samedi 20 juin 2020

20 Juin 1789 : Le serment du Jeu de Paume

 

Le Serment du Jeu de Paume,
peint par Jacques-Louis David

Une date mémorable !

    Que s’est-il passé le 20 juin 1789 ? (et non-pas le 19 comme l’indique l'estampe ci-dessous). L’évènement a marqué les esprits. Il a fait l’objet de nombreuses représentations artistiques et de commentaires enthousiastes. Il s’agit du fameux serment du Jeu de Paume !

Le "Serment", curieusement daté du 19 juin.

Wikipedia présente cette journée ainsi :

« Le serment du Jeu de paume est l’engagement solennel d’union dans le but de mettre fin à l'Ancien Régime pris le 20 juin 1789 dans la salle du Jeu de paume, à Versailles, par 576 députés français qui prennent à cette occasion le nom d'Assemblée nationale. »

    L’article se termine même en désignant les députés présents sous le nom de "conjurés" !

    C’est peut-être un peu exagéré ! En vérité le serment acte les deux décisions suivantes :

  •  « rien ne peut empêcher qu'elle (l’Assemblée) ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale »

  • « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides »

    Le serment rappelle même l’objectif de l’Assemblée, soit : « fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public, et maintenir les vrais principes de la monarchie ». On ne peut pas dire que cela corresponde à la volonté de mettre fin à l’ancien régime.

    Précisons également que la désignation de l’auguste assemblée des députés envoyés aux États généraux, sous le nom d’Assemblée nationale, ne date pas du jour de ce fameux serment mais du 17 juin ! (Elle était aussi désignée sous l’appellation de "Communes" depuis le 6 mai 1789).

L'Assemblée nationale
 

Drôles de "conjurés" !

    Drôles de conjurés, toujours aussi épris de leur bon roi Louis, comme nous le verrons dans les semaines à venir. Pour se donner une idée de cet amour, il faut lire l'intervention de Monsieur Chapelier qui juge :"essentiel de faire porter au Roi la douleur de l'Assemblée nationale dans la circonstance. Il veut que l'adresse apprenne à Sa Majesté que les ennemis de la patrie obsèdent sans cesse le Trône, et que leurs conseils tendent à placer le monarque à la tête d'un parti."

Acte courageux malgré tout.

    Ne minimisons pas ! Il ne faut pas oublier en effet les dizaines de milliers de militaires qui campent autour de Paris et qui n'attendent qu'un mot du roi pour remettre tout le monde au pas. Vous remarquerez également que la salle où devaient initialement se réunir les députés, était gardée par de nombreux soldats. La séance royale, dont les préparatifs sont cause de la fermeture, aura bien lieu le 23 juin, et Louis XVI essaiera vainement de rappeler à l'ordre les députés.

    Un autre roi que Louis XVI (16), Louis XIV (14) par exemple, aurait depuis longtemps envoyé les Dragons sabrer ces insolents députés. Louis XVI ne cessera pas d'hésiter. Il fait venir des armées. Celles-ci se préparent à la répression. Et jamais rien n'arrive. C'est tellement incompréhensible que cela prête à de nombreuses interprétations parfois défendues par certains historiens : Louis XVI était-il obtus au point de ne rien comprendre aux événements ? Craignait-il de contraindre par la force ces députés du Tiers État dont nombre d'entre-eux étaient ses créanciers ? Louis XVI voulait-il cette révolution ?

De quoi penser...

    Comme à mon habitude, je ne vous dis pas quoi penser. Mais je vous donne de quoi penser ! Je vous propose pour ce faire de lire les procès-verbaux de cette journée mémorable, précieux documents que l’on trouve sur l'indispensable site www.persee.fr

Jean Sylvain Bailly
Président de la séance du 20 Juin 1789


Voici les P.V. Vous remarquerez que les députés du Tiers État sont désignés, "à l'anglaise", sous l'appellation de Communes.

