Affichage des articles triés par pertinence pour la requête Sieyès. Trier par date Afficher tous les articles
Affichage des articles triés par pertinence pour la requête Sieyès. Trier par date Afficher tous les articles

mercredi 1 janvier 2020

Janvier 1789 : Sieyès publie sa brochure "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"


    En ce premier mois de l'année 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès, connu également sous le nom de l'abbé Sieyès, publie sa brochure qui deviendra célèbre "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?". Il va en vendre plus de 30.000 en un mois, ce qui est énorme à l'époque !

Découvrons ensemble cet homme d'exception avant de lire son pamphlet.

Emmanuel-Joseph Sieyès.
Penseur de l'idée de la Nation
(Source image)

Adversaire déclaré de la noblesse

    L'abbé Sieyès s'était déjà fait connaître en 1788 avec son pamphlet "Essai sur les privilèges", qui constituait une véritable charge contre la noblesse et ses privilèges héréditaires. Benjamin Constant dira de lui : « Personne jamais n'a plus profondément détesté la noblesse ».

    Penseur libéral s'inscrivant dans la tradition de Locke, Sieyès, partant de la théorie politique, montrait dans son essai l'inutilité fonctionnelle de cette classe de privilégiés que représentait la noblesse. Il concevait celle-ci comme un corps intermédiaire faisant écran entre l'autorité commune et le citoyen ; une sorte de nation dans la nation s'excluant volontairement du corps social par son mode de vie dont le château de campagne était la manifestation géographique et symbolique.

    La noblesse constituait celui lui, un fardeau pour l'économie française ; celle-ci cultivant un mépris du travail et par la même des métiers seuls capables d'enrichir la nation. Les aristocrates ne produisant rien par eux-mêmes, ces privilégiés dépensaient toute leur énergie dans une « mendicité » devenue mendicité d’État.

    Sieyès considérait même les nobles comme des étrangers à la nation, les aristocrates étant selon lui les descendants des envahisseurs germaniques (les Francs) qui avaient envahi, puis occupé la France gallo-romaine (je vous rappelle que Charlemagne parlait allemand). Sieyès proposait de « renvoyer dans les forêts de la Franconie toutes ces familles nobles qui conservaient la folle prétention d'être issues de la race des conquérants et de succéder à leurs droits ».

(Pour info, sous une monarchie, être "sujet" signifie que l'on est assujetti au roi, sous-entendu par droit de conquête.)

    A noter que Sieyès parlait de la noblesse en tant que corps social constitué. Rappelons en effet que la noblesse désigne également une qualité du cœur, que l'on peut retrouver aussi bien chez des hommes du commun (ou Tiers-Etat) que chez des aristocrates. Raison pour laquelle certains aristocrates, nobles de cœurs se rallieront aux idéaux de la Révolution.

    Sieyes demande que la représentation nationale de la population française soit proportionnelle à son poids démographique. Le Tiers état représente alors environ 97% de la population française...


Le premier sociologue

    Sieyès fut l'un des pionniers de la sociologie. Une cinquantaine d'année avant Auguste Comte, il forgea dans un manuscrit le néologisme « sociologie » ! Sieyès ne s'attarda pas à conceptualiser plus avant ce terme nouveau. Mais il eut à cœur de développer un « art social » : la connaissance positive de la société devant servir à la gouverner.

"L’objet du physicien (celui qui étudie la nature qui se dit physis en Grec), déclarait Sieyès, c’est d’expliquer les phénomènes de l’univers physique. Puisque cet univers existe indépendamment de lui, le physicien doit se contenter d’observer les faits et d’en démontrer les rapports nécessaires. Mais la politique n’est pas la physique, et le modèle de la nature ne s’applique pas aux affaires humaines." 

    Pour Sieyès, la société est une construction artificielle, un édifice ; la science de la société devrait donc être, à proprement parler, une architecture sociale. 

Petit aparté :

    Tout cela est parfaitement exact. Darwin nous aidera plus tard à comprendre que nos comportements humains sont hérités de notre évolution "naturelle" et que l'art social ne peut pas ignorer les déterminismes naturels dont nous avons hérités et qui régissent hélas nos comportements sociaux.

    Trop de penseurs avant Sieyès (et après lui aussi hélas) ont conçus des systèmes sociaux pour des êtres humains tels qu'ils voulaient qu'ils soient et non-pas tels qu'ils étaient. Tout cela parce qu'ils ignoraient, volontairement ou non, les règles à la fois biologiques et culturelles qui régissent les comportements humains. Comment bâtir une société nouvelle si l'on fait fi des propriétés des matériaux qui la constitueront ? Certains despotes iront même jusqu'à vouloir fabriquer de nouveaux hommes pour les adapter à leur modèle de société utopique, ce qui à chaque fois, constitua le premier pas vers l'enfer.

