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mardi 11 août 2020

11 Août 1789 : Décret relatif à l'abolition des privilèges

4 AOUT 1789
Haut-relief en bronze figurant au pied
du monument à la République,
Place de la République à Paris.


    Ce décret du 11 clôture la série de décrets des 4, 6, 7 et 8 août 1789, qui tous ont eu pour objet de mettre en pratique la fameuse abolition des privilèges décrétée dans des conditions "un peu particulières" lors de la fameuse nuit du 4 au 5 août.

La nuit du 4 au 5 août 1789, à Versailles

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4833_t2_0397_0000_3

" Art, 1er. L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret continueront néanmoins à être perçus jusqu'au remboursement.

" Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli.

« Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés ; durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

" Art. 3. Le droit exclusif delà chasse et des garennes ou vertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique.

«Toutes capitaineries même royales, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi.

«M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existantes à cet égard.

Concernant l'abolition du privilège de la chasse, lire l'article du 6 Août 1789.

Départ du braconner (1781)


" Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire.

" Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelque dénomination qu'elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous gens de mainmorte, même par l'ordre de Malte, et autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises, et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées.

« Et cependant, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée.

« Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu'elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'Assemblée ; et jusqu'au règlement à faire à ce sujet, l'Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

 

" Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu'elles soient dues, gens de mainmorte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations, le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l'Assemblée. Défenses seront faites de plus à l'avenir créer aucune redevance non remboursable.

" Art. 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d'exercer leurs fonctions et d'en percevoir émoluments jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

" Art. 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d'être payés aussitôt qu'il aura été pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort de curés des villes.

" Art. 9. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens el sur tous les biens, de la même manière et de la même forme : et il va être avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année d'imposition courante.

" Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

" Art. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance.

" Art. 12. A l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d'Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annales ou pour quelque autre cause que ce soit ; mais les diocésains s'adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

" Art. 13. Les déports, droits de cotte-morte, dépouilles, vacal, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.

" Art. 14. La pluralité des bénéfices n'aura plus lieu à l'avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excéderont la somme de 3,000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un Bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l'on possède déjà excède la même somme de 3,000 livres.

" Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l'Assemblée nationale de l'état des pensions, grâces et traitements, elle s'occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l'avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet.

« Art. 16. L'Assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté en actions de grâces un Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume.

« Art. 17. L'Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.

« Art. 18. L'Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter l'hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la « supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.

« L'Assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié, même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera. »


Par la fenêtre ci-dessous, vous pouvez écouter un podcast de France Culture évoquant ce décret, depuis le site Retronews :


lundi 10 août 2020

10 Août 1789 : Décret pour le rétablissement de la sécurité publique et serment des armées.

La nouvelle de l’abolition des privilèges n’étant pas encore parvenue dans tous les recoins du royaume, ou alors ses bienheureux destinataires n’ayant pas tous été vraiment convaincus, de sérieux troubles continuent d’éclater çà et là, qui inquiètent grandement les députés de l’Assemblée nationale, et ce, d’autant plus que certains possèdent de jolis château qu’ils ne voudraient pas voir partir en fumée.

    Il y a donc urgence à rétablir l’ordre ! Raison pour laquelle le décret sur le rétablissement de la tranquillité publique est à l’ordre du jour de cette séance de l’assemblée nationale.

« Monsieur Target en donne lecture au nom du comité de rédaction.

M. Dupont juge convenable qu'on établisse une formule pour avertir le peuple qu'on agira contre ceux qui fomenteront et participeront à des mouvements séditieux comme contre les rebelles. Il cite le bill de mutiny publié en pareil cas en Angleterre, et il réclame l'exécution de formes semblables dans la proclamation proposée.

M. le duc du Châtelet appuie cette proposition ; il ajoute qu'elle produit en Angleterre les effets les plus prompts pour dissiper les attroupements, puisqu'après la promulgation de cette loi cinq personnes trouvées ensemble sont arrêtées et condamnées à mort.

Un Marquis explique que dans diverses provinces, le peuple, non content de brûler les chartriers des seigneurs, porte ses excès jusque sur les personnes. Il propose donc d'ajouter à la proclamation que tous les habitants d'une paroisse répondront des incendies, à moins qu'ils ne prouvent que ces désordres ont été commis par des étrangers. »

    J’espère que vous aurez apprécié le contenu des 2 dernières mesures. Si cinq personnes se rassemblent, il faut les condamner à mort, et tous les habitants d’une paroisse répondront d’un incendie, à moins qu’ils ne fassent la preuve que celui-ci a été commis par des étrangers. Je vous laisse juges…

Procès-verbal ici : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4826_t2_0376_0000_7

    Ce projet de décret comprend également un serment que les soldats et leurs officiers devront prêter. Ce qui donne lieu à une discussion au sein de l’assemblée. Nous avons en effet pu constater lors des événements de juillet que les troupes n’étaient pas toutes fiables, ce qui d’ailleurs, avait plutôt bien arrangé les députés de ladite assemblée. Mais voici qu’à présent ceux-ci craignent qu’elles ne deviennent dangereuses.

    Un intervenant dont le nom ne figure pas au procès-verbal, a me semble-t-il, une position intelligente et surtout très critique concernant ce serment. Écoutons-le :

"Je trouve deux inconvénients à la formule du serment proposé. Le premier, que le serment devait se prêter devant Je corps entier. Le second, qu'en ajoutant : sur la réquisition des municipalités, il faut distinguer celles qui ne sont pas électives, parce que celles qui ne le sont pas sont dans la dépendance du Roi.

Quelle que soit la formule du serment que l'on fasse faire aux troupes, ce serment ne doit et ne peut jamais engager ni lier le soldat au point de le faire agir contre les devoirs de l'homme et du citoyen. Trop longtemps on a regardé le soldat comme un automate fait pour suivre simplement l'impulsion qu'on lui donne. Dans le siècle de la philosophie, dans ce siècle de lumières, où tous les devoirs de l'humanité sont connus, le soldat doit être regardé comme un homme et comme citoyen.

Où en serions-nous, grand Dieu ! Si les gardes-françaises n'eussent pas eu assez de raison, assez de philosophie, pour préférer les devoirs sacrés de l'homme et du citoyen aux lois rigides du code militaire ? Ils eussent fait main-basse sur leurs concitoyens ; Versailles et Paris eussent été inondés de sang ; la France serait aujourd'hui le théâtre d'une guerre civile d'autant plus funeste, que le despotisme aurait voulu écraser et faire trembler des êtres qui tous voulaient recouvrer leurs premiers droits, les droits imprescriptibles de la liberté.

Pourquoi donc aujourd'hui vouloir encore lier le soldat citoyen par une formule de serment qui aurait entraîné les plus grands malheurs si le soldat s'y était conformé ? Et pourquoi croire lier l'officier par une formule de serment qu'il saura, quand il lui plaira, faire plier devant ses intérêts et son ambition ? On peut conclure, et non sans raison, qu'un serment, n'importe la forme sous laquelle on le fait prêter, est absolument inutile. Peut-on croire en effet que l'homme méchant, que l'homme traître, se fera un scrupule de fausser son serment ? Ces être-là, pour qui le crime a des attraits, et qui sont prêts à sacrifier le sacré et le profane à leurs intérêts particuliers, à leur passion dominante, ne seront jamais arrêtés par un serment ; au contraire, violer leur parole, trahir leur conscience, est une aiguillon de plus pour les porter à faire le mal.

L'homme vertueux, n'importe l'état qu'il professe dans la société, se gardera bien de dépasser le but marqué par les premiers devoirs, les premiers droits de l'homme et du citoyen. Ainsi, quelque tournure que l'on donne à la formule du serment qu'on lui fera prêter, son cœur lui dira toujours, lui criera sans cesse qu'il doit rester immobile, et ne point écouter la voix impérieuse d'un scélérat qui lui commande le crime.

Le maréchal de Broglie, ce général qui a pour jamais souillé et terni les lauriers qu'il avait cueillis à la retraite de Prague, est un exemple frappant de ce que j'avance,

Trop sensé pour avoir accepté le commandement du dernier camp sans pénétrer les raisons de la cour, il est chargé et sera toujours chargé, aux yeux des générations présentes ; et futures, de l'exécution de la conspiration infernale formée contre la patrie.

