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samedi 31 octobre 2020

31 Octobre 1789 : Pendant ce temps-là, à Ajaccio, un certain Napoléon Buonaparte…


Napoléon Bonaparte en 1792

    Je lis dans un de mes livres : « Aujourd’hui, les patriotes d’Ajaccio, sous l’impulsion du jeune lieutenant Napoléon Bonaparte, se sont réunis en soirée dans l’église Saint-François pour adopter une motion qu’ils vont adresser à l’Assemblée nationale »

Des patriotes français ? A Ajaccio ? Vraiment ?

    La Corse n’était plus indépendante depuis qu’elle avait été conquise par les Français à l’issue de la bataille de Ponte-Novo (Ponte Novu en corse), qui avait eu lieu du 8 au 9 mai 1769.  A ce propos, Mirabeau alors âgé de 20 ans, y a participé en tant que soldat du roi de France Louis XV. La Corse n’est donc plus un dominio de la Sérénissime République de Gênes, mais de là à dire qu’elle est française ! Sa situation est d'ailleurs assez indéfinie, puisqu'elle n’a même pas encore le statut de province française.

    Préférant me renseigner auprès de Corses, j’ai obtenu une version un peu plus détaillée dans un article de Corse Matin, et puis, coup de chance, j'ai retrouvé les souvenirs d’un témoin de l’époque ! 

Carte de 1756

La Corse en octobre 1789

    La Corse n’était donc pas vraiment française, mais la nouvelle de la Révolution n’avait pas laissé les Corses indifférents, comme dans bien d’autres pays d’ailleurs. Le système féodal n’y existait plus comme en France, mais des inégalités persistaient, bien sûr ; et la nouvelle de la nuit du 4 août y avait fait son petit effet. Tout cela était suffisant pour donner des idées à quelques individualités fortes, ce qui déjà à l’époque ne manquait pas dans l’île de Beauté.

    C’est donc dans ce contexte qu’un jeune corse, officier d’artillerie du nom de Buonaparte était arrivé à Bastia depuis quelques jours pour, soi-disant, visiter une tante et des cousines.

Souvenirs de M. de R...

    Un certain Monsieur de Romain, officier (artilleur lui aussi) sous les ordres du gouverneur, le vicomte de Barrin de La Galissonnière, racontera dans ses "Souvenirs d'un officier royaliste" qu’il soupçonnait le jeune Buonaparte « de faire se mouvoir les ressorts de cette insurrection ». Bonaparte, témoin de l’agitation en France, serait venu « styler ses compatriotes dans la marche indiquée sourdement pour parvenir au grand œuvre, le renversement du trône ! »

   Depuis son débarquement à Ajaccio en septembre, Bonaparte soutenait un projet du Comité national visant à remplacer l’ancienne institution des Nobles Douze (Nobili Dodeci), lesquels n’entendaient pas se laisser si facilement évincer.

    De nouveaux événements éclaterons à Bastia le 5 novembre, à propos de la constitution de la Garde nationale, auxquels bien sûr le bouillonnant Lieutenant Bonaparte sera mêlé.

    Fidèle à mon habitude, j’ai cherché des témoignages de l’époque et par chance, j’ai retrouvé les souvenirs de l’officier relatant les événements ! Je vous conseille de lire à partir de la page 49. C’est assez savoureux !

Souvenirs d’un officier royaliste par M. de Romain, ancien colonel d’artillerie. Egron imprimeur. Paris

Et voici la fenêtre sur le précieux ouvrage scanné par l'ami Google :




Excellent article, sobre, beaucoup de retenue. 😉


vendredi 30 octobre 2020

30 octobre 1789 : Le très épineux problème de l’instruction publique embarrasse l’Assemblée constituante


La petite école au 18e siècle

    Ce 30 octobre, à l’Assemblée nationale, les députés continuent de discuter, comme ils le font déjà depuis de nombreux jours, sur l’avenir des biens du clergé.

    Une motion un peu particulière a retenu mon attention, c’est celle de Monsieur Target. Celle-ci concerne l’instruction publique et nationale. Elle se résume ainsi « A quoi bon faire d’aussi belles lois, si elles ne sont pas comprises »

M. Target fait la motion suivante concernant l'instruction publique et l'éducation nationale (1) :

(1) Le Moniteur ne fait que mentionner la motion de M. Target.

Ecoutons-le :

Guy Jean-Baptiste Target

    "Messieurs, l'Assemblée nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif ; la liberté de la nation consiste à n'obéir qu'aux lois qui lui sont données par les citoyens qu'elle a choisis elle-même ; mais c'est surtout à cet empire qui vient de la persuasion, que l'Assemblée doit aspirer. Des idées nouvelles ne sont pas toujours facilement saisies par un peuple accoutumé aux procédés du gouvernement absolu ; ou s'il vient à les détester autant qu'ils le méritent, il est à craindre qu'il n'évite pas toujours l'excès contraire. Quel est le préservatif de ces dangers qui bordent la route que nous avons à parcourir ? L'instruction ! C'est la législation des esprits ; elle fait descendre sur le peuple la sagesse de ses représentants ; elle éclaire quand la loi commande ; elle plie les mœurs ; elle accommode les idées aux besoins de la révolution ; elle donne aux décrets qu'il faut observer, la puissance des pensées que l'esprit humain produit de lui-même et qu'il embrasse comme son propre ouvrage ; enfin, dans le temps des intrigues, des fausses rumeurs, des séductions accumulées, des maximes pernicieuses, c'est l'instruction qui doit venir au secours de la vérité outragée et ramener la paix : elle renverse également les projets des esclaves et des despotes. Le moment est donc venu où notre premier devoir est d'instruire.