Un des penseurs de la Révolution

    Indiscutablement, l'abbé Sieyès fut l'un de ces brillants esprits qui forgèrent de précieux outils conceptuels pour penser la Révolution. Cette compréhension de la société constituée de corps sociaux, ou plutôt de classes sociales aux intérêts divergents, permit de mieux comprendre l'origine de nombre de problèmes.

    La représentation symbolique du paysan accablé, portant sur son dos la noblesse et le clergé, qui eut tant de succès dans les mois qui précédèrent les Etats généraux de mai 1789, doit surement beaucoup à la diffusion de la pensée de Sieyès dans la société.

Médaille éditée pour les Etats généraux
(Ma collection personnelle)


Un mot sur le clergé

    Ne nous y trompons pas, si parmi les fardeaux que doit supporter le malheureux paysan, figure également le clergé. Il s'agit là du haut-clergé, dont les postes sont exclusivement réservés à la noblesse et donc d'une simple extension de celle-ci. Raison pour laquelle, de très nombreux représentant du bas clergé prendront une part très active à la Révolution.

    Ce sont des curés du bas clergé qui, à l'appel de Sieyès, rejoindront ceux du tiers état à partir du 12 juin 1789. C'est un abbé qui distribuera de la poudre à fusil au peuple dans les rues de Paris le 13 juillet. C'est un abbé qui conduira sable au clair l'attaque de la Bastille le lendemain. C'est un abbé qui prononcera un discours incendiaire contre les riches le 27 septembre lors de la bénédiction des drapeaux de la garde nationale au sein de Notre Dame ! Mais de tout cela nous reparlerons quand le moment sera venu.

Sieyès sera l'un des acteurs principaux lors des Etats Généraux.

    Ce sera lui qui après avoir défendu le 16 juin 1789 sa motion sous le titre d'Assemblée nationale (proposée par Legrand), obtiendra 491 voix contre 90 pour celle-ci. Ce qui fera naître cette Assemblée nationale toute puissante qui décidera par un premier décret, qu'elle aura la responsabilité de la perception des impôts et le service de la dette. C'est-à-dire, le premier acte révolutionnaire de grande importance.

    Nous retrouverons régulièrement Sieyès durant toute la Révolution et à chaque fois, ses agissements seront empreints de son intelligence brillante.

Filons la métaphore...

    On dit chez les motards, qu'un bon motard est un vieux motard (excusez l'image). Je pourrais filer la métaphore en disant qu'un révolutionnaire intelligent est un vieux révolutionnaire. Sieyès était probablement très intelligent et surtout très compétent dans cette science sociale nouvelle dont il avait établi les prémisses ; car en excellent connaisseur de la mécanique humaine et de ses comportements sociaux, il survécut à tous les courants dangereux de la Révolution et mourut à 88 ans en 1836 ! Il connut une éclipse sous la Convention, se fit discret sous la période dite de la Terreur, puis il réapparu après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II. En tant que spécialiste en droit public, il anima alors les débats sur la Constitution de l'an III puis poursuivit sa carrière politique sous le Directoire avant d'être l'un des principaux instigateurs du coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire an VIII. Il rédigera à cette occasion sa dernière constitution qui, sous une forme remaniée, devient celle du Consulat.

Coup d'état du 18 Brumaire (9 Novembre 1799)

Revenons-en à la fameuse brochure ! "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"

Ce petit ouvrage est connu pour son introduction :

« Qu'est-ce que le Tiers-État ? Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire.

1º Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.

2º Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.

3º Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

    Dans cet ouvrage, Sieyès poursuit sa réflexion entamée dans son ouvrage de 1788 évoqué ci-dessus. Mais il dépeint la situation présente et apporte des solutions, c'est-à-dire les réformes à réaliser.

    Dans la perspective des Etats Généraux, il préconise que le vote de chaque ordre se fasse proportionnellement à sa représentativité réelle dans la nation. Cela donnera évidemment l'avantage au Tiers-Etat qui représente près de 98 % des Français ! Mais cela montre également que le corps social que constitue la noblesse, non seulement ne représente rien, mais aussi et surtout est totalement inutile à la Nation. Raison pour laquelle il poursuit ainsi :

« Qui donc oserait dire que le Tiers-état n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour former une nation complète ? Il est l’homme fort et robuste dont un bras est enchainé. Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la Nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus. Ainsi qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l’ordre privilégié ? Tout. Mais un tout libre et florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres.

