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mercredi 1 janvier 2020

Janvier 1789 : Sieyès publie sa brochure "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"


    En ce premier mois de l'année 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès, connu également sous le nom de l'abbé Sieyès, publie sa brochure qui deviendra célèbre "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?". Il va en vendre plus de 30.000 en un mois, ce qui est énorme à l'époque !

Découvrons ensemble cet homme d'exception avant de lire son pamphlet.

Emmanuel-Joseph Sieyès.
Penseur de l'idée de la Nation
(Source image)

Adversaire déclaré de la noblesse

    L'abbé Sieyès s'était déjà fait connaître en 1788 avec son pamphlet "Essai sur les privilèges", qui constituait une véritable charge contre la noblesse et ses privilèges héréditaires. Benjamin Constant dira de lui : « Personne jamais n'a plus profondément détesté la noblesse ».

    Penseur libéral s'inscrivant dans la tradition de Locke, Sieyès, partant de la théorie politique, montrait dans son essai l'inutilité fonctionnelle de cette classe de privilégiés que représentait la noblesse. Il concevait celle-ci comme un corps intermédiaire faisant écran entre l'autorité commune et le citoyen ; une sorte de nation dans la nation s'excluant volontairement du corps social par son mode de vie dont le château de campagne était la manifestation géographique et symbolique.

    La noblesse constituait celui lui, un fardeau pour l'économie française ; celle-ci cultivant un mépris du travail et par la même des métiers seuls capables d'enrichir la nation. Les aristocrates ne produisant rien par eux-mêmes, ces privilégiés dépensaient toute leur énergie dans une « mendicité » devenue mendicité d’État.

    Sieyès considérait même les nobles comme des étrangers à la nation, les aristocrates étant selon lui les descendants des envahisseurs germaniques (les Francs) qui avaient envahi, puis occupé la France gallo-romaine (je vous rappelle que Charlemagne parlait allemand). Sieyès proposait de « renvoyer dans les forêts de la Franconie toutes ces familles nobles qui conservaient la folle prétention d'être issues de la race des conquérants et de succéder à leurs droits ».

(Pour info, sous une monarchie, être "sujet" signifie que l'on est assujetti au roi, sous-entendu par droit de conquête.)

    A noter que Sieyès parlait de la noblesse en tant que corps social constitué. Rappelons en effet que la noblesse désigne également une qualité du cœur, que l'on peut retrouver aussi bien chez des hommes du commun (ou Tiers-Etat) que chez des aristocrates. Raison pour laquelle certains aristocrates, nobles de cœurs se rallieront aux idéaux de la Révolution.

    Sieyes demande que la représentation nationale de la population française soit proportionnelle à son poids démographique. Le Tiers état représente alors environ 97% de la population française...


Le premier sociologue

    Sieyès fut l'un des pionniers de la sociologie. Une cinquantaine d'année avant Auguste Comte, il forgea dans un manuscrit le néologisme « sociologie » ! Sieyès ne s'attarda pas à conceptualiser plus avant ce terme nouveau. Mais il eut à cœur de développer un « art social » : la connaissance positive de la société devant servir à la gouverner.

"L’objet du physicien (celui qui étudie la nature qui se dit physis en Grec), déclarait Sieyès, c’est d’expliquer les phénomènes de l’univers physique. Puisque cet univers existe indépendamment de lui, le physicien doit se contenter d’observer les faits et d’en démontrer les rapports nécessaires. Mais la politique n’est pas la physique, et le modèle de la nature ne s’applique pas aux affaires humaines." 

    Pour Sieyès, la société est une construction artificielle, un édifice ; la science de la société devrait donc être, à proprement parler, une architecture sociale. 

Petit aparté :

    Tout cela est parfaitement exact. Darwin nous aidera plus tard à comprendre que nos comportements humains sont hérités de notre évolution "naturelle" et que l'art social ne peut pas ignorer les déterminismes naturels dont nous avons hérités et qui régissent hélas nos comportements sociaux.

    Trop de penseurs avant Sieyès (et après lui aussi hélas) ont conçus des systèmes sociaux pour des êtres humains tels qu'ils voulaient qu'ils soient et non-pas tels qu'ils étaient. Tout cela parce qu'ils ignoraient, volontairement ou non, les règles à la fois biologiques et culturelles qui régissent les comportements humains. Comment bâtir une société nouvelle si l'on fait fi des propriétés des matériaux qui la constitueront ? Certains despotes iront même jusqu'à vouloir fabriquer de nouveaux hommes pour les adapter à leur modèle de société utopique, ce qui à chaque fois, constitua le premier pas vers l'enfer.