Ce coupable général, pour sonder les dispositions de ses soldats leur rappela leur serment ; n'avez-vous pas juré, leur dit-il, fidélité au Roi ? Je compte sur votre parole. « Nous la tiendrons, répondirent les troupes ; mais sachez qu'en promettant fidélité au Roi, jamais nous n'avons entendu nous engager à nous souiller du sang de nos frères. »

Une connaissance des droits et des devoirs de l'homme, mise à la portée de tous les citoyens, bien sentie d'un chacun, vaudrait infiniment mieux que toutes les tournures et formules de serment.

L'une, en quelque façon, préviendrait le crime, en apprenant à l'homme jusqu'où il peut aller et où il doit s'arrêter. Les autres ne sont que des précautions inutiles contre l'homme subalterne, accoutumé au crime, auquel il se livre d'autant plus volontiers, qu'il voit un des chefs lui en donner l'exemple."

    Monsieur Barnave écartera cet avis raisonnable en rétorquant que la proclamation proposée n'est point une loi générale, mais un décret provisoire relatif aux circonstances. Selon lui, le serment des troupes est indispensable dans un moment où tous les liens de la subordination paraissent rompus, où les troupes elles-mêmes pourraient devenir dangereuses. L'arrêté proposé confie la force aux personnes qui ont joui de plus de confiance, en la conférant aux tribunaux et aux municipalités.

    Ce décret dont vous trouverez le texte en son entier par le lien ci-dessous, sera bien sûr voté.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4827_t2_0378_0000_3

    Les députés espèrent que le peuple sera tenu en respect par la publication de ce décret. Nous verrons par la suite qu’ils rencontreront bientôt un problème de taille avec l’armée, quand l’autorité du roi commencera à poser question.

    En effet, c’était la noblesse qui contrôlait totalement l’armée, depuis la mise en application de l’Édit de Ségur (du nom du secrétaire d'État de la Guerre Philippe Henri de Ségur), du 22 mai 1781, qui avait fermé l’accès aux carrières d'officiers aux roturiers (non-nobles). Il fallait prouver quatre degrés de noblesse ou d’être officiers de fortune ou fils d’officiers titulaires de la croix de Saint-Louis pour pouvoir postuler un poste d’officier. Les historiens désignent cela sous le nom de « réaction nobiliaire », une sorte de reprise du pouvoir accaparé par le roi depuis Louis XIV.

    Une ordonnance du 17 mars 1788 avait encore davantage fermé l’armée.

    Le cours de la révolution changeant peu à peu de direction, beaucoup d’officiers nobles feront défection, allant jusqu'à quitter le pays pour constituer une armée contre révolutionnaire.

    Nous en reparlerons le temps venu. D’ici là, si le sujet vous intéresse, vous pouvez lire ce document traitant de ladite réaction nobiliaire :

https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1974_num_29_1_293452

    L'image ci-dessous provient du site de Romans-sur-Isère, où le serment fut prêté le 15 novembre 1789...




 

10 Août 1789 : Mais qui veut la peau de Besenval ? Et qui est-il vraiment ?

 

    J'espère que vous pardonnerez l'image humoristique de cet article (volée à Roger Rabbit). Je me suis dit qu'ainsi, j'allais peut-être avoir un ou deux lecteurs de plus ! Mais ne vous méprenez pas, comme d'habitude, vous allez apprendre une ou deux petites choses très étonnantes.


Le mauvais sort s'acharne !

    Déjà sauvé une fois de la vindicte populaire suite à son arrestation par les zélés miliciens de Villenauxe-la-Grande le 30 juillet dernier - sauvé par les bourgeois de la Commune de Paris, les députés de l'Assemblée nationale, le grand Necker et même par sa majesté Louis XVI qui l'a autorisé à s'exiler - le baron suisse Pierre Victor de Besenval de Brünstatt, est de nouveau arrêté par de mauvaises gens après avoir été reconnu près de Provins !

    Cet ancien commandant militaire de l'Île-de-France, des provinces limitrophes et de la garnison de Paris avait visiblement laissé un mauvais souvenir pour sa gestion quelque peu brutale lors des journées chaudes qui précédèrent la prise de la Bastille, comme lorsqu'il avait réprimé dans le sang le 28 avril 1789, l’émeute de la fabrique Réveillon, donnant l’ordre à ses Suisses, "de tirer jusqu’à la mort du dernier homme" Il y eut des centaines de morts...

Répression violente de l'émeute Réveillon le 28 avril 1789.
Dans les faits, la Révolution a commencé dès le mois d'avril 1789.

    Hélas, le nouveau pouvoir bourgeois en place, tellement empressé de se réconcilier avec son roi bien aimé, semblait éprouver quelques difficultés à faire partager son pieux désir de pardon et de réconciliation, avec le reste de la population !

Lire cet article sur le rêve de réconciliation


    Avec l'autorisation de Louis XVI, Besenval avait donc une nouvelle fois quitté Paris, mais reconnu en la bonne ville de Villegruis près de Provins, il s'était fait de nouveau arrêter, un peu brutalement, par des citoyens pleins de rancœur. Certains de ces faquins envisagèrent même de le lyncher !

Arrestation de Besenval


    Le grand Necker fut donc obligé d'intervenir une nouvelle fois pour sauver son infortuné compatriote. Mais Besenval fut malgré tout emprisonné un certain temps, au château de Brie-Comte-Robert avant d'être déféré devant le tribunal du Châtelet pour crime de lèse-nation. 

    Il était en effet accusé d'avoir voulu assiéger Paris et d'avoir médité l'incendie de la ville et le massacre de ses habitants. Fort heureusement, grâce à une efficace plaidoirie de Monsieur De Sèze, le bienheureux Besenval (bien évidemment "innocent" de ces accusations calomnieuses et absurdes) sera acquitté. 

    Comment aurait-on pu condamner un homme protégé par le roi, qui de plus n'avait fait qu'obéir aux ordres de celui-ci ?

    La Famille royale se fera d'ailleurs beaucoup de souci pour cet ancien courtisan de la reine. Madame Elisabeth, sœur du roi dira : "j’espère qu’il ne lui arrivera rien de fâcheux".

Source : https://archives.seine-et-marne.fr/fr/actualites/une-lettre-princiere-de-1789


Un homme frappé par une maladie rare en ces temps de disette.

    Les historiens royalistes, connus pour leur très grande sensibilité, nous apprendront que la santé de ce malheureux persécuté s'altéra durant son emprisonnement. Ils nous précisent même, sans rire, qu'un médecin, bien évidemment charlatan, aurait été cause de son décès, pour lui avoir prescrit un régime de truffes, de pâtés et de jambon qui acheva de le tuer. Gageons qu'il aurait survécu s'il s'était contenté du régime des autres prisonniers (eau et pains sec).

    Ce fier militaire, si détesté des Parisiens qu'il avait coutume de molester un peu, était malgré tout adoré de tous ceux que pouvait l'approcher.

Dans son journal, le Marquis de Bombelles apporte se touchant témoignage :

"Il s'était tellement fait aimer de la milice bourgeoise qui le gardait à Brie Comte Robert que, lorsqu'il en est parti pour être conduit à Paris, chacun de ses gardiens, en le remettant dans les mains d'autres, a voulu obtenir d'en être embrassé, ce qu'il a fait avec la grâce qu'il eut toujours et la gaieté d'un homme bien tranquille sur le jugement qu'on doit porter à sa conduite. En prolongeant la captivité de ce malheureux homme, ses ennemis savourent davantage leur vengeance et reculent tant qu'ils peuvent l'époque où, faute de preuves, faute d'un chef d'accusation tant soit peu raisonnable, il faudra remettre en liberté un brave militaire dont on n'eût jamais dû punir l'obéissance à des ordres légitimes."


Des Suisses répressifs.

    Si vous souhaitez en apprendre plus sur la fonction répressive des troupes suisses à Paris et découvrir qui était vraiment Besenval, je vous conseille vivement la lecture de ce texte de Alain-Jacques Czouz-Tornare :"Les troupes Suisses à Paris et la révolution 1789 – 1792".

Il est extrait d'un livre présenté par l'illustre Michel Vovelle. 

Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder au texte complet :



Concernant le fameux Besenval, je ne puis résister à l'envie de vous donner à lire cet extrait savoureux :

Le comte de la Marck, précieux relais de Mirabeau auprès de la Cour, a gratifié le suisse Besenval d’un portrait peu flatteur lui aussi :

"Il n’avait pas l’ambition d’occuper une grande place, il n’aurait pas voulu être ministre. Lieutenant-Colonel des gardes suisses, son seul désir était d’en devenir colonel après la mort du comte d’Affry. Mais tout en ne se souciant pas d’être ministre, il voulait se mêler d’en faire, afin d’avoir sur eux beaucoup d’influence. En tout il s’amusait de l’intrigue".

Toujours selon le même observateur, Besenval était parvenu à s’emparer de l’esprit du comte d’Artois, colonel-général des Suisses et Grisons ; ainsi disposait-il par le moyen du prince, de tout ce qui tenait aux régiments suisses.

Ce proche de Marie-Antoinette qui lui avait servi en avril 1779 de garde-malade durant sa rougeole, l’assidu compagnon de plaisir du comte d’Artois, ce Suisse catholique, franchement athée et franc-maçon, se transforma à la veille de la Révolution en défenseur d’une tradition contre laquelle toute sa vie témoignait. Gouverneur militaire de Paris, il ne fut l’homme de la situation qu’en ce qu’il incarnait toutes les tares de l’Ancien régime. (C'est moi qui souligne) 😉

"Il n’est bon qu’à être suisse à la porte de Cythère" disait de lui une dame honorable, tandis qu’un pamphlet en faisait, à la Cour, le Suisse de la porte du Palais des plaisirs de la Reine.


Alors ? Besenval ? Héros ou crapule ? Ni l'un ni l'autre, juste le produit de son milieu et de cette époque décadente.


Petit cadeau !


    Si vous voulez vous détendre un peu en lisant quelques pages d'histoire de France pour les enfants, je vous conseille de consulter ce site spécialisé en ANTOINETTHOLOGIE (Je ne plaisante pas)

Vous y découvrirez une plaisante biographie de Besenval, beaucoup plus bienveillante que la mienne.

Cliquez sur l'image ci-dessous. C'est du lourd !



10 Août 1792 : la seconde révolution française.

Article mis à jour le 11 septembre 2023.


    Pour la petite histoire, il faut savoir que Facebook a refusé deux fois en 2020 la publicité (payante) que je souhaitais faire pour cet article, qui selon eux, enfreint leurs règles ! Je vous laisse juge de la subversivité de cette publication qui ne fait qu'énumérer des dates d'événements historiques. Vous comme moi, avez déjà vu passer sur votre fil d'actualité des publicités de Facebook pour des niaiseries, voire des escroqueries. Cette attitude de leur part est donc vraiment choquante. Impossible pour moi de faire connaître ma page si je ne fais pas (à mes frais) un peu de publicité. Quand ils ont finalement accepté après ma troisième relance, la date du 10 août était passée depuis longtemps...

 Voici ce "scandaleux" article (qui m'a valu également quelques injures).

Je vous laisse juges... 😉

10 Août 1792, prise du château des Tuileries.

Introduction

    Vous aurez peut-être remarqué que la chronologie que je m'efforce de respecter sur ce site, fait que la grande majorité des articles ne concernent pour le moment que l'année 1789.
    Je m'efforce malgré tout de rédiger quelques articles un peu en avance, compte tenu de l'importance de certaines dates ultérieures à 1789. La journée du 10 août 1792 est tellement importante que je devais absolument rédiger cet article. Le 10 août 1792 aurait pu être la date de notre fête nationale. Le 10 août 1792, c'est la date de la seconde Révolution française...

    Du fait de l'absence provisoire d'articles sur mon site concernant l'année 1792, j'ai pensé qu'il était préférable de réaliser une petite chronologie réduite à quelques dates importantes de 1792, avant de vous parler de la journée du 10 août 1792. Il en manque, bien sûr, et toutes ne constituent pas une conséquence directe ou indirecte de la journée du 10 août. J'ai néanmoins trouvé que c'était indispensable pour donner une petite idée de la situation. Merci pour votre compréhension. 😉

1792, l'année formidable.

    1er janvier 1792, L'Assemblée législative met en accusation met en accusation les deux frères du roi, les comtes de Provence (future Louis XVIII) et d'Artois (future Charles X), le prince de Condé, ainsi que Messieurs de Calonne, Mirabeau jeune et la Queuille.

    2 janvier 1792, Discours de Robespierre contre la guerre.

    5 janvier, discours du Girondin Maximin Isnard en faveur de la guerre.

    9 février, les biens des émigrés sont mis sous séquestre.

  1er mars 1792, Mort de Léopold II d’Autriche, son fils François lui succède. Il est beaucoup plus violemment contre-révolutionnaire que son père. Léopold II, n’avait pas voulu se mêler des affaires françaises et était exaspéré par les émigrés français. Il avait même éconduit de façon brutale le comte d'Artois. En 1791 il avait cependant été irrité par le traitement infligé à la famille royale par suite de leur fuite arrêtée à Varennes et il avait lancé un appel à tous les souverains d’Europe. Mais il était alors plus préoccupé par les relations de son empire avec la Turquie que par la Révolution française.

  2 mars 1792, Dans une lettre adressée à Mercy-Argenteau, Marie-Antoinette évoque la cherté du pain, la disparition du numéraire, la banqueroute menaçante.

   3 mars 1792, Le 3 mars 1792, Le maire d’Etampes Simonneau, un riche tanneur, est tué sur le marché aux grains parce qu'il refusait de fixer un prix sur les produits de première nécessité. Alors que l’Assemblée nationale en fait un martyr de la loi, le curé Pierre Dolivier et quarante citoyens de la région d’Étampes l’accusent d’avoir provoqué ces funestes événements en refusant l’apaisement des rumeurs, en faisant un usage provocateur de la loi martiale, en spéculant sur les prix. Ils rédigent une pétition qui décrit l’indignité de la condition paysanne, l’effroi provoqué par la répression. Toute la bourgeoisie d’ordre va aussitôt en faire le martyr de la loi et de la propriété. Le Girondin Roland déclare : « Tout ce que l’Assemblée peut faire en matière économique, c’est de déclarer qu’elle n’interviendra jamais. »

  9 mars 1792, Louis XVI renvoie Narbonne, il est remplacé par le colonel de Grave au ministère de la guerre.

 10 mars 1792, L’Assemblée met de Lessart, ministre des Affaires étrangères en accusation.

 15 mars 1792, Création d’un ministère girondin autour de Roland, Clavière et DumouriezDumouriez est chargé du portefeuille des affaires étrangères.

  16 mars 1792, Mallet du Pan dans le « Mercure de France » écrit : "Le jour est arrivé où les propriétaires de toutes classes doivent enfin sentir qu’ils vont tomber à leur tour sous la faux de l’anarchie".

   23 mars 1792, les Girondins sont rappelés au gouvernement par Louis XVI en raison du fait, qu'à l'instar du roi mais pour des raisons opposées, ils aspirent à la guerre contre l'Autriche. 

    Les Girondins voient dans cette guerre le moyen de séparer le roi des autres monarques et des émigrés, du moins dans l'hypothèse d'une victoire (ainsi que celui de s'enrichir par le pillage de guerre et renflouer ainsi les caisses de l'Etat)

    Le roi, quant à lui, aspire à la défaite de ses troupes et au rétablissement de ses droits par les étrangers. Robespierre et la Montagne sont opposés à cette guerre dont ils mesurent les dangers. Robespierre est depuis toujours un opposant farouche à la guerre hors des frontières. Le 23 mai 1790 il avait fait voter par la constituante : "La nation française déclare solennellement qu'elle ne fera plus jamais de guerre d'agression." 

    A partir de décembre 1791 jusqu'au 10 février 1792, Robespierre prononça plus de 8 discours contre la guerre. Vous pouvez lire celui prononcé devant le Club des Jacobins, le 18 décembre 1791 (En cliquant sur le lien).

Lire également :"Robespierre et la question de la guerre".

