Messieurs, il est enfin arrivé ce
beau jour si longtemps attendu, qui met un terme heureux à l'impatience du Roi
et de toute la France ! Ce jour tant désiré va resserrer encore les nœuds de
l'union entre le monarque et ses sujets ; c'est dans ce jour solennel que Sa
Majesté veut établir la félicité générale sur cette base sacrée, la liberté
publique.
L'ambition, ou plutôt le tourment
des rois oppresseurs est de régner sans entraves, de franchir les bornes de
toute puissance légitime, de sacrifier les douceurs du gouvernement paternel
aux fausses jouissances d'une domination illimitée, d'ériger en loi les
caprices effrénés du pouvoir arbitraire : tels ont été ces despotes dont la
tyrannie fournira toujours à l'histoire des contrastes frappants avec la bonté
de Louis XII, la clémence de Henri IV, et la bienfaisance de Louis XVI.
Vous le savez, Messieurs, le
premier besoin de Sa Majesté est de répandre des bienfaits ; mais pour être une
vertu royale, cette passion de faire des heureux doit prendre un caractère
public et embrasser l'universalité de ses sujets. Des grâces versées sur un
petit nombre de courtisans et de favoris, quoique méritées, ne satisferaient
pas la grande âme du Roi.
Depuis l'époque heureuse où le ciel
vous l'a donné pour maître, que n'a-t-il point entrepris, que n'a-t-il point
exécuté pour la gloire et la prospérité de cet empire dont le bonheur reposera.
toujours sur la vertu de ses souverains ! C'est la ressource des nations dans
les temps les plus difficiles, et cette ressource ne peut manquer à la France
sous le monarque citoyen qui la gouverne.
N'en doutez pas, Messieurs, il
consommera le grand ouvrage de la félicité publique. Depuis longtemps ce projet
était formé dans son cœur paternel ; il en poursuivra l'exécution avec cette
constance qui, trop souvent, n'est réservée qu'aux princes insatiables de
pouvoir et de la vaine gloire des conquêtes.
Qu'on se retrace tout ce qu'a fait
le Roi depuis son avènement au trône, et l'on trouvera dans cet espace assez
court une longue suite d'actions mémorables : la liberté des mers et celle de
l'Amérique assurées par le triomphe des armes que l'humanité réclamait ; la
question préparatoire proscrite et abolie, parce que les forces physiques d'un
accusé ne peuvent être une mesure infaillible de l'innocence ou du crime ; les
restes d'un ancien esclavage détruits, toutes les traces de la servitude
effacées et l'homme rendu à ce droit sacré de la nature que la loi n'avait pu
lui ravie, de succéder à son père et de jouir en paix du fruit de son travail ;
le commerce et les manufactures protégés, la marine régénérée, le port de
Cherbourg créé, celui de Dunkerque rétabli, et la France ainsi délivrée de
cette dépendance où des guerres malheureuses l'avaient réduite.
Vos cœurs se sont attendris,
Messieurs, au récit de la sage économie de Sa Majesté, et des sacrifices
généreux dont elle a donné tant d'exemples récents, en supprimant, pour
soulager son peuple, des dépenses que ses ancêtres avaient toujours cru
nécessaires à l'éclat et à la dignité du premier trône de l'univers.
Quelle jouissance vos âmes doivent
éprouver en la présence d'un roi juste et vertueux ! Nos aïeux ont regretté
sans doute de n'avoir pu contempler Henri IV au milieu de la nation assemblée.
Les sujets, de Louis XII avaient été plus heureux, et ce fut dans cette réunion
solennelle qu'il reçut le titre de Père du peuple. C'est le plus cher, c'est le
premier des titres pour les bons rois, s'il n'en restait un à décerner au fondateur
de la liberté publique.
Si les États généraux ne furent
point assemblés sous Henri IV, ne l'attribuez qu'aux justes craintes que les
discordes civiles devaient inspirer à un prince qui plaçait avant tout la paix
et le bonheur de ses peuples. Il voulut suppléer à cette convocation générale
par une assemblée de notables ; il y demanda des subsides extraordinaires, et
sembla lui transmettre ainsi les droits des véritables représentants de la
nation.
Dans une position moins difficile,
le Roi n'appela autour de lui l'élite des citoyens, ou du moins une portion de
cette élite, que pour préparer avec eux le bienfait qu'il destinait à la
France.