Un des penseurs de la Révolution

    Indiscutablement, l'abbé Sieyès fut l'un de ces brillants esprits qui forgèrent de précieux outils conceptuels pour penser la Révolution. Cette compréhension de la société constituée de corps sociaux, ou plutôt de classes sociales aux intérêts divergents, permit de mieux comprendre l'origine de nombre de problèmes.

    La représentation symbolique du paysan accablé, portant sur son dos la noblesse et le clergé, qui eut tant de succès dans les mois qui précédèrent les Etats généraux de mai 1789, doit surement beaucoup à la diffusion de la pensée de Sieyès dans la société.

Médaille éditée pour les Etats généraux
(Ma collection personnelle)


Un mot sur le clergé

    Ne nous y trompons pas, si parmi les fardeaux que doit supporter le malheureux paysan, figure également le clergé. Il s'agit là du haut-clergé, dont les postes sont exclusivement réservés à la noblesse et donc d'une simple extension de celle-ci. Raison pour laquelle, de très nombreux représentant du bas clergé prendront une part très active à la Révolution.

    Ce sont des curés du bas clergé qui, à l'appel de Sieyès, rejoindront ceux du tiers état à partir du 12 juin 1789. C'est un abbé qui distribuera de la poudre à fusil au peuple dans les rues de Paris le 13 juillet. C'est un abbé qui conduira sable au clair l'attaque de la Bastille le lendemain. C'est un abbé qui prononcera un discours incendiaire contre les riches le 27 septembre lors de la bénédiction des drapeaux de la garde nationale au sein de Notre Dame ! Mais de tout cela nous reparlerons quand le moment sera venu.

Sieyès sera l'un des acteurs principaux lors des Etats Généraux.

    Ce sera lui qui après avoir défendu le 16 juin 1789 sa motion sous le titre d'Assemblée nationale (proposée par Legrand), obtiendra 491 voix contre 90 pour celle-ci. Ce qui fera naître cette Assemblée nationale toute puissante qui décidera par un premier décret, qu'elle aura la responsabilité de la perception des impôts et le service de la dette. C'est-à-dire, le premier acte révolutionnaire de grande importance.

    Nous retrouverons régulièrement Sieyès durant toute la Révolution et à chaque fois, ses agissements seront empreints de son intelligence brillante.

Filons la métaphore...

    On dit chez les motards, qu'un bon motard est un vieux motard (excusez l'image). Je pourrais filer la métaphore en disant qu'un révolutionnaire intelligent est un vieux révolutionnaire. Sieyès était probablement très intelligent et surtout très compétent dans cette science sociale nouvelle dont il avait établi les prémisses ; car en excellent connaisseur de la mécanique humaine et de ses comportements sociaux, il survécut à tous les courants dangereux de la Révolution et mourut à 88 ans en 1836 ! Il connut une éclipse sous la Convention, se fit discret sous la période dite de la Terreur, puis il réapparu après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II. En tant que spécialiste en droit public, il anima alors les débats sur la Constitution de l'an III puis poursuivit sa carrière politique sous le Directoire avant d'être l'un des principaux instigateurs du coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire an VIII. Il rédigera à cette occasion sa dernière constitution qui, sous une forme remaniée, devient celle du Consulat.

Coup d'état du 18 Brumaire (9 Novembre 1799)

Revenons-en à la fameuse brochure ! "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"

Ce petit ouvrage est connu pour son introduction :

« Qu'est-ce que le Tiers-État ? Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire.

1º Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.

2º Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.

3º Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

    Dans cet ouvrage, Sieyès poursuit sa réflexion entamée dans son ouvrage de 1788 évoqué ci-dessus. Mais il dépeint la situation présente et apporte des solutions, c'est-à-dire les réformes à réaliser.

    Dans la perspective des Etats Généraux, il préconise que le vote de chaque ordre se fasse proportionnellement à sa représentativité réelle dans la nation. Cela donnera évidemment l'avantage au Tiers-Etat qui représente près de 98 % des Français ! Mais cela montre également que le corps social que constitue la noblesse, non seulement ne représente rien, mais aussi et surtout est totalement inutile à la Nation. Raison pour laquelle il poursuit ainsi :

« Qui donc oserait dire que le Tiers-état n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour former une nation complète ? Il est l’homme fort et robuste dont un bras est enchainé. Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la Nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus. Ainsi qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l’ordre privilégié ? Tout. Mais un tout libre et florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres.

