Je me suis rendu compte qu'il était vraiment nécessaire de consacrer un article aux trois décennies qui avaient précédé la Révolution, afin de mieux comprendre l'origine de celle-ci.
Cela nous permettra de mieux comprendre, par exemple, pourquoi, le 3 novembre 1789, l'Assemblée nationale s'était trouvée dans l'obligation de mettre tous les parlements en vacance, c'est-à-dire de les supprimer ; ce que Louis XVI avait déjà été obligé de faire en 1788, mais pour une autre raison, bien sûr.
Pendant presque trente ans en effet, l'aristocratie s'est mesurée au pouvoir royal, dans le but de préserver ses privilèges, voir même de les étendre. Ce faisant elle a non seulement réussi à empêcher toutes les tentatives de réformes qui auraient pu redresser la situation du royaume, mais elle a aussi très largement contribué à affaiblir le pouvoir du roi, ce qui, paradoxalement, a contribué à l'effondrement de la monarchie.
Attention, cet article constitue un résume, un rapide survol ! Je ne suis pas rentré dans le détail de chaque fait évoqué pour le vérifier, comme je le fais pour mes articles sur la Révolution.😉
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La cour de Louis XIV |
L'absolutisme royal
L'absolutisme royal s'est établi progressivement dans le
royaume de France, jusqu’à ce qu’il trouve sa forme la plus aboutie sous le règne
de Louis XIV. Ses successeurs Louis XV et Louis XVI s’efforceront de le maintenir, mais ils
se trouveront peu à peu confrontés à une réaction nobiliaire de l’aristocratie.
L'absolutisme royal consacre les pleins pouvoirs du roi,
puisque celui-ci considère qu'il les tient de Dieu. Sa personne est sacrée. Le roi dispose de la totalité des
pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire. Il peut faire la paix ou la
guerre, anoblir, battre monnaie, lever des impôts. Il peut faire emprisonner qui il
veut sans jugement.
L'absolutisme reposait sur un contrôle des nobles, que Louis
XIV avait su attirer à Versailles pour en faire des courtisans dépendants de
son bon vouloir.
L'absolutisme se manifestait également par un contrôle de l’Etat
dans tous les domaines y compris celui de l’économie.
La seule limite rencontrée par le pouvoir royal était
les parlements (Nous allons y venir).
La réaction nobiliaire
La réaction nobiliaire du XVIIIe siècle consista
en une tentative de la noblesse de retrouver ses pouvoirs d'antan, c’est-à-dire
occuper les plus hautes fonctions de la monarchie, voire la contrôler. De plus,
la noblesse s’inquiétait du pouvoir grandissant de la haute bourgeoisie qui lui
faisait concurrence. L’accession d’un roturier comme Necker à un poste ministériel
en était un exemple flagrant. (Notons que Necker s'opposera en juin 1790 à l'abolition de la noblesse).
L'anti-absolutisme
Cette réaction nobiliaire finit par constituer une sorte de grand mouvement
anti-absolutiste dirigé contre ce qu’elle appelait le « despotisme
ministériel ». La noblesse préférait bien sûr attaquer les ministres plutôt que le roi. Néanmoins ce sont bien des aristocrates qui les premiers ont présenté le pouvoir royal comme une tyrannie, et par conséquence le roi comme un tyran, pas le peuple. Peu à peu, mais pour d'autres motifs bien sûr, la bourgeoisie a finit par rejoindre elle aussi ce mouvement anti-absolutiste.
C'est principalement par au sein des parlements que l'anti-absolutisme s'opposa au roi.
Les Parlements
Sous l’Ancien Régime, en dépit de leur nom, les Parlements
n’avaient pas de vocation politique. Il ne s’agissait que de simples chambres
de justice. S’étant vu confier la mission d’enregistrer les lois, ils s’étaient
progressivement autorisés à adresser au roi des remontrances concernant celles
qui leur paraissaient contraires aux lois fondamentales du royaume. S’il
voulait obtenir à tout prix l’enregistrement d’une loi, le roi devait tenir « un lit de justice » devant les magistrats.
