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samedi 19 décembre 2020

Point de vue d'un aristocrate via une brochure anonyme.

Ne pouvant avoir le portrait de l'aristocrate anonyme,
j'ai choisi cette estampe qui paraîtra en 1790, quand
les "aristos" commenceront à être très mal vus...

Premier bilan.

    Nous approchons de la fin de cette étonnante année 1789. Si vous avez lu tout ou presque de mes articles la concernant ; sincèrement, je me demande ce que vous en pensez. Que vous inspire ce chaos apparent ? Comment peut-on ne pas se poser de questions devant cette suite d’événements si improbables ? Quelle sorte de roi est donc Louis XVI, lui qui semble consentir à tout, mais qui dissimule tant de choses ? Quel est donc ce nouveau pouvoir que constituent les bourgeois du Tiers-État ? Ces derniers ont-ils préparé leur « coup » ? (Coup d’état ?) Ou n’ont-ils fait que saisir une occasion au milieu de ce qui ressemble à un début d’effondrement de l’Ancien régime ? Quelle est donc cette monarchie qui se présente ruinée et impuissante ? Impuissante d’agir au travers de ses institutions usées et corrompues, impuissante même à se protéger des factieux par ses armées ! Une impuissance difficilement compréhensible qui ne fera que se vérifier sans cesse tout le long de la Révolution !

Première théorie du complot.

    Cette incompréhensible impuissance a tellement consterné les gens de l’époque, que certains n’ont pu s’empêcher d’y voir le résultat d’un gigantesque complot, voire une tragédie surnaturelle ! L’Abbé Barruel publia depuis Londres, où il était réfugié, son ouvrage en cinq tomes intitulé «  Mémoires pour servir à l'histoire du jacobinisme », dans lequel il échafaudait une théorie selon laquelle la Révolution française résultait d’un complot contre l'Église et la royauté, fomenté par les philosophes (bien évidemment tous athées), les mystérieux francs-maçons, et bien sûr les protestants ! 

    Vous pouvez accéder à cette bible de la pensée réactionnaire de toutes les époques en cliquant sur l'image ci-dessous :

    Grace à cet abbé imaginatif la Révolution avait enfin une explication ! Cerise sur le gâteau complotiste, Barruel prétendit que les Illuminés de Bavière, avaient infiltré la franc-maçonnerie et d'autres sociétés comme les nouveaux Templiers, les Rosicruciens, afin de renverser les pouvoirs en place, aussi bien politiques que religieux, pour asservir l'humanité. Rien que ça !

    Cette théorie du complot fit le bonheur de tous les réactionnaires qui trouvaient là enfin une explication plausible à l’effondrement de l’Ancien régime, et qui surtout, désignait des ennemis bien identifiés à combattre, c’est-à-dire les philosophes, les francs-maçons, les protestants d’une manière générale tous les libres penseurs ! A ces cibles désignées, allaient bien sûr très vite s’ajouter les Juifs, les ennemis jurés de la Sainte Église catholique et Romaine !

    Cette théorie infondée a eu un succès qui ne s’est jamais démenti ! Que ce soit Hitler et les nazis, Pétain et les collabos ou aujourd’hui des résistants d’opérette sur YouTube "qui veulent nous ouvrir les yeux", des milliers de gens ont toujours défendu cette théorie du complot, en y ajoutant même parfois les extra-terrestres !

(Humour)

Le travail des historiens

    Il semble que le travail des historiens soit souvent celui de donner une apparence d’ordre et de logique aux événements du passé, du genre : « Il s’est passé ceci, parce que tel "grand homme" a dit cela ou que telle bataille s’est produite juste avant ». C’est fort commode et cela satisfait l’esprit humain qui mécaniquement ne peut s’empêcher de vouloir donner du sens à tout, y compris à ce qui n’en n’a pas. De grands noms ont fait "leurs choux gras" en cultivant ce champs "du sens de l’histoire", armés de la binette conceptuelle du destin (tels que le pathétique Hegel). J’ai essayé de parler de cela dans un autre article. Mais laissons les historiens historicistes de côté et contentons-nous de réfléchir un peu ensemble.

Un article qui pique un peu.

Témoignages croisés

    Au travers de certains de mes articles, vous avez observé que certains événements importants ont fait l’objet de récits et d’interprétations différentes, y compris par des contemporains et même par des personnages ayant vécu l’événement ! En présence d’un fait étonnant, vous et moi, nous ne pourrons témoigner que de ce que nous aurons été capables de comprendre et de voir au travers de nos filtres sociaux-culturels respectifs. Vous et moi, nous pourrons être aussi sincères que nous le voudrons, mais sincérité n’est pas vérité. Avant de chercher une vérité, ce qui constitue un autre travers de l’esprit humain, essayons d’abord de mieux voir, et pour cela, tel un enquêteur consciencieux, recueillons un maximum de témoignages. Sur ce site, je ne vous dirai jamais quoi penser. Je me contenterai de vous donner de quoi penser.

Basset vous donne de quoi penser...