On verra si les réponses sont justes. Nous examinerons ensuite les moyens que l’on a essayés, et ceux que l’on doit prendre, afin que le Tiers-État devienne, en effet, quelque chose. Ainsi nous dirons :

4º Ce que les Ministres ont tenté, et ce que les Privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.

5º Ce qu’on aurait dû faire.

6º Enfin, ce qui reste à faire au Tiers pour prendre la place qui lui est due. »

    On retrouve dans ce pamphlet l'idée forte défendue dans l'essai de 1788, à savoir que la noblesse, avec ses privilèges, est à exclure du pouvoir, car elle ne défend que ses intérêts particuliers. Les privilégiés, bien que minoritaires, constituent un fardeau pour la Nation.

Naissance de l'idée de Nation.

    Selon Sieyès, la nation est le seul principe constituant possible dans l'État, et cette nation ne s'exprime que lorsqu'elle est dotée d'une Constitution. Raison pour laquelle la première tâche à laquelle se consacre l'Assemblée nationale dite constituante sera la rédaction d'une constitution.

"La Nation française"
Cachet des Procès-Verbaux de l'Assemblée nationale.

    L'unité du pouvoir se dégageant de la diversité sociale, il est impossible dans ce contexte de conserver des ordres imperméables entre eux, et la représentation doit être individualiste, souveraine et générale. L'idée de Nation constitue un nouvel outil conceptuel pour penser une société nouvelle. C'est le nom du nouveau contrat social devant unir les Français.

    Sieyès postule que la nation existe avant tout, qu'elle est l'origine de tout, que sa volonté est toujours légale et qu'elle est la loi elle-même. La nation est un donné, et non un construit, il sera nécessaire de donner des institutions à celle-ci, afin qu'elle puisse organiser le bonheur du peuple. Tout ce que nous allons découvrir ensemble tout le long de cette année 1789 résulte de cette idée nouvelle de Nation.

Assiettes "Vive la Nation"



Mais de quel Tiers-état parle-t-on ?

Confusion

    Le Tiers-état est communément considéré comme un corps homogène que l'on assimile au Peuple. C'est une source de confusion et même d'incompréhension de nombre d'événements de la Révolution française.

Un nouveau corps est apparu au sein de la société.

    Bien évidemment, la noblesse couvre de son mépris l'ensemble des roturiers de la société. Mais c'est oublier qu'un nouveau corps social a émergé au sein du Tiers-état, c'est celui que constitue la bourgeoisie ! Cette nouvelle classe sociale, riche par son travail (industrie, commerce, banque), influente et éduquée, n’a pas cessé de s’accroître, donnant naissance à une nouvelle élite. Mais cette nouvelle élite, qui paie des impôts, n'a aucun pouvoir politique. Vous voyez le problème ?

Ce nouveau corps social rest constitué d'environ 14% de la population française, le reste du peuple inclus dans le Tiers-état constitue près de 84% de la population. La noblesse ? Seulement 1%...

Deux formules pour mieux comprendre.

    En décembre 1788, le ministre des Finances Jacques Necker avait présenté ainsi ce nouveau paradigme dans un discours :

"Il y a une multitude d'affaires dont elle seule (La nouvelle classe bourgeoise) a instruction", c'est-à-dire connaissance. Quelles affaires ? Les transactions commerciales, les manufactures, le crédit public, l'intérêt et la circulation de l'argent. C'est-à-dire qu'un état bien ordonné doit admettre la participation des plus éminents citoyens."

Barnave dans sa prison

    En 1793, Antoine Barnave, l’avocat du Dauphiné devenu député puis chef des Feuillants, écrira dans le livre qu'il rédigera en prison, "De la Révolution et de la Constitution", cette formule qui a elle seule résume la Révolution de 1789 :

« Une nouvelle répartition des richesses implique une nouvelle répartition des pouvoirs ».



Vous comprendrez très vite en lisant les articles sur cette année 1789, que le Tiers état était en vérité constitué de deux parties distinctes, dont les intérêts divergeaient...


Un peu de lecture ?