Il ne faut point ici de hautes conceptions ni de principes métaphysiques. Nous avons besoin du ton simple et familier de la vérité qui persuade en se montrant et qui se rend visible à tous les yeux. Les représentants de la nation n'ont pas de plus beau ministère à remplir, puisqu'il est le plus utile. L'Assemblée nationale n'y perd rien en respect, elle y gagne beaucoup en amour."

Son projet de décret est néanmoins étonnant car il se divise en deux parties très différentes :

La première partie consiste à nommer des rédacteurs qui rédigeront des sortes de notices explicatives des textes de loi. Vous devez bien vous douter (comme moi) que rédiger ce genre d’explications à une population qui en grande partie ne sait pas lire et qui pire encore, dans de nombreuses régions de France ne parle ni ne comprend le Français ; c’est comment dire, un peu inutile.

Voici le texte de cette première partie :

"L'Assemblée nationale arrête que le comité de rédaction fera choix de cinq de ses membres, lesquels seront chargés de rédiger sur chacun des décrets importants de l'Assemblée, de soumettre à son jugement, de faire ensuite imprimer à un très-grand nombre d'exemplaires, publier et distribuer, dans tout le royaume, des instructions simples, précises et familières, dans lesquelles les principes seront mis à la portée de tous, et la sagesse des décrets rendue sensible."

La seconde partie est un peu plus sérieuse, puisqu’elle propose que « L'Assemblée arrête également que les mêmes commissaires prépareront un plan d'éducation nationale et d'instruction publique, et qu'ils en communiqueront avec les membres du comité de Constitution, pour porter ensemble ce travail au degré de perfection dont il est susceptible. »

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5259_t1_0612_0000_4

Voici l'échange qui va s’en suivre entre les députés. Je me suis permis d’y insérer mes commentaires :

M. Le Chapelier. J'observerai sur cette motion qu'il est infiniment dangereux de faire soi-même le commentaire de sa loi, et que les commentaires attaquent toujours et détruisent souvent les lois.

M. Garat aîné. Je l'avoue, les commentaires des commentateurs étrangers à la loi sont destructeurs de la loi ; ou ils ne la connaissent pas ou ils cherchent à égarer plutôt qu'à instruire. Mais lorsque les commentateurs sont les législateurs eux-mêmes, peut-on conserver ces craintes ? Instruire les peuples et les conduire à l'obéissance par la raison, c'est leur rendre le plus grand de tous les services.

Instruire les peuples pour les conduire à l’obéissance par la raison ? Cela ne vous choque-t-il pas un peu ?

M. Mougins de Roquefort. Je demande que la motion soit divisée et que l'Assemblée statue sur la partie qui concerne le plan d'éducation nationale.

Voilà qui est raisonnable ce me semble.

M. de Montlosier. La motion est aussi inutile que dangereuse. Il n'y a pas lieu d'y donner suite.

Inutile et dangereuse ? L’instruction publique ?

M. le Président consulte l'Assemblée, qui décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.

Circulez, il n’y a plus rien à voir.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5259_t1_0612_0000_10


Un mot sur l’instruction publique sous l’ancien régime ?

    L’instruction publique est à la charge de l’Eglise.  Celle-ci se targue d’avoir 600 collèges, réservés à la bonne bourgeoisie parce que coûteux, et 30.000 écoles paroissiales réparties sur les 37.000 paroisses. Avec de tels chiffres on est en droit de se demander comment se faisait-il que 85 % de la population soit analphabète ! En fait la plupart de ces écoles ne se contentaient que d’apprendre le catéchisme aux enfants, qui de toute façon devaient les quitter très vite dès 7 ans (parfois plus tôt encore), pour aller travailler.

    Pour en apprendre beaucoup plus, je vous conseille la lecture du texte extrait du livre de l'historien Hervé Grevet. Il vous suffit de cliquer sur l'image ci-dessous :


Les deux problèmes des députés

    Les députés se rendent bien compte que s’ils veulent que leurs lois soient appliquées, il faudrait pour le moins qu’elles soient comprises. Cela nécessite une population de citoyens sachant lire et de plus étant capables de comprendre ce qu’ils lisent, ce qui implique, outre l’apprentissage du français dans les deux tiers du royaume, celui de disciplines complémentaires, comme l’histoire ou la géographie. Il est également indispensable que les bons citoyens de cette France régénérée sachent compter, si l’on veut qu’ils deviennent de bons commerçants et de bons contribuables.

