jeudi 27 août 2020

Les femmes sont des hommes comme les autres !

Article mis à jour le 24 juillet 2023.
Femmes révolutionnaires

    Je remercie sincèrement la citoyenne, qui dans un commentaire sur Facebook, à la suite de ma publication relative à la déclaration des droits de l'homme, m’avait fait part de son souci de ne pas voir les femmes incluses dans la fameuse déclaration. Connaissant bien la révolution française, elle avait bien sûr évoqué Olympe de Gouge et la non moins fameuse "Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne" rédigée pas Olympe de Gouge, une femme extraordinaire devenue une égérie de la juste cause féministe.

    J’avais donc rédigé rapidement ce petit article le matin même, pour tenter de la rassurer, et par là-même, si possible, apporter à toutes et tous quelques petites précisions, tant sur les femmes du 18ème siècle en général, que sur Olympe de Gouge en particulier. 

    Le sujet de cet article est un bon exemple de ce que j’ai déjà évoqué quelques fois, à savoir les risques résultants de l’interprétation d’une époque passée à la lumière des idées de la nôtre. L’émancipation des femmes est une cause indéniablement juste et même vitale. Mais elle ne doit pas ce me semble, s’affaiblir ou se dénaturer en se perdant dans d’inutiles combats. Pour vous expliquer cela, je vais essayer d’être aussi précautionneux que si je devais expliquer la République à un Chouan (Ceci est trait d’humour (précautionneux)).

Cinquante pourcents du genre humain, à savoir les femmes, se trouvait-il vraiment exclu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?

La réponse est : "C'est plus compliqué que ça."

    Nos anciens ne se seraient jamais posés cette question, car ils avaient appris à l’école que la langue française donne la possibilité d’inclure les deux sexes dans un seul terme. Le terme homme de ladite déclaration, est utilisé dans ce sens. De la même façon, le terme grec anthropos, est à la racine du mot anthropologie, qui intègre bien évidemment dans ses études les femmes et les enfants. 

    Personne ne contestera que le si beau terme d’humanité, d’origine latine, concerne bien la totalité de celle-ci, tous sexes confondus. Le genre humain n’inclut-il pas les deux sexes ? 

   Pourquoi nous posons-nous cette question uniquement pour le genre humain ? Celui (forme neutre) qui se passionne pour les oiseaux, inclus dans sa passion les oiselles et oisillons, et celui (ou celle) qui combat pour préserver les éléphants, inclus dans son honorable cause les éléphantes et les éléphanteaux !

Digression linguistique

   Il semble qu’en s’engageant sur le chemin de la langue, le juste combat pour l’émancipation des femmes ne soit en train de s’égarer dans un combat stérile. L’écriture inclusive en constitue un exemple. Il s’agit à l’origine d’un combat né en Allemagne, que la nature de la langue germanique rendait possible. Je vous conseille la lecture de cette tribune signée par 32 linguistes sur ladite écriture : "Une écriture excluante" qui s'impose par la propagande.

    La généralisation de cette forme d’écriture ne fera qu’éloigner de l’écrit et de la lecture, ceux qui en avaient le plus besoin. Ma meilleure amie, professeure de lettres classiques, voit chaque année arriver en classes de secondes, de pauvres gosses qui savent à peine lire !


Retour au XVIIIe siècle et à Olympe de Gouge !

Olympe de Gouge remettant sa
 déclaration des droits de la femme
à la reine Marie Antoinette.


    Revenons donc au dix-huitième siècle, à ses femmes et à Olympe de Gouge. 

    Concernant la belle Olympe, il semble que le personnage conceptuel qui s’est construit progressivement dans le cadre de la juste lutte pour l’émancipation des femmes, ne corresponde plus vraiment à la personne d’origine. C’est d’ailleurs le propre d’un personnage conceptuel qui du fait des constructions intellectuelles que l'on y ajoute, se détache progressivement de la personne qu'elle fut vraiment et devient peu à peu un symbole, porteur d’une idée. Le plus célèbre personnage conceptuel étant Socrate dont on ne connait surtout que la description intellectualisée faite par Platon. 