Communes : empêchement de la tenue de la séance du 20 juin 1789 en raison de la préparation d'une séance royale

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4521_t2_0137_0000_6

À neuf heures du matin, heure indiquée pour la séance de l'Assemblée nationale, le président et les deux secrétaires se sont présentés à la porte de l'entrée principale ; ils l'ont trouvée gardée par des soldats, et ils ont vu un grand nombre de députés qui ne pouvaient entrer : M. le président a demandé l'officier de garde. M. le comte de Vassan s'est présenté, et a dit qu'il avait ordre d'empêcher l'entrée de la salle, par rapport aux préparatifs qui s'y faisaient pour une séance Royale.

M. le Président lui a dit qu'il protestait contre l'empêchement mis à l'ouverture de la séance indiquée le jour d'hier à l'heure présente, et qu'il la déclarait tenante.

M. le comte de Vassan ayant, ajouté qu'il était autorisé à laisser entrer les officiers de l'Assemblée, pour prendre les papiers dont ils pouvaient avoir besoin, M. le président et les secrétaires sont entrés, et ont vu en effet que la plus grande partie des bancs de la salle étaient enlevés, et que toutes les avenues étaient gardées par un grand nombre de soldats.

Comte Jean de Vassan
Source

Communes : affiches annonçant une séance royale, lors de la séance du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4521_t2_0137_0000_8

Ils ont remarqué dans la cour et à la porte extérieure plusieurs affiches conçues en ces termes : «États généraux. De par le Roi. Le Roi ayant résolu de tenir une séance royale aux États généraux, lundi 22 juin, les préparatifs à faire dans les trois salles qui servent aux Assemblées des ordres exigent que ces Assemblées soient suspendues jusqu'après la tenue de ladite séance. Sa Majesté fera connaître par une nouvelle proclamation l'heure à laquelle elle se rendra lundi à l'Assemblée des États. À Versailles, de l'imprimerie Royale, 1789. »

Communes : réunion de l'Assemblée dans un autre local, au jeu de Paume, lors de la séance du 20 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4521_t2_0137_0000_9

M. le Président et les deux secrétaires étant sortis, ils se sont transportés dans le jeu de paume de la rue du Jeu de Paume, où les membres de l'Assemblée se sont successivement réunis. — Signé, Bailly, président ; Camus, secrétaire ; Pison du Galland fils, secrétaire.

C’est Guillotin qui a suggéré cette salle du Jeu de paume, située dans le quartier Saint-Louis à Versailles.

Joseph Ignace Guillotin


Communes : ouverture de la séance du 20 juin 1789 dans la salle du Jeu de Paume.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0137_0000_11

Du même jour, dix heures et demie du matin, dans la salle du Jeu de Paume, rue du Jeu de Paume.

Communes : lettre de M. le marquis de Brézé, datée du 20 juin 1789, sur la tenue d'une séance royale.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0137_0000_12

L'Assemblée étant formée, M. le Président a rendu compte de deux lettres qu'il a reçues ce matin de M. le marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies. La première est de la teneur suivante :

«Versailles , ce 20 juin 1789.

«Le Roi m'ayant ordonné, Monsieur, de faire publier par des hérauts l'intention dans laquelle Sa Majesté est de tenir, lundi 22 de ce mois, une séance royale, et en même temps la suspension des Assemblées que les préparatifs à faire dans les trois salles des ordres nécessitent ; j'ai l'honneur de vous en prévenir. Je suis avec respect, Monsieur, votre très-humble et très obéissant serviteur, le marquis de Brézé.

«P.S. Je crois qu'il serait utile, Monsieur, que vous voulussiez bien charger MM. les secrétaires du soin de serrer les papiers, dans la crainte qu'il ne s'en égare.

«Voudriez-vous bien aussi, Monsieur, avoir la bonté de me faire donner les noms de MM. les secrétaires, pour que je recommande qu'on les laisse entrer, la nécessité de ne point interrompre le travail pressé des ouvriers ne permettant pas l'accès des salles à tout le monde ? »

Henri Evrard de Dreux Brézé
 

Communes : réponse du Président à la lettre de M. le marquis de Brézé, datée du 20 juin 1789, sur la tenue d'une séance royale.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_2

M. le Président a dit qu'il avait répondu à cette lettre dans les termes suivants :

«Je n'ai reçu encore aucun ordre du Roi, Monsieur, pour la séance royale, ni pour la suspension des Assemblées ; et mon devoir est de me rendre à celle que j'ai indiquée pour ce matin à huit heures. Je suis, etc. »

Communes : seconde lettre de M. le marquis de Brézé, datée du 20 juin 1789, sur la tenue d'une séance royale.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_3

En réponse à cette lettre, M. le marquis de Brézé lui a écrit la seconde dont la teneur suit :

Versailles, ce 20 juin 1789.