Vous pouvez aisément lire "Qu'est-ce que le Tiers-Etat" en clichant sur ce lien :
https://fr.wikisource.org/wiki/Qu%E2%80%99est-ce_que_le_tiers_%C3%A9tat_%3F

Et voici dans la fenêtre ci-dessous, la copie du texte original, scannée sur le site de la BNF :


                      




vendredi 2 octobre 2020

2 Octobre 1789 : Réactions sur le découpage électoral et rires à propos d'un don patriotique !


Détournement scandaleux de l'image du brave Sieyes découpant la France ;-)

Réactions concernant le découpage du territoire

    Je vous ai parlé le 29 septembre dernier, de la présentation devant l'Assemblée par Monsieur Thouret du rapport rédigé par son comité. Celui-ci concernait d’une part, la nouvelle division territoriale et administrative du royaume, et d’autre part les bases de la représentation des citoyens, entre actifs et passifs selon leur degré de fortune. Le comité chargé de cette lourde de tâche était constitué des membres suivants : Thouret, l'abbé SieyèsTargetl'évêque d'Autun (Talleyrand)Demeunier, Rabaut de Saint-Etienne et Le Chapelier.

    Les gens critiquent !

    Le plan d'administrations provinciales et de municipalités porte selon eux le cachet de son principal auteur, M. Sieyès.

    Comment interpréter cette critique ? Il faut dire que Sieyès n'est pas n'importe qui. En vérité c'est l'un des principaux acteurs de la Révolution et probablement l'un des plus intelligents, ce qui peut être agaçant pour ses adversaires (Lire cet article : Janvier 1789). Mais dans le cas présent, même si le projet de Sieyes semble parfait par sa régularité mathématique, on doit tout de même tenir compte du fait que la France n'est pas un pays neuf, comme les États-Unis d'Amérique que l'on peut découper arbitrairement en figures géométriques, puisque ses populations autochtones sont d'ailleurs méthodiquement rayées de la carte ! La France est un vieux pays, une vieille contrée, irrégulièrement peuplée, irrégulièrement divisée. Une rivière peut limiter deux territoires, sans aucune contestation possible, et ce, depuis la nuit des temps ! Assurément, il va falloir être prudent avec les ciseaux ! 

    Raison pour laquelle les esprits critiques se demandent s'il ne serait pas préférable d'attendre qu'un arpentage régulier ait établi les circonscriptions rigoureuses sur lesquelles tout le nouvel édifice politique pourrait être fondé, car le bel ordre proposé ne semble guère possible. 

    De plus, plusieurs députés des provinces reprochent à ce plan d'accorder à Paris, s'il est appliqué, 44 députés : chiffre qui parait exorbitant.

La France de 1789, avec le portrait de Necker.


Réactions contre le découpage électoral.

    Ah le découpage et redécoupage des circonscriptions ! Voilà bien un débat promis à un bel avenir ! Encore aujourd'hui, nombre de Parisiens vous affirmeront que certains députés provinciaux règnent sur des circonscriptions désertiques ! Le département dans lequel je vis à présent, La Nièvre ; 199500 h compte presque autant d'habitants que la ville de banlieue dans laquelle j'ai vécu plus de 40 ans, Boulogne Billancourt : 124398 h (Oui, je sais j'exagère un peu quand je dis "presque").

    Soyons plus précis avec cet exemple actuel : En 2022, il faut environ 17 000 voix pour se maintenir au second tour dans la 3ᵉ circonscription de Vendée, mais seulement 631 à Saint-Pierre-et-Miquelon, et plus de 29 000 pour les Français d’Amérique du Nord. Le nombre de voix nécessaires pour accéder au second tour varie de 1 à 47.

Lisez cet excellent article du journal Le Monde, en cliquant sur la carte ci-dessous :


Réactions contre le découpage des gens.

    D'autres, ont bien sûr remarqué la nature étonnante du statut d'électeur et ne veulent entendre parler que de suffrage direct ; ils ne voient dans les trois degrés de la pyramide projetée, que l'échelle de l'Aristocratie. Enfin, le droit d'être représenté parait, à plusieurs, indépendant de la notion du territoire et de l'importance de la contribution, et uniquement inhérent aux personnes.

    En effet, le gouvernement représentatif (pensé par Sieyès) et construit par l'Assemblée nationale constituante, reposera sur un suffrage censitaire. C’est-à-dire que seuls auront le droit de voter et d'être élus, les citoyens payant une certaine somme aux impôts. (Pas question de suffrage universel. Il faudra pour cela attendre la constitution de 1793, qui ne pourra d'ailleurs pas être appliquée en raison de l'état de guerre.).

    Pour avoir le privilège de voter, il faudra être "un" (et pas "une") contribuable en impositions directes, au taux local de 3 journées de travail, qui seront évaluées en argent par les assemblées provinciales, et à 10 journées de travail pour être éligible.

     Ce système de sélection par l’argent et le sexe, fera que sur 26 (ou 28) millions de français, seuls 4.4 millions auront le droit de voter...


