vendredi 8 mai 2020

8 Mai 1789 : Le Journal de Paris, instrument du pouvoir royal contre la Presse.

Allégorie de la presse bâillonnée sous l'Ancien régime.
Vue par Gemini, l'IA de Google.

Une presse bâillonnée.

    La Presse n’était pas libre sous l’Ancien régime, n’en déplaise à ses nostalgiques qui nous content de belles histoires de nos jours

    La liberté de la presse constitua d’ailleurs l'une des demandes les plus fréquentes figurant dans les fameux cahiers de doléances rédigés partout en France pour les États généraux, (après celles concernant les taxes et l'autorité politique). La préoccupation d'un encadrement légal de cette liberté se retrouve dans 380 des 427 cahiers (89% des cahiers dans lesquels la presse est mentionnée).

Lire l'excellent article de Charles Walton sur le sujet en cliquant sur l'image ci-dessous :

    C'est la raison pour laquelle la liberté de la presse fera l’objet de l’article 11 de la future déclaration des Droits de l’Homme et près de 400 journaux nouveaux paraîtront à Paris entre juillet1789 et 1792 ! La Révolution marquera le début de l’ère de la Presse.

    Si vous voulez savoir à quoi ressemble une presse muselée, je vous invite à consulter le numéro du Journal de Paris en date du 8 mai 1789. Vous y découvrirez, entre autres, la météo de l’avant veille, la hauteur de la Seine, le discours du roi aux États généraux, 2 arrêts du Conseil d’État du Roi, l’annonce d’un mariage l’avant veille, une pub pour un cours de mathématique, une pub pour des partitions de musique, le programme des spectacles à Paris, des infos de la veille concernant la Bourse et la cour des changes, et une petite rubrique nécrologique…

    Concernant les 2 arrêts figurant en page 2 et 3 de ce journal, celui du 6 mai interdit de publier quoi que ce soit sans la permission de Sa Majesté et celui du 7 mai condamne la publication de la brochure publiée par Mirabeau, chez le libraire le Jay fils, brochure traitant de ce qui se dit aux États généraux.

    Lorsqu’il parle d’autre chose que de la météo, des spectacle ou de la Bourse, le Journal de Paris n'est donc rien d'autre que le porte voix de l’arbitraire du pouvoir royal. Mais n'accablons pas ce journal qui fut le premier quotidien publié dans la Capitale à partir de 1777 pour la somme modique de 2 sous. Car on risquait gros à l'époque si l'on voulait écrire autre chose que ce qui ne dérangeait pas le roi !

 

Liseur de journaux, pour ceux qui ne savaient pas lire.

Rien sur les États généraux !

    Je vous rappelle que depuis le lundi 5 mai, se déroule un évènement d’une importance énorme pour tous les Français, la réunion des États généraux à Versailles ! Mais chut ! On ne doit pas en parler, car ce serait un crime de lèse Majesté !

    Je vous donne à lire ci-dessous les deux arrêts du roi, qui en disent long sur le type de pouvoir qu'il représente, ainsi que sur sa crainte grandissante de ce qui pourrait sortir de ces États généraux :

Source : https://www.retronews.fr/journal/journal-de-paris/08-mai-1789/2/0625936d-2344-42db-a8ef-ab840cc23f2a

Arrêt du Conseil d’État du Roi, qui ordonne l’exécution des Règlements de la Librairie, et qui fait défendre à tous imprimeurs, Libraires, ou autres, d’imprimer, publier, distribuer aucun prospectus, Journal ou autre Feuille périodique, sans la permission de Sa Majesté.