Le témoin manquant

Portrait façon silhouette
de l'aristocrate anonyme
    Un témoignage manquait dans ma chronique de cette année 1789, celui d’un aristocrate. Pas un de ces nombreux aristocrates acquis aux idées de la Révolution. Mais un vrai aristocrate réactionnaire, un pur royaliste défenseur de l’Ancien régime, qui puisse nous offrir sa vision personnelle et engagée des événements de cette année étonnante. J’ai découvert ce témoin en lisant un long article publié dans le numéro 23 du journal « Les Révolutions de Paris », concernant la semaine du 13 au 19 décembre 1789. Cet article figurant en page 15 porte le titre suivant : « Pamphlets ; découverte de quelques presses aristocratiques. ». Son auteur s’efforce de répondre à une brochure diffusée par des aristocrates, brochure qui invite le peuple à demander la dissolution à l’assemblée nationale, « où l’on outrage tous les députés qui se sont distingués par leur patriotisme ou par leurs lumières » ; où l’on demande aux Parlements des Provinces de se rebeller en cassant les décrets de l’Assemblée nationale, et où l’on invite même l’armée à prendre les armes pour secourir le roi ! "

Accédez au journal en cliquant sur l'image ci-dessous :

    Le journal « Les Révolutions de Paris » est très lu. Son créateur et premier rédacteur fut un écrivain assez obscur, nommé Tournon. Mais le journal "Les révolutions de Paris" dût son succès à son éditeur, Louis Marie Prudhomme qui n'en était pourtant que le directeur-propriétaire, et à son principal rédacteur, le jeune et brillant Elisée Loustallot. (Tournon se brouilla assez tôt avec Prudhomme, et il quitta le journal après la publication du n° 15)

    Grâce au talent de Loustallot, le journal eu rapidement du succès (200.000 lecteurs dès ses début). Loustallot avait pris part à de nombreux événement révolutionnaires. Il défendait tout particulièrement les droits de l'homme et la liberté de la presse. Hélas le malheureux mourut très jeune le 19 septembre 1790, à l'âge de 28 ans.  Parmi les rédacteurs qui succédèrent à Loustallot, figurèrent entre autres, Fabre d'ÉglantineLéger-Félicité Sonthonax (abolitionniste réputé)Sylvain Maréchal (Anticlérical) et Pierre-Gaspard Chaumette (dit Anaxagoras). Le sieur Prudhomme avait également une plume acérée. Il fit paraître en effet en 1792 un violent pamphlet intitulé « ÉTRENNES de Louis Prudhomme à Louis XVI, pour 1792 », exhortant le roi à se rallier aux principes de la Révolution, sous peine de mort. L'opuscule se terminait par la question suivante: "Le sang des despotes est-il donc si pur, qu'on n'ose le verser pour en épargner des torrents aux nations?".

    On ne sait donc pas qui a écrit cet article dans le journal de Prudhomme. Mais on ne sait pas plus qui est le rédacteur de cette virulente brochure aristocratique dont on apprend qu’elle a été imprimée sur des presses dissimulées chez Samson, le célèbre bourreau (qui plus tard, décapita Louis XVI).

Ouvrez donc les yeux !

Ouvrez donc les yeux ! (Air connu chez les fans de théories du complot)

    Ce pamphlet aristocrate s’intitule : « Ouvrez donc les yeux ! ». Il est signé d’un certain Chevalier de K. qui a préféré garder l’anonymat. On sait seulement qu’il est soldat (page 48) On peut comprendre le souhait de son auteur de vouloir rester discret, car la peur est en train de changer de camp. Le temps est passé où l’on envoyait l’auteur d’un livre, libelle ou poème déplaisant à l’autorité royal, à la Bastille ou dans quel qu’autre obscur cachot. En 1789, on ne brûle plus le dictionnaire philosophique de Voltaire, on le lit plus que jamais. Cet auteur regrette le bon vieux temps des bûchers de livres et fulmine plusieurs fois contre la liberté qui vient d’être accordée à la presse (pages 21, 38 et 75).

    Cet ouvrage de 78 pages est attribué, soit à Joseph-Mathieu d’Agoult (d'après Barbier), soit à Pierre-Antoine Duprat (d'après Martin et Walter). La BNF a retenu les deux hypothèses : Joseph-Mathieu d’Agoult ou Pierre-Antoine Duprat.

    Ce rdocument est particulièrement intéressant par ce qu’il raconte "autrement", des d’événements dont je vous ai fait le récit au cours de cette année 1789. Il est bien sûr de parti pris (celui de la monarchie absolue), mais tout autant de parti pris que les écrits des Révolutionnaires. Des petits morceaux de vérité se cachent peut-être donc dans les détails ! Ce n’est pas de la grande littérature. L’auteur interdit même que l’on se moque de ses fautes d’orthographe ! Comme il le dit lui-même (page 40), il écrit « en maître irrité ». Il attaque encore et encore. Mais il ne propose jamais de vraies solutions alternatives pour sauver cet Ancien régime qui s’effondre et sa lecture révèle en grande partie son incompréhension de la situation.

Le rêve d’une insurrection générale.

    L’auteur rêve d’un retour à la case de l’échiquier où le régime croyait encore mener le jeu, c’est-à-dire à la séance royale du 23 juin 1789 (page 44). Il argue du fait que les décisions prises par les États généraux peuvent toutes être cassées par un arrêt de cour, comme le fit le parlement de Paris en 1594 en annulant les « prétendus états généraux » de 1593 (A noter que l’auteur se trompe dans les années).

    Pour réaliser son rêve, il implore successivement d’intervenir, l’administration, les paysans des provinces, le « vrai clergé » (celui des nobles évêques, pas celui des curés), les nobles, les parlements, les armées, le roi et même Dieu ; ne manquant pas chaque fois de reprocher à tous (sauf à dieu et au roi) leurs fautes qui ont contribué à ce désastre !

