samedi 14 novembre 2020

14 Novembre 1789 : Necker explique son plan pour fabriquer de l’argent.

 

    Ne vous laissez pas décourager par ce titre qui pourrait laisser supposer que vous allez devoir lire encore un très très long discours ! Car discours très long il y a…

    Je vais essayer d’être concis et je ne vais pas vous rendre compte de l’intégralité du projet de Necker, ni du détail des débats qui ont suivi et qui ont duré jusqu’à la fin décembre !

    Les plus curieux ou les plus studieux, disposeront néanmoins à la fin de l’article de tous les liens permettant d’y accéder.

    J'agrémente cet article avec de magnifiques gravures à la gloire du grand Necker. Necker a en effet bénéficié, tout comme en 1781, d'un certain culte qui s'est manifesté par la diffusion de nombreuses estampes ; une forme de propagande, à n'en point douter.

    Vous pouvez également lire le commentaire que Marat fait de l'intervention de Necker, dans le numéro 51 du mercredi 18 novembre, dans son journal L'Ami du Peuple. (Cliquez ici)

    Le ministre des finances, le banquier suisse Jacque Necker, a demandé à être reçu par l’Assemblée nationale, afin qu’il puisse rendre compte auprès des députés, de l’aggravation des finances du pays et de proposer ses solutions. La situation financière du royaume va effectivement en empirant ! L’argent ne rentre plus dans les caisses de l’Etat. La vente des biens du clergé n’a pas encore commencé, les impôts ne sont pas payés, ou alors avec beaucoup de retards (les agents du fisc n’osent pas trop insister vu l’ambiance un peu « agitée »), les taxes supprimées, comme la gabelle, n’ont pas encore été remplacées et les barrières d’octroi incendiées en juillet n’ont pas encore été remises en service. Les deux emprunts que Necker avait lancés en août, 30 millions le 9 et 80 millions le 27, ont échoué. Quant à la contribution patriotique égale à un quart du revenu et ne touchant que les revenus supérieurs à 400 livres, sans oublier les dons patriotique, ils ramèneront tout juste 1 million de livres (une goutte d’eau). A noter également que le prix du blé a doublé par rapport à 1788, à cause des récoltes insuffisante et que l’Etat en achète de grande quantité à l’étranger.

    C’est un Necker épuisé qui pénètre dans l’Assemblée, sous les applaudissements de celle-ci, bien sûr. On lui présente un siège devant la barre dans lequel il s’assied. Necker ne lit que le début de son mémoire ; une lecture qui dure tout de même une heure et demie. Le reste de ce long rapport est ensuite continué, de l'agrément de l'Assemblée, par un de ses secrétaires.

    Le ministre a mis à jour les comptes. Il estime selon sa formule « sans aucune certitude » à 80 millions « le secours extraordinaire, indispensable pour suppléer au déficit extraordinaire et momentané de l'année 1790 ». De plus, ces 80 millions seront à ajouter au moins aux 90 qui sont nécessaires pour achever le service de l’année 1789 et s'acquitter avec la caisse d'escompte. Necker réclame donc en tout 170 millions devant l’Assemblée !

    Necker a bien sûr une solution. Il va proposer que cet argent soit prêté par la Caisse d'escompte, qui, après avoir été transformée en Banque Nationale, émettrait 240 millions de papier-monnaie en contrepartie du nouvel emprunt et des 70 millions déjà dus. Cette émission de papier monnaie serait rendu possible du fait que la Banque nationale disposerait d’un capital de 150 millions servant de caution ! Ce serait donc une forme de création monétaire. Nous sommes loin du ratio des banques actuelles qui ont le droit de prêter de l’argent, c’est-à-dire de créer de la monnaie scripturale, jusqu’à 12.5 fois l’équivalent de leur capital, voire beaucoup plus pour certaines grandes banques ! Pour mémoire, de nos jour, l’argent liquide ne représente que 10% de la monnaie en circulation, les 90% restants étant de l’argent scriptural, c’est-à-dire des lignes d’écritures, ou plutôt de codes informatiques.

    Comme à son habitude, Necker n’oublie pas de dresser un tableau catastrophique de la situation (voir son discours du 24 septembre). En voici les meilleurs extraits que je me suis permis d’agrémenter de quelques commentaires :

« Il y a de plus, aujourd'hui, des circonstances particulières qui concourent à la rareté du numéraire. Notre ancienne balance de commerce avec les pays étrangers, balance toujours favorable à la France, est dérangée par diverses causes. Nous avons importé cette année des quantités immenses de blé, et nous demandons encore aux pays étrangers de nouveaux secours ; notre traité de commerce avec l'Angleterre nous rend débiteurs, envers ce royaume, d'une somme de marchandises manufacturées que nos propres fabriques fournissaient autrefois. »

    Concernant cette balance du commerce extérieure, je vous renvoie à la lecture de mon article du 12 novembre, dans lequel je traite dans le détail du déséquilibre des échanges commerciaux entre la France et la Grande Bretagne, résultant de l’avance technologique des Anglais et surtout du traité commercial franco-britannique "Eden-Rayneval" de 1786.