Une première assemblée de notables
n'avait eu d'autre motif que de soumettre à leurs lumières un plan vaste de
finance et d'économie, et de les consulter sur l'établissement patriotique des
administrations provinciales , établissement qui signalera ce règne, puisqu'il
a pour objet que l'impôt soit désormais mieux réparti, les charges plus
également supportées, l'arbitraire banni, les besoins des villes et des
provinces mieux connus.
Cependant le long espace écoulé
depuis les derniers États généraux, les troubles auxquels ils furent livrés,
les discussions si souvent frivoles qui les prolongèrent , éveillèrent la
sagesse royale, et l'avertissaient de se prémunir contre de tels inconvénients.
En songeant à vous réunir,
Messieurs, elle a dû se tracer un plan combiné qui ne pouvait admettre cette
précipitation tumultueuse dont l'impatience irréfléchie ne prévoit pas tout le
danger. Elle a dû faire entrer dans ce plan les mesures anticipées qui
préparent le calme des décisions, et ces formes antiques qui les rendent
légales.
Le vœu national ne se manifestait
point encore ; Sa Majesté l'avait prévenu dans sa sagesse. À peine ce vœu
a-t-il éclaté, qu'elle s'empresse de le remplir, et les lenteurs que la
prudence lui suggère ne sont plus que des précautions de sa bienfaisance
toujours active, mais toujours prévoyante sur les véritables intérêts de ses
peuples.
Le Roi a désiré connaître
séparément leurs besoins et leurs droits. Les municipalités, les bailliages,
les hommes instruits dans tous les états, ont été invités à concourir par leurs
lumières au grand ouvrage de la restauration projetée. Les archives des villes
et celles des tribunaux, tous les monuments de l'histoire étudiés, approfondis
et mieux développés, leur ont ouvert des trésors d'instruction ; de grandes
questions se sont élevées ; des intérêts opposés, toujours mal entendus quand
ils se combattent en de pareilles circonstances, ont été discutés, débattus,
mis dans un jour plus ou moins favorable ; mais enfin un cri presque général
s'est fait entendre pour solliciter une double représentation en faveur du plus
nombreux des trois ordres, de celui sur lequel pèse principalement le fardeau
de l'impôt,
En déférant à cette demande, Sa
Majesté, Messieurs, n'a point changé la forme des anciennes délibérations : et
quoique celle par têtes, en ne produisant qu'un seul résultat, paraisse avoir
l'avantagé de faire mieux connaître le désir général, le Roi a voulu que cette
nouvelle forme ne puisse s'opérer que du consentement libre des États généraux,
et avec l'approbation de sa Majesté.
Mais quelle que doive être la
manière de prononcer sur cette question, quelles que soient les distinctions à
faire entre les différents objets qui deviendront la matière des délibérations,
on ne doit pas douter que l'accord le plus parfait ne réunisse les trois ordres
relativement à l'impôt.
Puisque l'impôt est une dette
commune des citoyens, une espèce de dédommagement et le prix des avantages que
la société leur procure, il est juste que la noblesse et le clergé en partagent
le fardeau.
Pénétrés de cette vérité, on les a
vus presque dans tous les bailliages donner avec empressement un témoignage
honorable de désintéressement et de patriotisme, et il leur tarde de se voir
réunis par ordre, afin que ces délibérations qui jusqu'ici n'ont pu être que
partielles acquièrent ce degré de généralité qui, en les consolidant, fixera
leur stabilité.
Si des privilèges constants et
respectés semblèrent autrefois soustraire les deux premiers ordres de l'État à
la loi générale, leurs exemptions, du moins pendant longtemps, ont été plus
apparentes que réelles.
Dans des siècles où les églises
n'étaient point dotées, où on ne connaissait encore ni les hôpitaux ni ces
autres asiles nombreux élevés par la piété et la charité des fidèles, où les
ministres des autels, simples distributeurs des aumônes, étaient solidairement
chargés de la subsistance des veuves, des orphelins, des indigents, les
contributions du clergé furent acquittées par ses soins religieux, et il y
aurait eu une sorte d'injustice à en exiger des redevances pécuniaires.
Tant que le service de
l'arrière-ban a duré, tant que les possesseurs de fiefs ont été contraints de
se transporter à grands frais d'une extrémité du royaume à l'autre, avec leurs
armes, leurs hommes, leurs chevaux, leurs équipages de guerre ; de supporter
des pertes souvent ruineuses, et, quand le sort des combats avait mis leur
liberté à la merci d'un vainqueur avare, de payer une rançon toujours mesurée
sur son insatiable avidité ; n'était-ce donc pas une manière de partager l'impôt,
ou plutôt n'était-ce pas un impôt réel que ce service militaire que l'on a même
vu plusieurs fois concourir avec des contributions volontaires ?