On verra si les réponses sont justes. Nous examinerons ensuite les moyens que l’on a essayés, et ceux que l’on doit prendre, afin que le Tiers-État devienne, en effet, quelque chose. Ainsi nous dirons :

4º Ce que les Ministres ont tenté, et ce que les Privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.

5º Ce qu’on aurait dû faire.

6º Enfin, ce qui reste à faire au Tiers pour prendre la place qui lui est due. »

    On retrouve dans ce pamphlet l'idée forte défendue dans l'essai de 1788, à savoir que la noblesse, avec ses privilèges, est à exclure du pouvoir, car elle ne défend que ses intérêts particuliers. Les privilégiés, bien que minoritaires, constituent un fardeau pour la Nation.

Naissance de l'idée de Nation.

    Selon Sieyès, la nation est le seul principe constituant possible dans l'État, et cette nation ne s'exprime que lorsqu'elle est dotée d'une Constitution. Raison pour laquelle la première tâche à laquelle se consacre l'Assemblée nationale dite constituante sera la rédaction d'une constitution.

"La Nation française"
Cachet des Procès-Verbaux de l'Assemblée nationale.

    L'unité du pouvoir se dégageant de la diversité sociale, il est impossible dans ce contexte de conserver des ordres imperméables entre eux, et la représentation doit être individualiste, souveraine et générale. L'idée de Nation constitue un nouvel outil conceptuel pour penser une société nouvelle. C'est le nom du nouveau contrat social devant unir les Français.

    Sieyès postule que la nation existe avant tout, qu'elle est l'origine de tout, que sa volonté est toujours légale et qu'elle est la loi elle-même. La nation est un donné, et non un construit, il sera nécessaire de donner des institutions à celle-ci, afin qu'elle puisse organiser le bonheur du peuple. Tout ce que nous allons découvrir ensemble tout le long de cette année 1789 résulte de cette idée nouvelle de Nation.

Assiettes "Vive la Nation"



Mais de quel Tiers-état parle-t-on ?

Confusion

    Le Tiers-état est communément considéré comme un corps homogène que l'on assimile au Peuple. C'est une source de confusion et même d'incompréhension de nombre d'événements de la Révolution française.

Un nouveau corps est apparu au sein de la société.

    Bien évidemment, la noblesse couvre de son mépris l'ensemble des roturiers de la société. Mais c'est oublier qu'un nouveau corps social a émergé au sein du Tiers-état, c'est celui que constitue la bourgeoisie ! Cette nouvelle classe sociale, riche par son travail (industrie, commerce, banque), influente et éduquée, n’a pas cessé de s’accroître, donnant naissance à une nouvelle élite. Mais cette nouvelle élite, qui paie des impôts, n'a aucun pouvoir politique. Vous voyez le problème ?

Ce nouveau corps social rest constitué d'environ 14% de la population française, le reste du peuple inclus dans le Tiers-état constitue près de 84% de la population. La noblesse ? Seulement 1%...

Deux formules pour mieux comprendre.

    En décembre 1788, le ministre des Finances Jacques Necker avait présenté ainsi ce nouveau paradigme dans un discours :

"Il y a une multitude d'affaires dont elle seule (La nouvelle classe bourgeoise) a instruction", c'est-à-dire connaissance. Quelles affaires ? Les transactions commerciales, les manufactures, le crédit public, l'intérêt et la circulation de l'argent. C'est-à-dire qu'un état bien ordonné doit admettre la participation des plus éminents citoyens."

Barnave dans sa prison

    En 1793, Antoine Barnave, l’avocat du Dauphiné devenu député puis chef des Feuillants, écrira dans le livre qu'il rédigera en prison, "De la Révolution et de la Constitution", cette formule qui a elle seule résume la Révolution de 1789 :

« Une nouvelle répartition des richesses implique une nouvelle répartition des pouvoirs ».



Vous comprendrez très vite en lisant les articles sur cette année 1789, que le Tiers état était en vérité constitué de deux parties distinctes, dont les intérêts divergeaient...


Un peu de lecture ?