    Ce projet philanthropique peut néanmoins en effrayer quelques-uns. Imaginez que des citoyens un peu trop curieux se mettent à lire Voltaire et finissent par éclater de rire devant les dogmes religieux, ou qu’ils deviennent friands des articles publiés par le dérangeant Marat !

    Le second problème, et il est de taille, c’est que l’éducation est depuis des siècles le domaine réservé de l’Eglise ! Et l’Eglise maîtrise bien le domaine. Elle sait comment donner la meilleure instruction possible à ceux qui peuvent payer (mais sous certaines conditions), et comment maintenir le peuple dans une ignorance crasse en ne lui apprenant que la crainte de l’enfer, à force d’histoires aussi fantaisistes qu’abominables. L’Eglise, elle, sait remettre un insolent à sa place quand celui-ci ne retire pas son chapeau, au passage d’une procession. Elle le fait arrêter, torturer, décapiter et brûler, en allumant même son bûcher avec des ouvrages de Voltaire, comme elle le fit en 1766 pour le malheureux jeune chevalier de la Barre.


La Révolution a encore besoin de l’Eglise

    Beaucoup de nos députés de la Constituante sont des Voltairiens et la religion ne les effraie plus. Ils s’apprêtent même à la dépouiller de tous ses biens pour renflouer les caisses de l’Etat, ce qui leur évitera de devoir prélever des richesses aussi bien à l’aristocratie qu’à eux-mêmes. Mais ils ont encore besoin de l’Eglise. Ce sont les curés qui lisent à leurs fidèles les décrets de l’Assemblée (du moins pour le moment). Ce sont les curés qui tiennent les registres d’état civil. Et ce sont les curés qui malgré tout assurent ce semblant d’éducation nécessaire aux pauvres. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la nouvelle constitution civile du clergé va doubler le salaire de ces curés, reconnus officiellement comme des fonctionnaires de l’Etat !

    Le projet concernant une instruction publique obligatoire et gratuite se construira donc très difficilement et durant une période qui ira bien au-delà de la Révolution ! La loi Falloux du 15 mars 1850 renforcera le rôle des religieux dans l'organisation de l'enseignement scolaire. Il faudra la salvatrice loi du 9 décembre 1905, pour que la religion commence à relâcher progressivement son emprise sur l’éducation des enfants.

L’Assemblée constituante ne fera pas grand-chose

    Le 13 octobre 1790, à la suite d'un rapport de Talleyrand sur l’instruction publique, l’Assemblée décrétera :

« 1° qu'elle ne s'occupera d'aucune des parties de l'instruction, jusqu'au moment où le comité de Constitution, à qui elle conserve l'attribution la plus générale sur cet objet, aura présenté son travail relatif à cette partie de la Constitution ;

« 2° Qu'afin que le cours d'instruction ne soit point arrêté un seul instant, le roi sera supplié d'ordonner que les rentrées dans les différentes écoles publiques se feront cette année encore comme à l'ordinaire, sans rien changer cependant aux dispositions du décret sur la constitution du clergé, concernant les séminaires ;

« 3° Elle charge les directoires des départements de faire dresser l'état et de veiller, par tous les moyens qui seront en leur pouvoir, à la conservation des monuments des églises et maisons devenues domaines nationaux, qui se trouvent dans l'étendue de leur soumission ; et lesdits états seront remis au comité d'aliénation ;

« 4° Elle commet au même soin, pour les nombreux monuments du même genre qui existent à Paris, pour tous les dépôts de chartes, titres, papiers et bibliothèques, la municipalité de cette ville qui s'associera, pour éclairer sa surveillance, des membres choisis des différentes académies. »

Sources :

    Les 10, 11 et 19 septembre 1791, la constitution achevée et à la veille de se séparer, Talleyrand lira à l'Assemblée, son plan sur l’instruction publique, dans lequel il proposera que la Nation offre à tous le grand bienfait de l’éducation, mais ne l’impose à personne.

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k49002n.image 

La Convention travaillera plus

    Il faudra attendre la Convention et surtout la première République pour que le projet d’instruction obligatoire et gratuite progresse.

    Le 20 avril 1792, Condorcet présentera son Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique, prônant un système éducatif laïc avec une égalité entre les filles et les garçons devant l'instruction.

Source : https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1989_num_42_4_1898

    En décembre 1792, le député Ducos, déclarera à la Convention : « je ne sais quel degré d’importance on attache à l’établissement des écoles primaires ; je pense, pour moi, que nous leur devrons notre véritable régénération, l’accord des mœurs et des lois, sans lequel il n’y a point de liberté. »

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48889h

    Le 18 juin 1793, Robespierre demandera que l’on ajoute l’instruction commune, aux droits divers garantis par la constitution.

24 Juin 1793, la première constitution républicaine de la France stipulera en son article 22 :

« L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens. »

Source : https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-du-24-juin-1793

    Le 26 juin 1793, Lakanal présenta un Plan d'éducation nationale au nom du comité d'instruction publique. (En attendant qu’il y ait de vraies écoles, Lakanal permettra aux particuliers d'enseigner à titre personnel et de recevoir en contrepartie une pension de l'Etat).