«C'est par un ordre positif du Roi que j'ai eu l'honneur de vous écrire ce matin, Monsieur, et de vous mander que Sa Majesté voulant tenir lundi une séance royale qui demande des préparatifs à faire dans les trois salles d'assemblée des ordres, son intention était qu'on n'y laisse entrer personne, que les séances fussent suspendues jusqu'après celle que tiendra Sa Majesté. Je suis avec respect, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, le marquis de Brézé. »

Communes : lecture du procès-verbal, lors de la séance du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_6

Après la lecture de ces lettres, M. le Président a rendu compte des faits portés au procès-verbal de ce jour, et il en a été fait lecture.

Communes : remarque de M. Mounier sur l'empêchement fait à l'Assemblée d'accéder à la salle des Etats généraux, lors de la séance du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_7

M. Mounier présente une opinion qui est appuyée par MM. Target, Chapelier, Barnave, il représente combien il est étrange que la salle des États généraux soit occupée par des hommes armés ; que l'on n'offre un autre local à l'Assemblée nationale ; que son président ne soit averti que par des lettres du marquis de Brézé, et les représentants nationaux que par des placards ; qu'enfin ils soient obligés de se réunir au Jeu de Paume, rue du Vieux-Versailles, pour ne pas interrompre leurs travaux ; que blessés dans leurs droits et dans leur dignité, avertis de toute la vivacité de l'intrigue et de l'acharnement avec lequel on cherche à pousser le Roi à des mesures désastreuses, les représentants de la nation doivent se lier au salut public et aux intérêts de la patrie par un serment solennel.

Cette proposition est approuvée par un applaudissement unanime.

Jean Joseph Mounier
 

Communes : décret du 20 juin 1789 sur la nécessité de ne pas se séparer avant de donner une Constitution au royaume et annonçant le serment du Jeu de Paume.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_8

L'Assemblée ayant délibéré a pris, sur la proposition de M. Target, l'arrêté suivant à l'unanimité des voix, moins une :

«L'Assemblée nationale, considérant qu'appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre public, et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale.

«Arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ; et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d'eux en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable. »

Communes : serment du Jeu de Paume du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0138_0000_9

Lecture faite de l'arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour les secrétaires, à prêter le serment les premiers ; ce qu'ils ont fait à l'instant ; ensuite, l'Assemblée a prêté le même serment entre les mains de son président.

M. le Président avant rendu compte à l'Assemblée que le bureau de vérification avait été unanimement d'avis de l'admission provisoire de douze députés de Saint-Domingue, l'Assemblée nationale a décidé que lesdits députés seraient admis provisoirement ; ce dont ils ont témoigné leur vive reconnaissance. En conséquence, ils ont prêté le serment, et ont été admis à signer l'Arrêté.

M. le marquis de Gony, député de Saint-Domingue, prenant la parole, a dit :

La colonie de Saint-Domingue était bien jeune quand elle s'est donnée à Louis XIV ; aujourd'hui plus brillante et plus riche, elle se met sous la protection de l'Assemblée nationale.

La prestation de serment a été suivie des cris réitérés et universels de vive le Roi ; et aussitôt l'appel des bailliages, sénéchaussées, provinces et villes a été fait suivant l'ordre alphabétique ; et chacun des membres présents, en répondant à t l'appel, s'est approché du bureau, et a signé.

S’en suit la liste de tous les signataires.

Procès-verbal du serment du jeu de paume
 

Communes : discussion suite au refus du député Martin d'Auch de signer le Serment du Jeu de Paume, lors de la séance du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0139_0000_4

M. Camus. J'annonce à l'Assemblée que M. Martin d'Auch, bailliage de Castelnaudary, a signé opposant.

Un cri général d'indignation se fait entendre.