Vous pouvez aisément lire "Qu'est-ce que le Tiers-Etat" en clichant sur ce lien :
https://fr.wikisource.org/wiki/Qu%E2%80%99est-ce_que_le_tiers_%C3%A9tat_%3F

Et voici dans la fenêtre ci-dessous, la copie du texte original, scannée sur le site de la BNF :


                      




vendredi 2 octobre 2020

2 Octobre 1789 : Réactions sur le découpage électoral et rires à propos d'un don patriotique !


Détournement scandaleux de l'image du brave Sieyes découpant la France ;-)

Réactions concernant le découpage du territoire

    Je vous ai parlé le 29 septembre dernier, de la présentation devant l'Assemblée par Monsieur Thouret du rapport rédigé par son comité. Celui-ci concernait d’une part, la nouvelle division territoriale et administrative du royaume, et d’autre part les bases de la représentation des citoyens, entre actifs et passifs selon leur degré de fortune. Le comité chargé de cette lourde de tâche était constitué des membres suivants : Thouret, l'abbé SieyèsTargetl'évêque d'Autun (Talleyrand)Demeunier, Rabaut de Saint-Etienne et Le Chapelier.

    Les gens critiquent !

    Le plan d'administrations provinciales et de municipalités porte selon eux le cachet de son principal auteur, M. Sieyès.

    Comment interpréter cette critique ? Il faut dire que Sieyès n'est pas n'importe qui. En vérité c'est l'un des principaux acteurs de la Révolution et probablement l'un des plus intelligents, ce qui peut être agaçant pour ses adversaires (Lire cet article : Janvier 1789). Mais dans le cas présent, même si le projet de Sieyes semble parfait par sa régularité mathématique, on doit tout de même tenir compte du fait que la France n'est pas un pays neuf, comme les États-Unis d'Amérique que l'on peut découper arbitrairement en figures géométriques, puisque ses populations autochtones sont d'ailleurs méthodiquement rayées de la carte ! La France est un vieux pays, une vieille contrée, irrégulièrement peuplée, irrégulièrement divisée. Une rivière peut limiter deux territoires, sans aucune contestation possible, et ce, depuis la nuit des temps ! Assurément, il va falloir être prudent avec les ciseaux ! 

    Raison pour laquelle les esprits critiques se demandent s'il ne serait pas préférable d'attendre qu'un arpentage régulier ait établi les circonscriptions rigoureuses sur lesquelles tout le nouvel édifice politique pourrait être fondé, car le bel ordre proposé ne semble guère possible. 

    De plus, plusieurs députés des provinces reprochent à ce plan d'accorder à Paris, s'il est appliqué, 44 députés : chiffre qui parait exorbitant.

La France de 1789, avec le portrait de Necker.


Réactions contre le découpage électoral.

    Ah le découpage et redécoupage des circonscriptions ! Voilà bien un débat promis à un bel avenir ! Encore aujourd'hui, nombre de Parisiens vous affirmeront que certains députés provinciaux règnent sur des circonscriptions désertiques ! Le département dans lequel je vis à présent, La Nièvre ; 199500 h compte presque autant d'habitants que la ville de banlieue dans laquelle j'ai vécu plus de 40 ans, Boulogne Billancourt : 124398 h (Oui, je sais j'exagère un peu quand je dis "presque").

    Soyons plus précis avec cet exemple actuel : En 2022, il faut environ 17 000 voix pour se maintenir au second tour dans la 3ᵉ circonscription de Vendée, mais seulement 631 à Saint-Pierre-et-Miquelon, et plus de 29 000 pour les Français d’Amérique du Nord. Le nombre de voix nécessaires pour accéder au second tour varie de 1 à 47.

Lisez cet excellent article du journal Le Monde, en cliquant sur la carte ci-dessous :


Réactions contre le découpage des gens.

    D'autres, ont bien sûr remarqué la nature étonnante du statut d'électeur et ne veulent entendre parler que de suffrage direct ; ils ne voient dans les trois degrés de la pyramide projetée, que l'échelle de l'Aristocratie. Enfin, le droit d'être représenté parait, à plusieurs, indépendant de la notion du territoire et de l'importance de la contribution, et uniquement inhérent aux personnes.

    En effet, le gouvernement représentatif (pensé par Sieyès) et construit par l'Assemblée nationale constituante, reposera sur un suffrage censitaire. C’est-à-dire que seuls auront le droit de voter et d'être élus, les citoyens payant une certaine somme aux impôts. (Pas question de suffrage universel. Il faudra pour cela attendre la constitution de 1793, qui ne pourra d'ailleurs pas être appliquée en raison de l'état de guerre.).