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48937j.image

    Le 3 juillet 1793, la Convention mettra en place, sur la proposition de Robespierre une Commission d'instruction publique de six membres (Philippe RühlJoseph LakanalHenri GrégoireJacques-Michel CoupéLouis Antoine de Saint-Just et André Jeanbon Saint André. Les deux derniers seront remplacés le 10 juillet par Léonard Bourdon et Robespierre. Élargie à dix membres, elle s'intitulera Commission d'Éducation nationale.

Le Peletier de Saint Fargeau

    Le 13 juillet 1793
, Robespierre lira à la tribune de la Convention le Plan d’éducation de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau. Celui-ci avait été assassiné 6 mois plus tôt, le 20 Janvier 1793, pour avoir, le jour même, voté la mort de Louis XVI. 

    Le Peletier était d’accord avec Condorcet concernant les 3 degrés supérieurs de l’enseignement mais il voulait organiser le 1er degré d’enseignement de façon que tous les enfants, même les plus pauvres, reçoivent un commencement sérieux d’éducation. Il instituait également le monopole de l’Etat, alors que l’éducation était jusqu’alors le domaine réservé de l’Eglise, et qu’il le restera encore très longtemps après la Révolution.

    Le plan de le Peletier de Saint Fargeau était quelque peu spartiate ! La République prendrait à sa charge tous les enfants de 5 ans à 11 ans pour les filles et de 5 à 12 ans pour les garçons. Tous, sans distinction et sans exception, seraient élevés en commun dans des internats, des « maisons d’éducation » et « sous la saine loi de l’égalité, recevraient mêmes vêtements, même nourriture, même instruction, mêmes soins ». Certains adversaires de la Révolution comparent ce plan de Le Peletier de Saint Fargeau, avec la révolution culturelle chinoise qui voulait endoctriner les enfants contre le passé et par là-même leurs parents. Ils semblent oublier que cette idée a été proposée par un aristocrate et que c’est une habitude courante dans les élites de mettre ses enfants dans des pensionnats de Jésuites par exemple), dans lesquels ils portent des uniformes et intègrent les valeurs de leur caste.

Le 29 juillet 1793, Robespierre présentera son Projet de Décret sur l’Education Publique :

  • Art. I. Tous les enfants seront élevés aux dépens de la République, depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze pour les garçons, & depuis cinq ans jusqu’à onze pour les filles.
  • II. L’éducation nationale sera égale pour tous ; tous recevront même nourriture, mêmes vêtements, même instruction, mêmes soins.

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k48992p

Le 21 octobre 1793, la Convention décrètera l’instauration d’une école primaire publique d’État.

    Le 19 Décembre 1793, la Convention n’adopta finalement ni le plan de Condorcet ni celui de Le Peletier. Comme ce dernier, elle ne s’occupa que des « premières écoles ». L’enseignement restera libre. Le père de famille enverra ses enfants pendant 3 ans au moins à l’école de son choix. La République subventionnera les maîtres qui devront avoir un certificat de civisme. Ce sera donc un système scolaire libéral, décentralisé mais contrôlé par l’État qui sera adopté.

    Quant aux écoles supérieures, voici juste un exemple. À la suite de la décision du 11 mars 1794 par la Convention de créer une école centrale de travaux publics. L’école polytechnique sera créée le 28 septembre 1794. Elle sera civile et gratuite et on y entrera par un concourt ouvert dans les 22 principales villes de la République. Une fois la Révolution vaincue, Napoléon rendra cette école d’excellence, militaire et payante.


Un mot sur la Convention

    Vous prendrez conscience, lorsque nous y arriverons, de  tous les progrès qui ont été initiés par la Convention, comme l'abolition de l'esclavage ou le suffrage universel. Certains lui reprochent de ne pas les avoir tous mis immédiatement en application, comme la fameuse constitution du 24 Juin 1793. C'est oublier que la France était en guerre, en guerre contre toute l'Europe, et en guerre contre des armées contre-révolutionnaires sur ses arrières. C'est la raison pour laquelle les mises en application de nombre de loi étaient suspendues, comme il est souvent d'usage en temps de guerre (Voir la proclamation de l'Etat de siège du 2 Août 1914).

Mais de tout cela, nous reparlerons, lorsque le temps sera venu.


L'Enfant en pénitence, de Nicolas-Bernard Lépicié




jeudi 29 octobre 2020

29 Octobre 1789 : Le hibou sulfureux, Restif de la Bretonne, est dénoncé, arrêté et bien sûr relâché

 

 Le "Hibou" dans les rues de Paris.
On voit derrière lui un enlèvement
de filles, des voleurs crochetant
une porte, le guet à cheval
et le guet à pied.

    Le sieur Restif de la Bretonne a été arrêté par le comité de police de son quartier, pour répondre de l’accusation portée contre lui par son gendre. Celui-ci l’a en effet dénoncé comme étant l’auteur de trois libelles antipatriotiques, dont le pornographique « Dom Bougre aux Etats Généraux ».