Afin d’affirmer son autorité, Louis XIV avait retiré
le « droit de remontrance » aux Parlements en 1673. Mais à
sa mort, en 1715, le Régent Philippe d’Orléans l’avait rétabli,
probablement pour tenter de gagner les bonnes grâces des magistrats.
Quelques dates
Cette liste n'est pas exhaustive, bien sûr. Si j'en ai le temps, je la complèterai par la suite. Son but est de vous décrire sommairement quelques étapes clés de cette étonnante lutte de l'aristocratie contre le pouvoir royal.
1764
De
1764 à 1771, eu lieu ce que l’on appela « L’affaire de Bretagne », un
conflit qui opposa, sous le règne de Louis XV, le procureur général du
parlement de Rennes, La Chalotais, au duc d'Aiguillon, commandant en chef de la
province de Bretagne. Le parlement de Bretagne refusait d’enregistrer de
nouveaux impôts destinés à financer la de Sept Ans (mais pas seulement). Cette affaire eu un retentissement national.
Je vous conseille la lecture de l'ouvrage ci-dessous (en cliquant sur l'image) :
1770
En 1770, le Parlement de Rennes s’en prend au « triumvirat » ministériel, le chancelier Maupeou, le contrôleur général Terray et le secrétaire d'État d'Aiguillon. Louis XV casse la procédure intentée par les
parlementaires rennais mais ceux de Paris leur viennent en aide en émettant
un avis de remontrance au roi. Celui-ci est obligé de tenir un lit de justice, mais le
Parlement de Paris riposte en énonçant de nouvelles remontrances reprises par les
chambres de province.
1771
Le 20 janvier 1771, le garde des sceaux Maupeou réussit à convaincre le roi de
briser le Parlement de Paris en faisant arrêter et exiler les cent trente
magistrats du Parlement de Paris.
Le 13 avril 1771, malgré les protestations, Louis XV installe un nouveau parlement qui lui est acquis et qui entérine les réformes.
Le 1er octobre 1771, le parlement de Provence situé à Aix
est supprimé, ses membres exilés et remplacés par un nouveau corps de
magistrature composé des officiers de la cour des comptes, qui réunissent
toutes les attributions de l'une et de l'autre cour. C'est ce qu'on appela le
Parlement Maupeou, du nom du chancelier de Louis XV qui opéra cette révolution.
Cette nouvelle cour fut supprimée à son tour par Louis XVI, peu après son
avènement au trône. L'ancien parlement et l'ancienne cour des comptes furent
rétablis tels qu'ils existaient auparavant et reprirent leurs fonctions le 12
janvier 1775.
1772
Chrétien-François de Lamoignon de Bâville (Magistrat
au Parlement de Paris en 1755, Président à mortier en 1758, exilé en
janvier 1771 dans le Beaujolais), anime la résistance du Parlement contre la
réforme du chancelier Maupeou en 1772.
1774
À la mort de Louis XV, en 1774, son petit-fils et
successeur, le jeune Louis XVI (20 ans), nomme ministre
d'État Maurepas, qui avait été disgracié par Louis XV. Celui-ci fait renvoyer
les trois ministres de Louis XV, Aiguillon, Terray et Maupéou qui,
depuis trois ans, travaillaient, non sans un certain succès, au rétablissement des
finances, et du pouvoir royal. Maurepas fait nommer Turgot aux
finances, Malesherbes à la Maison du Roi et Vergennes, aux Affaires
étrangères.
Maurepas commet l’erreur de rappeler les Parlementaires,
qui avaient été suspendus par Maupeou en 1771. Le Parlement reprend alors très vite sa politique
d'obstruction, et entreprend de bloquer toutes les réformes tentées par Louis XVI.