    Cette fabrication, ou forgerie, constitue un phénomène courant en histoire (ou en sociologie) et je vous étonnerai peut-être en vous disant que je n’y trouve pas grand-chose à redire, lorsqu’il s’agit d’une bonne cause, et en l’occurrence le féminisme en est une.
    Néanmoins il ne faudrait pas que cela finisse par donner une vision fausse, voire caricaturale de la situation des femmes du 18ème siècle. Voire pire, que certains en viennent à médire de la République ! 
Si, si, croyez-moi, il y en a !

    Tout le monde semble ignorer de nos jours que les femmes n’étaient pas exclues du vote, avant et après la Révolution. Les femmes votaient bien dans les assemblées villageoises et urbaines depuis l’instauration des chartes et coutumes au moyen âge. De plus, en 1789, de nombreuses femmes étaient chefs de feu et participaient, de droit, aux élections des assemblées primaires du Tiers-état. Cette tradition du vote des femmes dans les assemblées primaires connut, à partir de la convocation des États généraux de 1789, un réveil remarquable dans tout le pays et le mouvement populaire, formé des deux sexes, en fit très vite l’institution démocratique par excellence de la Révolution. 

    Les assemblées primaires, réorganisées en 1790 en communes villageoises et en sections de communes dans les grandes villes, continuèrent de se réunir de leur propre chef, pour discuter de la situation, participer aux débats, organiser manifestations et grandes journées, en un mot, construire une souveraineté populaire effective. 

Réunion de femmes révolutionnaires

    N'oublions pas qu’il y avait des courants fort différents, au sein de la révolution. Beaucoup ne souhaitaient au début que la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, tandis que peu à peu, d’autres se mirent à rêver d’une république démocratique et populaire. 

    De 1789 à 1794, le courant monarchique ou aristocratique fit tout ce qui était en son pouvoir pour supprimer tous ces prémices de gouvernement populaire, comme ces assemblées primaires communales, auxquelles les femmes participaient. Un des événements déclencheurs de ce revirement de l'opinion fut la fuite du roi le 21 juin 1791.

    Le personnage Olympe de Gouge a publié sa fameuse déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en septembre 1791, précisément au moment où l’Assemblée constituante achevait le vote de la Constitution censitaire de 1791. 

   On oublie toujours de préciser qu’Olympe de Gouge ne trouvait absolument rien à redire au système censitaire, qui excluait non seulement les femmes pour cause de sexe, mais aussi les pauvres. La raison en est qu’Olympe était tout simplement en faveur d’une monarchie et d’une aristocratie censitaire, c’est-à-dire, favorable à une citoyenneté de classe, celle de l’argent. (Ceci n’est pas un jugement de valeur, juste une observation). 

    C’est son hostilité à la République populaire et démocratique, ainsi qu'à la politique économique et sociale de celle-ci, qui lui vaudra d’être arrêtée et condamnée, pas pour ses idées féministes, mais pour ses idées politiques ! Les attendus de son procès ne mentionnent aucune inculpation pour cause de son sexe, mais bien pour ses écrits politiques contre le principe de souveraineté populaire. Cela ne justifiait bien sûr pas qu'elle fut condamnée à mort pour ses idées.

    Bon, j’espère avoir été assez précautionneux et n’avoir choqué personne en prenant l'exemple du martyr de la belle Olympe. Je souhaite surtout vous avoir convaincu que les femmes faisaient bien partie de l’espèce humaine et de celle des hommes concernés par la déclaration des droits de l’Homme. 

Pour info, j'ai dû consacrer un article à Olympe de Gouge, tant elle constitue un sujet complexe : "Olympe de Gouge, morte pour le féminisme ? Vraiment ?"

Ne pas sous-estimer les Femmes.


    Je ne suis pas dans le déni et je reconnais qu'effectivement les femmes constituaient une classe de citoyens n'ayant pas les mêmes droits civiques que les citoyens masculins. Mais ne sous-estimons pas nos grands-mères !

    N'oublions pas qu'il existe des lois non-écrites qui font que de tous temps, des Femmes ont eu un pouvoir sur les hommes au sein même de leurs foyers. Tandis que les hommes refaisaient le monde au troquet, ou le défaisaient le temps d'une émeute, c'étaient bien souvent les femmes qui décidaient de tout au sein du foyer. Ne voyez pas là une boutade à moitié grivoise d'un représentant du patriarcat à court d'argument ! L'estampe ci-dessous illustre assez bien ce que je veux dire.