    Augé, c’est le nom de ce beau-fils indigne, a voulu ainsi se venger d’avoir été dépeint comme un mari brutal dans le dernier roman de son beau-père. Fort curieusement, après quelques jours d’emprisonnement, Restif sera reconnu innocent et c’est Augé qui sera condamné pour dénonciation calomnieuse...

    "Fort curieusement", ai-je précisé, parce que Restif de la Bretonne était bien l’auteur de cette petite « petite curiosité philosophico-libertine », comme désignée au-dessus du titre, sur l’exemplaire scanné par Google, provenant de la Bibliothèque de Bavière, à Munich. Voir ci-dessous 😉 Mais sa libération rapide n'était pas vraiment étonnante...




Voici le titre complet :

DOM BOUGRE
AUX ETATS GENERAUX
Ou
DOLEANCES DU PORTIER DES CHARTREUX
PAR
L’AUTEUR DE LA FOUTROMANIE

La suite est plaisante, lisez plutôt :

Réimprimé textuellement à 64 exemplaires sus l’édition originale
A FOUTROPOLIS, CHEZ BRAQUEMART
Librairie, rue Tire-vit, (à la Couille d’Or.)
(avec permission des supérieurs)

 

Nicolas Edme Restif de la Bretonne

    Restif de la Bretonne mériterait pour lui seul un très long article. Sa fiche Wikipédia est pour une fois assez bien faite et pas trop de "parti-pris", comme chaque fois qu’il s’agit de la Révolution (hélas). Je vous en conseille donc la lecture. Vous découvrirez en la lisant que Restif a beaucoup écrit, et pas seulement des fantaisies libertines (que l’on qualifierait certainement en notre époque puritaine de pornographiques).

    Nous reparlerons probablement de lui car c’était un fin observateur de la vie parisienne, aussi bien diurne que nocturne. Il se surnommait lui-même le hibou. Son livre intitulé « Les nuits de Paris » regorge de détails passionnants sur l’époque et celui intitulé « les Nuits Révolutionnaires » couvre la période allant des quelques jours précédant le 14 juillet 1789 à octobre 1793.

    Si vous souhaitez en apprendre plus, je vous conseille la lecture de ce texte érudit, de Anne-Marie Baranowski : "L’image de la foule dans Les Nuits révolutionnaires de Restif de la Bretonne"

    La raison la plus probable pour laquelle Restif fut innocenté et son accusateur emprisonné, est que, de par ses talents d’observateur, il était également un informateur de la police ; C’est-à-dire, un mouchard, ou une mouche, selon l’expression de l’époque. Son gendre avait donc été bien mal avisé de dénoncer à la police, un dénonciateur travaillant pour celle-ci ! Sa fille Agnès divorcera d'Augé le 11 janvier 1794. Le divorce est également l'un des bienfaits apportés par la Révolution française ! (Loi du 20 septembre 1792).

Les livres !

    Fidèle à mon habitude, je vous donne l’accès au livre qui a fait scandale, mais pas seulement ! Car j’ai également trouvé les versions scannées des "Nuits de Paris" et des "Nuits révolutionnaires".

Avertissement aux enfants !

    Je rappelle que l’ouvrage qui avait fait scandale, que j’ai placé en dernier, s’adressait à un public averti. 

Donc si un enfant tombe sur cet article, je lui déconseille de fermer cette page.

    Vous constaterez un détail amusant sur la couverture de l'ouvrage libertin. On peut voir inscrite au crayon, l’annotation « Enfer ». L’enfer était la partie secrète de certaines bibliothèques qui était réservée aux livres « libertins » et autres fantaisies scabreuses ! 😈


Les nuits de Paris :

Les Nuits Révolutionnaires :




"Dom Bougre aux Etats Généraux" ===> INTERDIT AUX ENFANTS 😡

29 Octobre 1789 : Le clause du marc d’argent, symbole d’une révolution de propriétaires.

Un droit, pas vraiment égal pour tous, celui d'être éligible...

Source BNF Gallica

    Aujourd’hui, une discussion très animée a eu lieu à l’Assemblée nationale autour de la clause concernant le marc d’argent, qui figurera dans le décret sur la loi électorale. Le marc d’argent sera le montant d’impôt dont devra s’acquitter un citoyen pour être éligible.

Source :
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5255_t1_0598_0000_3

    Rappelons que c’est le projet porté par l’abbé Sieyès qui a fini par être validé par les députés. Les simples "machines de travail", appellation sous laquelle Sieyès désignait ceux qui n’étaient pas assez riches pour payer un impôt, ne seront pas autorisées à voter. Sur les sept millions trois cent mille citoyens de sexe masculin, âgés de plus de 25 ans (âge retenu pour la majorité civile), qui ont été dénombrés, ces "machines" vont constituer la catégorie des trois millions de citoyens dits "passifs". 

    Concernant la situation des femmes, je vous renvoie à mon article sur Olympe de Gouge (qui va vous surprendre) ainsi qu’à celui du 22 octobre 1789.