« Les étrangers, intimidés par les circonstances, s'éloignent de nos fonds publics, et au lieu d'y employer annuellement une portion de leurs capitaux, plusieurs, depuis quelque temps, cherchent à s'en défaire, et tout au moins ils n'y replacent pas les intérêts que nous leur payons, et nous sommes obligés de leur en remettre les fonds en entier. Les voyageurs étrangers sont détournés par nos troubles intérieurs de venir en France, et nous avons perdu pour un temps l'introduction de numéraire que leurs grandes dépenses dans le royaume occasionnaient. »

    Aujourd’hui on dirait que les marchés financiers n’ont plus confiance et les agences de cotations baisseraient la note de la France, ce qui augmenterait les taux d’intérêts des emprunts faits par l’Etat.

« Enfin, ce que peut-être on n'a jamais vu, même aux époques les plus fatales de la monarchie, une émigration prodigieuse, toute composée de gens riches ou aisés, attire dans l'étranger, non-seulement des fonds proportionnés aux dépenses des citoyens qui nous quittent, mais encore une partie de leurs capitaux disponibles. »

Les premiers fuyards

    Dès le 16 juillet, des Grands du royaume, tels que Madame de Polignac, la favorite de la reine,  le Prince de Condé, le Maréchal de Broglie et même le frère du roi, le comte d’Artois (le futur Charles X), se sont enfuis à l’étranger. Et depuis, l’émigration des nobles continue (je vous rappelle qu’un certain nombre châteaux ont été incendiés de-ci de-là en France). L’effet de cette émigration se voit plus particulièrement à Paris.

    Nous avions lu ce que Colson écrivait dans son courrier du 8 novembre adressé à son ami de province : 

« Où en serions-nous (...) si l'émigration ne nous emmenait 120 ou 150 000 âmes de Paris, l'affiche dont je viens de parler ayant évalué à un 7ème ou un 6ème de la population ce qui en est sorti depuis la seule époque du mois d'août et en étant, outre cela, sorties tous les jours des foules nombreuses pendant le mois de juillet à compter du 12 ? ».

    Notons d'ailleurs que Colson relevait le côté positif de cette réduction de la population, compte tenu du manque cruel de pain dans la capitale !

La fuite des émigrés


    Cette fuite des riches à également de très lourdes conséquences sur l’emploi. Car tous les métiers du luxe qui étaient alimentés par le grand train de vie de la noblesse se trouvent à présent au chômage, depuis les perruquiers (972 perruquiers à Paris en 1789!), valets et cuisiniers jusqu’aux bijoutiers ! Des milliers d’artisans vivaient de cette industrie du luxe !

    Si je puis me permettre, voilà ce qui arrive à une économie dont la principale source de revenus repose sur le luxe, c’est-à-dire sur la fabrication de choses inutiles à la vie quotidienne d’un citoyen. L’économie anglaise était florissante parce qu’elle fabriquait alors avec ses nouvelles machines mécaniques, des choses utiles, comme de modestes poteries ou de simples tissus pour l’habillement. En temps de crise, le luxe ne sert plus à rien.

    Concernant le luxe et son effet nuisible sur la société, je vous propose de lire en cliquant l'image ci-contre, un texte du Baron d’Holbach. Ce baron iconoclaste était, lui aussi, un philosophe des lumières, mais chose curieuse, il est un des moins connus. Est-ce parce qu’il n’écrivait pas aussi bien que Voltaire ? Est-ce parce que bien que vivant en France, il était Allemand ? Ou bien est-ce parce que ces idées étaient trop radicales ? (Ses critiques de la religion sont féroces). Le baron d’Holbach écrivait « Le luxe est une forme d'imposture, par laquelle les hommes sont convenus de se tromper les uns les autres, & parviennent souvent à se tromper eux-mêmes. »


Revenons à Necker :

« Je dois citer encore une cause de la rareté de l'argent, non pas dans le royaume, mais dans la circulation : c'est le retard du payement des impôts, retard qui retient inutilement dans une multitude de mains, les espèces qui doivent servir aux dépenses publiques, et se diviser ensuite de nouveau par les consommations. »

« Enfin, les temps de divisions, les temps où l'esprit de parti se déploie avec une grande force, donnent lieu quelquefois aux séquestres de l'argent, par le seul désir de gêner la circulation et de produire un embarras qui amène un surcroît de confusion, propre à changer la situation des affaires et la scène des événements. Il existe donc une grande diversité de causes particulières qui, avec les causes générales, concourent à la rareté du numéraire, rareté qui s'accroît ensuite par elle-même, parce que la crainte de manquer d'argent, comme la crainte de manquer d'une denrée nécessaire, engage ceux qui en ont à se ménager une double provision. »

    Dans tous les périodes de crise, les gens ont effectivement tendance à mettre leur argent à l’abri.