    Pour avoir le privilège de voter, il faudra être "un" (et pas "une") contribuable en impositions directes, au taux local de 3 journées de travail, qui seront évaluées en argent par les assemblées provinciales, et à 10 journées de travail pour être éligible.

     Ce système de sélection par l’argent et le sexe, fera que sur 26 (ou 28) millions de français, seuls 4.4 millions auront le droit de voter...


Rions un peu !

Autre actualité, un don patriotique qui prête à rire.

    Depuis que des femmes ont donné l'exemple le 7 septembre 1789 en offrant leurs bijoux et que le roi lui-même a décidé d'offrir sa vaisselle d'argent, les dons les plus divers, affluent à l'Assemblée.

Vue sur le très riche prieuré de Saint Martin des Champs sur le plan de Bretez.

    Un des dons patriotiques les plus généreux du mois de septembre, a été celui des religieux de Saint Martin-des-Champs qui avaient abandonné la moitié de leurs revenus, c'est- à-dire 900 000 livres, et qui de plus avaient offert (moyennant le reste qui leur faisait 1 500 livres par tête de traitement) de se charger de l'éducation de la jeunesse. Mais hélas, les hauts dignitaires de l'ordre, le supérieur général et le procureur, n'avaient pas signé, et voici maintenant que lesdits dignitaires protestent, au milieu des risées du public, qui supporte de moins en moins l'opulence ostentatoire du clergé en ces temps de disettes.

    Le vent de l'opinion va bientôt tourner en défaveur du clergé comme nous le verrons bientôt illustré sur de nombreuses estampes comme celle-ci, publié en 1790.


mercredi 17 juin 2020

17 Juin 1789 : Naissance de l'Assemblée nationale

 

Constitution de l'Assemblée nationale
et serment des députés qui la composent le 17 juin 1789.
Source : Paris Musée
(Version HD en bas de la page.)

Rappel des épisodes précédents.

    Les États généraux siègent depuis près d’un mois et demi. Mais rien ne se passe comme l’avait probablement espéré Louis XVI. Le Roi avait naïvement compté faire adopter les quelques réformes fiscales qu’il avait échouer à imposer aux ordres privilégiés de la noblesse et du clergé lors des Assemblées des notable de 1787 et 1788. Necker (issu du Tiers et favorable à celui-ci), a réussi à obtenir auprès du roi le 1er juin, le doublement du nombre de représentants du tiers état par rapport aux derniers états généraux de 1614. Malgré cela, ces États généraux reflètent particulièrement bien l’inégalité de la société de l'Ancien régime. Les députés du clergé et de la noblesse, qui ne représentent qu’un demi-million de nobles et de prêtres, sont aussi nombreux que ceux du tiers état qui représentent plus de 24 millions de Français.

    Le Tiers-état est de toute évidence la nouvelle force politique que le pouvoir royal a trop sous-estimées. Ses députés sont instruits, travailleurs, souvent riches et tous imprégnés des idées novatrices issues des Lumières. Ils ont pris le titre de députés des Communes le 6 mai derniers, en référence à la House of Commons, la Chambre des Communes du parlement Britannique qui existe depuis le 13ème siècle.

Le 27 mai, le Tiers-état a appelé les deux autres ordres à le rejoindre.

Le 13 juin, 3 curés du Poitou ont rejoint le Tiers-état. Le 15, ils seront 12. Ce mercredi 17 juin ils sont 19 membres du clergé à avoir rejoint le Tiers.

(Le 24 juin, lendemain de la désastreuse séance royale au cours de laquelle Louis XVI se fâchera dans l’intention de reprendre les rênes, la majorité des députés du clergé rejoindront l’Assemblée nationale. Le 25 juin, 47 gentilshommes avec à leur tête le Duc d'Orléans rejoindront l’Assemblée Nationale. Le 27 juin, Louis XVI, vaincu, conviera finalement le Clergé et la Noblesse à se joindre au Tiers.)

 Députés du Tiers-état

 

Naissance de l'Assemblée nationale

    Alors que les députés de la noblesse et du clergé sont réunis dans des salles séparées - L'instigation de l'Abbé Sieyès - les députés du tiers état, ainsi que les 19 députés du clergé qui les ont rejoints se constituent en Assemblée nationale. Ils déclarent par 491 voix contre 90, que « la dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne [...] parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée ».

    Je vous propose de découvrir le déroulé de l’évènement en lisant ci-dessous les procès-verbaux de cette fameuse séance du 17 juin 1789. 