Aujourd'hui que l'Église a des
richesses considérables, que la noblesse obtient des récompenses honorifiques
et pécuniaires, les possessions de ces deux ordres doivent subir la loi
commune. Nous aimons à le répéter, leur acquiescement a cette loi eut dans sa
première forme toute la vivacité de l'émulation, et prit tous les caractères
delà loyauté, de la justice et du patriotisme.
L'impôt, Messieurs, n'occupera pas
seul vos délibérations ; mais pour ne point anticiper sur les objets de
discussion qui partageront les moments consacrés à vos Assemblées, il me
suffira de vous dire que vous n'imaginerez pas un projet utile, que vous
n'aurez pas une idée tendant au bonheur général que Sa Majesté n'ai déjà
conçue, ou dont elle ne désire fermement l'exécution.
Depuis que les États généraux sont
déterminés, le Roi n'a jamais pensé sans attendrissement à cette réunion d'un
bon père et de ses enfants chéris, qui deviendra le gage de la félicité commune.
Au nombre des objets qui doivent
principalement fixer votre attention et qui déjà avaient mérité celle de Sa
Majesté, sont les mesures à prendre pour la liberté de la presse ; les
précautions à adopter pour maintenir la sûreté publique, et conserver l'honneur
des familles ; les changements utiles que peut exiger la législation criminelle
pour mieux proportionner les peines aux délits, et trouver dans la honte du
coupable un frein plus sûr, plus décisif que le châtiment.
Des magistrats dignes de la
confiance du monarque et de la nation étudient les moyens d'opérer cette grande
réforme ; l'importance de l'objet est l'unique mesure de leur zèle et de leur
activité.
Leurs travaux doivent embrasser
aussi la procédure civile qu'il faut simplifier. En effet, il importe à la
société entière de rendre l'administration de la justice plus facile, d'en
corriger les abus, d'en restreindre les frais, de tarir surtout la source de
ces discussions interminables qui trop souvent ruinent les familles, éternisent
les procès, et font dépendre le sort des plaideurs du plus ou du moins
d'astuce, d'éloquence et de subtilité des défenseurs ou de leurs adversaires.
Il n'importe pas moins au public de mettre les justiciables à portée d'obtenir
un prompt jugement ; mais tous les efforts du génie et toutes les lumières de
la science ne feraient qu'ébaucher cette heureuse révolution, si l'on ne
surveillait avec le plus grand soin l'éducation de la jeunesse. Une attention
exacte sur les études, l'exécution des règlements anciens, et les modifications
nécessaires dont ils sont susceptibles, peuvent seuls former des hommes
vertueux, des hommes précieux à l'État, des hommes faits pour rappeler les
mœurs à leur ancienne pureté, des citoyens, en un mot, capables d'inspirer la
confiance dans toutes les places que la Providence leur destine.
Sa Majesté recevra avec intérêt,
elle examinera avec l'attention la plus sérieuse, tout ce qui pourra concerner
la tranquillité intérieure du royaume, la gloire du monarque et le bonheur de
ses sujets.
Jamais la bonté du Roi ne s'est
démentie dans ces moments d'exaltation où une effervescence qu'il pouvait
réprimer a produit dans quelques provinces des prétentions ou des réclamations
exagérées. Il a tout écouté avec bienveillance ; les demandes justes ont été
accordées ; il ne s'est point arrêté aux murmures indiscrets, il a daigné les
couvrir de son indulgence ; il a pardonné jusqu'à l'expression de ces maximes
fausses et outrées à la faveur desquelles on voudrait substituer des chimères
pernicieuses aux principes inaltérables de la monarchie.
Vous rejetterez, Messieurs, avec
indignation, ces innovations dangereuses que les ennemis du bien public
voudraient confondre avec ces changements heureux et nécessaires qui doivent
amener cette régénération, le premier vœu de Sa Majesté.