1776
Le 12 mai 1776, le roi se sépare de Turgot et annule
ses réformes sous la pression des privilégiés et de la Cour. Ces privilégiés (essentiellement les parlementaires et la
haute aristocratie) rejettent tout changement. Ils dénoncent dans la volonté de
réforme du roi une manifestation de tyrannie...
Turgot
est remplacé par le contrôleur général Clugny de Nuits. Mais le décès de
celui-ci donne l’occasion à Necker d’obtenir son premier ministère. Il est nommé
conseiller des Finances et « directeur général du Trésor
royal ». Necker recevra le titre de « directeur général des
Finances » le 29 juin 1777
1781
À la fin du mois d’avril 1781, le Parlement de Paris refuser d’enregistrer l’édit de création d’une nouvelle assemblée provinciale en
Bourbonnais. La création de ces assemblées répond notamment à l’objectif de
priver les parlements d’une partie de leurs prérogatives extra-judiciaires.
Necker a exposé son projet dans un mémoire manuscrit remis confidentiellement au Roi.
Un pamphlet, adressé le 20 avril 1781 à six membres du Parlement de Paris, révèle
les intentions de Necker en citant ce mémoire. Les parlementaires se révoltent. Convoqué au château de Marly, le Premier président d’Aligre se voit
intimer par Louis XVI, sur un ton sec, d’interdire toute discussion du mémoire.
Néanmoins, Louis XVI est ébranlé par le retournement de l’opinion, et son
ministre Maurepas préconise le renvoi de Necker.
1786
Le 20 août 1786, Charles Alexandre de Calonne, contrôleur général des
finances et de fait premier ministre, remet à Louis XVI un mémoire sur le
déficit financier ; il préconise comme indispensable une réforme de l'Etat sur
un triple plan : - Plan fiscal : tendance à l'égalité devant l'impôt et à
l'unification ;
- Plan économique : liberté du commerce des grains,
suppression des douanes intérieures ;
- Plan administratif : création d'assemblées municipales
(élues par tous les propriétaires ayant au moins 600 livres de revenu), qui
éliraient des assemblées de district, lesquelles éliraient à leur tour des
assemblées provinciales ; toutes ces assemblées demeurant d'ailleurs purement
consultatives.
Au lieu de soutenir Calonne et d'imposer son plan de
réformes, Louis XVI tergiverse et cherche, pour vaincre la résistance
prévisible des parlements, à obtenir le soutien de la Noblesse.
Nous verrons que ces trois mesures feront partie des toutes premières prises par l'Assemblée nationale en 1789.
Calonne dira au roi : « Ce qui est
nécessaire pour le salut de l’État serait impossible par des opérations
partielles, il est indispensable de reprendre en sous-œuvre l’édifice entier
pour en prévenir la ruine… Il est impossible d’imposer plus, ruineux
d’emprunter toujours ; non suffisant de se borner aux réformes
économiques. Le seul parti qu’il reste à prendre, le seul moyen de parvenir
enfin à mettre véritablement de l’ordre dans les finances doit consister à
vivifier l’État tout entier par la refonte de tout ce qu’il y a de vicieux dans
sa constitution. »
Calonne ajoutera en trois ans 653 nouveaux millions aux
emprunts précédents.
1787
22 Février 1787
Sachant que son projet va se heurter à l’opposition du Parlement, Calonne
convoque une assemblée de notables qui se tiendra jusqu’au 25 mai. Cette
assemblée sera composée de 114 membres désignés par le roi, dont 7 princes de
sang, 36 ducs et pairs ou maréchaux de France, 33 présidents ou procureurs
généraux de parlements, 11 prélats, 12 conseillers d'Etat, 12 députés des
"pays d'Etat", 25 maires ou échevins des principales villes, etc.
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Assemblée des notables du 22 février 1787 |
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Estampe vendue chez Basset, à Paris, rue Saint Jacques, au coin de celle des Mathurins ! |
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Calonne face aux notables... |
Dès son ouverture, l’Assemblée des
notables s’écarte des vues du ministère. Seul le comte d’Artois et certains
grands seigneurs libéraux comme La Fayette, d’Estaing, La Rochefoucauld le
soutiennent ainsi que quelques aristocrates réformistes.