M. Blailly. Je demande que l'on entende les raisons de l'opposant.

M. Martin. Je déclare que je ne crois pas pouvoir jurer d'exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le Roi.

M. le Président. L'Assemblée a déjà publié les mêmes principes dans ses adresses et dans ses délibérations, et il est dans le cœur et dans l'esprit de tous ses membres de reconnaître la nécessité de la sanction du Roi pour toutes les résolutions prises sur la constitution et la législation.

L'opposant persiste dans son avis, et l'Assemblée arrête qu'on laissera sur le registre la signature pour prouver la liberté des opinions.

Communes : discussion sur l'adresse à envoyer au Roi pour lui rendre compte du Serment du Jeu de Paume, lors de la séance du 20 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0140_0000_2

M. Chapelier prend la parole pour faire sentir qu'il est non-seulement nécessaire, mais même essentiel de faire porter au Roi la douleur de l'Assemblée nationale dans la circonstance. Il veut que l'adresse apprenne à Sa Majesté que les ennemis de la patrie obsèdent sans cesse le Trône, et que leurs conseils tendent à placer le monarque à la tête d'un parti.

Ces expressions paraissent trop fortes à beaucoup de membres.

M. Mounier représente que l'adresse de M. Chapelier ne remplit pas les vues de l'Assemblée. Il dit qu'il convient que les formes ont été blessées, qu'on y a même mis peu de décence ; qu'aucuns motifs, aucuns prétextes ne peuvent enchaîner l'Assemblée nationale ; mais, qu'à cet égard, elle s'est bien vengée du manque de procédés dont elle a à se plaindre ; que sur le fond, le préopinant va trop loin en se servant des termes d'ennemis de la patrie, avant de connaître le résultat de la séance royale ; il pense qu'il convient de ménager ces armes pour en faire usage dans une occasion plus opportune ; il propose une adresse plus modérée, dans laquelle l'Assemblée témoignerait sa surprise et sa sensibilité de s'être vue refuser la porte de la salle destinée à l'Assemblée nationale, au moment où la réunion du clergé allait s'opérer.

MM. Barnave et de Gouy-d'Arcy proposent également une autre version. L'assemblée ne juge pas à propos de prendre une délibération à ce sujet.


Communes : conclusion de la séance du 20 juin 1789 et suspension des séances jusqu'au 22 juin 1789.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4522_t2_0140_0000_3

L'Assemblée s'ajourne à lundi 22, heure ordinaire, et elle arrête en outre que si la séance royale a lieu dans la salle nationale, tous les membres y demeureront après que la séance sera levée, pour continuer les délibérations et les travaux ordinaires.

La séance est levée à six heures.

Nota. D'après la proclamation de la prochaine séance royale, l'ordre de la noblesse et celui du clergé ont suspendu leurs séances.
 
 
 
 

vendredi 19 juin 2020

19 Juin 1789 : Fondation du journal « Le Point du Jour » par Bertrand Barère

 

    Je partage avec vous cette nouvelle source d’information numérique. Il s’agit du journal fondé par Bertrand Barère, dit Barère de Vieuzac « Le Point du Jour, ou Résultat de ce qui s’est passé la veille à l’Assemblée Nationale ». Son objet était de rendre compte des discussions et décrets de l’Assemblée et donner son avis sur les réformes à mettre en place. Ce journal connu un grand succès. Bertrand Barère publia son journal jusqu’au 31 septembre 1791.

Vous vous doutez bien que j’y jette un œil de temps en temps pour alimenter ma chronique. Mais comme je suis partageur, je vous ouvre une fenêtre sur ledit document, en bas de cet article !

Voici tout de même un court extrait de la fiche Wikipédia de Bertrand Barère, pour lequel j’éprouve une certaine sympathie.

"Bertrand Barère dit Barère de Vieuzac, né le 10 septembre 1755 à Tarbes, où il est mort le 13 janvier 1841, est un homme politique de la Révolution française et juriste français.

Bertrand Barère

Avocat méridional, élu à la Constituante, puis à la Convention où il est une des têtes politiques de la Plaine (la majorité des députés) avant de se rallier comme elle et jusqu’au 9 thermidor à la Montagne, menée par Robespierre, Bertrand Barère est l'un des orateurs les plus importants de la Révolution : l’énoncé de ses motions et de ses rapports occupe plus de douze colonnes du Moniteur, contre huit pour Robespierre et deux pour Danton.