    Jamais il ne mentionne le nom de l’Assemblée nationale qu’il persiste à désigner sous le nom d’États-Généraux ! Il se moque de l’idée d’égalité et montre par ses arguments qu’il ne la comprend pas ; l’égalité des droits n’est pas l’égalité des situations et des richesses. Il affirme (page 62) que « les hommes ne sont pas faits pour être tous égaux, ou bien la société disparait »…

 Pour l’auteur, les révolutionnaires sont des brigands (lisez mon article "Brigands sous prétexte de disette") et « les brigands ne sont d’aucune nation » affirme-t-il page 50. Il aurait suffi de pendre « tous ces crieurs de libelles menteurs & séditieux, ainsi que leurs auteurs » (page 12) et l’affaire aurait tourné court. Il ne mentionne pas le nom le leur chef « à l’âme si basse qu’il n’ose se montrer à visage découvert » (page 15). Mais il concentre sa colère sur « l'exécrable abbé Fauchet, plus méchant que l'enfer, dont il est sorti » (page 3) ; bouillonnant abbé qui fut effectivement de tous les grands événements de la Révolution.

    Il tente de prouver que les nombreuses armées stationnées autour de Paris n’étaient pas là pour réprimer les Parisien (Il semble d’ailleurs qu’il minimise le nombre de régiments en présence), et il décrit l’épisode malheureux du 12 juillet aux Tuileries comme une regrettable méprise (pages 10 et 11), un incident. Il regrette tout de même que l’armée se soit mise en position de bataille, ce qu’il considère comme une maladresse.

    À propos des Parisiens, notons, comme il est d’usage depuis longtemps, qu’il essaie de monter les provinciaux contre ces derniers (pages 27 & 44). Cette vieille recette a souvent marché, malheureusement. Même si la plupart des Parisiens sont depuis toujours des provinciaux qui sont montés à Paris pour travailler. Il semble ignorer que nombre de châteaux, d’autres Bastilles, ont brûlé dans nombre de provinces durant l’été !

    Il se désole de la fuite du frère du roi, le comte d’Artois, « Ma plume s'arrête , je frémis, mes cheveux se dressent sur ma tête…. ». Il reconnait pourtant à propos de ce prince : « je sais que ses dépenses ont été excessives, que le feu de la jeunesse, son cœur sensible & trop généreux l’ont souvent porté à méconnaitre le prix de l’or » (page 14).

    Selon lui, si le blé et l’argent manquent, c’est uniquement à cause de l’administration, puisque "Nous avons la plus belle récolte en grains qu'on ait depuis longtemps"  et que "Le royaume, à lui seul, a plus d’argent que la moitié de l’Europe" (page 4). Ce qui ne l’empêche pas plus loin de se moquer cruellement de la nouvelle administration mise en place (page 28).

    Il demande au roi d’agir ou de donner l’ordre d’agir, assurant aux Français que ce bon père leur pardonnera tous leurs égarements, y compris ceux des armées qui ont pris le parti des insurgés durant les événements ! Il assure que le roi pardonnera aux Gardes françaises et plus loin il demande à sa majesté d’augmenter les soldes des soldats (pages 57 & 58).

    Selon lui (page 27) « On accuse toujours les aristocrates. C'est le grand mot ; il est dans la bouche de tout le monde, & personne ne l'entend. N'importe, on cherche toujours ces aristocrates, on ne les trouve pas : on ne saurait les trouver, puisqu'ils n'ont jamais existé. » Bizarrement, l’aristocrate qu’il est, a non seulement dissimulé son nom mais aussi les presses qui ont imprimé sa brochure réclamant l’insurrection générale ! A part ça, il n’y a pas de parti des aristocrates…

    A noter qu’il fait une comparaison malheureuse entre la fuite des nobles hors de France et l’exode des Protestant qui suivi la révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV. L’émigration des Protestant affaiblit effectivement la France, car nombre d’entre-eux étaient des citoyens très actifs qui avaient contribué à l’enrichissement du pays.  Alors que les nobles en fuite ont pour la plupart été des oisifs qui ont contribué à la ruine du pays par leur train de vie (pensionné par l’état) et leur désintérêt pour le travail sous toutes ses formes (commerce, industrie, et agriculture).

Costumes de la pièce Charles IX
    Dans sa fougue, il ajoute deux Post Scriptum pour s’en prendre à la reprise de la pièce Charles IX dont je vous ai parlé dans un article, qui remporte un vif succès (pages 71 à 74). Il poursuit par une tirade élogieuse sur une pièce intitulée « le père de famille » qu’un anonyme lui a fait parvenir (pages 74 à 76). Il ne s’agit bien sûr pas de la pièce de Diderot. Il lui signale malgré tout quelques erreurs historiques. Son second Post Scriptum (pages 76 à 77) concerne l’affaire des boucles de chaussures en argent dont je vous ai parlé dans un article .

    J’ai tout de même trouvé intéressants ses récits des journées des 12 juillet (pages 7 & 8), 13 juillet (page 16), 14 juillet (pages 16 et 17), 17 juillet (pages 19 & 20) et 5 octobre (page 23 à 26). Certains détails varient bien sûr des autres récits, ce qui est normal. Il semble de plus n’être pas bien informé. Mais on retrouve là encore son incompréhension des événements, qui ne peut trouver d’autre explication que celle d’un complot.