Rions un peu !

Autre actualité, un don patriotique qui prête à rire.

    Depuis que des femmes ont donné l'exemple le 7 septembre 1789 en offrant leurs bijoux et que le roi lui-même a décidé d'offrir sa vaisselle d'argent, les dons les plus divers, affluent à l'Assemblée.

Vue sur le très riche prieuré de Saint Martin des Champs sur le plan de Bretez.

    Un des dons patriotiques les plus généreux du mois de septembre, a été celui des religieux de Saint Martin-des-Champs qui avaient abandonné la moitié de leurs revenus, c'est- à-dire 900 000 livres, et qui de plus avaient offert (moyennant le reste qui leur faisait 1 500 livres par tête de traitement) de se charger de l'éducation de la jeunesse. Mais hélas, les hauts dignitaires de l'ordre, le supérieur général et le procureur, n'avaient pas signé, et voici maintenant que lesdits dignitaires protestent, au milieu des risées du public, qui supporte de moins en moins l'opulence ostentatoire du clergé en ces temps de disettes.

    Le vent de l'opinion va bientôt tourner en défaveur du clergé comme nous le verrons bientôt illustré sur de nombreuses estampes comme celle-ci, publié en 1790.


mardi 7 juillet 2020

7 Juillet 1789, Création du comité de constitution et arrivé du Prince de Lambesc à Paris

Article mis à jour le 07/07/2023

Création du premier comité de constitution

    Les députés de l'Assemblée nationale nouvellement créée, continuent de penser que la Révolution est terminée ; Aussi s'attellent-ils à la rédaction d'une constitution, et pour ce faire, ils créent un comité qui se chargera de ce long travail.

"Conformément au décret du 6 juillet 1789, le premier comité de Constitution est composé de trente membres, choisis le 7 juillet dans chacun des trente bureaux de l’Assemblée. Ces bureaux ayant été rapidement supprimés, le comité sera plus tard renouvelé et réduit à huit membres dès le 15 septembre. Tous seront des hommes politiques et/ou des juristes et sont issus des trois ordres :
 
 
  
 

    Le parti modéré, alors dominant à l’Assemblée constituante, l’est également au comité : la majorité des membres sont, en effet, des royalistes libéraux et constitutionnels, convaincus "de la nécessité de laisser au Roi toute la puissance nécessaire pour assurer le bonheur de la nation".

    La gauche est toutefois représentée au comité par Le Chapelier, Talleyrand-Périgord et l’abbé Sieyès.

    Le second comité de Constitution de la Constituante est réduit à sept membres (Talleyrand-Périgord, Le Chapelier, Demeunier, Thouret, Target, Rabaut Saint-Etienne et l’abbé Sieyès), trois secrétaires commis étant attachés aux trois comités de Constitution, de Révision et Central.

    L’éphémère comité de Constitution de la Convention nationale sera composé de neuf membres."


 


 

Ce même jour, le Prince de Lambesc arrive à Paris...

    Son régiment du royal-allemand campe dans les jardins de la Muette. Le pain manquant à Paris pour nourrir la troupe, le prince achète 300 Livres de pains.

Charles-Eugène de Lorraine, Prince de Lambesc.
 
Cavalier du Royal-Allemand (1779)

Merci de votre lecture.

 

Cet article a été publié initialement sur ma page Facebook :
"Les estampes révolutionnaires du citoyen Basset"


mercredi 12 août 2020

12 Août 1789 : Travail sur la Constitution, le projet de Sieyès

    Vous aurez remarqué que ce site ne donne pas systématiquement dans le sensationnel. La Révolution française présente un continuel contraste entre les périodes studieuses (car il faut beaucoup travailler pour changer la société) et les périodes, disons, tumultueuses...

    En ce mois d’août, quelques châteaux continuent de prendre feu de temps à autres dans les provinces, mais le gros du travail se fait à l’Assemblée nationale.

    Voici un aperçu des sujets traités par celle-ci lors de la séance du 12 aout 1789 :

  • Horaires de l’audience du Président auprès du Roi et organisation d’un Te Deum (il s’agit du Te Deum qui sera célébré à l’occasion des sacrifices consentis pendant la nuit du 4 août, par les ordres privilégiés sur l’autel de la patrie),
  • Motion de Monsieur de Gaillon pour la suppression du droit d’ainesse,
  • Motion de Monsieur le Duc DE Liancourt pour le traitement des députés,
  • Création d’un comité chargé de la liquidation des droits féodaux, lors de la séance du 12,
  • Conclusion de la séance du 12 août pour procéder aux élections d’un archiviste et de divers comités. (Une petite pensée pour l’archiviste à qui nous devons tant de précieux documents !)