Vous pourrez lire l’intégralité du mémoire de Monsieur Necker, par le lien ci-dessous :

Mémoire de M. Necker ayant pour objet la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 14 novembre 1789

La touchante conclusion de Necker

Je vous donne à lire sa touchante conclusion :

« Pardonnez, Messieurs, si en vous parlant d'affaires j'y mêle souvent les sentiments de mon cœur ; elles seraient insupportables, ces affaires, si rien de moral, si rien de sensible ne pouvait s'y réunir : et quel citoyen ne serait animé, quel homme ne serait agrandi par la contemplation du but auquel vous désirez d'arriver ? vous ne rejetterez donc point l'hommage que l'on se plaît à vous rendre de ses sentiments, de ses vœux et de ses pensées, et ce serait avec peine que je me soumettrais, si vous le vouliez, au sacrifice de tous les mouvements de mon cœur, et que je me réduirais à vous offrir, en tout temps, le langage de la simple raison ; mais cette raison n'est jamais complète lorsque le sentiment en est absolument séparé, parce que lui seul peut recueillir une infinité de vues qui échappent, même dans les affaires, aux efforts et aux atteintes de l'esprit. »


Encore Mirabeau !

    Peut-être vous souvenez-vous que le 26 septembre dernier, Mirabeau avait convaincu les députés à voter "de confiance", le plan de redressement proposé par Necker. "De confiance", principalement en raison du fait que probablement peu de députés avaient les connaissances nécessaires pour juger du bien fondé et de l’efficacité des propositions de Necker, qui de par sa profession de banquier maitrise toutes les subtilités de la finance. Mirabeau semble les avoir, si l’on en juge à la qualité de ses interventions en réponse à ce nouveau plan de Necker.

Mais cette fois-ci, Mirabeau va être en désaccord avec Necker. Rappelons-nous également qu’il était déjà intervenu le 6 novembre dernier pour critiquer ce système de création de papier monnaie !

Il avait protesté « La caisse nous inonde d'un papier-monnaie de l'espèce la plus alarmante, puisque la fabrication de ce papier reste dans les mains d'une compagnie nullement comptable envers l'Etat, d'une association que rien n'empêche de chercher, dans cet incroyable abandon, les profits si souvent prédits à ses actionnaires. »

Et il avait pris cet exemple pour étayer sa protestation « Les fermiers ne sauraient comment employer les billets de la caisse d'escompte. Ces billets ne servent pas à payer des journées de travail ; et s'il faut que l'habitant de la campagne accumule pour payer ses baux, accumulera-i-il des billets ? Ce n'est que l'argent à la main qu'on peut aller ramasser le blé dans les campagnes, et dès lors les avances deviennent impossibles, si les espèces effectives sont toujours plus difficiles à ramasser. »

Le 20 novembre, Mirabeau interviendra à la barre de l’Assemblée, pour exprimer son désaccord avec la possibilité de soumettre le crédit de l'Etat au bon vouloir d'une banque privée qui aurait le privilège de créer de la monnaie. L’Assemblée se ralliera à son point de vue, de confiance…

 

N’étant pas encore certain de vous rapporter le détail de ce débat dans les semaines à venir, je vous communique ci-dessous, les liens s’y rapportant, et ce jusqu’à décembre, c’est-à-dire jusqu’au décret amendé du 21 décembre 1789 sur les assignats-monnaie. Parce que oui, au final, tout ce débat aboutira à la création des assignats, dont il faudra bien parler, mais en temps voulu !

Réaction du Président suite au mémoire de M. Necker sur la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 14 novembre 1789

Demande de l'impression du mémoire de M. Necker sur la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 14 novembre 1789

Renvoi au comité des finances du mémoire de M. Necker sur la conversion de la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 14 novembre 1789

Discussion du mémoire de M. Necker pour convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 20 novembre 1789

Impression du discours de M. Dupont de Nemours sur la caisse d'escompte, lors de la séance du 20 novembre 1789

Ajournement de la discussion du mémoire de M. Necker pour convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 20 novembre 1789

Suite de la discussion sur le projet tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 21 novembre 1789

Suite de la discussion du projet tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 27 novembre 1789

Suite de la discussion du projet tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 28 novembre 1789

Suite de la discussion sur le projet du premier ministre des finances, tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 4 décembre 1789

Ajournement de la suite de la discussion sur le projet du premier ministre des finances, tendant, à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 4 décembre 1789

Offre par M. Lalande d'un projet pour la création d'un papier monnaie, lors de la séance du 5 décembre 1789

Ordre du jour de la séance du 5 décembre 1789 : suite de la discussion sur le plan de M. Necker, tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale

Suite de la discussion sur le plan de M. Necker, tendant à convertir la caisse d'escompte en banque nationale, lors de la séance du 5 décembre 1789

Projet pour la création d'un papier monnaie, par M. Lalande, lors de la séance du 5 décembre 1789

Rapport de M. Lecouteulx de Canteleu sur les divers plans de finances, lors de la séance du 17 décembre 1789