Un complot ? Soyons sérieux !

    L’auteur affirme que les électeurs pour les États-Généraux ont été achetés, en particulier pour ce qui concerne le Clergé qui s’est vu représenté par une armée de petits curés ! Il se lamente en page 35 du fait que : « la véritable noblesse & le véritable clergé réunis, ne font pas un sixième des États-Généraux ». Par véritable clergé, il entend le haut clergé, celui constitué par les évêques et archevêques, tous nobles ! Page 37, il se scandalise du fait que le « Tiers, qui, à lui tout seul, s'est constitué la Nation ». Mais le Tiers-État, dans la réalité, représentait effectivement 98% de la population ! Et les quelques nobles ainsi que tous les curés qui ont finalement rejoint le Tiers, n’ont fait que rejoindre la nouvelle Nation en train de prendre conscience d’elle-même ! 

    Point n’était besoin d’un sombre complot ourdi par La Fayette, le Duc d’Orléans, les Francs-maçons ou qui sais-je encore ! L’Ancien régime, avec toutes ses institutions inefficaces et obsolètes, s’effondrait de lui-même, comme un château de cartes. Dans un pays aussi morcelé que la France, avec ses lois, us et coutumes, poids et mesures, monnaies et langues qui changeaient d’une région à l’autre, seul le roi aurait pu comploter quelque chose. Comme je l’ai d’ailleurs évoqué dans mon article sur les "brigands", Adolphe Thiers dans son histoire de la Révolution française, émit l’hypothèse étonnante, selon laquelle « les courriers envoyés partout en France pour annoncer l’arrivée des brigands (durant la grande peur de l’été 1789), relevaient d’une initiative de la cour. Eux seuls étaient en effet capables de franchir aisément tous les postes de contrôles. L’idée aurait été d’armer les provinces pour les opposer à Paris, car la cour ne croyait pas à une révolution générale du royaume. »

Ambiance complot avec le
Cavalier au Masque

    Je ne nie pas que certains évènements aient été un peu préparés. Des fusils ont été distribués au peuple, des soldats ont été achetés, quelques émeutes ont été organisées. Mais nul n’était besoin d’en faire trop car le feu ne demandait qu’à prendre !

    L'historien HyppoliteTaine a méticuleusement compté qu'il y avait eu 300 émeutes en France depuis le début de l'année 1789, avant la prise de la Bastille ! (Taine, Révolution, t. I, ch. I.). Pire ! Plus de 900 émeutes ont été dénombrées à travers tout le pays depuis 1786 ! Que la prise de la Bastille ait été un peu organisée n’a rien changé au fait qu’une atmosphère d’insurrection régnait depuis des mois, voire des années !

Faites-vous votre opinion !

    Rappelez-vous que le Citoyen Basset n’est pas là pour vous dire quoi penser, mais pour vous donner de quoi penser ! Alors lisez la brochure de ce mystérieux aristocrate et faites-vous une opinion.

    Cette brochure de 78 pages entreposée dans la bibliothèque numérique de l’université de la Colombie Britannique du Canada à Vancouver. Vous pouvez le lire en ligne via la fenêtre en bas de page et vous pouvez même le télécharger via ce lien :

https://open.library.ubc.ca/media/download/pdf/frenchrevo/1.0427327/0


Post Scriptum :

    Notre quidam aristocrate produira une autre brochure encore plus rageuse l’année suivante, en 1790. Elle s’intitulera « A présent, crevez-vous les yeux ! 

    Il faut dire aussi à sa décharge qu'en 1790, un violent sentiment anti-aristocrates commencera à se diffuser au sein de la société française, une antipathie qui se manifestera au travers d'estampes comme celle-ci...

Chasse aux aristocrates (1790)

 


    


mardi 15 décembre 2020

16 Décembre 1789 : Publication d'un rapport anonyme défendant l'idéologie raciste des Colons des Antilles.

 

"Les Mortels sont Egaux. Ce N'est pas la Naissance
C'est La Seule Vertu qui Fait La Différence"

Une lâche réponse à l'abbé Grégoire

    En réponse au plaidoyer contre l'esclavage publié en octobre par l’abbé Grégoire, parait ce 16 décembre 1789 un mémoire anonyme qui attaque les idées abolitionistes de l’Abbé Grégoire. Ce document de 68 pages porte en dernière page les initiales P.U.C.P.D.D.L.M. : signe de reconnaissance pour son ou ses auteurs et ceux qui partagent les idées défendues. Quant aux idées défendues dans ce document, elles constituent la compilation des préjugés racistes qui constituent l'idéologie coloniale.

L'abbé Grégoire

Un sujet de société qui fait débat.

    L'esclavage était un système odieux d'oppression et d'exploitation des hommes qui, déjà à l'époque, blessait la sensibilité de nombre de gens. Son abolition faisait même partie de certaines demandes faites au roi dans les cahiers de doléances rédigés pour les Etats GénérauxSon abolition faisant donc débat, aussi bien au travers de la publications de livres que d'articles dans les journaux. 