Les parlementaires, rangés derrière le premier président du Parlement de Paris,
Etienne François d’Aligre, qui déteste Calonne, mènent l’opposition, appuyés par
le clergé. Les discussions difficiles qui s’engagent prennent des allures
inquiétantes. L’un des parlementaires les plus véhéments, le procureur général
de Castillon, déclare que seuls les états généraux peuvent admettre le
bouleversement qu’entraînerait le nouvel impôt proposé par le ministère :
la « subvention territoriale ». Le lieutenant civil
Angran d’Alleray renchérit,
disant que cette subvention est une « vexation » à l’égard des ordres
supérieurs, car elle porte atteinte à leurs privilèges.
Les notables rejetteront en bloc toutes les réformes de Calonne (un programme calqué sur
celui de Turgot). Cet échec conduira au renvoi de Calonne.
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Plan d'aménagement de l'Assemblée des Notables |
De 1787 à 1788,
Brienne reprendra à son compte les édits de Calonne. Il renverra les notables,
mais se retrouvera en conflit avec le Parlement, qui l’empêchera de faire passer
sa réforme
2 Juillet 1787
Le Parlement de Paris suivi de la Cour des aides et de la
Cour des comptes refuse à Brienne l’enregistrement de l’édit qui
assujettissait au timbre les pétitions, quittances, lettres de faire-part,
journaux, affiches, etc. Ce refus d’un nouvel impôt les rend populaires auprès
du peuple.
16 Juillet 1787
Le Parlement de Paris déclare que seule la Nation réunie
dans ses Etats Généraux peut consentir un impôt perpétuel. Son véritable
objectif est de prendre en charge cette fonction (Les Etats Généraux ne
formant pas une assemblée régulière ne pouvant l’assumer). Le Tiers-état s’est
lui aussi déclaré favorable à cette convocation des États Généraux car il espère
que les réformes iront dans son sens.
6 Août 1787
Lit de justice de Louis XVI imposant l’enregistrement de
l’impôt sur le timbre.
7 Août 1787
Le Parlement déclare nul le Lit de Justice. Calonne redoute que le Parlement ordonne son arrestation
pour informer contre lui au sujet de la réforme monétaire de 1785, dans
laquelle il est accusé de malversations et il quitte la France pour
l’Angleterre où il est fort bien accueilli.
14 Août 1787
Louis XVI, par l'intermédiaire de Brienne, fait exiler les
parlementaires parisiens à Troyes pendant la nuit du 14 au 15. La ville de Troyes leur fait
un accueil triomphal et les Parlements provinciaux se solidarisent avec le
Parlement de Paris.
15 au 18 Août 1787
Des émeutes populaires éclatent à Paris pour
soutenir les Parlements. La négociation entre Loménie de Brienne et
les parlements aboutit à un compromis : le gouvernement envisage de
convoquer les États Généraux, mais demande du temps et des moyens financiers
pour présenter en 1792 un bilan satisfaisant (novembre).
18 Août 1787
Lit de justice de Louis XVI imposant l'exil du Parlement de
Bordeaux à Libourne.
4 Septembre 1787
Brienne suggère un compromis financier, comportant l'abandon
de la subvention territoriale ; le Parlement l'accepte et est rappelé : mais la
banqueroute menace de plus belle.
19 Septembre 1787
Séance royale du Parlement pour l'enregistrement de l'édit
(prorogation de l’impôt des deux vingtièmes) et du lancement d'un emprunt. Le Parlement réclame les Etats Généraux pour 1789. Le roi répond par l'ordre pur et simple d'enregistrer. Le Duc d'Orléans proteste ; Louis XVI lui répond :
"C'est légal parce que je le veux". Le Parlement annule l'enregistrement comme illégal. Brienne fait arrêter deux conseillers (Fréteau et Sabatier)
par lettre de cachet. (Fréteau deviendra l'un des présidents de l'Assemblée constituante). Le duc d'Orléans que la foule avait porté en triomphe, est
exilé à Villers-Cotterêts.