Introduction par M. Dupont de Nemours du premier projet de décret sur les finances, suivi du texte de ce projet, lors de la séance du 17 décembre 1789

Discussion sur le premier projet de décret sur les finances, lors de la séance du 17décembre 1789

Second projet de décret sur les finances, lors de la séance du 17 décembre 1789

Suite de la discussion du rapport du comité des dix sur les finances, lors de la séance du 18 décembre 1789

Motion de M. le comte de Pardieu, lors de la séance du 18 décembre 1789

Motion de M. Ricard de Séalt pour la création de 400 millions de billets nationaux, lors de la séance du 18 décembre 1789

Projet d'arrêté proposé par M. Ricard de Séalt pour la création de caisses patriotiques, lors de la séance du 18 décembre 1789

On reproche à M. Ricard de Séalt de sortir de l'ordre de la discussion, lors de la séance du 18 décembre 1789

Discussion suite au projet d'arrêté de M. Ricard de Séalt, lors de la séance du 18décembre 1789

Suite de la discussion du plan de finances proposé par le comité des dix, lors de la séance du 19 décembre 1789

Décret du 19 décembre 1789 sur la caisse d'escompte

Discussion sur le second projet de décret sur la caisse de l'extraordinaire, lors de la séance du 19 décembre 1789

Décret du 19 décembre 1789 sur la caisse de l'extraordinaire

Protestation de M. Bergasse contre les assignats-monnaie, lors de la séance du 19 décembre1789

Amendements aux décrets du 19 décembre 1789 sur la caisse d'escompte et les assignats-monnaie, lors de la séance du 21 décembre 1789

Décret sur la caisse d'escompte, amendé le 21 décembre 1789

Amendement du décret du 19 décembre 1789 sur les assignats-monnaie, lors de la séance du 21 décembre 1789

Décret sur les assignats-monnaie, amendé le 21 décembre 1789


Source : Musée Carnavalet


vendredi 13 novembre 2020

13 Novembre 1789 : Le comte Clermont-d'Estraibes aimerait bien limiter le droit de porter des armes.

Le pistolet du Citoyen Basset.
Un "Kentucky" modèle 1760 de la guerre d'indépendance américaine.

Clermont d'Estraibes

    Même si Mirabeau a expliqué le 18 août 1789 que le droit de porter des armes pour tous les citoyens était tellement évident, qu'il n'était pas nécessaire de l'ajouter dans la constitution en cours de rédaction, certains s'inquiètent, de voir tant de gens porter des armes et souhaiterait en réserver le droit aux seuls propriétaires...

    Cette annexe au procès-verbal de la séance du 13 Novembre 1789, dans laquelle figurent les motions du comte de Clairmont-d’Estraibes, d'Hust et du Saint-Empire, seigneur d'Inchy, de Beaumont, de Peruez et d'Avranville, témoigne de l’inquiétude de ce gentilhomme.

    Cet ardent défenseur de la noblesse et de l’ancien régime demandera son congé de l’Assemblée constituante le 13 Janvier 1791 et finira par émigrer en 1793.

    Concernant le port d'arme, je me permets de vous renvoyer à l’intervention de Mirabeau du 18 Août 1789, sur le droit évident pour tout citoyen de posséder des armes...

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3823_t1_0045_0000_7

Pistolet à silex du 18ème siècle

Motions de M. le comte de Clermont-d'Esclaibes relatives au port d'armes, lors de la séance du 13 novembre 1789.

Observations et motions de M. le comte de Clermont-d'Esclaibes, député de Chaumont-en-Bassigny, relatives au port d'armes. (Distribuées le 13 novembre 1789.)

Député du bailliage de Chaumont-en-Bassigny, j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée nationale : 

1° Que cette partie de la Champagne est couverte de forêts qui servent d'aliment à quantité de forges, fourneaux, clouteries et autres usines à feu ;

2° Que les nombreux ouvriers occupés à l'exploitation des bois et à la fabrication des fers, sont, les uns venus de provinces éloignées, la plupart sans domicile fixe, et presque tous sans aucune propriété foncière ;

3° Que d'une part on les voit, depuis la suppression du droit de chasse, empressés à se pour¬ voir d'armes à feu, et de l'autre, à la veille de tomber dans le désœuvrement, puisque Paris a fermé le principal débouché où se portaient les produits de leur industrie ;

4° Que les réflexions à faire sur le danger de laisser armés une multitude de bras oisifs et qui portent tout avec eux sont applicables, sans doute, à plusieurs autres parties du royaume ;

5° Qu’enfin le prétendu droit de tout homme libre à porter des armes, disparaît devant celui de la société, qui pour sa propre conservation, peut exiger une garantie de ceux à qui elle confie cette force artificielle.

En conséquence, je propose à l'Assemblée de décréter qu'aucun habitant des campagnes ne pourra porter ou garder chez lui une arme à feu, s'il n'est propriétaire ou fermier d'une étendue de sol suffisante à l'occupation d'une charrue.