Emanuel Joseph Sieyès
    Dans les pièces annexes de la séance du 12, figure le projet de constitution soumis à l’assemblée par Monsieur l’abbé Sieyès. 
    Celui-ci comporte en titre 1 une intéressante déclaration des droits et des principes constitutifs. 
    Il s’agit de la fameuse déclaration des droits de l’homme et du citoyen que le Marquis de Lafayette a demandé de mettre en préambule à la constitution le 11 juillet dernier.

Voir ici :
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4654_t2_0221_0000_19

 


En voici le contenu :

"TITRE I.

Des droits et des principes constitutifs.

Les représentants de la nation, munis de ses pouvoirs pour fixer la Constitution de l'Etat, déterminer les droits et l'exercice de la puissance législative et de la puissance exécutive, considérant que la liberté, l'ordre et la félicité publique ne peuvent être solidement fondés que sur les principes immuables de la justice et de la raison ; que l'homme est sorti libre des mains de la nature ; qu'en devenant membre d'une société politique, son intention a été de mettre ses droits naturels sous la protection d'une force commune ; lesdits représentants réunis en Assemblée nationale reconnaissent et consacrent à jamais, comme inviolables, les droits de l'homme et du citoyen ; déclarent :

Art. 1er. Que la nation française est éminemment libre et indépendante de toute autorité, pactes, tributs, lois et statuts qu'elle ne consentirait pas à l'avenir.

Art. 2. Que le culte public volontairement adopté par le peuple français doit être religieusement pratiqué et dirigé par l'église Gallicane, sans qu’aucun citoyen ou étranger puisse être troublé ou inquiété dans l'exercice d'une autre religion.

Art. 3. Que la volonté générale est que les provinces et pays composant l'empire français soient soumis à un gouvernement monarchique, sans altération ni dérogation aux principes et aux droits nationaux qui constituent un tel gouvernement.

Art. 4. Que la nation a seule le droit et confère à des représentants l'exercice du pouvoir législatif, conjointement avec le Roi.

Art. 5. Que le roi et ses successeurs légitimes en ligne directe sont et seront personne sacrée et inviolable, chef suprême de la nation, dépositaire inamovible de la puissance royale, ayant indivisiblement le pouvoir de gouverner et administrer l'Etat, conformément aux lois proposées, consenties et promulguées en l'assemblée des Etats généraux, ayant spécialement le droit de commuer et remettre les peines encourues par les coupables, de distribuer les dignités et emplois ecclésiastiques, civils et militaires, de rendre et faire rendre la justice dans les tribunaux légalement établis, de pourvoir à la sûreté intérieure et extérieure de l'empire, de déclarer la guerre, faire la paix, contracter des alliances, et d'avoir dans toutes les parties de l'administration civile et politique, une autorité légale, ponctuellement obéie, sous les peines prononcées, ou qui seront prononcées par les lois.

Art. 6. Qu'aucune personne, prince ou magistrat, autres que les représentants de la nation assemblés, n'ont le droit et le pouvoir d'arrêter et proposer au Roi aucune contribution, lois, statuts, création, réformation et suppression des tribunaux, ou de consentir et de sanctionner de tels actes, dans le cas où ils seraient proposés par le Roi.

Art. 7. Que tous les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être essentiellement et continuelle¬ ment employés à protéger la vie, la liberté, l'honneur et la propriété de tous les citoyens ; de sorte que chacun ne soit responsable de sa conduite qu'aux lois, et n'ait à redouter, dans aucun cas, le pouvoir arbitraire d'aucun magistrat ou agent de la puissance exécutive,

Art. 8. Que l'Assemblée nationale sera permanente et organisée ainsi qu'il sera ci-après statué.

Art. 9. Que tout accusé doit être jugé coupable ou non coupable par ses pairs, avant que le tribunal devant lequel il est traduit puisse prononcer une peine.

Art. 10. Qu'il est libre à tout citoyen de publier, pour sa propre défense ou pour l'instruction publique, tout ce qu'il avisera, en demeurant responsable de ses écrits.

Art. 11. Qu'aucune considération politique, aucun besoin ou service public ne pouvant prévaloir sur le droit que tout homme a à sa propre subsistance, ceux dépourvus de toute propriété, tels que les manœuvres et journaliers, ne peuvent être soumis à aucune contribution personnelle.