19 Novembre 1787
Louis XVI impose au Parlement l’enregistrement par lit de
justice un emprunt de quatre cent vingt millions. Le duc d'Orléans et deux
conseillers du parlement qui s'opposent à cet emprunt sont exilés, mais bientôt
après rappelés.
1788
4 Janvier 1788
Sur la proposition d'Adrien Duport, (un des premiers nobles à rejoindre le Tiers Etat le 27 juin 1789), le Parlement vote un
réquisitoire contre les lettres de cachet et réclame la liberté individuelle
comme un droit naturel.
3 Mai 1788
Le Parlement de Paris se sent menacé de suppression par le
gouvernement. Il promulgue pour se protéger un arrêt qui expose les lois
fondamentales de la monarchie et fait des corps intermédiaires liés à la
société d’ordre, le caractère essentiel de la constitution monarchique. Le
Parlement publie une « déclaration des droits de la Nation » et réclame à
nouveau la convocation des états généraux en espérant qu'ils contraindront le
roi à respecter les exemptions fiscales des privilégiés.
Tous les privilégiés, y compris le haut clergé, se solidarisent
avec le Parlement de Paris.
5 Mai 1788
Début de la réunion de l’assemblée du clergé. L’assemblée du
clergé refuse d’entériner les reformes du 8 mai et condamne l’octroi de
droits civils aux non-catholiques.
Le capitaine des gardes arrêter en pleine séance les
conseillers au Parlement de Paris, Duval d’Eprémesnil et Goislard de Montsabert.
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Arrestation de Goislard de Monsabert et D'Eprémesnil |
8 Mai 1788
Le garde des sceaux Chrétien-François de Lamoignon et le contrôleur général des finances Étienne Charles Loménie de
Brienne tentent une ambitieuse tentative de réforme de la justice. À leur
initiative, le Parlement se réunit en séance plénière en présence du roi. Au
cours de ce lit de justice, Louis XVI enlève aux parlementaires leur droit
de remontrance et confie le droit d'enregistrement à une cour plénière.
Quarante-sept tribunaux de grand bailliage, vont remplacer
les Parlements. Ils devront appliquer un nouveau code d’instruction criminelle
qui supprimera la « question préalable », c’est-à-dire la torture.
L’enregistrement des lois reviendra à une cour plénière dont les membres seront
choisis par le roi (Réforme de Lamoignon).
9 Mai 1788
La cour plénière se réunit le 9 mai, mais de nombreuses
personnalités refusent d’y siéger. Les Parlements résistent à leur mise en
vacance et sont soutenus par des émeutes populaires à Paris (19 juin), Toulouse
et Rennes.
20 Mai 1788
Le Parlement de Grenoble ayant protesté contre les édits de
Lamoignon, il est mis en vacances mais se réunit néanmoins le 20 mai 1788 chez
son président, Bérulle, lequel proclame que, si les édits de Lamoignon étaient
maintenus, « le Parlement du Dauphiné se regarderait comme entièrement
dégagé de sa fidélité envers son souverain ».
7 Juin 1788 « Journée des Tuiles »
Le lieutenant général de la province confie à des patrouilles de soldats des lettres de cachet à remettre aux parlementaires pour leur signifier un exil sur leurs terres. Mais le tocsin sonne. La population est rameutée par les auxiliaires de justice, particulièrement fâchés de perdre le Parlement, qui est leur gagne-pain. Des Grenoblois s'emparent des portes de la ville. D'autres, montés sur les toits, jettent des tuiles et divers objets sur les soldats. Vers la fin de l'après-midi, les émeutiers, maîtres de la ville, réinstallent les parlementaires dans le palais de justice.
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La journée des tuiles |
A noter que depuis, le Dauphiné se glorifie de cette
émeute qu’il considère comme une des prémices de la Révolution. Lire l'article du 7 juin 1788.