J'espère que cette estampe passera la censure.
Je voulais la mettre en tête de l'article...

L'émancipation des femmes comme l'un des fruits de la Révolution

    Beaucoup de femmes s'engagèrent activement dans la Révolution, prenant bien volontiers les armes. La colère des femmes fut même à l'origine de nombreuses émeutes révolutionnaires, comme celles des journées des 5 et 6 octobre 1789, qui constituèrent un tournant majeur de la révolution. Certaines s'engagèrent même dans l'armée en dissimulant leur sexe et combattirent vaillamment.

  L'émancipation des femmes figure indiscutablement parmi les idées novatrices qui germèrent durant la Révolution. Comme nombre d'autres, celle-ci fut combattue, puis vaincue pour un temps; pour un temps seulement car la graine était plantée et elle finirait par fleurir un jour et porter ses fruits.

  Si je dispose de suffisament de temps, je vous parlerai de Louise Reine AuduPauline LéonClaire Lacombe, Marie Charpentier, Reine Chapuis, les citoyennes Lavarenne et Tournée, la citoyenne lieutenant Lecuyer, l'amazone Théroigne de Méricourt, la canonière Catherine Pochetat, la citoyenne Montorcier, Anne Quatresols, Angélique Duchemin, la lieutenant Ursule Aby, Marie Schellinck, Pélagie Dulière, Thérèse Figueur (dite Sangène), les sœurs guérrières Félicité et Théophile FernigRose Barreau (dite Liberté), Madame de Moulin, Rose Bouillon, Thérèse Touay dit le Diable, Clémence Alibert, Chamoton épouse Legelée, Françoise Drouet, Marie-Cécile Fiteau (de Nevers), la vendéenne Elisabeth Bourgé, Marie Saulnier...

5 octobre 1789, les Parisiennes en route pour Versailles


Les vrais exclus de la déclaration des droits de 1789...

    Comme je vous l’ai expliqué hier, la déclaration des droits de l'Homme du 26 Août 1789 comportait néanmoins une lacune manifeste, puisqu'elle excluait totalement nos frères et sœurs de couleurs. Il leur faudra attendre la République qui en 1794 en fera des citoyens comme les autres (Mais toujours avec ce problème de reconnaissance des femmes.)


 

Post Scriptum

1/ Petite profession de foi darwiniste : 

    Je ne porte jamais aucun jugement sur les événements ou les personnages que j’évoque avec vous. Même si mon style d’écriture peut parfois, par quelques traits d’humour ou d’humeur, en donner l’impression contraire. Le cœur de ma pensée, c’est que les êtres humains de tous sexes, agissent selon des lois comportementales héritées de la longue évolution de l’espèce humaine, et que cela ne relève ni du bien ni du mal. J’appelle cela de la mécanique humaine (D’autres parlent d'anthropologie et certains évoquent même de nos jours les algorithmes biologiques constituant nos schémas de pensées). Beaucoup continuent de suivre les lignes de comportement usuelles des grands primates que nous sommes, esprit de clan, soumission au chef, etc. D’autres expérimentent des variantes, dont seul l’avenir prouvera le bénéfice pour l’ensemble de l’espèce. 

    La répartition des rôles entre les sexes résulte dans toutes les espèces animales d'une adaptation optimisée aux conditions environnementales. Les comportements des individus sont adaptés ou pas à l'environnement et profitables ou pas à la survie de l'espèce. Ce n'est ni bien ni mal. Si comme de nos jours, du fait du progrès des sciences, l'environnement change totalement, c'est logique que les rôles précédemment échus à chaque sexe en viennent à changer. La force physique n'est plus indispensable à la survie de l'espèce. Raison pour laquelle des qualités comme l'intelligence ou la capacité de concentration deviennent plus utiles et qu'il s'avère que les femmes sont mieux adaptées à cette société nouvelle et qu'elles occupent de nouvelles fonctions "profitables" à la société.

2/ Si vous voulez découvrir une personnalité féminine à qui la Révolution française doit beaucoup, lisez mon article sur Louise Félicité de Keralio, publié le 18 août dernier. 

