté, par exemple), aux anciens qui demeurent ceux de l'héraldique monarchique et religieuse de l'Ancien régime..

    Quoi qu'il en soit, le récit des événements fait par le commandant Lachouque, n'en est pas moins d'un grand intérêt à lire. Ses préjugés, inhérents à chaque homme, ne l'empêchent pas de nous apprendre nombre de détails intéressants. Mais il est vraiment nécessaire de les croiser avec d'autres sources.

    Que s'est-il d'ailleurs réellement passé durant ces journées chaudes de Juillet 89 ? Il cite Lafayette qui aurait répondu à cette question le 24 Juillet 1789 : "On ne le sait pas on ne le saura jamais, car une main invisible dirige la populace".

    Qu'importe si d'autres ont vu parfois sortir cette main du Palais Royal ou de quelque autre endroit encore plus embarrassant !?


2/ D'un point de vue historique, on comprend ce que l'on peut déjà pu deviner à la lecture de mes articles concernant les journées révolutionnaires de Juillet 1789 ; à savoir, que la garde bourgeoise de 48.000 hommes créée à l'Hôtel de Ville de Paris le 13 Juillet 1789 à midi, devenue Garde nationale le 15 Juillet, avait plus pour objectif de protéger la Bourgeoisie du peuple, que le peuple de la dizaine de régiments qui menaçaient Paris ! (1)

(1) Royal Dragons à Paris, Royal Allemand à la Muette, Royal Cravatte à Charenton, Régiment Suisse de Reyrac à Sèvres, Régiment suisse de Salis-Samade à Issy, Régiment de Provence et de Vintimille à Saint-Denis, Berchémy-Hussards à l'Ecole Militaire et Régiments de Bouillon et de Nassau à Versailles, avec les Hussards de Lauzun.

    En effet, c'est bien la peur du peuple qui a motivé les Electeurs de Paris à former une milice bourgeoise. Comme le précise Lachouque, "ils sont les "Elus du peuple" depuis le dimanche 26 avril dernier". Oui, mais de quel peuple ? Probablement pas de celui que la faim accable.

    Il précise : "Dans les soixante districts de la capitale, "le Roi ayant reconnu leur pouvoir électif", ils ont choisi "librement les députés du Tiers aux Etats Généraux", après quoi ces électeurs auraient dû se séparer, mais, "soit pour donner leurs instructions à leurs députés, soit par ce besoin de se réunir et de s'agiter, qui est toujours dans le cœur des hommes", ils ont continué à tenir séances à l'archevêché.

    Ces grands électeurs du Tiers Etat prendront bientôt le nom (inspiré du mot anglais "Commons") de Commune de Paris. Ils éliront par acclamation Bailly, comme Maire de Paris et ils nommeront Lafayette Commandant de la Garde nationale. Le peuple n'aura pas vraiment à donner son avis. (Voir ma chronique des journées de juillet et août 1789).

    Du côté de l'Assemblée nationale constituante, les députés n'auront pour seul désir que de faire la paix avec ce roi qu'ils aiment tant et de mettre fin aux troubles qui les ont pourtant bien aidés à prendre le pouvoir. La Garde nationale leur servira en quelque sorte de bras armé. Celle-ci sera en effet plus souvent utilisée pour réprimer les émeutes que pour tourmenter les ennemis de la Révolution.

    Plus le temps passera, plus les Parisiens se défieront de cette Garde nationale commandée par le tout-puissant général Lafayette.

    Rappelons que le 17 Juillet 1791, la Garde nationale commandée par Lafayette fera feu (50 morts), sur une délégation venue déposer au Champs de Mars une pétition demandant la destitution du roi ; roi qui le mois précédent s'était enfuis, avait été rattrapé à Varennes, puis avait été pardonné et avait même vu sa pension augmentée !

    Le 29 septembre 1791, l'Assemblée constituante votera une loi sur la Garde nationale, approuvée par le roi le 14 octobre 1791. Cette loi s'inscrira dans la logique de la nouvelle constitution censitaire du 3 Septembre 1791, divisant les citoyens en différentes classes, les citoyens passifs n'ayant pas le droit de vote, et les actifs ayant le droit de vote, mais eux-mêmes divisés en 3 catégories dont seuls les citoyens actifs pouvant justifier d’une imposition directe d’au moins un marc d’argent, soit cinquante livres (c'était beaucoup) et posséder une propriété foncière, pouvaient se faire élire. Ne seront tolérés dans la Garde nationale que les citoyens passifs qui auront servi sans interruption depuis le début de la Révolution et qui seront jugés « bien intentionnés ». Hormis ces exceptions, seuls les citoyens actifs pourront être incorporés, c'est-à-dire, la bourgeoisie. (Voir mon article sur le Marc d'argent). 