11 Juin 1788
A Dijon, l'installation des nouvelles juridictions provoque une insurrection.
12 (ou 13) Juin 1788
Exil du Parlement du Dauphiné.
A noter que selon cette source, le peuple dauphinois aurait été parfaitement insensible
à la déchéance de ce parlement aristocratique. Il n'aurait pas répondu pas à l’appel de
Vizille : 194 paroisses seulement étaient représentées sur les 1212 que
comptait le Dauphiné.
Source : Un parlement de province (page 343)
14 Juin 1788
Les notables grenoblois des trois ordres se réunissent à
l'Hôtel de Lesdiguières et demandent le rappel des magistrats et la convocation
des États de la province et des États généraux du Dauphiné.
19 Juin 1788
A Pau, le peuple, manipulé par les nobles réunis ce jour-là en
assemblée, réclame au cours d’une émeute la réouverture du Parlement.
Source : Internet Archive
21 Juillet 1788, L'Assemblée de Vizille
À l'initiative des avocats Barnave et Mounier, les
représentants du Dauphiné, au nombre d'environ 540, se réunissent au château de Vizille, propriété du riche industriel Claude Perier.
Ils appellent à refuser le paiement de l'impôt et demandent aux autres
assemblées provinciales d'en faire autant. C'est la première manifestation de
révolte contre l'autorité royale.
8 Août 1788
Louis XVI décide de convoquer les Etats généraux, assemblée
extraordinaire réunissant les trois ordres de la société (noblesse, clergé,
tiers état), pour résoudre la crise financière due aux dettes du Royaume.
21 Septembre 1788
Le Parlement de Paris réclame les procédures de 1614 aux
États généraux.
23 septembre 1788
Rappelé par le roi en remplacement de Calonne dont la
politique est un échec, Necker est nommé « directeur général des
finances » le 25 août 1788, puis ministre d’état le 27. Le 23 septembre, Necker fait
rappeler le Parlement de Paris, dont les membres avaient été exilés.
25 Septembre 1788
Le Parlement de
Paris prend un arrêt aux termes duquel les états généraux doivent être
« régulièrement convoqués et composés suivant la forme observée en
1614 » (vote par ordre) autrement dit avec trois ordres très
inégalement représentés. Ce n'est pas précisément ce que souhaite le Tiers
Etat !
6 Novembre 1788
Le roi convoque la seconde Assemblée des notables pour
traiter quelques questions préliminaires sur l'organisation des États.
L'Assemblée refuse le doublement du tiers état.
27 Novembre 1788
Passant outre le refus de l'assemblée du 6 novembre, Louis
XVI décide doublement du tiers état. Le tiers état aura autant de députés que
les deux autres ensemble (noblesse et clergé).
5 Décembre 1788
Le Parlement accepte
le principe du doublement de la représentation du Tiers-État.
12 Décembre 1788
La seconde Assemblée des notables est congédiée par le roi,
sans avoir rien accompli.
1789
1er Janvier 1789
La dette de la
France se monte à 4 milliards et demi. Elle a triplé pendant les quinze du
règne de Louis XVI. (Les dépenses pour la guerre américaine ont
été évaluées à 2 milliards).
Les élections aux Etats généraux débutent pour s’achever en
Mai.
Les sujets du roi ayant le droit de voter doivent être
inscrits au registre des contributions (3 à 4 millions de Français sont donc
exclus). Ils doivent payer une somme d’impôts équivalente à 3 journées de
travail. Les municipalités ayant liberté de fixer le plafond, celui-ci est 6
journées de travail à Paris.
Pour être éligible,
il faut payer 10 journées de travail.
En Provence, en Béarn, en Bourgogne, en Artois, en
Franche-Comté, les ordres privilégiés soutenus par les parlements locaux
profitent de la session des états pour se livrer à des manifestations violentes
contre les exigences du Tiers Etat.
7 Janvier 1789
La noblesse de Bretagne se fait menaçante.