Rapporteur attitré du Comité de salut public (où il détient le record de longévité : dix-sept mois), ses discours lui valent un succès prodigieux à la Convention : il est l’aède des soldats de l’an II avec ses carmagnoles et donne un visage avenant, par sa verve, aux mesures d’exceptions du gouvernement révolutionnaire (Wikipédia qui est de parti pris, qualifie les mesures de « terroristes »).

Proscrit sous le Directoire, amnistié sous le Consulat et l’Empire, exilé sous la Restauration, rentré en France sous Louis-Philippe, il meurt à 85 ans, conseiller général à Tarbes. Pendant cette dernière période, il sera élu à trois reprises député par les électeurs des Hautes-Pyrénées : 1797, 1815, 1834, ces élections, sauf celle des Cent-Jours, étant à chaque fois annulées par les pouvoirs en place."


mercredi 17 juin 2020

17 Juin 1789 : Naissance de l'Assemblée nationale

 

Constitution de l'Assemblée nationale
et serment des députés qui la composent le 17 juin 1789.
Source : Paris Musée
(Version HD en bas de la page.)

Rappel des épisodes précédents.

    Les États généraux siègent depuis près d’un mois et demi. Mais rien ne se passe comme l’avait probablement espéré Louis XVI. Le Roi avait naïvement compté faire adopter les quelques réformes fiscales qu’il avait échouer à imposer aux ordres privilégiés de la noblesse et du clergé lors des Assemblées des notable de 1787 et 1788. Necker (issu du Tiers et favorable à celui-ci), a réussi à obtenir auprès du roi le 1er juin, le doublement du nombre de représentants du tiers état par rapport aux derniers états généraux de 1614. Malgré cela, ces États généraux reflètent particulièrement bien l’inégalité de la société de l'Ancien régime. Les députés du clergé et de la noblesse, qui ne représentent qu’un demi-million de nobles et de prêtres, sont aussi nombreux que ceux du tiers état qui représentent plus de 24 millions de Français.

    Le Tiers-état est de toute évidence la nouvelle force politique que le pouvoir royal a trop sous-estimées. Ses députés sont instruits, travailleurs, souvent riches et tous imprégnés des idées novatrices issues des Lumières. Ils ont pris le titre de députés des Communes le 6 mai derniers, en référence à la House of Commons, la Chambre des Communes du parlement Britannique qui existe depuis le 13ème siècle.

Le 27 mai, le Tiers-état a appelé les deux autres ordres à le rejoindre.

Le 13 juin, 3 curés du Poitou ont rejoint le Tiers-état. Le 15, ils seront 12. Ce mercredi 17 juin ils sont 19 membres du clergé à avoir rejoint le Tiers.

(Le 24 juin, lendemain de la désastreuse séance royale au cours de laquelle Louis XVI se fâchera dans l’intention de reprendre les rênes, la majorité des députés du clergé rejoindront l’Assemblée nationale. Le 25 juin, 47 gentilshommes avec à leur tête le Duc d'Orléans rejoindront l’Assemblée Nationale. Le 27 juin, Louis XVI, vaincu, conviera finalement le Clergé et la Noblesse à se joindre au Tiers.)

 Députés du Tiers-état

 

Naissance de l'Assemblée nationale

    Alors que les députés de la noblesse et du clergé sont réunis dans des salles séparées - L'instigation de l'Abbé Sieyès - les députés du tiers état, ainsi que les 19 députés du clergé qui les ont rejoints se constituent en Assemblée nationale. Ils déclarent par 491 voix contre 90, que « la dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne [...] parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée ».

    Je vous propose de découvrir le déroulé de l’évènement en lisant ci-dessous les procès-verbaux de cette fameuse séance du 17 juin 1789. 

Sinon, vous pouvez également écouter ces 2 podcasts sur le site de France Inter :

Procès-verbaux de l'Assemblée nationale
 

Nota : Les retranscriptions ci-dessous proviennent de l'indispensable site Persee.fr.