La Liberté triomphante
5 avril 1792 (An IV de la Liberté)

    26 mars 1792, la reine écrit à Mercy-Argenteau :

« M. Dumouriez (…) a le projet de commencer ici le premier par une attaque de la Savoie et une autre par le pays de Liège. C’est l’armée de La Fayette qui doit servir à cette dernière attaque. Voilà le résultat du Conseil d’hier. » 

    20 avril 1792Après avoir constitué un ministère Girondin, le roi annonce à l’assemblée législative qu’il déclare la guerre de la nation française un roi de Bohême et de Hongrie, (c’est-à-dire au neveu de sa femme). Cette expression désigne le Saint-Empire et les possessions de la maison d'Autriche. L'empereur élu, appartient à la maison d'Autriche, il règne sur le Saint-Empire, il est également roi de Bohême et de Hongrie et a comme allié la Prusse, dont la partie située hors de l'Empire est un État indépendant.

Déclaration de guerre.

Des généraux peu fiables.

    Le 29 avril 1792, le général Théobald Dillon (Irlandais), est exécuté par ses soldats parce qu’il a ordonné la retraite devant l'ennemi. Un ordre du général Dumouriez fait sortir Dillon de la Place de Lille à la fin d'avril, avec ordre de marcher sur Tournai avec dix escadrons, six bataillons, et six pièces de canon. Les instructions de Dumouriez lui prescrivent de montrer sa troupe, afin de provoquer un mouvement en Belgique, et Dumouriez lui recommande expressément de n'entamer aucune action.

    Rien ne se passe comme prévu. Les deux armées se retrouvent soudains face à face et hésitent. Les Autrichiens tirent quelques coups de canon. Dillon, ordonne la retraite en la faisant protéger par ses escadrons. L'infanterie se retire, mais les cavaliers croyant à une trahison, bouleversent la troupe en se repliant. Les Autrichiens ne les poursuivent pas et regagnent Tournai. 

    De retour au camp, la troupe s'en prend à ses officiers qu'elle considère comme des traîtres pour ne pas avoir engagé le combat. Dupont, l'aide-de-camps est tué d'une balle dans le front, le frère de celui-ci Dupont-Chaumont reçoit plusieurs balles dans ses habits (les balles de pistolets perçaient difficilement la grosse laine des uniformes). Le colonel du génie Berthois, est pendu aux créneaux de la ville avec un autre officier. Dillon, blessé à la tête d'un coup de pistolet tiré à bout portant, tente de s'enfuir en voiture (vous en savez un peu plus à présent sur l'inefficacité des balles de pistolets). Il est extirpé de la carriole, puis massacré à coup de sabres et de baïonnettes. Plus tard dans la nuit, son cadavre est jeté dans un grand feu.

Assassinat de Dillon

    Ce triste événement fut révélateur de la profonde méfiance que les soldats français éprouvaient envers leurs officiers. Rappelons que depuis l’édit de Ségur en 1781, les postes d’officiers étaient exclusivement réservés à la noblesse. Cette méfiance se révélera justifiée plus tard par les trahisons de Lafayette, Dumouriez et de quelques autres.

    La Fayette trahira en effet sa patrie dans la nuit du 19 au 20 août 1792. En pleine guerre, il choisit de fuir sa responsabilité de général en chef de l'armée du Nord, en franchissant les lignes ennemies avec son état-major, et après avoir même vainement cherché à soulever ses troupes contre l'Assemblée nationale !

    Dumouriez fera bien pire en mars 1793 ! Il concevra le projet, en accord avec les Autrichiens, de marcher sur Paris avec les débris de ses vieilles troupes, de dissoudre la Convention nationale et de faire proclamer roi son jeune lieutenant, le duc de Chartres, qui, le deviendra en 1830 sous le nom de Louis-Philippe 1er. En conséquence il eut, le lendemain même de la bataille de Neerwinden, une entrevue secrète à Louvain avec le colonel Mack, chef d'état-major du prince de Cobourg, général des Armées autrichiennes.

    Sa trahison sera découverte par la Convention nationale qui lui enverra le 2 avril 1793 le ministre de la Guerre Pierre Riel de Beurnonville et les députés Armand-Gaston CamusJean Henri Bancal des IssartsFrançois Lamarque et Nicolas-Marie Quinette pour le suspendre et lui ordonner de venir rendre compte de sa conduite. Dumouriez les ferra arrêter, puis livrer aux Autrichiens ! 

Arrestation des députés de
la Convention par Dumouriez

    29 avril 1792, Le curé Pierre Dolivier présente aux jacobins, puis à l’Assemblée législative le 1er mai, un texte expliquant les causes des violences contre Simonneau le Maire d’Étampes, qui ne rencontre aucun succès : son radicalisme fait peur. Dolivier rédige une pétition qui est signée par des citoyens d'Étampes. Le texte dépasse le cadre de l’affaire Simonneau. Deux conceptions de l’économie s’affrontent ; une économie totalement libre ou une économie encadrée par l'Etat. Seul Robespierre, qui avait pris le parti des habitants d'Étampes, oser défendre Dolivier aux Jacobins, et publier sa pétition dans son journal, Le Défenseur de la Constitution.

    5 mai 1792 l’Assemblée Législative porte les effectifs de l'armée à 214 bataillons de 800 hommes, soit plus de 170 000 hommes (171 200 exactement).

    9 mai 1792, Servan est nommé ministre de la Guerre.

    12 mai 1792, Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy, député du département de Paris à l'Assemblée législative fait décréter le 12 mai 1792, malgré une vive opposition de la Montagne, une fête pour honorer la mémoire de Jacques Guillaume Simonneau, le maire d'Étampes.

    17 mai 1789, le ministère Girondin prend connaissance des intrigues des Feuillants et de Lafayette qui communiquent avec l'Empereur et promettent explicitement de marcher sur Paris et de faire fermer le club des Jacobins. Ils savent également que Lafayette refuse de conduire ses armées à la guerre. Lafayette et les Feuillants invitent le roi à la résistance. Les Girondins préfèrent cacher ces manœuvres et négocient avec Lafayette.

    18 mai 1792, Les chefs militaires réunis à Valenciennes déclarent impossible une offensive.

    23 mai 1792, les Girondins Vergniaud et Brissot dénoncent le « comité autrichien » dirigé par la reine.

Ecoutons l'Historien Jules Michelet nous raconter cette incroyable affaire !

"La Gironde battait de l’aile. Elle avait reçu deux coups : à la frontière, par le premier échec d’une guerre qu’elle avait conseillée ; — aux Jacobins, par la victoire de Robespierre sur Brissot. Elle se releva par un coup de foudre, qui frappa directement la Cour, indirectement ceux qui, comme la Cour, avaient été les partisans de la paix, par conséquent Robespierre. La machine était bien montée, avec une entente habile des besoins d’imagination qu’avait cette époque, émue, inquiète, crédule, tout affamée de mystère, accueillant avidement tout ce qui lui faisait peur. C’était la dénonciation à grand bruit d’un comité autrichien, qui, trente ans durant, avait gouverné la France et ne voulait aujourd’hui pas moins que l’exterminer.

Le premier coup de tambour pour attirer l’attention, coup rudement retentissant, donné fort, à la Marat, le fut par le Girondin Carra dans les Annales patriotiques. Le comité autrichien, disait-il, préparait dans Paris une Saint-Barthélemy générale des patriotes. Montmorin, Bertrand, étaient nominalement désignés ; grand émoi : le juge de paix du quartier des Tuileries n’hésite pas à lancer un mandat d’amener contre trois représentants du témoignage desquels Carra s’était appuyé.

Ainsi audace pour audace. La Cour avait organisé cette redoutable garde, dont on a parlé plus haut ; elle pensait avoir aussi une notable partie de la garde nationale. La nouvelle du revers de Flandre avait été saluée de tous ces aristocrates par des cris de joie. L’Assemblée, battue à Mons, à Tournai, ne leur faisait plus grand’peur ; ils la méprisaient au point d’oser lancer contre elle un simple juge de paix, un tout petit magistrat du quartier des Tuileries.