Art. 12. Que tous les impôts doivent être mesurés sur les besoins effectifs de l'Etat, et également supportés par tous les citoyens, proportionnellement à leur fortune, sans distinction ni privilège pour qui que ce soit.

Art. 13. Qu'il ne peut être établi ni toléré, à la charge de la nation, aucun droit abusif.

Art. 14. Que tous les citoyens, de quelque rang et condition qu'ils soient, ont droit à toute profession et industrie légitimes, et peuvent être promus aux honneurs et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, proportionnellement à leurs mérites, talents et services.

Art. 15. Que tout officier et bas officier de l'armée de terre et de mer, avant d'être admis à son grade, sera tenu de prêter serment de fidélité au Roi et à la nation.

Art. 16. Qu'aucune troupe militaire ne peut être employée, même en cas d'émeute, contre le peuple, que sur la réquisition d'un magistrat civil, ou d'après une proclamation royale, scellée et contresignée par le chancelier.

Art. 17. Que les principes élémentaires de la législation et les droits constitutifs de la nation seront professés et enseignés dans tous les collèges et maisons d'éducation." 

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_6382_t2_0422_0000_2

 

Article corrigé et mis à jour le 12/08/2021.

dimanche 13 septembre 2020

13 Septembre 1789 : Portrait de Sieyes dans le journal

 

    J'ai découvert hier une nouvelle source d'information, le Journal des Révolutions de l'Europe, en 1789 & 1790.

    On trouve de nombreuses illustrations d'événements dans certains journaux. Dans le cas présent, le journal a choisi d'imprimer le portrait de Sieyès et il a raison, l'abbé Sieyès fut l'un des grands hommes de la Révolution.



jeudi 29 octobre 2020

29 Octobre 1789 : Le clause du marc d’argent, symbole d’une révolution de propriétaires.

Un droit, pas vraiment égal pour tous, celui d'être éligible...

Source BNF Gallica

    Aujourd’hui, une discussion très animée a eu lieu à l’Assemblée nationale autour de la clause concernant le marc d’argent, qui figurera dans le décret sur la loi électorale. Le marc d’argent sera le montant d’impôt dont devra s’acquitter un citoyen pour être éligible.

Source :
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5255_t1_0598_0000_3

    Rappelons que c’est le projet porté par l’abbé Sieyès qui a fini par être validé par les députés. Les simples "machines de travail", appellation sous laquelle Sieyès désignait ceux qui n’étaient pas assez riches pour payer un impôt, ne seront pas autorisées à voter. Sur les sept millions trois cent mille citoyens de sexe masculin, âgés de plus de 25 ans (âge retenu pour la majorité civile), qui ont été dénombrés, ces "machines" vont constituer la catégorie des trois millions de citoyens dits "passifs". 

    Concernant la situation des femmes, je vous renvoie à mon article sur Olympe de Gouge (qui va vous surprendre) ainsi qu’à celui du 22 octobre 1789.

    Les citoyens français ont donc été divisés en deux parties : les citoyens passifs et les citoyens actifs ; cette dernière catégorie étant elle-même divisée en trois parties !


Les citoyens passifs.

    Les citoyens passifs ne jouissent que de leurs droits civils, les droits politiques étant réservés aux citoyens actifs.


Les citoyens actifs, à trois degrés.

    Les citoyens actifs sont ceux qui acquittent aux impôts une contribution directe au moins égale à la valeur de trois journées de travail. Seuls 4.298.360 citoyens actifs seront donc autorisés à voter lors des élections de 1791, mais leur vote sera indirect ! En effet, ces citoyens actifs devront se contenter de désigner des électeurs dits, du second degré.

    Les citoyens actifs du second degré sont ceux qui paient des impôts d’une valeur au moins égale à dix journées de travail, mais en aucun cas ils ne pourront être éligibles.

    Les citoyens actifs ayant le droit d’être éligibles, devront justifier d’une imposition directe d’au moins un marc d’argent, soit cinquante livres (c'est beaucoup) et posséder une propriété foncière !

    Raison pour laquelle on appelle "décret du marc d’argent", ce texte de loi qui réduit le corps des gouvernants aux grands propriétaires terriens, nobles ou roturiers, selon le modèle anglais si cher aux députés.


Le marc d'argent ?

  Le marc était une unité de poids de l’ancien régime, correspondant à environ 244,75 grammes.


Etonnant ?