Le comte de Thiard porte à l’assemblée de Bretagne un ordre du roi qui en suspend les
opérations jusqu’au 5 février suivant : « afin de mettre
messieurs du tiers en mesure de réclamer une modification à leur mandat
impératif, si leurs commettans jugeaient à propos de l’accorder. Le
troisième ordre quitta immédiatement la salle, aux applaudissemens du peuple,
qui venait de s’introduire dans la tribune réservée au public ; il sortit
le front serein et parfaitement assuré du sens des délibérations qu’on allait
provoquer. La noblesse continua de siéger malgré l’invitation de quitter la
salle qui lui fut adressée par le commandant, et le chevalier de Guer commit
l’impardonnable faute de lui faire consacrer par un serment l’engagement de
maintenir intégralement la constitution bretonne et de n’accepter, sous peine
d’infamie, aucun mandat pour siéger au sein des états-généraux du royaume, s’il
n’était délivré par les états de la province dans la forme traditionnelle. »
Source : Les Etats de Bretagne (page 179)
26 janvier 1789
Les nobles excitent leurs valets et affidés. "des avis nombreux convoquèrent au champ
Montmorin ce qu’on nommait alors les réclamans de la constitution noble.
Plusieurs centaines de personnes s’y rassemblèrent, et les témoignages
contemporains sont unanimes pour constater que la plus grande partie de
l’assistance était formée par les porteurs de chaises et les domestiques des
maisons nobles, qui avaient dépouillé leur livrée pour exercer avec une
indépendance moins contestable leurs droits de citoyens"
Ce qui risquait d'arriver arrive : " Sur la place du palais se trouvait un café, qui, dans
ces jours agités, formait pour la bourgeoisie le centre habituel de ses
réunions politiques. Une vingtaine d’étudians postés en curieux à la porte,
ayant pris en présence de la manifestation une attitude peu sympathique,
reçurent une volée de coups de poing et de coups de bâton, déplorables
violences qui furent le prélude de scènes plus sanglantes. Ces jeunes gens
étaient sans armes, mais ils ne tardèrent pas à s’en procurer, car deux heures
après il n’existait plus un seul fusil de chasse chez les armuriers, et le
dépôt des compagnies bourgeoises ne tardait pas à être forcé."
Source : Les Etats de Bretagne (Page 180)
Par la suite, de toutes les villes de
Bretagne, d’Angers, de Saint-Malo, de Nantes, des jeunes bourgeois accoururent
pour défendre les étudiants rennais, qui étaient commandés par Moreau, le futur
général. Les gentilshommes attaqués et poursuivis dans les rues, assiégés dans
la salle des états, doivent quitter la ville et rentrer dans leurs manoirs. Ils
jurent de dépit de ne pas se faire représenter aux états généraux.
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Mallet du Pan |
Mallet du Pan écrit en janvier : « Le débat public a changé de face. Il ne s’agit plus que très secondairement du roi, du despotisme et de la Constitution ; c’est une guerre entre le tiers état et les deux autres ordres. »
30 mars 1789
A Besançon, le parlement ayant pris parti pour les
privilégiés qui avaient voté une protestation virulente contre le règlement de
Necker, la foule s’ameute et pille les maisons de plusieurs conseillers sans
que la troupe n’intervienne pour les défendre. Son commandant, un noble
libéral, le marquis de Langeron, déclara que l’armée était faite pour marcher
contre les ennemis de l’état et non contre les citoyens.
Source : Révolution aristocratique en Franche Comté (page 268)
La suite, vous la connaissez. La bourgeoisie n'avait plus qu'à s'emparer de ce pouvoir affaibli par tant d'années de conflit avec l'aristocratie.
Cet article est imparfait et incomplet, mais l'idée était de vous donner un aperçu de "l'ambiance" avant 1789 ! 😉
Ce sujet est également en partie abordé dans l'article concernant la préparation des Etats-Généraux en date du 1er Janvier 1789.