Ils perdirent confiance, quand Brissot (le 23 mai) ramenant la dénonciation à des termes plus sérieux, parmi quelques hypothèses, articula les faits certains que la publication des pièces et le progrès de l’histoire ont décidément confirmés. Il établit que les Montmorin et les Delessart, véritables mannequins, étaient dirigés par le fil que tenait M. de Mercy-Argenteau, l’ancien ambassadeur d’Autriche, alors à Bruxelles ; lui seul en effet eut toujours pouvoir sur la reine. D’autre part, Louis XVI avait son ministre à Vienne, au su de toute l’Europe, M. de Breteuil. Appuyé sur de nombreuses pièces, systématisant et liant des faits isolés, Brissot montra le comité étendant sur la France un réseau immense d’intrigues, la travaillant au moyen d’une puissante manufacture de libelles. Une des pièces citées était curieuse ; c’était une lettre de notre envoyé à Genève, qui se déclarait autorisé par le roi à prendre du service dans l’armée du comte d’Artois. Brissot concluait à l’accusation de Montmorin et voulait qu’on interrogeât Bertrand de Molleville et Duport-Dutertre. Pour Bertrand, ses Mémoires nous prouvent aujourd’hui qu’il n’y a jamais eu de défiance mieux méritée."

La Police secrète royaliste ou le Comité autrichien. (Source Wikipedia) 😉

    Armand Marc de Montmorin Saint-Hérem sorti du ministère le 20 novembre 1791, avait formé avec Pierre-Victor Malouet, et Antoine François Bertrand de Molleville et quelques autres une sorte de conseil privé que Jean-Louis Carra dénoncera dans son journal sous le nom de comité autrichien.

    C'est effectivement Bertrand de Molleville, avec aussi Rivarol et Arnaud de Laporte, qui coordonnèrent l'effort des royalistes pour calmer la fureur de la révolution et servir leur roi. Plus de 1500 personnes (auteurs, chanteurs et lecteurs publics) furent employées à cet effet pour lesquels ils dépensèrent plus de 200 000 livres par mois. En ce temps, Arnaud de Laporte, créa un club appelé "Le National" au Carrousel. Les appartements au Louvre occupés par La Porte furent le centre de stratégie où le roi et ses fidèles discutaient et lançaient leurs efforts.

    Cette police secrète royaliste, surnommée donc « comité autrichien », avait surtout comme but de payer des ouvriers du faubourg Saint-Antoine pour s’emparer des tribunes, comme le faisaient les révolutionnaires et faire applaudir et crier pour le roi. Dans le courant de juin, Bertrand de Molleville avait présenté à Louis XVI un plan conçu par un sieur Buot, juge de paix, que ce prince lui avait adjoint comme agent principal. Ce projet n'eut d'autre résultat que la mort de son auteur.

    Bertrand de Molleville essayait de surveiller les démarches des partisans de la révolution et voulait procurer à la cour un peu plus d'influence sur la garde nationale, et les habitants de Paris les plus politisés. Deux mois après, Bertrand de Molleville fut dénoncé au Club des Jacobins, comme un des principaux membres du comité autrichien. Il adressa dans cette occasion, au tribunal de police correctionnelle, une plainte à laquelle le funeste sort d’Étienne de La Rivière empêcha de donner quelque suite. Ce juge de paix avait admis la plainte ; mais on lui reprocha à lui-même des poursuites illégales contre plusieurs députés, et un décret d'accusation fut lancé contre lui.

    Bertrand de Molleville continua néanmoins à faire tout ce qu’il put en faveur de son roi. Il fut l’un des derniers hommes politiques à se rendre régulièrement au palais des Tuileries. Mais il ne fit ainsi que compromettre le roi en croyant le servir.

    Le 29 mai 1792, le jour du licenciement de la Garde constitutionnelle du Roi, Antoine François Bertrand de Molleville demanda au roi d'aller à l'Assemblée avec 100 gardes, et d'y dénoncer ce texte de lois : "Je viens remplir ce devoir, et vous représenter l'irrégularité du décret qui ordonna le licenciement de ma garde constitutionnelle..."

    Après la journée du 20 juin 1792, il soumit à Louis XVI un plan pour assurer sa sortie de Paris ; mais une indiscrétion en empêcha l'exécution. Molleville avait inutilement épuisé la liste civile pour payer des clubs royalistes, des orateurs de tribunes, des orateurs de groupes, de prétendus séducteurs qui ne séduisaient personne et gardaient pour eux les fonds de la cour. L'argent n'achète par tout...

    27 mai 1792, l'Assemblée législative Girondine décide de faire arrêter les prêtres catholiques réfractaires, considérés comme des agents ennemis.  Louis XVI refuse. Il suffit de la dénonciation de vingt citoyens pour qu’un prêtre soit condamné à la déportation. Le but des Girondins, selon la phrase d’Isnard, c’est : « Le dénouement de la révolution doit être l’exclusion du christianisme ».

    29 mai 1792, L'Assemblée législative ordonne la dissolution de la garde royale.

    Le dimanche 3 juin 1792, lors d'une cérémonie nationale, consacrée au respect de la loi, on accroche aux voûtes du Panthéon de Paris l'écharpe tricolore du maire d'Étampes, mort le 3 mars 1792, victime de son dévouement à la Patrie. A l’occasion de cette fête, les Girondins font remplacer la devise inventée par Robespierre « Liberté, égalité, fraternité », par « Liberté, égalité, Propriété ».

Un mot sur le couple royal avant le 10 aout.

La reine ?


    Vergniaud et Brissot avaient accusé la reine de diriger le "comité autrichien". C'est peu probable, mais il n'empêche que l'on découvrira plus tard dans la correspondance de Marie Antoinette, que celle-ci avait envoyé le 14 décembre 1791 un billet à son amant Fersen dans lequel elle avait écrit :"L'armée de Luckner va faire mouvement, avertissez qui de droit."

Le roi ?

    Comme à son habitude, Louis XVI menait double jeu. Il venait d'adresser un courrier à Breteuil, lui disant :"L'état physique et moral de l'armée française est tel qu'elle ne peut même pas faire 6 mois de campagne." On pourra donc douter de son enthousiasme quant à cette guerre qu'il venait de déclarer.

    Sa fuite le 20 juin 1791 et son piteux retour le 25 juin 1792, à la suite de son arrestation à Varennes, n’avait guère amélioré son image auprès des Français. Les Girondins avaient prétendu qu’il avait été enlevé ! Mais le peuple n’avait pas été dupe et peu à peu, l’idée que l’on pouvait se passer de ce roi si peu fiable, avait fait son chemin.

Les événements se précipitent.

    8 juin 1792, L’Assemblée législative décide de créer une armée de 20 000 volontaires fédérés destinée à défendre Paris. 

    10 juin 1792, le ministre Roland adresse un courrier au roi pour le mettre en garde contre ses vétos successifs qui exaspèrent la population. 

Véto du 27 avril 1792

    11 juin 1792, Veto du roi sur la loi condamnant les prêtres réfractaires et sur la formation du camp des Fédérés.

    11 juin 1792, un combat a eu lieu à quelques kilomètres au nord de Maubeuge entre l'avant-garde de l'armée de La Fayette (cantonnée à Maubeuge) et un corps d'Autrichiens venus de Mons. Les Autrichiens, dix fois supérieurs en nombre infligent de lourdes pertes à l'armée française. Le commandant de l'avant-garde française, le maréchal de camp Jean-Baptiste Gouvion, estété tué d'un coup de canon et de nombreux volontaires du bataillon de la Côte-d'Or périssent. Lafayette était resté à Maubeuge, sans intervenir.

Combat de la Glisuelle

  12 juin 1792, Le roi renvoie les ministres girondins et nomme les Feuillants pour les remplacer. Un des Feuillants, Adrien Duport conseille au roi d'instaurer une dictature après avoir dissout l'Assemblée.

   13 juin 1792, L’Assemblée législative exprime les regrets de la nation à la suite du renvoi des Girondins.

    15 juin 1792, Dumouriez démissionne du nouveau ministère.

   19 juin 1792, Dumouriez se présente aux Jacobins, coiffé d’un bonnet rouge, embrasse Robespierre et promet "à ses frères et amis de triompher ou de mourir avec eux".