Article 29 du cahier de doléances du village de Champagney

    En octobre 1789, l’abbé Grégoire, curé d’Embermesnil, député aux Etats-Généraux, puis à l’Assemblée Nationale Constituante, avait publié le Mémoire en faveur des gens de couleur ou sang-mêlés de Saint-Domingue, et des autres iles françaises de l’Amérique, adressé à l’Assemblée nationale. C’était la première grande attaque de ce grand homme contre le préjugé de couleur et contre toute l’idéologie raciste développée par les Colons des Antilles. (Saint-Domingue est l'actuelle Haïti).

    L'esclavage était bien en effet une idéologie, car il constituait toute l'architecture de la société coloniale. La grande majorité des Colons ne pouvait concevoir la possibilité de son abolition. Faute de travailler leurs terres, les Colons travaillaient à justifier l'usage et la perpétuation de ce fléau aussi vieux que l'humanité.

    Certains ouvrages faisaient même montre d'une apparence de "compréhension", simulant même un semblant de pitié à l'égard du sort des esclaves et c'était presqu'à regret qu'ils défendaient malgré tout cette abomination. Comme il est difficile de remettre en question un système établi et encore plus difficile de penser contre ses propres préjugés ! Peu de gens en sont capables ! Les Révolutions sont propices à cela...

"Littérature" esclavagiste.

    J'ai trouvé un bon exemple de ce style de "littérature" avec le texte ci-dessous, extrait des pages 12 à 14 du Recueils de pièces imprimées concernant l'esclavage et la Traite des Noirs, l'île de Tobago, Saint Domingue, 1777-1789. Vous allez mieux comprendre la nature du problème.

    Il s'intitule : "Discours sur l’esclavage des Nègres, et sur l’Idée de leur Affranchissement dans les Colonies. Par un Colon de Saint Domingues."

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97892251

"Les Nègres sont esclaves, et vous demandez qu’on les affranchisse. Mais on ne peut le faire qu’en dépouillant les Colons de leurs propriétés. Je n’ai pas besoin de vous prouver, et vous savez déjà qu’elles doivent être sacrées comme toutes les autres (1). Vous croiriez-vous le droit d’enlever ses charrues à un fermier ? Eh bien, ce sont nos instruments de labourage. – Oh ! Des hommes ! Cela fait frémir ; c’est un abus révoltant qu’il faut extirper. – Citoyen indiscret ! Eh bien ! Je vous dis que la Nation assemblée pourrait seule les anéantir ces propriétés, dans le cas où il serait évident que le maintien de l’esclavage fût contraire à l’équité naturelle et aux intérêts de l’État, et que son extinction pût s’opérer sans une lésion manifeste, et sans danger pour les colons, ainsi que pour l’État lui-même.

(1) Le Dr Schwartz, dans son zèle évangélique, non seulement méconnait cette vérité, mais il prétend que l’on doit envisager les colons comme coupables d’un vrai vol, et à ce moyen étant déchus du droit de réclamer aucune indemnité. Pour être conséquent, il ne manquait plus que de demander qu’ils fussent punis comme voleurs.

Nota : Le Docteur Schwartz évoqué ici était le pseudonyme utilisé par Nicolas de Condorcet pour publier son ouvrage : « Réflexions sur l'Esclavage des Nègres » paru en 1781 (accessible en bas de page).

Quant au premier point, qui serait de satisfaire au vœu de l’humanité blessée par l’esclavage des Nègres, chacun sait, et M. l’abbé Raynal lui-même vous a appris que c’était leur état naturel en Afrique. Or maintenant, si mes lecteurs m’ont bien entendu, et s’ils veulent être conséquents, ils conviendront que les Colons ne sont ni causes, ni responsables de cette servitude qu’ils ont trouvée établie, et qui ne fait que se perpétuer dans leurs mains ; pas plus responsables, pas plus criminels qu’un Citoyen possesseur par héritage ou par acquisition d’une terre qui lui produit 40.000 livres de rente, tandis que le plus grand nombre des habitants de son village peut à peine subsister. A qui faut-il s’en prendre ? Ce serait tout au plus à l’Etat qui a permis, favorisé ou toléré ce commerce, et d’abord, dans cette supposition, à moins de renverser toute l’idée d’ordre et de justice, il faudrait qu’il commençât par rembourser la valeur des Nègres, ce qui ne serait qu’une partie du dédommagement exigible, puisque leurs bras seuls peuvent féconder nos terres. Il faudrait donc essuyer le double inconvénient de payer environ un milliard dont les intérêts seraient un accroissement énorme d’impôts pour la Nation, et d’être privé de tous les avantages que donnent les colonies."

La propriété est sacrée ! 

    Le côté sacré de la propriété, évoqué au premier paragraphe était un argument récurrent dans ce débat relatifs à l'esclavage. J’ai déjà évoqué dans un autre article comment le caractère sacré de la propriété avait empêché nombre de réformes envisagées par Louis XVI.     Selon l’abbé Véri, Louis XVI aurait un jour posé cette question à son ministre Turgot après que celui-ci lui ai fait part de la difficulté de réaliser les réformes indispensable au royaume, tout en restant dans le cadre stricte de la loi et du respect des contrats. (page 379 du journal de l'abbé Véri) :

« Parmi les différents qui arrêtent toute mutation, il y a celui de la probité qui doit respecter la foi publique des contrats. On ne peut pas nier que la résiliation d'un bail attaque cette fidélité des contrats. M. Turgot ne méconnaît pas ce cri de l'équité naturelle. Il ne désavoue pas non plus que résilier un bail sans rendre en écus sonnants les fonds que les fermiers généraux ont donnés en avance au Roi ne soit contraire au premier appel de l'équité. Il convient que remettre le remboursement de ces fonds à des termes éloignés en faisant cesser aujourd'hui leur bail, c'est une injustice très apparente. Mais, en faisant ces aveux, voici ses autres observations, que je ne crois pas inutile de mettre dans toute leur étendue.