Nota. Il y a plus de six semaines que cette motion a été mise sur le bureau : M. le président m'a observé qu'elle n'était point dans l'ordre du jour, et je n'ai pas cru devoir insister.

Les motions sont restées sans suite. 

Les inquiétudes du comte ont dû s'accroitre, lorsque parurent l'année suivante ces estampes évoquant la chasse aux aristocrates...







jeudi 12 novembre 2020

12 Novembre 1789 : Capitaine d’industrie, le Duc d’Orléans achète aux frères Milne, les droits sur leurs machines.

 

Le Duc d'Orléans aime les sous

    Que ne dit-on pas sur le Duc d’Orléans, ce lointain cousin du roi que l’on soupçonne d’être derrière tous les complots ? Comment expliquer son départ précipité en Angleterre, autrement que par une nouvelle rumeur ? Est-ce parce que le roi lui aurait fait savoir, par le truchement de Lafayette ou Mirabeau (selon les mieux informés), qu’il serait dans son intérêt qu’il aille "se faire voir ailleurs" ? Est-ce par ce que c’est un agent de l’Angleterre, qui l’aurait incité à faire des achats spéculatifs de blé pour provoquer le désordre en France ? Le personnage est tellement complexe que l’on peut tout imaginer de lui, et certains ne s’en privent pas.

    Toujours est-il, que le voici de retour en France et qu’en cette mi-novembre, il achète à deux anglais, les frères Milne, les droits de fabrication sur leurs machines à filer et à carder.

    Voici une occasion de parler non seulement de ce fameux Duc, mais aussi de la révolution industrielle, des machines à tisser anglaises, des frères Milne, du capitalisme et autres sortes de choses...

Un duc, homme d’affaires.

    Louis-Philippe d’Orléans ne se contentait pas de jouir de ses privilèges dû à un Prince du sang, c’était aussi un homme d’affaires ; pas seulement d’affaires louches, mais aussi d’affaires financières ! C’était lui qui était à l’origine de la transformation du Palais Royal en « complexe de loisirs » comme on dirait de nos jours. Le Palais Royal n’était pas seulement le nid de comploteurs et d’émeutiers de juillet 89, c’était aussi le paradis des joueurs et des débauchés ; qui plus est, la police n’avait pas le droit d’y pénétrer ! En juillet 1773, le Duc D’Orléans lui-même (alors Duc de Chartres) avait même provoqué un scandale, lorsqu'après avoir dîné chez un seigneur polonais, il s’était promené dans le jardin avec son hôte et, complètement ivre, avait tenu « tout haut les propos les plus obscènes & chanté les chansons les plus grivoises ». Le monarchiste Rivarol écrivait : « Au Palais Royal, le promeneur n’est pas seulement accroché par les « accrocheuses » dont c’est le métier, mais aussi par des messieurs dont la profession est de rabattre des clients pour les tavernes où l’on joue gros. » Il précise même que Barnave (le député du Dauphiné) aurait perdu en une seule journée 30 000 Livres à une table de jeu ! Cafés, restaurants, salles de jeux, maisons de plaisirs, tout y était ! On pouvait même y voir pour quelques sous, en cette fin d’année 89, le soi-disant doyen des Français âgé de 120 ans qui avait été honoré par l’Assemblée nationale !

Le Palais Royal

Promenade de la Galerie du Palais-Royal
Philibert_Louis Debucourt
Aquatinte imprimée en couleurs au repérage.

Un capitaliste ?

    Mais le Duc d’Orléans n’était pas seulement le parrain de ce mini Las Vegas ! C’était aussi ce que l’on appelait à l'époque un capitaliste, c’est-à-dire un homme qui investissait ses capitaux dans l’industrie naissante ! Capitaux dont il ne disposait pas toujours d'ailleurs, puisque nous avons appris il y a peu qu’il avait emprunté 6 millions aux Pays Bas l’année précédente. Mais c’est aussi cela le capitalisme ! (Il est même probable qu’une bonne partie de ces 6 millions avaient été créés "ex nihilo" par la banque... Bref !). 

    Effectivement, ne l’oublions pas, en cette fin de XVIII siècle, la révolution était aussi industrielle ! Et la révolution industrielle, tout comme en Angleterre, commença dans l’industrie textile !

Paris, ville industrielle.

    En 1789, la capitale du royaume n’était pas qu’une capitale peuplée de parisiens râleurs et turbulents, c’était également un lieu important de l’industrie ! L’industrie textile à elle seule occupait environ 40 000 personnes, soit environ le tiers de la main-d’œuvre employée. Toutes les étoffes et les toiles étaient fabriquées dans la capitale, depuis la filature jusqu’à la teinture et l’impression ! C’était aussi à Paris qu’étaient fabriquées toutes les nouvelles machines à tisser qui industrialisaient la France ! En 1788, à la Muette, près de Paris (à présent dans le 16ème arrondissement), on avait dû agrandir les ateliers des frères Milne qui fabriquaient ces machines, parce que le Duc d’Orléans en commandait beaucoup pour les manufactures qui lui appartenaient ! Paris était également renommée pour ses serruriers et ses horlogers qui commençait à utiliser leur savoir-faire pour la création de nouvelles mécaniques industrielles !