Lettre des Jacobins de Marseille au maire de Paris contre le monarque français et sa "liste civile corruptrice"

    20 juin 1792, Les Girondins irrités par l'usage abusif du droit de véto se sont lancés dans une campagne véhémente contre le roi. Le 20 juin, une foule de Parisiens venus des Faubourgs (10 à 20 000 manifestants selon Roederer), encadrée par des gardes nationaux et de ses représentants, dont le brasseur Santerre pénètre dans l'assemblée, au sein de laquelle Huguenin lit une pétition demandant le retrait d’un énième véto du roi. Puis la foule en colère envahit le palais des Tuileries.

    Le Maire de Paris, Jérôme Pétion, tente d'empêcher les manifestants d’envahir le palais des Tuileries et les appartements royaux, mais il est accusé par le roi et le directoire du département d'avoir favorisé l'émeute et facilité, par son absence de réaction, l'invasion des Tuileries.

Entrée des Sans-culottes à l'Assemblée
 

    Le roi est pris à partie par les émeutiers et affronte le défilé de la foule pendant deux heures durant. Il accepte de coiffer le bonnet phrygien et de boire à la santé de la Nation Legendre lui aurait dit : « Monsieur, vous êtes un perfide, vous nous avez toujours trompés, vous nous trompez encore ». Malgré cela, Louis XVI refuse de retirer son veto comme de rappeler les ministres girondins, en invoquant la loi et la constitution.

 

    Cette journée du 20 juin aurait pu tourner au drame, tant la colère des Parisiens était grande. Une estampe célèbre représente la sœur du roi, Mme Elisabeth confrontée à des sans-culottes dans une salle du château des Tuileries. Elle porte en légende l’échange suivant entre les différents acteurs :
« Des scélérats crient : où est la Reine ? Nous voulons sa tête ! La princesse Elisabeth qui n’avait pas voulu quitter son frère dans ce danger se tourne vers ces assassins, présente sa poitrine à leurs poignards, et leur dit avec fermeté. La voici la Reine. — Non, non, s’écrient deux ou trois fidèles serviteurs qui l’accompagnaient, ce n’est pas la Reine, c’est Madame Elisabeth — Eh ! Messieurs, de grâce, leur dit la princesse, ne les détrompez pas, ne vaut-il pas mieux qu’ils versent mon sang que celui de ma sœur ?… »

  
    Le général Dumouriez a été vu par Mathieu Dumas au milieu de la foule des émeutiers, coiffé d'un chapeau à larges bords, enveloppé d'une longue redingote et montrant le château d'un geste menaçant.

    21 juin 1792, Louis XVI convoque Pétion, le Maire de Paris, pour lui demander quel est l'état de la ville au lendemain de la journée d'émeute aux Tuileries, et il le reçoit très mal.


    28 juin 1792, La Fayette se présente à l'Assemblée après avoir quitté son armée, afin de réclamer des mesures contre les Jacobins. Ces derniers se méfient de lui (depuis octobre 1789). Ils craignent un coup d'état de la part du général et ils lui suscitent nombre de problèmes dans son armée. La Gauche de l'Assemblée ne réussit pas à obtenir un blâme pour cet acte d'indiscipline, mais le général n'obtient de soutient ni de la part de la Cour qui se méfie de lui, ni de la part de la garde nationale dont il avait été le commandant général.

    9 juin 1792, La Fayette propose au roi de se mettre sous sa protection à Compiègne, où il a massé ses troupes. Louis XVI, toujours aussi peu clairvoyant refuse. Lafayette ayant raté son projet de coup d'état, il quitte Paris pour rejoindre son armée. Son effigie sera brûlée au Palais Royal.

    Juillet 1792, début d'une nouvelle Grande peur, dans le département de l'Orne.

    2 juillet 1792, A l'Assemblée législative, les Girondins décident de contourner le Veto royal en appelant les fédérés à Paris pour le célébrer 14 juillet. Départ du bataillon marseillais qui arrivera le 30 à Paris.

(Les Fédérés seront encouragés à rester à Paris après le 14 juillet afin de faire pression sur le roi. Leur comité se réunit régulièrement chez le menuisier Duplay, rue Saint Honoré, où loge Robespierre qui est très actif auprès d’eux pour leur trouver des logements chez les patriotes parisiens et ainsi les lier au peuple de Paris.)

    6 juillet 1792, Jérôme Pétion est suspendu de ses fonctions de Maire de Paris par le département et remplacé par Philibert Borie, mais cette mesure accroît sa popularité ; les sections s'arment pour réclamer son retour, et Pétion sera le héros des célébrations du 14 juillet 1792. L'Assemblée législative décide alors de le rétablir dans ses fonctions.

    8 juillet 1792, L'Assemblée législative rend obligatoire le port de la cocarde tricolore pour les hommes. (Elle sera obligatoire pour les femmes, le 21 septembre 1793).

    10 juillet 1792, Démission des ministres feuillants du gouvernement.

    11 juillet 1792, Face aux défaites militaires et aux menaces d’invasion (des Prussiens du duc de Brunswick et des émigrés du prince de Condé), l’assemblée législative déclare « la Patrie en danger » et la levée de 50 000 volontaires parmi les gardes nationales. 15.000 Parisiens s'enrôlent !

    14 juillet 1792, Louis XVI prête serment sur l'autel de la patrie, lors de la célébration de la prise de la Bastille. Mais l'ambiance a dramatiquement changé. On y brûle les armes des familles émigrées. Plus personne ne crie "Vive le roi" et certains participants ont écrit à la craie sur leurs chapeau "Vive Pétion".


Que valait vraiment ce serment de Louis XVI ?

    Souvenons-nous que le 12 octobre 1789, Louis XVI écrivait secrètement à son cousin le roi d’Espagne : « J’ai choisi Votre Majesté, comme chef de la seconde branche pour déposer en vos mains la protestation solennelle que j’élève contre tous les actes contraires à l’autorité royale, qui m’ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet de cette année, et, en même temps, pour accomplir les promesses que j’ai faites par mes déclarations du 23 juin précédent. »

  Le 7 juillet 1791, Louis XVI avait donné les pleins pouvoirs à ses frères, les comtes de Provence et d'Artois pour négocier en son nom avec les cours d'Europe. (Klinckowström, le petit neveu de Fersen, 1:145).

  17 juillet 1792, Une nouvelle pétition demande la déchéance du roi.

  22 juillet 1792, l'assemblée législative déclare la patrie en danger, sur l'annonce officielle de l'approche d'une armée prussienne de 62.000 hommes.

Proclamation de la Patrie en Danger

Enrôlement de volontaires

 

    22 juillet 1792, Un jugement est rendu à Versailles, qui condamne à la peine de mort les nommés Gérard Henri, ancien garde-chasse à Étampes, et Baudet Gabriel, charretier à Étampes, ancien carabinier. Des gardes nationaux marseillais et parisiens dirigés par Claude Fournier-L'Héritier dit Fournier l'Américain, séjourneront à Étampes et libèreront les prisonniers.

    Le 23 juillet 1792, une nouvelle pétition demande la déchéance du roi.

  Le 25 juillet 1792, Brunswick, le chef de l'armée prussienne, commet l’erreur de menacer Paris d’une destruction totale dans le manifeste qu’il fait publier ; manifeste probablement rédigé par un noble émigré, le Marquis de Limon, prôné par le conte de Fersen (ami de la reine). Cela ne fait qu'attiser la colère grandissante des Parisiens, dont les fils sont envoyés sans chaussures et en guenilles défendre la frontière, armés de simples piques !

    Le 26 juillet 1792, le Girondin Brissot demande la déchéance du roi et l’instauration du suffrage universel.

   Le 29 juillet 1792, Robespierre fait un discours aux Jacobins pour demander la déchéance du roi.

    Le 30 juillet 1792, la garde nationale devient accessible aux "citoyens passifs". Elle n’est donc plus réservée à la seule bourgeoisie. N'y voyez pas là un élan démocratique mais plutôt la crainte devant l'arrivée des formidables armées prussiennes et autrichiennes.

   Le soir du 30 juillet 1792, lors du dîner des Marseillais qui venaient d'arriver à Paris, ceux-ci se confrontent violemment aux grenadiers du roi.

Combat lors du dîner des Marseillais


Terrible mois d'août !