1er Procès-verbal, imprimé par Jean-François Baudoin

Communes : décision de ne pas signer individuellement mais collectivement la résolution sur la constitution de l'Assemblée, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_4

M. le Doyen. Je vais mettre aux voix les différentes motions relatives à la manière dont l'Assemblée doit se constituer. On a demandé hier que chaque membre apposât sa signature au bas de la délibération, j'ose présenter à l'Assemblée quelques réflexions sur cette demande.

La signature, au lieu de fortifier notre résolution, pourrait l'affaiblir ; car, prise par l'Assemblée, elle est censée prise unanimement ; au lieu que la signature, si elle n'est pas universelle, montre que la résolution n'a été arrêtée que partiellement. De plus, la signature pourrait devenir un germe funeste de division entre nous, et commencer, en quelque manière, deux partis dans une Assemblée dont l'union a fait jusqu'ici la plus grande force.

Ces réflexions sont approuvées par l'Assemblée, et la demande des signatures n'a pas de suite.

L'Assemblée arrête que la délibération sera seulement signée du doyen et de deux secrétaires.

Communes : nouvelle lecture des motions sur la constitution de l'Assemblée, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_5

Il est fait lecture des cinq motions de MM. l'abbé Sieyès, de Mirabeau, Mounier, Legrand et Pison du Galand, sur lesquelles on a à délibérer. La première motion mise à l'opinion est celle de M. l'abbé Sieyès, en décidant qu'on ira aux voix successivement sur les autres, si la première ne réunit pas la majorité absolue des voix.

Communes : vote sur la motion de l'abbé Sieyes, admise à la majorité des voix, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_6

La motion de M. l'abbé Sieyès est admise à la majorité de 491 voix, contre 90.

Communes : adoption d'une résolution portant que la Chambre prend le titre d'Assemblée nationale, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_7

L'Assemblée, en conséquence, arrête la délibération suivante :

«L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette Assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes, au moins, de la nation.

«Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages, ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

«De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette Assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient, et qu'il n'appartient qu'à elle, d'interpréter fit de présenter la volonté générale de la nation ; il ne peut exister entre le trône et cette Assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.

«L'Assemblée déclare donc que l'œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.

«La dénomination l’Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée.

«L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée, de concourir à la tenue des États généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France.

«L'Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la nation. »

L'Assemblée vote une adresse au Roi pour lui faire part de la délibération arrêtée. Alors des cris multipliés de vive le Roi ! se font entendre.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_9

 Communes : décret du 17 juin 1789 concernant la levée des impôts

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4504_t2_0128_0000_9

«L'Assemblée nationale , considérant que le premier usage qu'elle doit faire des pouvoirs dont la nation recouvre l'exercice, sous les auspices d'un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d'assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l'administration publique ;

«Voulant prévenir les difficultés que pourraient traverser la perception et l'acquit des contributions ; difficultés d'autant plus dignes d'une attention sérieuse qu'elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le Roi, et solennellement proclamé par toutes les Assemblées de la nation ; principe qui s'oppose à toute levée de deniers et de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ;

«Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation ;

«Déclare, à l'unanimité des suffrages , consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoiqu’illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir.

«Passé lequel jour, l'Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'auraient pas été nommément, formellement et librement accordée par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de l'administration.

«L'Assemblée s'empresse de déclarer qu'aussitôt qu'elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s'occupera de l'examen et de la consolidation de la dette publique ; mettant dès à présent les créanciers de l'Etat sous la garde de l'honneur et de la loyauté de la nation française.

«Enfin, l'Assemblée, devenue active, reconnaît aussi qu'elle doit ses premiers moments à l'examen des causes qui produisent dans les provinces du royaume la disette qui les afflige, et la recherche des moyens qui peuvent y remédier de la manière la plus efficace et la plus prompte. En conséquence, elle a arrêté de nommer un comité pour s'occuper de cet important objet, et que Sa Majesté sera suppliée de faire Remettre à ce comité tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin.

La présente délibération sera imprimée et envoyée dans toutes les provinces.

 

    Cette déclaration stupéfia le roi, son entourage et une partie de la noblesse. Une délégation de celle-ci fut envoyée au roi pour lui demander de réagir à une telle déclaration.