Sinon, vous pouvez également écouter ces 2 podcasts sur le site de France Inter :

Procès-verbaux de l'Assemblée nationale
 

Nota : Les retranscriptions ci-dessous proviennent de l'indispensable site Persee.fr.

1er Procès-verbal, imprimé par Jean-François Baudoin

Communes : décision de ne pas signer individuellement mais collectivement la résolution sur la constitution de l'Assemblée, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_4

M. le Doyen. Je vais mettre aux voix les différentes motions relatives à la manière dont l'Assemblée doit se constituer. On a demandé hier que chaque membre apposât sa signature au bas de la délibération, j'ose présenter à l'Assemblée quelques réflexions sur cette demande.

La signature, au lieu de fortifier notre résolution, pourrait l'affaiblir ; car, prise par l'Assemblée, elle est censée prise unanimement ; au lieu que la signature, si elle n'est pas universelle, montre que la résolution n'a été arrêtée que partiellement. De plus, la signature pourrait devenir un germe funeste de division entre nous, et commencer, en quelque manière, deux partis dans une Assemblée dont l'union a fait jusqu'ici la plus grande force.

Ces réflexions sont approuvées par l'Assemblée, et la demande des signatures n'a pas de suite.

L'Assemblée arrête que la délibération sera seulement signée du doyen et de deux secrétaires.

Communes : nouvelle lecture des motions sur la constitution de l'Assemblée, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_5

Il est fait lecture des cinq motions de MM. l'abbé Sieyès, de Mirabeau, Mounier, Legrand et Pison du Galand, sur lesquelles on a à délibérer. La première motion mise à l'opinion est celle de M. l'abbé Sieyès, en décidant qu'on ira aux voix successivement sur les autres, si la première ne réunit pas la majorité absolue des voix.

Communes : vote sur la motion de l'abbé Sieyes, admise à la majorité des voix, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_6

La motion de M. l'abbé Sieyès est admise à la majorité de 491 voix, contre 90.

Communes : adoption d'une résolution portant que la Chambre prend le titre d'Assemblée nationale, lors de la séance du 17 juin 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_7

L'Assemblée, en conséquence, arrête la délibération suivante :

«L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette Assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes, au moins, de la nation.

«Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages, ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

«De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette Assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient, et qu'il n'appartient qu'à elle, d'interpréter fit de présenter la volonté générale de la nation ; il ne peut exister entre le trône et cette Assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.

«L'Assemblée déclare donc que l'œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.

«La dénomination l’Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée.

«L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée, de concourir à la tenue des États généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France.

«L'Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la nation. »

L'Assemblée vote une adresse au Roi pour lui faire part de la délibération arrêtée. Alors des cris multipliés de vive le Roi ! se font entendre.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4503_t2_0127_0000_9

 Communes : décret du 17 juin 1789 concernant la levée des impôts

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4504_t2_0128_0000_9

«L'Assemblée nationale , considérant que le premier usage qu'elle doit faire des pouvoirs dont la nation recouvre l'exercice, sous les auspices d'un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d'assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l'administration publique ;

«Voulant prévenir les difficultés que pourraient traverser la perception et l'acquit des contributions ; difficultés d'autant plus dignes d'une attention sérieuse qu'elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le Roi, et solennellement proclamé par toutes les Assemblées de la nation ; principe qui s'oppose à toute levée de deniers et de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ;

«Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation ;

«Déclare, à l'unanimité des suffrages , consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoiqu’illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir.

«Passé lequel jour, l'Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'auraient pas été nommément, formellement et librement accordée par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de l'administration.

«L'Assemblée s'empresse de déclarer qu'aussitôt qu'elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s'occupera de l'examen et de la consolidation de la dette publique ; mettant dès à présent les créanciers de l'Etat sous la garde de l'honneur et de la loyauté de la nation française.

«Enfin, l'Assemblée, devenue active, reconnaît aussi qu'elle doit ses premiers moments à l'examen des causes qui produisent dans les provinces du royaume la disette qui les afflige, et la recherche des moyens qui peuvent y remédier de la manière la plus efficace et la plus prompte. En conséquence, elle a arrêté de nommer un comité pour s'occuper de cet important objet, et que Sa Majesté sera suppliée de faire Remettre à ce comité tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin.

La présente délibération sera imprimée et envoyée dans toutes les provinces.

 

    Cette déclaration stupéfia le roi, son entourage et une partie de la noblesse. Une délégation de celle-ci fut envoyée au roi pour lui demander de réagir à une telle déclaration.

Version Haute Définition de l'image en titre.