    Voici le mois d’aout 1792, la situation militaire est terrible, la France est envahie par les forces armées des Autrichiens et de leurs alliés Prussiens. L’armée française essuiera revers sur revers jusqu’en septembre, où elle réussira à infliger une défaite à ses ennemis, le 20 septembre à Valmy. (Le lendemain, la royauté sera abolie et le 22 la république sera proclamée.)

    1er août 1792, le manifeste de Brunswick est connu à Paris. Le journal Le Moniteur le publiera le 3 août.

    Le 2 août 1792Le bataillon marseillais demande à l’Assemblée la déchéance du roi.

   Le 3 août 1792, quarante-sept des quarante-huit sections parisiennes se prononcent pour la déchéance du roi. Le Maire de Paris, Jérome Pétion de Villeneuve est chargé de porter l'adresse des commissaires des 48 sections exigeant la déchéance du roi.

    Le 8 août 1792, l'Assemblée absout Lafayette.

  Le 9 août 1792, L'Assemblée n'ose pas aborder la pétition qui a été déposée par 47 sections parisiennes demandant la déchéance du roi et elle se sépare sans débat à 19 heures.

    Danton rentre dans la soirée du 9 août de sa maison d'Arcis sur Aube.

    Aucune figure politique ne va réellement participer à l'insurrection populaire qui va avoir lieu le lendemain 10 août. Pas même Danton que les historiens appellent souvent l'homme du 10 août et qui ne fera que récupérer le mouvement.



    Ce 10 août 1792, Louis XVI a atteint un point de non-retour. Par ses hésitations, erreurs et même ses trahisons, il a fini par perdre non seulement l'amour, mais aussi la confiance du peuple. Le moment de bascule aura probablement été sa tentative de fuite le 20 juin 1791 et son arrestation à Varennes. Avant même son retour à Paris, une pétition avaient été signée de 30.000 noms demandant l'établissement de la République...

    Dès les premiers jours d'août tout était disposé pour l'insurrection. Pétion, le maire de Paris, laissera faire par son inaction et son silence. Santerre et Westermann, qui devaient tous deux se faire une réputation de révolutionnaires, vont prendre la tête des insurgés.

    Les sections étaient prêtes à marcher. Elles avaient reçu des armes et de la poudre (qui leur a fourni ?) ; le plan de l'attaque des Tuileries était fait, les faubourgs avertis, et au premier signal le peuple de Paris devait envahir le palais du roi. Pour dernier ajournement, la section des Quinze-Vingts, avait arrêté :

"que si le corps législatif ne prononçait pas le 9 la déchéance du roi ; si justice et droit n'étaient pas faits au peuple, à minuit le tocsin sonnerait, la générale battrait, et tout se lèverait à la fois."

    Roederer (Procureur Syndic du Département de Paris) rapporte que Jérôme Pétion de Villeneuve, le maire de Paris, avait fait le point sur la situation à deux heures du matin avec le roi.

    Dans la nuit les sections parisiennes avaient envoyé à l'Hôtel de Ville des commissaires révolutionnaires qui avaient déposé la municipalité légale et fondé une Commune insurrectionnelle. Le marquis de Mandat, commandant de la garde nationale fut exécuté.

    Au matin du 10 août, le premier cortège en route vers les Tuileries est celui des ouvriers des faubourgs Saint Antoine et Saint Marceau. Il arbore en tête un drapeau rouge sur lequel est écrit : "Loi martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif." Ce drapeau rouge constitue une revanche contre le drapeau rouge arboré par la garde nationale lorsqu'elle avait tiré sur la foule venue déposer une pétition pour la destitution du roi, lors de la journée du 17 juillet 1791.

    Il est rejoint en route par de nombreux Parisiens disposant de quelques pièces de canons et d’armes. Le défilé arrive par la place du Carrousel. Un second cortège, celui du faubourg Saint-Marcel stationne de l’autre côté, près du fleuve aux abords de la résidence royale des Tuileries.

    Dans la salle du manège située à proximité du château des Tuileries, la séance de l’Assemblée nationale législative avait débuté à sept heures du matin. Peu de députés sont présents lorsqu’éclatent les premiers coups de feu à neuf heures trente. La fusillade cesse à onze heures du matin. (On apprend dans le compte rendu de séance, par l’intervention de M. Roederer, les informations relatives aux événements.)

    La cour, avertie du complot qui se tramait, s'était mise en mesure de repousser une éventuelle insurrection par la force. Louis XVI avait précédemment fait rappeler les gardes suisses stationnés à Rueil et à Courbevoie. Ce matin du 10 août, le roi avait passé en revue les troupes qui défendaient le château des Tuileries, mais il avait reçu peu de témoignages d'affection au cours de cette inspection.

    C’était Antoine Jean Galiot Mandat de Grancey, le commandant général de la Garde nationale qui était chargé de la défense des Tuileries. Mais, ne disposant que de peu de gardes à son service, il avait prévu de défendre les cours du château où il avait posté des Suisses et des grenadiers. Roederer avait précisé aux gardes suisses qu’en cas d’attaque, ils pouvaient se défendre conformément à loi. Mandat avait également massé des gardes nationaux dans le jardin et placé des canons au niveau du Pont-Neuf et de l'Arcade Saint-Jean, derrière l'hôtel de ville de Paris, pour arrêter les émeutiers à leur descente des faubourgs. La mort de Mandat en laissant les défenseurs du château sans chef, eut surement des conséquences sur l’issue des affrontements.

    La nouvelle de la mort de Mandat avait changé les projets de la cour qui demeurait incertaine sur les mesures qu'il fallait prendre.

    Les canons des assaillants étaient déjà pointés sur le palais et environ trente mille hommes et femmes marchaient en colonnes serrées contre les entrées principales, que les résolutions de Louis XVI n'étaient toujours pas arrêtées.

    Le danger augmentait à chaque minute car une partie des gardes nationaux manifestaient leurs sympathies pour ceux qu'ils étaient chargés de repousser ; et, dans le cas d'une attaque victorieuse, les quelques serviteurs encore fidèles au roi pouvaient bien mourir à ses côtés, mais non point protéger sa vie.

    Dans cette périlleuse extrémité, Roederer, procureur-syndic du conseil départemental, voyant le désordre qui régnait au château où il s'était rendu, et jugeant des dangers que courait la famille royale, propose au roi de se confier, lui et sa famille à l'Assemblée législative. C'était l’ultime chance de salut ; car, si le peuple l'emportait, il était douteux qu’il épargnât un roi devenu suspect à la nation.

    La reine résiste vivement d'abord, par fierté, à la proposition de Roederer. "Madame", lui dit Roederer, " vous exposez la vie de votre époux et celle de vos enfants, songez à la responsabilité dont vous vous chargez." Elle se décide alors à suivre le roi à l'Assemblée nationale. "Monsieur, dit-elle à Roederer, vous répondez de la vie du roi et de mes enfants. Madame, reprit le procureur syndic, Je réponds de mourir à leur côté, mais je ne promets rien de plus."

    Le roi et sa famille traversent le jardin des Tuileries, uniquement séparés de la foule par un ruban tricolore tendu comme une barrière aux abords de l'avenue des Feuillants. Informée de l’arrivée de la famille royale, l'Assemblée législative envoie une députation au-devant du roi afin de l'introduire dans la salle des séances, lieu d'asile réputé inviolable.

    Une foule immense se presse curieusement sur les pas de Louis XVI. A un instant où elle forme une barrière presque impénétrable, un grenadier de haute taille, d'une figure farouche, s'empare du dauphin, le prend dans ses bras et l'enleve ; la reine jette un cri. "Ne craignez rien", dit le soldat, "je ne veux pas lui faire de mal," et il porte l’enfant sur le bureau. Louis XVI, sa jeune fille, la reine Marie Antoinette, madame Élisabeth, sœur du roi, peuvent enfin pénétrer dans l'Assemblée accompagnés de Roederer et de deux ministres.

Le roi s'adresse en ces termes à l'Assemblée :

"Je viens pour éviter un grand crime ; je me croirai toujours en sûreté lorsque je serai parmi les représentants de la nation."

Vergniaud répond :

"Sire, vous pouvez compter sur la fermeté, de l'Assemblée législative ; ses membres ont juré de mourir en défendant les droits du peuple et des autorités constituées."