Version Haute Définition de l'image en titre.


dimanche 7 juin 2020

7 Juin 1789 : La famille royale frappée par le malheur. Mort du Dauphin Louis Joseph Xavier François

 

Portrait présumé de Louis Xavier François de France


    Louis Joseph Xavier François de France, né 22 octobre 1781, fils aîné de Louis XVI et de Marie-Antoinette, deuxième enfant du couple royal, s'éteint ce jour à Meudon.

    Louis XVI, accablé de douleur, demanda qu'on reculât la demande d'audience de la délégation du tiers état de quelques jours, le temps de faire son deuil. Les députés refusèrent.

« N'y a-t-il pas de pères dans cette assemblée du tiers ? » demanda-t-il alors.

    Marie-Antoinette écrira à son frère Léopold le 17 décembre 1790 : « À la mort de mon cher petit Dauphin, la Nation n'a pas seulement eu l'air de s'en apercevoir. À partir de ce jour-là, le peuple est en délire et je ne cesse de dévorer mes larmes ».

    Le malheureux enfant souffrit toute sa vie de très fortes fièvres. Une rumeur disait que sa nourrice Geneviève, surnommée Madame Poitrine lui avait transmis la tuberculose. Cet enfant intelligent souffrit malheureusement toutes sa petite vie. On lui fit porter des corsets de fer pour tenter de redresser sa colonne vertébrale.

    En janvier 1788, le docteur Petit lui avait diagnostiqué une carie vertébrale, l'enfant qui avait déjà des vertèbres gangrénées était d'ores et déjà condamné.

Le voici ci-dessous, peint entouré de sa famille, en 1782, à l'âge d'un an.





Juin 1789 : Un Louis XVI mal habillé, un Gustave III égaré et une Marie-Antoinette avisée

Gustave III, rois de Suède


















Source

    J'ai trouvé cette curieuse anecdote dans le livre de Charles Kunstler "Fersen et son secret", (que vous pouvez découvrir en bas de page). Mais c'est dans l'ouvrage de Mathieu Auguste Geffroy "Gustave III et la cour de France" que j'ai trouvé le plus d'explications concernant le contexte politique du séjour du roi Gustave III de Suède à la Cour de France. Cette anecdote s'est produite obligatoirement après l'arrivée de Gustave III à Paris le 7 juin 1789. Mais n'oublions pas que cette date correspond également à la mort tragique du fils ainé de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Louis Joseph Xavier François.

 Visite incognito du roi de Suède à Paris

    Lors de son séjour à Venise, le roi de Suède Gustave III avait décidé d’aller en France (Gustave III était un souverain francophile et réformateur. Il avait été adepte de la philosophie des Lumières, au début de son règne). Il s'était séparé d’une partie de sa suite et n'avait gardé auprès de lui qu’Axel de Fersen, Armfelt, Peyron et Franc. Ils arrivèrent le 7 juin, à Paris.
    Le roi de Suède – ou plutôt le comte de Haga, car Gustave avait décidé de garder l’incognito – descendit chez le baron de Staël, son ambassadeur, qui demeurait rue du Bac. Le baron de Staël était également l’époux de la fille du ministre Jacques Necker. Puis Gustave III se rendit à Versailles.

Un roi de France avec un talon rouge et l'autre noir.

    Louis XVI chassait à Rambouillet. Averti par M. de Vergennes (1), il revint en toute hâte. On ne trouva point la clé de son appartement, ni ses valets de chambre. Les premiers venus l’habillèrent. Si bien que le roi de France parut devant son hôte « avec un soulier à talon rouge et un autre à talon noir, une boucle d’or et une autre d’argent, et ainsi du reste »

Chaussures d'homme du 18ème siècle

.    Gustave soupa dans les petits appartements avec Louis XVI et Marie-Antoinette. Afin d’être plus libre, il refusa le logement qu’on lui avait préparé au château et logea en ville, chez Touchet, le baigneur. 
    A partir de ce moment-là, ce ne furent, pour le comte de Haga et sa suite (au sein de laquelle figurait Fersen, le tendre ami de la reine), que réjouissances de toutes sortes. Le plus souvent, le souverain dînait et soupait au château de Versailles et, presque chaque soir, il assistait à deux ou trois représentations, au cours desquelles un public enthousiaste l’applaudissait et l’acclamait. L’opéra monta pour lui Armide, la Caravane, de Gréty, les deux Iphigénie, de Gluck, le Seigneur bienfaisant, Atys, Didon.