L'histoire ne nous a que trop bien
instruits des malheurs qui ont affligé notre royaume dans les temps
d'insubordination et de soulèvement contre l'autorité légitime. Elle n'est pas
moins fidèle à vous transmettre dans ses fastes les prospérités de vos pères
sous un gouvernement paisible et respecté. Si la France est une des plus
anciennes monarchies de l'univers, la seule, après quatorze siècles, dont la
constitution n'ait pas éprouvé les revers qui ont déchiré et changé la face de
tous les empires formés, comme elle, des débris de l'empire romain, c'est dans
l'union et l'amour mutuel du monarque et des sujets qu'il faut chercher la
principale cause de tant de vie, de force et de grandeur.
La troisième race de nos rois a
surtout des droits à la reconnaissance de tout bon Français. Ce fut elle qui
affermit l'ordre de la succession à la couronne ; elle abolit toute distinction
humiliante entre ces représentants si fiers et si barbares des premiers
conquérants des Gaules, et l'humble postérité des vaincus qu'on tint si longtemps
et si honteusement asservis. Par elle, la hiérarchie des tribunaux fut créée,
ordre salutaire qui rend partout le souverain présent ; tous les habitants des
cités furent appelés à leur administration ; la liberté de tous les citoyens
fut consacrée, et le peuple reprit les droits imprescriptibles de la nature.
Mais si les intérêts de la nation
se confondent essentiellement avec ceux du monarque, n'en serait-il pas de même
des intérêts de chaque classe de citoyens en particulier ? et pourquoi
voudrait-on établir entre les différents membres d'une société politique, au
lieu d'un rang qui les distingue, des barrières qui les séparent ?
Les vices et l'inutilité méritent
seuls le mépris des hommes, et toutes les professions utiles sont honorables,
soit qu'on remplisse les fonctions sacrées du ministère des autels , soit qu’on
se voue à la défense de la patrie dans la carrière périlleuse des combats et de
la gloire, soit que, vengeurs des crimes et protecteurs de l'innocence, on pèse
la destinée des bons et des méchants dans les balances redoutables de la
justice ; soit que par des écrits, fruit du talent qu'enflamme l'amour
véritable de la patrie, on hâte les progrès des connaissances, qu'on procure à
son siècle et qu'on transmette à la postérité plus de lumières, de sagesse et
de bonheur ; soit qu'on soumette à son crédit et aux spéculations d'un génie
actif, prévoyant et calculateur, les richesses et l'industrie des divers
peuples de la terre ; soit qu'en exerçant cette profession mise enfin à sa
place dans l'opinion des vrais sages, on féconde les champs par la culture, ce
premier des arts auquel tient l'existence de l'espèce humaine ; tous les
citoyens du royaume, quelle que soit leur condition, "ne sont-ils pas les
membres de la même famille ?
Si l'amour de l'ordre et la
nécessité assignèrent des rangs qu'il est indispensable de maintenir dans une
monarchie, l'estime et la reconnaissance n'admettent pas ces distinctions, et
ne séparent point des professions que la nature réunit par les besoins mutuels
des hommes.
Loin de briser les liens qu'a mis
entre nous la société, il faudrait, s'il était possible, nous en donner de
nouveaux, ou du moins resserrer plus étroitement ceux qui devraient nous unir.
Un grand général disait, en parlant
des Gaulois, qu'ils seraient le premier peuple de l'univers, si la concorde
régnait parmi eux. Ces paroles de César peuvent s'appliquer au moment actuel :
que les querelles s'apaisent, que les inimitiés s'éteignent, que les haines
s'anéantissent, que le désir du bonheur commun les remplace, et nous serons
encore le premier peuple du monde.
Ne perdez jamais de vue, Messieurs,
que la discorde renverse les empires, et que la concorde les soutient. La
rivalité entre les citoyens fut la source de tous les maux qui ont affligé les
nations les plus célèbres. Les guerres intestines des Romains furent le germe
de l'ambition de leurs oppresseurs, et commencèrent la décadence de la patrie,
dont la ruine fut bientôt consommée. Sans les troubles qui la déchirèrent, la
Grèce aurait vu se perpétuer longtemps sa puissance et sa gloire. La France a
couru des dangers ; si elle fut quelquefois malheureuse, faible et languissante,
c'est quand elle devint le foyer ou le théâtre de ces tristes rivalités.