 L'Assemblée accueille le roi et sa famille chassés et poursuivis par l'émeute, avec un silencieux respect, mais sans lui témoigner aucune sympathie.

    Louis s'assis à côté du président. Mais très vite une discussion s’engage sur le fait que sa présence empêche toute délibération conformément à la constitution de 1791 qui stipule que le roi ne peut assister aux délibérations de l’Assemblée législative. Il lui est alors demandé de se tenir à distance afin de respecter la prescription de la Constitution de 1791 selon laquelle le roi ne peut assister aux délibérations de l’Assemblée législative. Dans un premier temps Louis s’assit à l’autre bout de la salle et les « grandes dames » ainsi que les ministres s’installent aux fauteuils des ministères. Puis il leur est demandé de s’installer dans la tribune du logographe chargé de recueillir les débats, soit une petite loge séparée de la salle par des barreaux. 

    Roederer expose la situation inquiétante des Tuileries, quand tout à coup on entend le bruit du canon : une consternation profonde régne alors dans la salle. Le roi intervint alors en disant : « Je vous avertis, que je viens de défendre aux Suisses de tirer. »

    Mais les décharges de l'artillerie continuent, une vive mousqueterie s’en suit bientôt ; on se bat au château. L’histoire nous dit (comme souvent en pareil cas) que par un malentendu inexpliqué, un coup de fusil parti sans que l’on sache de quel côté et que cela donna le signal de l’affrontement général. Les assaillants se rendent rapidement maîtres du Château des Tuileries. La colère du peuple se concentre sur les gardes suisses qui sont accusés d’avoir commencé le combat et les émeutiers ne font aucun quartier aux 600 gardes suisses. Pour les Parisiens, ces gardes suisses qui parlent tous Allemand pour la plupart, sont considérés comme une troupe étrangère. Le combat est sanglant. Beaucoup d’assaillant sont armés de piques, de fourches et de sabres. Dans le tumulte une voix s’écrie « Grâce aux femmes, ne déshonorez pas la nation. »

    A l’Assemblée toute proche, Alexis Thuriot, député de la Marne et proche de Danton prend partie pour les sections parisiennes. Suit une courte intervention du député Bazire qui s’inquiéte de La Fayette. C’est alors que se présente une délégation de la commune insurrectionnelle, composée de Messieurs Huguenin, Léonard Bourbon, Tronchon, Derieux, Vigaud et Bullier, députés des commissaires des sections. Ces derniers s’étaient réunis au préalable à la maison commune. Huguenin s’exprime ainsi :

« Ce sont les nouveaux magistrats du peuple qui se présentent à votre barre. Les nouveaux dangers de la patrie ont provoqué notre nomination ; les circonstances la conseillaient, et notre patriotisme saura nous en rendre dignes. Le peuple las enfin depuis quatre ans éternel jouet des perfidies de la cour et des intrigues, a senti qu'il était temps d'arrêter l'Empire sur le bord de l'abîme. Législateurs, il ne nous reste plus qu'à seconder le peuple ; nous venons ici, en son nom, concerter avec vous des mesures pour le salut publique ; Pétion, Manuel, Danton, sont toujours nos collègues. Santerre est à la tête de la force armée. (Applaudissements.)

Que les traîtres frémissent à leur tour ! Ce jour est le triomphe des vertus civiques. Législateurs, le sang du peuple a coulé ; des troupes étrangères qui ne sont restées dans nos murs que par un nouveau délit du pouvoir exécutif, ont tiré sur les citoyens. Nos malheureux frères ont laissé des veuves et des orphelins. Le peuple qui nous envoie vers vous, nous a chargés de vous déclarer qu'il vous investissait de nouveau de sa confiance ; mais il nous a chargés en même temps de vous déclarer qu'il ne pouvait reconnaître, pour juger des mesures extraordinaires auxquelles la nécessité et la résistance à l'opposition l'ont porté, que le peuple français, votre souverain et le nôtre, réuni dans ses assemblées primaires. (Applaudissements.) »

(Source Archives Parlementaires - Université Stanford et BNF Tome 47 pages 641 et 642 ; séance du matin du 10 août. (Orthographe d'époque))

    Puis des groupes de citoyens viennent déposer au sein de l’Assemblée de l’argent, des bijoux, papiers et toutes sortes de biens saisis dans le château des Tuilerie. L’Assemblée décrète que toutes ces biens relèvent du ressort de la maison commune. Des citoyens sont ensuite admis à la barre. L’un d'eux s'exprime ainsi : « Le calme paraît se rétablir dans la capitale ; mais les flammes qui consument le château des Tuileries s'augmentent de plus en plus. Les citoyens qui l'environnent, à qui j'ai représenté qu'il était inutile de s'en prendre au monument, sont disposés à secourir les pompiers s'ils s'approchaient. Nous prions l'Assemblée de donner des ordres aux officiers pompiers, de garde ici, d'aller à leur corps de garde pour donner l'ordre à ceux qui y sont, de venir au secours du château ». L'Assemblée chargea son Président de donner les ordres les plus prompts aux pompiers et décréta que la municipalité ou les commissaires des sections, réunis à la commune, prennent « sur-le-champ les mesures les plus actives pour arrêter l'incendie »...

    François Lamarque, à l’origine d’une demande de déchéance du roi le 9 août intervint au nom de la commission extraordinaire des Douze. Il y lit cette courte Adresse de l'Assemblée nationale aux Français :

« Depuis longtemps de vives inquiétudes agitaient tous les départements ; depuis longtemps le peuple attendait de ses représentants des mesures qui pussent la sauver. Aujourd'hui les citoyens de Paris ont déclaré au Corps législatif qu'il était la seule autorité qui eût conservé leur confiance. Les membres de l'Assemblée nationale ont juré individuellement, au nom de la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir à leur poste : ils seront fidèles à leur serment. L'Assemblée nationale s'occupe de préparer les lois que des circonstances si extraordinaires ont rendu nécessaires. Elle invite les citoyens, au nom de la patrie, de veiller à ce que les Droits de l'homme soient respectés et les propriétés assurées. Elle les invite à se rallier à elle, à l'aider à sauver la chose publique, à ne pas aggraver, par de funestes divisions, les maux et les dangers de l'Empire (Applaudissements.) ».

    Après que les vainqueurs fussent venus en masse annoncer à l'Assemblée la défaite des Suisses et qu’ils eurent appris au roi que sa cause était perdue aux Tuileries, l'Assemblée législative rendit le décret célèbre par lequel Louis XVI était provisoirement suspendu de la royauté.

Louis XVI et la famille royale furent détenus au couvent des Feuillants.

Un plan d'éducation fut ordonné pour le prince royal.

Une Convention nationale fut convoquée et Danton fut nommé ministre de la Justice.

La seconde révolution française venait de commencer !

    Il ne s’agissait plus d’une révolution conduite uniquement par la bourgeoisie, comme en 1789. Pour la première fois dans l'histoire de France, le Peuple parvenait aux marches du pouvoir. Il s'agissait cette fois d'une révolution "populaire" (avec tout ce que peut exprimer de hideux ce mot chez certains).

    Peut-être comprenez-vous mieux à présent pourquoi cette date est généralement passée sous silence de nos jours ?

Cette révolution accouchera en septembre d’une belle enfant, la première république.

  • Cette révolution saura vaincre l’année suivante les 11 armées étrangères envahissant le pays.
  • Cette révolution abolira l’esclavage, instaurera le suffrage universel et bien d’autres choses dont nous profitons encore.
  • Cette révolution se terminera le 28 juillet 1794 et tout reviendra ensuite dans le "bon ordre", inutile de vous préciser lequel. 
    (
    Cela dit sans porter de jugement de valeur. Il ne s'agit là que de ce que j'appelle, "la mécanique humaine".)

BONUS

    Merci d'avoir lu ce très long article. Pour vous récompenser, voici un extrait de film et un livre témoignage.

Extrait du film La Révolution française

Cette vidéo extraite du film illustre assez fidèlement cette journée mémorable :



Voici la Révolution du 10 aout 1792 racontée par Chaumette, dans ses mémoires :




A noter que la page Wikipédia est plutôt bien détaillée.