3/ De nombreuses informations concernant le vote des femmes et Olympe de Gouge viennent d’un article de l’historienne Florence Gauthier, docteur en histoire : https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1597 


Salut et Fraternité, Citoyennes et Citoyens !

Bertrand Tièche


J'aime beaucoup cette gouache de Lesueur, montrant une famille allant à la ginguette.




mercredi 26 août 2020

26 Août 1789 : Le jour de la Déclaration !

Préambule

    Dans le cadre de l’honorable et indispensable lutte actuelle pour les droits des femmes, il est devenu commun de nos jours de ne plus reconnaître que le mot "Homme" avec un "H" majuscule signifie "hommes et femmes", (comme le mot grec anthropos qui désigne l'humain). C'est dommage. Il n'est pas nécessaire de réécrire l'histoire lorsque l'on défend une noble cause.

    Même si les droits civiques n'étaient pas encore les mêmes entre les hommes et les femmes après cette fameuse déclaration - ils ne seront d'ailleurs pas les mêmes entre les hommes avec le suffrage censitaire qui sera bientôt voté -, celle-ci concernait bien également les femmes. Les femmes l'avaient d'ailleurs bien compris, puisque ce sont elles qui obligeront le roi Louis XVI à valider la Déclaration des Droits de l'Homme, lors des journées des 5 et 6 octobre !
 
    Pour celles et ceux qui sont convaincus que les Femmes ont été oubliées, je conseille de vite lire l'article suivant qui s'intitule :"Les femmes sont des hommes comme les autres".
 
Voici à présent un récit multi-facettes (plusieurs sources) de cette mémorable journée.
 
Introduction (Pleine d'émotion)

    En cette journée anniversaire, peut-être allez-vous voir passer quelques articles sur la fameuse Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Il y a fort à craindre qu'ils seront remplis des mêmes traditionnels clichés. Raison pour laquelle je suis certain que vous apprendrez deux ou trois trucs intéressants à la lecture de cet article.

    J’aime beaucoup mes concitoyens, qui comme moi, affichent cette déclaration chez eux, bien en évidence.

Épisodes précédents

    Nous avons vu ensemble dans les précédents articles que depuis plusieurs jours, les députés de l’Assemblée nationale constituante travaillaient sur le projet de déclaration des droits de l’homme. Celui-ci devra figurer en préambule de la future constitution.

    Le 19 août dernier (voir ma publication de cette date), ils ont retenu parmi tous les projets, celui émanant du 6ème bureau, ou comité des cinq. Les cinq membres de ce comité, élus le 17 Août 1789 étant :

    Depuis le 20 août, jusqu’à ce jour, 26 août, chaque article de ce texte est donc discuté et finalisé, au cours de longs débats, puis voté.

    Souvenez-vous, le 21 Août dernier ils ont défini ce qu'était la Liberté, et le 23 Août, ils ont proclamé la liberté des opinions religieuses !

    Aujourd’hui, 26 Août, la discussion va s’interrompre après l’adoption de l’article 17 sur le droit de propriété qui en constituera le dernier article, afin que les débats puissent enfin porter sur la Constitution elle-même.

    La propriété, ce droit inviolable qui constitue l’objet du dernier article, fait partie des quatre droits, dits naturels et identifiés comme tels par la philosophie des Lumières. Ces droits sont :

  • la liberté ;
  • la propriété ;
  • la sûreté ;
  • la résistance à l'oppression.

    Rien à redire sur le droit à la liberté, bien sûr. Pour ce qui concerne le droit à la sûreté et celui de la résistance à l’oppression, on comprend que les limites que l’on va y fixer ne seront pas sans conséquences. Je vous renvoie à mon article du 18 Août sur l’étonnant discours de Mirabeau sur le droit évident pour tout citoyen à posséder des armes !

Etonnant, non ?

    Pour ce qui est du droit à la propriété, encore plus évident et surtout indiscutable, il me semble nécessaire d’y apporter une petite remarque où deux...
 
Une Déclaration réservée au blancs...