    Les citoyens français ont donc été divisés en deux parties : les citoyens passifs et les citoyens actifs ; cette dernière catégorie étant elle-même divisée en trois parties !


Les citoyens passifs.

    Les citoyens passifs ne jouissent que de leurs droits civils, les droits politiques étant réservés aux citoyens actifs.


Les citoyens actifs, à trois degrés.

    Les citoyens actifs sont ceux qui acquittent aux impôts une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail. Seuls 4.298.360 citoyens actifs seront donc autorisés à voter lors des élections de 1791, mais leur vote sera indirect ! En effet, ces citoyens actifs devront se contenter de désigner des électeurs dits, du second degré.

    Les citoyens actifs du second degré sont ceux qui paient des impôts d’une valeur au moins égale à dix journées de travail, mais en aucun cas ils ne pourront être éligibles.

    Les citoyens actifs ayant le droit d’être éligibles, devront justifier d’une imposition directe d’au moins un marc d’argent, soit cinquante livres (c'est beaucoup) et posséder une propriété foncière !

    Raison pour laquelle on appelle "décret du marc d’argent", ce texte de loi qui réduit le corps des gouvernants aux grands propriétaires terriens, nobles ou roturiers, selon le modèle anglais si cher aux députés.


Le marc d'argent ?

  Le marc était une unité de poids de l’ancien régime, correspondant à environ 244,75 grammes.


Etonnant ?

    Il n’y a en effet rien d’étonnant à ce que cette assemblée de notables ait choisi ce système censitaire, entérinant ainsi une différenciation des citoyens par l’argent. On peut se dire que c’était déjà un grand pas en avant et que le suffrage universel était peut-être un système beaucoup trop progressif, voire anachronique, dans cette société d’ancien régime si inégalitaire. 

    Les défenseurs de ce suffrage censitaire affirmeront d’ailleurs que celui-ci n'est pas injuste, car rien n’empêche qu’un citoyen passif, à force de travail (bien sûr), ne s’enrichisse suffisamment pour pouvoir devenir un jour un citoyen actif.

    N’oublions pas cependant, que quelques députés luttent contre ce seuil élitiste, et que certains vont jusqu'à défendre l'idée du suffrage universel durant les débats, comme Robespierre, cet incorrigible défenseur des pauvres. Dans la lettre qu'il adressera bientôt à son ami Buissart, Robespierre expliquera : "Ces dispositions sont l’ouvrage du parti aristocratique de l’Assemblée qui n’a pas même permis aux autres de défendre les droits du peuple et a constamment étouffé leurs voix par des clameurs ; de manière que la plus importante de toutes nos délibérations a été arrêtée sans discussion, dans le tumulte et emportée comme par violence." Plus vous découvrirez les idées de Robespierre, plus vous comprendrez les vraies raisons pour lesquelles il fut autant détesté...

    Remarquons également que les citoyens passifs, ces exclus, sont en nombre inférieur (3 millions), par rapport à celui des citoyens actifs (4.3 millions). Le danger potentiel qu’ils représentent pour les propriétaires, aurait pu être sans trop de difficulté circonscrit, comme ce sera d’ailleurs le cas plus tard. Car le respect des notables et un certain clientélisme, étaient bien ancrés dans les esprits. Lors des premiers suffrages universels, beaucoup de ces anciens citoyens passifs voteront comme le curé ou le seigneur le leur diront.


Le combat contre le marc d'argent.

A l'Assemblée

    Les principaux députés à s’opposer à ce projet durant les débats auront été l’abbé Grégoire (bien sûr), Duport, Robespierre (évidemment), ainsi que Pétion et Prieur de la Marne.

    Dans son discours du 11 août 1791, défendant le principe du suffrage universel, Robespierre rappellera que le suffrage censitaire aurait interdit à Jean-Jacques Rousseau de pouvoir voter :

« Quelle serait la garantie de Rousseau ? Il ne lui eut pas été possible de trouver accès dans une assemblée électorale. Cependant, il a éclairé l’humanité et son génie puissant et vertueux a préparé vos travaux. D’après les principes du Comité, nous devrions rougir d’avoir élevé des statues à un homme qui ne payait pas un marc d’argent. »

Sources :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/robespierre-11-aout-1791
http://lettre-gallica.bnf.fr/le-projet-de-constitution-de-1791

    Cette clause du marc d'argent, continuera de faire l’objet de débats pour le moins houleux. Elle sera également attaquée dans la presse et moquée dans des caricatures vendues sous formes d’estampes.

Dans la presse.

Dans le numéro 2 de son journal des « Révolutions de France et de Brabant » Camille Desmoulins écrira à propos du Marc d’Argent (page 46)

« Je reviendrai quelque jour sur ce décret du marc d’argent, je l’ai toujours regardé comme un attentat révoltant aux droits de l’homme. Si j’avais eu l’honneur d’être à l’Assemblée nationale, je sens que j’aurais fait tant d’efforts pour empêcher ce décret de passer et pour opposer du moins à l’inégalité réelle des fortunes, l’égalité fictive des droits ; j’aurais parlé avec tant de véhémence que peut-être mon zèle m’eut-il coûté la vie, et j’aurais cru ne pouvoir mourir en plaidant une plus belle cause. Mais me voilà journaliste, et c’est un assez beau rôle. »


Abolition de la clause...