« Faisons une supposition, m'a-t-il dit, sur un objet absolument étranger. Le Roi juge utile et juste de supprimer l'esclavage des nègres dans les colonies en remboursant leur valeur aux propriétaires. Il ne peut faire ce remboursement que dans dix ans. Faut-il attendre ces dix ans pour produire un bien si considérable que la justice réclame dès aujourd'hui et qui n'aura peut-être jamais lieu si on le laisse à l'incertitude des événements ?

Du risque à reconnaître une injustice dans une société injuste...

    Reconnaître l'injustice de l'esclavage, c'était aussi le risque de devoir reconnaître l'injustice d'autres modes d'exploitation des êtres humains, eux aussi traditionnels et anciens, découlant des injustices sociales. Quid des riches propriétaires bâtissant leurs fortunes sur la peine des pauvres gens ? Vous rendez-vous compte de l'enjeu ? 

    La propriété était si sacrée, qu'à l'instar de la soi-disant abolition des privilèges, accordée lors de la nuit du 4 août 1789 (sous l'effet de la Grande Peur) qui finalement obligeait les opprimés à racheter leur liberté afin de dédommager les privilégiés ; l'abolition de l'esclavage aurait demandé que les Colons propriétaires d'esclaves fussent eux aussi dédommagés !

Analyse du mémoire anonyme par l'historienne Florence Gauthier

    Je n'ai pu trouver ce mémoire anonyme sur le WEB. En revanche j'ai découvert cette brillante analyse sur le site Open Édition. Florence Gauthier est historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, maître de conférences à Paris VII, auteur entre autres de "La voix paysanne dans la Révolution". Ce texte constitue le chapitre 3 de son livre :"L'aristocratie de l'épiderme - Le combat de la société des Citoyens de Couleur, 1789 - 1791."

Vous pouvez accéder à ce texte via la fenêtre ci-dessous :

Je vous conseille bien évidemment d'acheter et lire ce livre !


Une vidéo en noir et blanc sur l'esclavage.

    Au cours de mes recherches, j'ai découvert cette vidéo sur le site de la BNF. Elle dure 26 minutes. Je vous conseille vivement de la regarder. Elle est pour le moins édifiante. Vous allez probablement être choqué par ce que vous allez apprendre.


Sources :

Quelques-uns des livres évoqués :

Le journal de l'abbé Veri.


Le livre de l'abbé Grégoire.


Le livre de Condorcet.


Discours sur l'esclavage des Nègres (défense de l'esclavage)


Bibliothèque de Moreau de Saint Merry :


15 Décembre 1789 : Présentation d'une machine inventée par l'abbé de Mandres (sans vapeur)

 

Bateau à cage d'écureuil
Source

    Voici un article à ma façon, sur un abbé inconnu, mécanicien et inventeur de son état, avec une digression sur les machines à vapeur que j'ai jugée nécessaire... 😉

    Je vous ai déjà parlé des abbés révolutionnaires, distribuant des armes, brandissant le sabre devant la Bastille ou morigénant les riches dans des sermons incendiaires. Mais je ne vous ai pas encore parlé d’abbés mécaniciens inventeurs. C’est le cas de l’abbé Claude-Simon de Mandres, né à Amance en 1728, curé de Donneley, de l’Evêché de Metz. (Aujourd’hui Donnelay dans la Moselle).

    Cet abbé ingénieux consacra probablement plus de temps à la mécanique qu’à ses ouailles. Durant des années, en effet, il ne cessa jamais d’inventer, de perfectionner et de faire la publicité de ses machines. Il y consacra tant de son temps et de son argent qu’il se ruina presque et qu’il sollicita l’Assemblée nationale pour l’obtention d’une pension pour son ouvrier Joseph Girard et lui-même, eut égard à ses investissements durant tant d’années (pétition à l’Assemblée du 18 décembre 1791). Il dû aussi très souvent réclamer l’argent qui lui était dû pour les travaux accomplis par ses machines. Et il eut même à défendre la paternité de ses inventions ! Raison pour laquelle il fut l’un des membres fondateurs de la Société des inventions et découvertes, auprès de laquelle il déposa un brevet d'invention le 28 septembre 1791 pour un "levier-moteur à pédales, au moyen duquel les hommes agissaient à la fois avec le poids du corps et leur force musculaire" (une sorte de cric elliptique).

    Lors de la séance du 13 octobre 1789, six commissaires avaient été nommés pour examiner un mémoire de l’abbé de Mandres concernant une découverte « très intéressante pour les arts et très-utile pour les ports de mer et les villes de guerre. » Le président avait alors désigné Messieurs De Vialis, Bureau de Puzy, Malouët, De Phélines, De Bousmard et le marquis de Vaudreuil.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5169_t1_0415_0000_3


    Ce 15 décembre 1789, lesdits commissaires viennent rendre compte de leur mission devant l’Assemblée.