    Il n’y a en effet rien d’étonnant à ce que cette assemblée de notables ait choisi ce système censitaire, entérinant ainsi une différenciation des citoyens par l’argent. On peut se dire que c’était déjà un grand pas en avant et que le suffrage universel était peut-être un système beaucoup trop progressif, voire anachronique, dans cette société d’ancien régime si inégalitaire. 

    Les défenseurs de ce suffrage censitaire affirmeront d’ailleurs que celui-ci n'est pas injuste, car rien n’empêche qu’un citoyen passif, à force de travail (bien sûr), ne s’enrichisse suffisamment pour pouvoir devenir un jour un citoyen actif.

    N’oublions pas cependant, que quelques députés luttent contre ce seuil élitiste, et que certains vont jusqu'à défendre l'idée du suffrage universel durant les débats, comme Robespierre, cet incorrigible défenseur des pauvres. Dans la lettre qu'il adressera bientôt à son ami Buissart, Robespierre expliquera : "Ces dispositions sont l’ouvrage du parti aristocratique de l’Assemblée qui n’a pas même permis aux autres de défendre les droits du peuple et a constamment étouffé leurs voix par des clameurs ; de manière que la plus importante de toutes nos délibérations a été arrêtée sans discussion, dans le tumulte et emportée comme par violence." Plus vous découvrirez les idées de Robespierre, plus vous comprendrez les vraies raisons pour lesquelles il fut autant détesté...

    Remarquons également que les citoyens passifs, ces exclus, sont en nombre inférieur (3 millions), par rapport à celui des citoyens actifs (4.3 millions). Le danger potentiel qu’ils représentent pour les propriétaires, aurait pu être sans trop de difficulté circonscrit, comme ce sera d’ailleurs le cas plus tard. Car le respect des notables et un certain clientélisme, étaient bien ancrés dans les esprits. Lors des premiers suffrages universels, beaucoup de ces anciens citoyens passifs voteront comme le curé ou le seigneur le leur diront.


Le combat contre le marc d'argent.

A l'Assemblée

    Les principaux députés à s’opposer à ce projet durant les débats auront été l’abbé Grégoire (bien sûr), Duport, Robespierre (évidemment), ainsi que Pétion et Prieur de la Marne.

    Dans son discours du 11 août 1791, défendant le principe du suffrage universel, Robespierre rappellera que le suffrage censitaire aurait interdit à Jean-Jacques Rousseau de pouvoir voter :

« Quelle serait la garantie de Rousseau ? Il ne lui eut pas été possible de trouver accès dans une assemblée électorale. Cependant, il a éclairé l’humanité et son génie puissant et vertueux a préparé vos travaux. D’après les principes du Comité, nous devrions rougir d’avoir élevé des statues à un homme qui ne payait pas un marc d’argent. »

Sources :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/robespierre-11-aout-1791
http://lettre-gallica.bnf.fr/le-projet-de-constitution-de-1791

    Cette clause du marc d'argent, continuera de faire l’objet de débats pour le moins houleux. Elle sera également attaquée dans la presse et moquée dans des caricatures vendues sous formes d’estampes.

Dans la presse.

Dans le numéro 2 de son journal des « Révolutions de France et de Brabant » Camille Desmoulins écrira à propos du Marc d’Argent (page 46)

« Je reviendrai quelque jour sur ce décret du marc d’argent, je l’ai toujours regardé comme un attentat révoltant aux droits de l’homme. Si j’avais eu l’honneur d’être à l’Assemblée nationale, je sens que j’aurais fait tant d’efforts pour empêcher ce décret de passer et pour opposer du moins à l’inégalité réelle des fortunes, l’égalité fictive des droits ; j’aurais parlé avec tant de véhémence que peut-être mon zèle m’eut-il coûté la vie, et j’aurais cru ne pouvoir mourir en plaidant une plus belle cause. Mais me voilà journaliste, et c’est un assez beau rôle. »


Abolition de la clause...

    C'est au lendemain de l'insurrection du 10 Août 1792, que les décrets des 11 et 12 août 1792 modifieront les règles et le corps électoral. "La distinction des Français entre citoyens actifs et non-actifs sera supprimée, et pour y être admis, il suffira d’être Français, âgé de vingt et un ans, domicilié depuis un an, vivant de son revenu et du produit de son travail, et n’étant pas en état de domesticité."


Les estampes !

    Je suis particulièrement content de pouvoir vous présenter ces estampes, illustrant de façon très critique, la réaction populaire à ce décret du marc d’argent.

Source BNF Gallica

Source Paris Musées

Source BNF Gallica

Source BNF Gallica