(1) De quel Vergenne s'agit-il ? Car le Vergen, ennemi de Necker était mort le 13 février 1787.


Un roi qui se perdit par la musique

Source du timbre commémoratif
    Gustave III était connu pour son goût des cérémonies et des spectacles ; ce goût avait même dégénéré en une passion qu’il lui fallait satisfaire à tout prix. Il en était venu en Suède à exercer une véritable tyrannie envers la noblesse de sa cour pour que rien ne manquât à ses fêtes. Il fallait que, sur son ordre, des jeunes filles de haute naissance, des mères, des vieillards, quittassent leurs familles pour paraître sur le théâtre, où il se montrait lui-même. On risquait la ruine de tout crédit et le renversement de toute fortune, si l’on tardait de complaire à de bizarres caprices qui donnaient au règne de Gustave III un fâcheux air de ridicule despotisme. C’était à l’Opéra que les ministres étrangers pouvaient entretenir le roi des intérêts de leurs cours, et l’ambassadeur de France regardait comme un solide avantage d’y avoir sa loge à côté de la sienne. 

Le ministre de Danemark avait écrit en 1781 :

 « Tel jeune cavalier de la noblesse suédoise, qui autrefois passait ses matinées à lire l’Esprit des Lois ou les oraisons de Cicéron, les emploie maintenant à faire des entrechats et des cabrioles. Le peuple, qui s’assemblait anciennement pour disserter des affaires de l’état, court actuellement en foule aux comédies pour voir représenter les parodies des opéras qui se donnent aux théâtres de la cour, et les troupes de comédiens qui se forment de toutes parts dans les provinces, ainsi que les institutions de bals, assemblées et mascarades, prouvent assez que le goût du spectacle et des amusements se répand à l’excès par tout le royaume. »

Un ambassadeur désapprobateur

    Le baron de Staël, cachait mal dans sa correspondance diplomatique, des opinions bien différentes de celles de son maître Gustave III. Bien qu’il lui fût redevable de sa charge d’ambassadeur à Paris et de son mariage avec la fille du ministre Necker, le baron ne craignait pas, dans ses dépêches, de désigner la reine Marie Antoinette « comme l’unique auteur de tous les maux qui affligeaient la France ». Mieux encore, il s’efforçait de la noircir aux yeux de Gustave III. « La Reine, mécontente du parti que votre Majesté a pris de déclarer la guerre à la Russie, lui écrivait-il, m’a dit, à plusieurs reprises, que ce n’était pas son opinion. »

Le baron de Staël

La perfide Albion...

    Le roi de Suède Gustave III avait été poussé à déclarer cette guerre par l’Angleterre et la Prusse, alliées depuis le récent avènement de Frédéric-Guillaume, successeur de Frédéric II.     Le but général de la ligue anglo-prussienne était de tenir en échec la Russie et l’Autriche (pays natal de Marie-Antoinette), en suscitant contre elles la Suède, la Pologne et les Turcs. Par ailleurs, la Suède avait perdu ses dominions baltes pendant la grande guerre du Nord avec la Russie entre 1700 et 1721 et comptait les récupérer par cette guerre. L’Angleterre cherchait particulièrement l’occasion de se venger du secours prêté par la France aux colonies d’Amérique. Déjà, en mettant aux prises les Russes et les Turcs, elle avait causé un grand embarras à la France, amie de ces deux peuples ; elle essayait cette fois de nuire davantage encore à la France en détournant d’elle Gustave III. On avait compris à Versailles d’où venait le coup, et l’on essaya en vain de retenir le roi de Suède.

    Marie-Antoinette avait compris cela. Mais qu’est-ce que Louis XVI, avec ses chaussures dépareillées, avait compris à cette affaire ?

Marie-Antoinette représentée par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1788


Fersen et son secret :