    Concernant ce Paris industriel inconnu, je vous conseille la lecture passionnante de cet article publié par les éditions de la Sorbonne : « Ateliers et manufactures : une réévaluation nécessaire » de Jean-François Belhoste et Denis Woronoff."

L’avance technique anglaise

    Dès le début du siècle, la France avait pris conscience de son retard technologique sur l’Angleterre.

    En avril 1719, le Parlement anglais avait voté une loi interdisant à un maître de prendre des apprentis étrangers sans permission officielle, sous peine de perte de sa maîtrise. Les pays visés étaient la France et la Russie. La France de la Régence et de John Law, alors directeur de la Banque royale et de la Compagnie des Indes, attirait en effet les techniciens anglais, par l'entremise du frère de Law, William, recruteur principal. Leur nombre en est connu par l'enquête de l'ambassadeur anglais lord Stair et ensuite de sir Robert Sutton :

  • Dans l'horlogerie à Versailles et à Saint-Germain-des-Prés, environ 70 ouvriers ;
  • À la fonderie de Chaillot, dirigée par un certain "Gun" Jones, environ 30 ouvriers ;
  • Dans une verrerie à Harfleur, environ 14 ouvriers, plus une fabrique d'acier à Honfleur (ressorts, roues d'échappement, etc.) dirigée par William Blakey ;
  • Dans une manufacture de draps de laine à Charleval, dirigée par J. Pagett, 7 à 8 ouvriers.

    Soit au total une bonne centaine d'immigrants, ce qui avec leurs familles fait environ 200 personnes, surtout dans les secteurs de pointe (acier et fabrication d'instruments de précision).

Source : https://www.persee.fr/doc/etnor_0014-2158_2013_num_62_2_1904

    Les efforts du gouvernement français pour importer d’une manière et d’une autre le savoir-faire des Anglais se poursuivirent durant tout le siècle. Grâce en particulier à quelques grands administrateurs de la fin de l'Ancien Régime, comme Louis Tolozan de Montfort, le prévôt des marchands de Lyon, et de l’anglais John Holker qui avait été nommé inspecteur général des manufactures par Trudaine le 15 avril 1755.


Le traité commercial franco-britannique de 1786 "Eden-Rayneval"

    Le 26 septembre 1786 un accord commercial avait été signé entre la France et la Grande-Bretagne, avec prise d’effet au 10 mars 1787. Les deux pays étaient représentés par William Eden, 1er baron Auckland et Mathias Joseph Gérard de Rayneval, premier commis de Charles Gravier de Vergennes, le ministre des Affaires étrangères de la France. 

Caricature anglaise du traité
(Notez en haut à droite les français mangeant des grenouilles)
Source British Museum

    C’était Charles Alexandre de Calonne (1734-1802), contrôleur général des finances de Louis XVI, qui en avait été l'instigateur. Calonne pensait que l'abaissement des droits de douanes permettrait de développer les exportations de produits agricoles, abondants en France, vers une Angleterre protégée jusque-là par des "corn laws" taxant les importations. Il espérait que certaines branches d'activités industrielles pourraient accéder plus largement au marché anglais (horlogerie, cuir...). 

    Calonne escomptait aussi que le choc concurrentiel provoqué par le traité obligerait les entrepreneurs français du textile à imiter les Anglais qui s'engageaient dans la voie de la mécanisation, en utilisant les nouveaux métiers mis au point par Hargreaves, Arkwright, Crompton ou Cartwright. C’était pour accélérer ces innovations qu’il avait envoyé des "espions industriels" en Grande-Bretagne et fait venir en France des spécialistes anglais bénéficiant d'aides financières, tels John Milne dont nous allons bientôt parler.

    Ce traité avait cependant eu des effets plus favorables à l’Angleterre qu’à la France. Les exportations britanniques augmentant de 13 millions de livres en 1784 à 64 millions en 1788, alors que celles de la France vers l'Angleterre ne passèrent que de 20 à 30 millions de livres. La France avait joué de malchance car son agriculture traversait au même moment une crise très grave, due à une succession de mauvaises récoltes qui empêchaient les paysans français de profiter du traité et d’exporter des céréales vers l’Angleterre.

    De plus l’effet, de la concurrence anglaise sur les textiles avait eu des conséquences très négatives pour les fabricants de toiles, de lainages et de cotonnades du nord de la France et de la région parisienne, qui provoquèrent une vague de chômage chez les ouvriers du textile. Réveillon, l’artisan parisien du Faubourg Saint-Antoine, victime de l’émeute du 28 avril 1789, avait été obligé de licencier des ouvriers du fait de cette crise résultant du traité. (A noter que celui-ci avait même octroyé une allocation chômage à ceux dont il avait dû se séparer.) 