    C'est au lendemain de l'insurrection du 10 Août 1792, que les décrets des 11 et 12 août 1792 modifieront les règles et le corps électoral. "La distinction des Français entre citoyens actifs et non-actifs sera supprimée, et pour y être admis, il suffira d’être Français, âgé de vingt et un ans, domicilié depuis un an, vivant de son revenu et du produit de son travail, et n’étant pas en état de domesticité."


Les estampes !

    Je suis particulièrement content de pouvoir vous présenter ces estampes, illustrant de façon très critique, la réaction populaire à ce décret du marc d’argent.

Source BNF Gallica

Source Paris Musées

Source BNF Gallica

Source BNF Gallica




mercredi 28 octobre 2020

28 Octobre 1789 : Suspension des vœux monastiques. « La religieuse » de Diderot a marqué les esprits…

Anna Karina dans "La religieuse" de Jacques Rivette
en 1966, d'après le livre de Jacques Diderot

    Si l’on ne s’en tient qu’à la simple lecture des procès-verbaux des séances de l’Assemblée, certains des débats qui l’animent peuvent nous sembler parfois un peu décalés, par rapport à la situation quelque peu anarchique du royaume. 

  L’intervention de M. Rousselet ce jour à la tribune, pourrait constituer un exemple. Il va rendre compte à l’Assemblée, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et une religieuse, pour demander que l'Assemblée s'explique sur l'émission des vœux, et il va proposer de défendre (interdire) les vœux monastiques perpétuels. N'est-il pas quelque peu étonnant que l'Assemblée nationale constituante soit interpellée à ce propos  ?

    Concernant les vœux monastiques, il faut savoir qu'une fois les vœux perpétuels prononcés, le profès, c’est-à-dire l’homme ou la femme qui les avait prononcés, était contraint de rester à vie dans l’institution religieuse à laquelle il s’était voué et ne pouvait plus remettre en question son appartenance à la communauté.

La nature aliénante de ces vœux était déjà contestée depuis longtemps.

Martin Luther

Sur les vœux monastiques

    En 1521, Martin Luther, le fondateur de la réforme protestante et lui-même moine catholique à l’époque, avait publié un ouvrage très critique sur les vœux monastiques (De votis monasticis) dans lequel il considérait ces vœux comme invalides. Le protestantisme qui naitra de la doctrine de Luther, de par l’obligation qu’il fera à ses fidèles de lire la bible, contribuera à former de nouvelles générations de familles alphabétisées et surtout éduquées à l’étude critique des textes.

Fil rouge

    Il existe comme un fil rouge (une continuité) entre La Réforme protestante, la Renaissance, les Lumières puis la Révolution. Et les adversaires de la Révolution ne s’y sont jamais trompé, en mettant dans le même sac à jeter, les idées de ces étapes précédant la Révolution.

Jacques Diderot

    Plus récemment, celui qui avait vraiment marqué les esprits de l’époque sur ce sujet, c’était Diderot, l’un des philosophes des Lumières, l’initiateur de la grande encyclopédie. Comme tous les philosophes des Lumières, il était très critique vis-à-vis de la religion ; la religion en générale au demeurant, pas seulement le Catholicisme. Il prônait l’usage de la raison.

Je vous ai trouvé cette petite vidéo de 7 minutes qui le présente plutôt bien.

Video sur Diderot, l'encyclopédiste.


Les lumières

    Je vous propose cette vidéo de 30 minutes qui traite des Lumières. On y évoque Diderot à 5:24. Je la trouve bien faite et assez complète.


La religieuse

    Parmi les œuvres de Diderot, l’une d’entre-elles s’intitule « La religieuse ». Elle fut inspirée d’une histoire vraie, celle d’une religieuse de l'abbaye royale de Longchamp, nommée Marguerite Delamarre, qui avait écrit à la justice en 1752 pour demander à être libérée du cloître où ses parents l’avaient enfermée. La pauvre jeune femme était une enfant illégitime de sa mère avec un autre homme que son père. Par crainte de l'enfer, mais aussi par peur des jugements de son entourage, sa mère l’avait convaincue de se faire religieuse et de disparaitre à jamais dans un couvent. Margueritte était allée en justice mais elle avait perdu son procès et un arrêté du 17 mars 1758 l’avait obligée à réintégrer la prison de son cloître.

Se débarrasser des enfants illégitimes de cette façon, était chose courante à cette époque dans la noblesse. Chacun le savait. Mais l’Eglise était très puissante et il était vain et même dangereux de s’opposer à elle.

Blasphème ?