    

1792

    C'est en 1792 que la Garde nationale prendra progressivement partie pour le peuple, du fait de l'aggravation de la situation, suite à la déclaration de guerre à l'Autriche du 20 Avril ; guerre souhaitée par les Girondins et par Louis XVI, mais pas pour les mêmes raisons (les uns souhaitant la victoire et l'autre souhaitant la défaite).

    En Août 1792, les armées prussiennes et autrichiennes marcheront sur Paris sans pouvoir être arrêtées, conduite par le Maréchal Brunswick, qui dans le manifeste qu'il rédigera le 25 Juillet, menacera de livrer la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale.

    Devant un si grand péril 4000 gardes nationaux seront réquisitionnés pour défendre la frontière et rejoindre l'armée du Rhin, commandée par le Général Alexis Magallon de la Morlière.

    Le 11 juillet 1792, face aux défaites militaires et aux menaces d’invasion (des Prussiens du duc de Brunswick et des émigrés du prince de Condé), l’assemblée législative déclarera "la Patrie en danger" et la levée de 50 000 volontaires parmi les gardes nationales.

    Le 30 Juillet 1792, un décret prendra des mesures contre les citoyens actifs qui se désengagent de la Garde nationale ou se font remplacer.

    Le 1er Août 1792, un décret ouvrira l'accès à la Garde nationale aux citoyens passifs.

    Le 10 Août 1792, devant la menace ennemie, les Parisiens s'insurgeront et chasseront le roi de son Palais des Tuileries ; une insurrection à laquelle prendra part la Garde Nationale.

10 Août 1792, prise des Tuileries

    Suite à l'insurrection du 10 Août 1792, les décrets des 11 et 12 août 1792 modifieront les règles et le corps électoral. "La distinction des Français entre citoyens actifs et non-actifs sera supprimée, et pour y être admis, il suffira d’être Français, âgé de vingt et un ans, domicilié depuis un an, vivant de son revenu et du produit de son travail, et n’étant pas en état de domesticité."

    La loi du 19-21 Août 1792 légalisera la réduction des soixante bataillons correspondants aux soixante districts parisiens, à quarante-huit ; ce qui correspondait au nombre des sections de la Commune.

Septembre 1792, Pont Neuf de Paris,
départ de la Garde nationale vers le front.
Tableau de Léon Cogniet

    À la fin de l’été, la situation militaire deviendra dramatique. Longwy capitulera le 23 août devant les Prussiens, Verdun se rendra. Le 26 août, l’assemblée approuvera alors, sur la proposition de Danton, une nouvelle levée de 30 000 hommes.

    Le 21 Septembre 1792, lendemain de la victoire de Valmy, ou la progression des armées étrangères sera enfin stoppée, la France deviendra une république.

20 Septembre 1792, Victoire de Valmy


    En résumé, on avait besoin d'armer le peuple pour défendre la France, raison pour laquelle la Garde nationale s'ouvrit à tous les citoyens...

La Garde nationale sera intégrée sous le commandement militaire de Paris en 1795.


    La Garde nationale aura une dernière fois son heure de gloire à Paris en 1871 lors de la Commune de Paris, quand elle sera la dernière à s'opposer aux troupes prussiennes, pour finir par se faire massacrer par les troupes versaillaises de Thiers (Plutôt le Kaiser que la Commune!). Mais ça, c'est une autre histoire...

Le Peuple et sa Garde nationale en 1871.


Merci pour votre lecture,


Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset !


Post Scriptum :

Je vous conseille la lecture de cet article de Florence Devenne publié en 1990 dans lequel j'ai trouvé des infos intéressantes :
"La garde Nationale ; création et évolution (1789-août 1792)".



samedi 9 octobre 2021

La mode au XVIIIe siècle

Article mis à jour le 01/12/2021

Trop de texte sur ce site ? Ok, alors voici plus de 300 estampes de mode !

    La plus grande partie des gravures de mode que je vous propose dans les 5 albums ci-dessous, a été publiée dans la célèbre "Galerie des Modes et Costumes Français", à Paris, de 1778 à 1787.

    Le premier volume regroupant ces gravures, réalisé en 1779, avait une page de titre agrémentée d'une belle illustration allégorique (voir ci-dessous), ainsi que le titre complet de la collection :

"Gallerie des modes et des costumes français dessinés d'après nature, Gravés par le plus Célèbres Artistes en ce genre, et colorés avec le plus grand soin par Madame Le Beau. Ouvrage commencé en l'année 1778. A Paris, chez les Srs Esnauts et Rapilly rue St. Jacques à la Ville de coutances. Avec priv. Du Roi"

( Galerie des modes et costumes français, tirés d'après nature, gravés par les artistes les plus célèbres de ce milieu, et coloriés à la main avec le plus grand soin par Madame Le Beau ; publication commencée en 1778. Paris, MM. Esnauts et Rapilly, rue Saint-Jacques, à l'enseigne de la Cité des Comptes. Avec privilège du Roi (License du Roi).)