Présentation d'une machine inventée par l'abbé Demandre, lors de la séance du 15 décembre 1789

M. Bureaux de Puzy. L'Assemblée avait chargé des commissaires d'examiner une machine dont M. l'abbé Demandre est auteur. Il résulte de notre examen que ce mécanisme, très-simple et infiniment ingénieux, peut s'appliquer avec avantage aux pompes d'épuisement, aux sonnettes à battre des pieux, etc., et qu'il double les forces des hommes. M. l'abbé Demandre a aussi fait l'application de sa machine à la navigation. Des pièces très-authentiques et la notoriété publique prouvent que, dans un des endroits où le Rhin a le plus de rapidité, trente bateaux, attachés à la suite les uns des autres, et dont quatre étaient remplis de gravier, ont facilement remonté ce fleuve par le moyen de ce mécanisme, auquel huit hommes étaient employés.

M. Malouet. On a fait à Toulon l'essai de la machine de M. Demandre, et le succès a été complet.

L'Assemblée témoigne le désir de voir cette machine : M. le président annonce qu'elle sera exposée sur le bureau avant l'ouverture d'une des prochaines séances.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_4204_t1_0574_0000_4

Aimable avertissement 😊

    Vous trouverez en bas de cet article trois fenêtre donnant accès à des documents rédigés par l’abbé de Mandres. Mais auparavant, comme évoqué en introduction, je souhaiterais évoquer le développement des machines à vapeur au 18ème siècle. Vous comprendrez ainsi pourquoi les inventions de l'abbé étaient en passe de devenir anachroniques.

 

Projet de barge à curer les ports

La fin d’une époque.

    J’ai eu beaucoup de mal à trouver des informations sur l’abbé de Mandres (l’orthographe du PV de l’Assemblée m’ayant lancé de plus sur des fausses pistes). J’ai éprouvé encore plus de difficultés à comprendre en quoi consistait ses inventions. En 1785 Claude-Simon de Mandres avait effectivement obtenu un privilège du roi pour la construction d'un bateau de son invention, dit « levier-moteur » et deux ans plus tard (29 et 3 décembre 1787) il avait fait ses premières expériences officielles à Strasbourg. C'était un bateau constitué d’une plate-forme sur laquelle était placé un cabestan et une roue centrale mue par vingt hommes, qui mettaient en mouvement deux roues avec des pagaies placées de chaque côté du bateau.

    Mais ce que j’ai surtout compris, c’est que les inventions de l’abbé n’étaient que des améliorations d’antiques systèmes utilisant la force humaine. Celles-ci étaient probablement astucieuses, mais elles ne constituaient pas un réel progrès. C’était un peu comme si un brave gars s’évertuait à perfectionner la taille des silex, pendant que son voisin découvrait la fabrication des haches en bronze.

    Le temps n’était plus à perfectionner les sonnettes à battre des pieux par des moyens humains astucieux, mais à découvrir une nouvelle force motrice, autre qu’animale !

Fiche technique en pdf

Des roues et de la vapeur !

Roues à aubes

    Sans vouloir faire du tort à ce brave abbé De Mandres, son invention n’était probablement pas très originale. Beaucoup de tentatives avaient été faites depuis le début du 18ème siècle, pour mouvoir les bateaux "autrement", avec des roues à palmes, pagaies ou aubes, mais aussi avec des moteurs à vapeurs que l’on appelait des pompes à feu.

    L’application des roues à aubes à la navigation, était d’ailleurs loin de constituer une idée nouvelle. L’idée de réunir sur une roue un certain nombre de rames, afin d’obtenir un emploi plus commode de la force motrice, remontait à l’antiquité. Les roues à palettes étaient au nombre des machines très anciennes connues de l’architecte romain Vitruve mais dont il ne connaissait d’ailleurs pas les inventeurs. Il existe des médailles romaines qui représentent des navires de guerre (liburnes) armés de trois paires de roues, mues par des bœufs et ceux-ci sont également mentionné dans le De rebus bellicis, un traité de guerre romain. Des navires mus par des roues à aubes tournées par des bœufs, auraient transporté les Romains en Sicile, pendant la première guerre punique !

De rebus bellicis

    Un écrivain militaire du XVe siècle, Robert Valturius, fit aussi mention de la substitution des roues à aubes aux rames ordinaires. Il donna, dans son ouvrage, les dessins, grossièrement exécutés, de deux bateaux munis de petites roues en forme d’étoiles, et composées de l’assemblage de quatre rayons placés en croix, réunis à un centre commun. Voir ci-dessous :

Lien vers le livre joliment illustré

    Un mécanicien, nommé Duquet, avait fait à Marseille et au Havre, de 1687 à 1693, un grand nombre d’essais avec des rames tournantes, composées chacune de quatre rames courtes et larges, opposées deux à deux et placées en croix. Ces expériences avaient produit en France beaucoup d’impression, et cette idée ne tarda pas à y être poursuivie.

    En 1732, le comte de Saxe présenta à l’Académie des sciences de Paris, le plan très-bien conçu, d’un bateau remorqueur ayant de chaque côté une roue à aubes, que faisait tourner un manège de quatre chevaux. « Ces roues, dit le comte de Saxe, faisant le même effet que les rames perpendiculaires, il s’ensuivra que la machine remontera contre un courant, et tirera après elle le bateau proposé. »

Et vive la vapeur !