    Cette crise était loin d'être terminée en novembre 89. Souvenez-vous que nous avons évoqué récemment les émeutes d'ouvriers du textile qui se sont déroulées à Rouen le 17 octobre dernier.

Les mécaniques du progrès

    Les moindres coûts des produits textiles venus d'Angleterre, résultaient de leurs capacités de production démultipliées par de nouvelles machines, la plus connue étant la Jenny. Parlons un peu d'elle et de son inventeur.

La Spinning Jenny

Source : Mécanisation filature
    La jenny, (qui veut aussi dire mule en anglais) était le nom de la machine mise au point entre 1764 et 1767 par anglais Hargreaves. Elle avait rapidement remplacé les traditionnels rouets qui ne pouvaient plus suivre la demande de production. La première jenny composée de seize broches avait été introduite à Sens par Holker en 1772-1773. Sous l’impulsion du contrôleur général et des bureaux d’encouragements, créés dans le but de doter la France de "machines les plus parfaites" et de contribuer à la formation de la main-d’œuvre. De nombreux fabricants des provinces du nord du Royaume avaient adopté entre la fin des années 1770 et le début des années 1780 la "petite mécanique ", que l'on appelait aussi en France la "Jeannette".

La mule-jenny

Source : Mécanisation filature
    La mule-jenny Inventée en Angleterre en 1779 par Samuel Crompton était une jenny animée par l’énergie hydraulique.

    En 1789, la plupart des fabricants français n'ignoraient plus rien des nouvelles mécaniques anglaises appelées à révolutionner l’industrie du textile. Ils pouvaient même en découvrir en démonstration dans le "cabinet des mécaniques du roi" dont Vandermonde avait été nommé le conservateur en 1783 à la suite de Vaucanson

    L'atelier de construction de cardes et de Mules-Jenny, établi à Passy en 1785 avait déjà produit une douzaine d'assortiments complets de filature, destinés aux entreprises soutenues par le duc d'Orléans, à Orléans et à Montargis. Le mécanicien William Hall, installé à Sens par Holker en 1780, avait construit de son côté, jusqu'en 1786, 104 mécaniques à carder et filer (81 pour la laine, 23 pour le coton). L'abbé de Calonne, frère du contrôleur général, avait fait construire à Melun, au début de 1788, des "machines" par le mécanicien anglais Philemon Pickford, auparavant établi à Ashton, qui fut bientôt engagé par le fabricant de Brive Leclerc. Un autre anglais, S. Spencer, dirigeait à Amiens, dans la fabrique de velours de Morgan et Massey, un atelier de construction de cardes et de mules (à main). 

    En janvier 1789, Tolozan avait autorisé l'installation, dans l'hôpital des Quinze-Vingts, de l'ingénieur des Ponts-et-Chaussées Leturc, envoyé secrètement l'année précédente aux frais du gouvernement en Angleterre et en Ecosse observer les différentes mécaniques en usage, et éventuellement débaucher quelques ouvriers expérimentés.

Source : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1993_num_12_1_1660

Les frères Milne !

    Les frères Jack et John Milne, à qui le Duc d'Orléans avait acheté l’exclusivité des droits sur de nouvelles machines à filer et à carder, faisaient partie de tous ces anglais que les industriels français, aidés souvent par le gouvernement, avaient incité à venir diffuser leur savoir-faire en France.

    C’était Holker, qui en 1779, avait recommandé à Necker un certain Milne « artisan anglais », qui avait inventé une mécanique à carder le coton. « Il serait utile, écrivait Holker, de répandre cette machine en Normandie, en Champagne, en Bourgogne, en Lyonnais, en Languedoc, où il y a quantité de fabriques de cotonnades montées depuis quelques années ». Le dénommé Milne, dans un mémoire, vantait sa mécanique à carder et à filer le coton et la laine ; il demandait une récompense de 400.000 livres pour faire introduire en France la machine « actuellement en la possession de son père, Jean Milne, regardé en Angleterre comme le plus habile machiniste de l’Europe.

    On avait décidé en février 1780, de donner 1.000 Livres à Milne pour transporter sa machine à Paris et en faire un essai. Les machines furent reconnues bonnes, car, sans conclure d’accord précis avec Milne, le Ministère l’aida en lui facilitant le moyen de créer une grande fabrique. Associé à un sieur Perret, fabricant de velours de coton à Lyon, Milne monta à Neuville en Lyonnais, une manufacture dont le fonds actions était de 600.000 Livres (800.000 selon certains documents), auxquels le gouvernement ajouta encore une participation de 5 actions de 25.000 Livres. Un peu plus tard, le père de Milne (John Milne) vient rejoindre l’affaire avec son fils cadet. La vie de ces Milne est vrai roman. Conscients de leur valeur, les Milne se vendaient au plus offrant et abandonnaient parfois un projet pour un autre ! En 1786, ils sollicitèrent de nouvelles indemnités du Ministère, pour créer une grande filature à Sèvres, ou le débit de l’eau était assez puissant pour faire tourner dix machines. Le ministre Calonne refusa et fit même retenir Jacques Milne qui voulait retourner en Angleterre ! 