Le Roi, étant informé qu’on distribue dans le public plusieurs Prospectus d’Ouvrages périodiques pour lesquels il n’a été accordé aucunes permissions, a résolu de réprimer un abus aussi contraire au bon ordre qu’Aux Règlements de la Librairie, dont Sa Majesté entend maintenir l’exécution jusqu’à ce que, d’après les observations qui lui seront présentées par les États généraux, Elle ait fait connaître ses intentions sur les modifications dont ces règlements peuvent être susceptibles. A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport, le Roi étant en son Conseil, de l’avis de M. le Garde des Sceaux, a ordonné & ordonne que les Règlements rendus sur la police de la Librairie seront exécutés selon leur forme & teneur, jusqu’à ce que, par Sa Majesté, il en ait été autrement ordonné ; fait en conséquence, Sa Majesté, très expresses inhibitions & défenses à tous les Imprimeurs, Libraires ou autres, d’imprimer, publier ou distribuer aucun Prospectus, Journal ou autre Feuille périodique, sous quelque d »nomination que ce soit, à mois qu’ils n’en aient obtenu une permission expresse de Sa Majesté ; Défend pareillement, Sa Majesté, à tous les Imprimeurs et Libraires de recevoir aucune souscription pour lesdits Ouvrages périodiques, publiés sans souscription, sous peine d’interdiction de leur état, & même de plus grande peine si il y échoit. Enjoint, Sa Majesté, au Sieur Lieutenant-Général de Police à Paris, & aux Sieurs Intendants & Commissaires départis dans les Provinces, de tenir la main, chacun en droit soi, à l’exécution du présent Arrêt partout où besoin sera, & transcrit sur les Registres de toutes les Chambres Syndicales du Royaume. Fait au Conseil d’État du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le six Mai mil sept cent quatre-vingt-neuf.


Arrêt du Conseil d’État du 6 de ce mois qui supprime le N°1er d'une Feuille périodique ayant pour titre États Généraux, & qui fait défense d'en publier la suite.


Le Roi, par son Arrêt du 6 de ce mois, en ordonnant l’exécution des Règlements de la Librairie, a défendu l’impression, publication & distribution de tous les Prospectus, Journaux ou autres Feuilles périodiques qui ne seraient pas revêtus de sa permission expresse ; mais Sa Majesté étant informée qu’on a osé répandre dans le Public, en vertu d’une souscription ouverte sans aucune autorisation, & sous la forme d’un Ouvrage périodique, un Imprimé portant N°1er, & ayant pour titre, États généraux, daté de Versailles du 2 Mai 1789, commençant par ces mots : avant de parler de la Cérémonie, &finissant par ceux-ci ; le simple récit des faits exige trop de place ; dont la souscription est annoncée chez Jay fils, Libraire à Paris, a cru devoir marquer particulièrement son improbation dur un écrit aussi condamnable au fond qu’il est répréhensible dans la forme. A quoi voulant pourvoir, ouï le Rapport & tout considéré, le Roi étant en son Conseil, de l’avis de M. le Garde des Sceaux, a supprimé & supprime ledit Imprimé, comme injurieux & portant avec lui, sous l’apparence de la liberté, tous les caractères de la licence ; défend à tous les imprimeurs, Libraires, Colporteurs & autres, de vendre, publier ou distribuer ledit Imprimé, sous peine d’interdiction de leur état : ordonne Sa Majesté à toutes personnes qui pourraient en avoir des exemplaires de les porter au Greffe du Conseil pour y être supprimés ; fait Sa Majesté très expresses inhibitions & défendes sous peine d’interdiction, & même de plus grande peine s’il y échoit, au nommé le Jay fils, Libraire à Paris & à tous Imprimeurs, Libraires & autres, de recevoir aucune souscription pour ladite Feuille périodique ; comme aussi d’imprimer, publier ou distribuer aucun numéro qui pourrait en être la suite. Enjoint S.M. au Sir Intendant & Commissaires répartis dans les Provinces de tenir la main chacun en droit soi à l’exécution du présent Arrêt, lequel sera imprimé, publié & affiché partout où besoin sera, & notamment dans les villes de Paris & de Versailles, & transcrit sur les registres de toutes les Chambres Syndicales du Royaume. Fait au Conseil d’État du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 7 Mai 1789.
 

Vendeuse de Journaux sous la Révolution.
Estampes commentée sur cette page : 2ème vidéo

Plus d'infos en vidéos ?

    En cliquant sur l'image ci-dessous, vous pourrez accéder à 3 vidéos sur le même sujet de la presse que j'ai sélectionnées pour vous :


 

    Vous pouvez également lire cet article intéressant sur le site Gallica de la BNF :
https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/html/la-liberte-de-la-presse-lepreuve-des-regimes-politiques-1789-1881

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Bertrand