Couvertes du voile toujours imposant de la religion, elles jetèrent ces longues
semences de haines dont le règne entier de Henri IV put à peine étouffer les
restes, mais sans en réparer tous les désastres. La concorde rassemble tous les
biens autour d'elle ; tous les maux sont à la suite de la discorde. Ne
sacrifions pas, Messieurs, à des prestiges funestes les avantages que nous
avons reçus de la nature. Eh ! quel peuple en obtint plus de Bienfaits ! Deux
mers baignent une partie de nos provinces, et en nous assurant ainsi la
situation la plus heureuse pour le commerce, semblent nous avoir destinés à
commander sur l'Océan et sur la Méditerranée.
Toutes les productions de la terre
croissent ou peuvent croître au sein de la France, et la culture plus
perfectionnée nous apprend encore à féconder par de nouveaux moyens ses
terrains les moins fertiles.
L'activité, les prodiges des arts
et du talent, des chefs-d'œuvre de tous les genres ; la perfection des sciences
et des lettres, la gloire de tant d'hommes célèbres dans l'église, dans la
magistrature et dans les armées, tout se réunit pour lui garantir une
prospérité immuable et la première place dans les annales du monde.
Encore une fois, Messieurs , ne
perdons pas en ce moment, par de cruelles dissensions, les fruits précieux que
tant de siècles nous ont acquis, et dont nous sommes redevables aux efforts et
à l'amour paternel de nos souverains. Ah ! s'il pouvait rester des traces de
division dans vos cœurs, s'il y germait encore des semences mal étouffées de
cette rivalité malheureuse dont les différents ordres de l'État furent
tourmentés , que tout s'anéantisse et s'efface en présence de votre Roi, dans
ce lieu auguste qu'on peut appeler le temple de la patrie.
Représentants de la nation, jurez
tous aux pieds du trône, entre les mains de votre souverain, que l'amour du
bien public échauffera seul vos âmes patriotiques ; abjurez solennellement,
déposez ces haines si vives qui depuis plusieurs mois ont alarmé la France et
menacé la tranquillité publique. Que l'ambition de subjuguer les opinions et
les sentiments par les élans d'une éloquence impérieuse ne vous entraine pas au-delà
des bornes que doit poser l'amour sacré du Roi et de la nation.
Hommes de tous les âges, citoyens
de tous les ordres, unissez vos esprits et vos cœurs, et qu'un engagement
solennel vous lie de tous les nœuds de la fraternité.
Enfants de la patrie que vous
représentez, écartez loin de vous toute affection, toute maxime étrangères aux
intérêts de cette mère commune ; que la paix, l'union et l'amour du bien public
président à toutes vos délibérations ; mais si quelque nuage venait altérer le
calme de vos séances , s'il était possible que la discorde y soufflât ses
poisons, c'est à vous, ministres des autels, qu'il appartient de conjurer
l'orage : vos fonctions saintes, vos titres sacrés, vos vertus et vos lumières
impriment dans les cœurs ce respect religieux d'où naît l'ascendant qui
maîtrise et dirige les passions humaines. Eh ! comment refuser aux interprètes
d'une religion pure et sublime cette vénération, ces hommages, cet empire moral
que des hommes enveloppés de ténèbres et livrés à d'extravagantes superstitions
ont toujours accordés aux ministres de leurs fausses divinités ! C'est donc sur
vous que la nation se repose en particulier du soin de ramener la paix dans
cette Assemblée, s'il était possible qu'elle s'en bannît un instant. Mais
pourquoi m'occuper du retour de la concorde, quand vous en donnerez des
exemples que les deux ordres s'empresseront d'imiter ? En effet, quelle sorte
de dévouement et quel concours patriotique ne doit-on pas attendre de ces
braves et généreux successeurs de nos anciens chevaliers, qui, prodigues envers
la France de leur fortune, de leur sang et de leur vie, n'hésitèrent jamais sur
un sacrifice que l'utilité publique avait prescrit ou consacré ? Vous suivrez
aussi ces grands exemples de désintéressement, de soumission et d'attachement à
la patrie, hommes sages et laborieux dont les travaux nourrissent, vivifient,
instruisent, consolent, enrichissent la société. Tous les titres vont se confondre
dans le titre de citoyen, et on ne connaîtra plus désormais qu'un sentiment,
qu'un désir, celui de fonder sur des bases certaines et immuables le bonheur
commun d'une nation fidèle à son monarque, si digne de vos respects et de votre
amour.
L'intention du Roi est que vous
vous assembliez dès demain, à l'effet de procéder à la vérification de vos
pouvoirs, et de là terminer le plus promptement qu'il vous sera possible, afin
de vous occuper des objets importants que Sa Majesté vous a indiqués.