    En 1787, le Duc d’Orléans avec ses associés, le marquis du Crest (chancelier de la Maison d'Orléans), le marquis d'Arsy et l'anglais Lord Foxlow (gendre des Milne), fit construire, par l'architecte Benoît Lebrun, une filature de coton sur le terrain de la Motte Sanguin à l’est d’Orléans, en bordure de Loire. Le bâtiment principal, un rez-de-chaussée surmonté de six étages, percé de 365 fenêtres, équipé d'une cheminée de 40 mètres, accueillait 7 200 broches et employa jusqu’à 800 ouvriers. L’année suivante, l’entreprise avait été organisée sous forme de société en commandite au capital de 700 000 livres répartis en 140 sols ou actions. Le duc d’Orléans en posséda 60 puis 74 et finit par fournir tous les fonds. La filature était équipée d’une pompe à feu ou machine à vapeur Périer qui permettait de filer deux fois plus vite et travailler 21 heures au lieu de 12 en formant deux équipes. En 1790, employant 400 ouvriers, la manufacture produisait 36 000 livres, poids de filés.

Vue de la filature prise du côté de Saint-Loup à Orléans, Gabriel Jean Louis Rabigo

Un mot sur la pompe à feu ?

    La pompe à feu actionnée par la vapeur, fut probablement la première application de la machine à vapeur inventée par Denis Papin (1690). Les premières furent conçues par les Anglais Thomas Savery (1650-1715) et Thomas Newcomen (1664-1729). Elles furent perfectionnées ultérieurement par James Watt, puis par Jacques-Constantin Périer.

    Ce fut Jacques-Constantin Périer et son frère Auguste Charles qui installèrent à Paris en 1781, les deux premières pompes à feu (la Constantine et l'Augustine) près de la place de l'Alma, pour aspirer l'eau de la Seine et la refouler dans les réservoirs de Passy. Cette "Pompe à feu de Chaillot" fonctionna du 8 août 1781 jusqu'en 1900 !

La naissance du capitalisme industriel

    Vous voyez que nous nous sommes éloignés quelque peu des sombres complots que certains historiens aiment tant évoquer. Mais ne nous y trompons pas, le tableau n’est pas plus rose pour cela !

    Il m’a fallu lire ou parcourir de nombreux textes sur le sujet de l’industrie textile naissante au 18ème siècle, pour rédiger ce modeste article. Vous trouverez en bas de page des liens vers quelques ouvrages excellent dont une thèse de Monsieur Frédéric Moray « La première filature mécanique de coton de France : La manufacture de l’épine » (qui se situait près d’Arpajon).

    Le sujet est vaste et même passionnant. Il ne s’agit rien de moins que de la naissance du capitalisme industriel, aux conséquences bien plus grandes que le capitalisme commercial qui existait déjà auparavant.

Les sans-noms de l'histoire.

    Je vous ai cité les noms de grands personnages, ainsi que ceux de moins grands, mais qui ont laissé des traces dans les livres, en raison de leurs talents divers. Mais je souhaiterais conclure cet article en ayant une pensée pour ceux qui ont vécu cette époque mais qui n’ont laissé aucun nom dans les livres, les enfants...

    En 1790, la filature à vapeur du duc d’Orléans employait 45 % d’enfants de 5 à 16 ans sur les 400 salariés qui y travaillaient.


Minerai humain

    N’oublions pas que la misère était omniprésente sous l’Ancien Régime. On avait même assisté à l’émergence de la volonté de « transformer les dépôts de mendicité et hôpitaux généraux en véritables manufactures », et d’entretenir, de chauffer, de loger et d’éduquer ainsi les enfants trouvés, issus des hôpitaux parisiens surchargés. 

    La révolution industrielle n’a donc pas créé la misère, elle l’a utilisée, puis exploitée. La logique mécaniste du capitalisme industriel a fini ensuite par considérer la misère comme une ressource, tout comme le charbon ou n’importe quel minerai nécessaire à ses procédés de fabrication, une sorte de "minerai humain".

    Certains révolutionnaires essaieront de combattre la misère et de sortir ces enfants des usines pour les mettre à l’école. Nous en reparlerons plus tard.

    Pour le moment, les révolutionnaires qui sont en majorité à L’Assemblée nationale sont des hommes d’affaires. Songez que le Duc d'Orléans se considère comme un révolutionnaire. Il se fera même plus tard appeler Philippe Egalité... 


 Conseil de lecture :

Cliquez sur l'images pour accéder à la thèse de Frédéric Morais.

Autres références :

La diffusion rurale de l'industrie cotonnière en France (1750-1850) de Serge Chassagne.

Les Anglais-en France, et plus particulièrement en Normandie, dans la «révolution industrielle » (1715-1880), de Serge Chassagne.

L'innovation technique dans l'industrie textile pendant la Révolution, de Serge Chassagne.

La mécanisation de la filature (1790-1820) de Mohamed Kasdi.