Frontispice de l'ouvrage

    Un point intéressant, c'est que ce long titre (chose courante à l'époque), indique que les gravures de la Galerie (ou Gallerie, selon l'orthographe du XVIIIe siècle) ont été créés "d'après nature" ou "après nature", ce qui signifie qu'elles représentaient ce qui était réellement porté dans les rues de Paris au cours de la dernière partie du XVIIIe siècle.

    Bien qu'elles varient dans leur présentation, la majorité des images sont des tableaux vivants dans lesquels des Parisiens de divers horizons affichent leurs modes quotidiennes. Ces planches ont été réalisées par un groupe d'éminents dessinateurs et graveurs du XVIIIe siècle et sont accompagnées d'un texte descriptif. Bien qu'aucune collection privée ou publique ne possède une édition complète de la Galerie, cette série est largement reconnue pour sa haute valeur esthétique et pour caractère innovant dans le domaine de la gravure de mode. René Colas, qui a compilé en 1933 un ouvrage de référence du costume et de la mode, l'a qualifié de « plus beau recueil existant sur la mode du XVIIIe siècle »

    Je pense que le temps a néanmoins dû faire son tri dans toutes ces gravures. Vous remarquerez qu'il y a peu (voir pas) de gravures de femmes du peuple. On reconnait quelques bourgeoises, et mêmes quelques "hétaïres". On y reconnait même le roi et la reine. Mais la plupart des tenues que vous pourrez voir sont portées par des femmes de la noblesses. Cette mode s'apparente donc à ce que nous appelons de nos jours, la "haute couture".

    Pour vous rappeler à quoi ressemblait l'immense majorité des gens du peuple, je vous invite à consulter ma galerie des "Les cris de Paris, cris des petits métiers, cris du petit peuple". Voici néanmoins une marchande de mode et une couturière allant livrer son ouvrage.

Marchande de mode
Couturière
 
    Petite devinette, dans chacun des albums de la mode féminine et de la mode masculine, vous retrouverez une personne que je n'ai pas su classer. Elle porte un costume d'homme, mais... 😏

    Il vous suffit de cliquer sur les images ci-dessous pour accéder à mes albums en ligne, que je continuerai de compléter au fil du temps. Une fois dans l'album, cliquez sur chaque image pour l'agrandir.


Mode féminine :

Mode masculine :

Mode enfantine :

Coiffures et chapeaux :

    L'album ci-dessous a été mis à jour le 01/12/2021, avec 21 nouvelles estampes de coiffures découvertes sur le site Gallica, grâce à cet intéressant article :"La coiffure, bel art du XVIII siècle".

    Honnêtement, je pense qu'aucune époque n'aura "déliré" autant que le dix-huitième siècle sur le thème de la coiffure ! Un siècle qui avait commencé en 1731 avec le scandale des emperruqués.  Les notes d’un inspecteur de police dénommé Duval, rapportent ce court texte anonyme évoquant ce scandale des fausses chevelures emplies de farine, alors que les pauvres n’avaient pas de pain :

"Dieu nous donne les blés non pour en faire profanations extravagantes, sacrilèges. Les perruques consomment plus d’une livre de farine par jour. C’est un grand scandale. Un grand scandale aussi dans l’Église quand des évêques, ecclésiastiques et religieux portent cet ornement par vanité, osent célébrer nos saints, la tête ainsi couverte avec indécence."

    Ce furent Rose Bertin, la modiste de Marie-Antoinette et Léonard, coiffeur de la Du Barry puis de la reine, qui portèrent aux plus hauts niveaux ces extravagances capillaires.

Je vous propose de consulter les liens ci-dessous, si vous souhaitez en savoir un peu plus :

"Histoire du poil"

"La mode des poufs à la Cour de Marie-Antoinette" (Reine de la mode à défaut d'être une bonne reine de France)

"Les chapeaux sous Louis XVI"

Et voici l'album :


Costume de scènes :




    Alors, d'après vous, la personne sur l'estampe ci-dessous, homme ou femme ?
Je l'ai mise dans chacun des albums de mode masculine et féminine.



    Au fait ! Saviez-vous que la loi interdisant le du port du pantalon par les femmes n'a été abrogée qu'en 2013 ?