    La vapeur non plus, ce n’était pas une technique nouvelle, puisqu'au premier siècle après Jésus Christ, le génial Héron d'Alexandrie avait inventé l'éolipyle, une chaudière hermétiquement close d'où partaient verticalement deux tubes en coude. L'extrémité de ceux-ci portait une sphère creuse, munie de deux tuyères recourbées et qui pouvait pivoter librement sur son axe horizontal. Cette ingénieuse turbine pouvait tourner sur elle-même à une vitesse de 1500 tours par minutes. Il aurait suffi de relier tout cela à une courroie et à un arbre d'entraînement puis d’inventer le piston, pour débuter une ère industrielle ! Mais à quoi bon dans cette époque où la main d’œuvre fournie par les esclaves coûtait si peu ?!

l'éolipyle d'Héron

Le siècle de la vapeur !

    Il fallut donc attendre le 18ème siècle, le siècle des inventions, pour que la vapeur puisse entrer en action ! Les premières applications importantes furent celles des pompes à vapeur destinées au relevage des eaux, comme la pompe à feu de Chaillot à Paris, construite par les frères Périer (Jacques-Constantin Périer et Auguste-Charles Périer), qui fonderont plus tard la Compagnie des eaux de Paris (qui perdure sous le nom actuel de Véolia).

Pompe à feu de Chaillot en 1781

Navires à vapeur

    Concernant la navigation, le petit bateau que Denis Papin avait construit en 1707, pour gagner par la Weser le port de Brême puis l’Angleterre, était déjà propulsé à l’aide de rames tournantes. Mais les historiens ne sont pas certains que son bateau ait déjà été équipé d’une machine à vapeur. Peut-être ne faisait-il simplement qu’emporter les plans et les pièces détachées d’une invention qu’il se proposait de mettre au point à la Royal Society de Londres. De toute façon, les bateliers de la Weser détruisirent son bateau et cela mis fin à ses recherches sur la propulsion par la force expansive de la vapeur d’eau.

Les bateliers détruisant le bateau de Denis Papin

    C’est à la suite du travail du comte de Saxe évoqué plus haut, que l’Académie des sciences avait été amenée à mettre au concours en 1753 la question "des moyens de suppléer à l’action du vent pour la marche des vaisseaux". C’était le physicien suisse Daniel Bernoulli qui avait remporté le prix en démontrant, hélas pour la vapeur, que la seule machine à vapeur connue à l’époque, celle de Newcomen, était incapable de faire avancer un navire. Mais tout n'allait pas s'arrêter là !

Daniel Bernoulli

    Ce fut le génial écossais James Watt, vers 1770, qui fit réellement progresser la technique de la machine à vapeur, avec sa machine à simple effet, qui eut pour résultat de diminuer de trois quarts la dépense du combustible, d’augmenter l’intensité de l’action motrice et de diminuer les dimensions de la machine.

James Watt
    
Machine à vapeur de Boulton et Watt en 1784


Jouffroy d'Abbans, le marquis précurseur.

Jouffroy d'Abbans

    
C’est le Français Claude François Dorothée, marquis de Jouffroy d’Abbans qui fit voguer les premiers vrais navires à vapeur !

    Il se rendit célèbre, une première fois en 1776 en faisant naviguer sur le Bassin de Gondé (Doubs) son bateau à vapeur "Le palmipède" qui actionnait des rames en formes de palmes (pas assez puissant cependant pour naviguer sur une rivière), puis une seconde fois le 15 juillet 1783 à Lyon, en faisant remonter la Saône par son "Pyroscaphe" de 46 mètres de long, durant 15 minutes, entre la cathédrale Saint-Jean et l’Ile-Barbe, en présence de dix mille spectateurs qui se pressaient sur les quais, et sous les yeux des membres de l’Académie de Lyon.

Le pyroscaphe remontant la Saône le 15 juillet 1783.

    Un procès-verbal de l’événement et un acte de notoriété, furent dressés par les soins de l’académie de Lyon. Mais pour obtenir un brevet, son bateau devait naviguer à Paris, devant les commissaires de l'Académie des sciences. Les Lyonnais continuent de dire qu’il fut victime de la jalousie des Parisiens, mais dans les faits, Jouffroy eut de nombreux déboires financiers et lorsqu’arriva la Révolution, il choisit d’interrompre ses travaux et de partir en exil. Il ne revint en France qu'en 1795, mais ne reprit ses travaux qu’en 1816.

Maquette du pyroscaphe, au musée de la Marine

    L’Histoire a surtout retenu le nom de l’ingénieur américain Robert Fulton qui fit voguer sur la Seine le 9 août 1803, le soi-disant premier bateau à vapeur, mais lui-même aurait déclaré : « Si la gloire ne devait revenir qu’à un seul homme, elle reviendrait à l’auteur des expériences menées sur la Saône à Lyon en 1783 »


Sources : J'ai trouvé nombre des infos ci-dessus dans le livre "Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes"

Revenons vers notre abbé de Mambres

    Ma digression sur les machines à vapeur nous a fait perdre de vue les initiatives de l’abbé de Mambres. Voici comme promis quelques-uns de ses écrits. Dommage cependant qu’il n’y ait pas de plans de ses inventions !

1789 Mémoire à Nosseigneurs,

Nos seigneurs de l'Assemblée nationale, à Versailles :

1790, Précis des pièces de l'abbé de Mandres, relativement à sa découverte, et aux avantages qui en résultent :

18 Décembre 1791, Pétition à l’Assemblée nationale par Claude-Simon de Mandres :