    Si cette histoire vous étonne, peut-être serez-vous encore plus étonnés d’apprendre que l’adaptation cinématographique du roman de Diderot réalisée par le cinéaste Jacques Rivette, fut totalement interdite de sortie sur les écrans de cinéma en avril 1966, par le ministre de la Culture de l’époque Yvon Bourge, sous la pression de l’Eglise qui en demandait la censure ! A l'époque, l'Eglise Catholique disait que c'était un blasphème. Ça vous parle ? Il fut ensuite interdit aux moins de 18 ans et ce ne sera qu’en 1988, que cette interdiction tombera finalement.

Regardez cet extrait du journal télévisé de 1988 qui traite de l’événement :



La suspension

    La suspension ordonnée ce jour par l’Assemblée durera jusqu’au 13 février 1790, date à laquelle elle publiera un décret interdisant les vœux monastiques et supprimera les ordres religieux contemplatifs. Ceux chargés de l’éducation publique, ainsi que les maisons de charité seront conservées provisoirement (jusqu’au décret du 18 août 1792 de la Convention, qui les supprimera).

    La Constitution qui sera publiée le 3 Septembre 1791 précisera que : « La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution ».

L’esprit du temps

    L’esprit du temps, c’était l’esprit des Lumières. Tous les gens éduqués avaient lu les philosophes des Lumières, et ce, pas seulement en France, mais dans toute l’Europe. Raison pour laquelle, le propre frère de la reine Marie Antoinette, Joseph II, l’empereur d’Autrice Hongrie, avait ordonné lui aussi la vente des biens de l’Eglise dans son Etat et fait fermer les monastères, et ce, bien avant la Révolution française ! Les députés de l’Assemblée nationale ne faisaient que marcher dans les pas de Joseph ii, le despote éclairé !

Les couvents ne choquaient pas seulement pour ces cas d’enfermements, mais aussi et surtout pour la vie fort agréable que beaucoup de religieux y menaient. Je publierai prochainement une série d’estampes de l’époques, caricaturant durement ces opulents religieux dont la richesse choquait de plus en plus le peuple.

En voici juste deux, pour vous donner une idée :

"La vie très incroyable des moines"

"Réjouissance d'un monastère"

Le décret promulguant la suspension des vœux.

    Lors de cette séance du 28 octobre, M. Rousselet rend compte, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et une religieuse, pour demander que l'Assemblée s'explique sur l'émission des vœux ; il propose de défendre les vœux monastiques perpétuels.

M. Target demande l'ajournement du fond, et présente le décret suivant :

« Ouï le rapport (dans le sens de « entendu » du verbe ouïr) …. L’Assemblée ajourne la question sur l'émission des vœux, et cependant, et par provision, décrète que l'émission des vœux sera suspendue dans les monastères de l'un et de l'autre sexe. »

Plusieurs ecclésiastiques représentent que la suspension provisoire juge la question, et réclament l'exécution du règlement qui exige trois jours de discussion pour les matières importantes.

Le décret proposé par M-Target est adopté.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5252_t1_0597_0000_8 

Une réclamation le 29 octobre

    Le lendemain 29 octobre, un Monsieur de Bonnal montera à la tribune pour préciser que le clergé aurait dû faire quelques protestations, et il demandera que l'on y insère les siennes sous le titre observations.

    M. Target observera que jamais on n'avait fait mention, dans le procès-verbal, des réclamations faites par quelques membres contre les décrets de l'Assemblée. Et, dit le PV, cette légère contestation se terminera par la question préalable.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5254_t1_0598_0000_1

Un long débat va s'en suivre. 

    La discussion sur l’avenir du clergé va se poursuivre durant des semaines. Nombre de représentants du clergé étaient favorables aux réformes, mais ils ne constituaient pas la majorité et surtout ils ne représentaient pas l’avis de l’autorité ecclésiastique suprême, celle du Pape. Celui-ci, qui avait déjà fort mal reçu les réformes de Joseph II, refusera bientôt en bloc celle des députés constituants.

Antoine Christophe Gerle

    Lors de la séance du 12 décembre, Dom Gerle, prieur de la Chartreuse du Port Sainte-Marie, député de Riom, visiteur de son ordre, prononcera un discours dans lequel il fera état de l’inquiétude régnant dans les monastères suite à cette suspension, et des troubles provoqués par les religieux désirant au plus vite être libérés. Il proposera une motion de 3 articles se voulant conciliante, que le présidant, suite à la proposition M. de Bonnal, l’évêque de Clermont, transmettra au comité ecclésiastique « prêt à faire un rapport ».

Sources :


De la justice...

Journal de Paris

    Le Journal de Paris dans son numéro 349 du 15 décembre, relatant l’intervention de ce Chartreux qu’il nomme Dom Gerlet, conclura son article ainsi :

« Une approbation presque universelle a répondu à cette motion d’un Chartreux, qui concilie si bien ensemble & les vœux de la Religion & les vœux de la Philosophie : la véritable justice est un traité de paix entre tous les intérêts & toutes les opinions, & les avis extrêmes, au contraire, divisent tout parce qu’ils offensent tout. »


Source : https://books.google.fr/books?id=kiAgiWUJ0msC&hl=fr&pg=PA1360#v=onepage&q=1633&f=false