    Vous aurez constaté que les hommes de couleurs sont exclus de cette déclaration des droits de l’homme, puisque l’esclavage n’est pas aboli. Le problème vient peut-être du fait que certains députés sont propriétaires d’esclaves ou se sont enrichis par ce sinistre commerce.
    Notons au passage que le 20 août 1789, des propriétaires de Saint-Domingue résidant en France, nobles et roturiers, "traditionalistes réformateurs", ont constitué à Paris une "Société correspondante des colons français", communément appelée Club Massiac, du nom de l'hôtel où elle se réunit. Ces hommes sont hostiles à toute représentation des colonies à l'Assemblée nationale et ils souhaitent traiter des affaires coloniales directement avec le ministère, et ce, dans la plus grande discrétion (lobbying ?).

Robespierre...

    
Il faudra attendre 1794 et la Convention Montagnarde de Robespierre (Oui, oui, l’horrible monstre Robespierre, etc, etc.) pour que ledit esclavage soit enfin aboli. C’est en effet Robespierre, qui le premier, théorisera un droit naturel à l’existence, dans ce que l’on pourrait appeler une démarche de reconquête du droit naturel. Il soulignera les contradictions résultant de la déclaration des droits de l’homme de 1789.

    Écoutons-le préciser sa pensée dans un exemple célèbre, exposé devant la Convention le 24 avril 1793 :
Maximilien Robespierre

« Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété ; il le faut d’autant plus qu’il n’en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherché à envelopper de nuages plus épais.

« Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c’est que la propriété ; il vous dira, en vous montrant cette longue bière qu’il appelle un navire, où il a enchaîné et ferré des hommes qui paraissent vivants :

“voilà mes propriétés, je les ai achetées tant par tête.”

Interrogez ce gentilhomme qui a des terres et des vassaux, ou qui croit l’univers bouleversé depuis qu’il n’en a plus ; il vous donnera de la propriété des idées à peu près semblables.

Interrogez les augustes membres de la dynastie capétienne ; ils vous diront que la plus sacrée de toutes les propriétés est, sans contredit, le droit héréditaire, dont ils ont joui de toute antiquité, d’opprimer, d’avilir et de pressurer légalement et monarchiquement les 25 millions d’hommes qui habitaient le territoire de la France, sous leur bon plaisir.

« Aux yeux de tous ces gens-là, la propriété ne porte sur aucun principe de morale. Pourquoi votre déclaration des droits semble-t-elle présenter la même erreur ? »

    Selon Robespierre, le droit de propriété doit être subordonné aux principes humanistes de liberté et de réciprocité du droit (égalité) :

« En définissant la liberté, le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour bornes les droits d’autrui : Pourquoi n’avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété qui est une institution sociale ? Comme si les lois éternelles de la nature étaient moins inviolables que les conventions des hommes. Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté à l’exercice de la propriété, et vous n’avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime, de manière que votre déclaration paraît faite non pour les hommes mais pour les riches, pour les accapareurs, pour les agioteurs et pour les tyrans. Je vous propose de réformer ces vices en consacrant les vérités suivantes :

« Article 1er - La propriété est le droit qu’a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi.

« Article 2. - Le droit de propriété est borné comme tous les autres, par l’obligation de respecter les droits d’autrui.

« Article 3. - Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l’existence, ni à la propriété de nos semblables.

« Article 4. - Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est illicite et immoral. »

    Par ces 4 articles, Robespierre théorisait la séparation du droit naturel et de la propriété privée des biens matériels. La propriété n’était plus reconnue comme un droit naturel, mais comme une institution sociale.

    Je suis désolé d’avoir gâché le plaisir de certains en évoquant Robespierre (Oui, oui, l’horrible monstre Robespierre, etc, etc.). Mais peut-être comprendrez-vous mieux au fil de mes modestes publications, pourquoi cet homme est devenu l’un des hommes politiques les plus calomniés et haïs de l’histoire de France.
 
Déclaration imparfaite,

    Même si cette Déclaration des Droits de 1789 n'était pas parfaite, même si comme le disent certains, elle était largement inspirée des déclarations anglaise et américaine, cette déclaration n'en reste pas moins un texte important dans l'histoire. 

Alors merci et bravo aux amis qui l'ont affichée chez eux ! 😉

Voici une version de 1789.

Voici une version de 1793


Post Scriptum :

    Concernant l'abolition de l'esclavage, je pense que je vais vous étonner en vous apprenant que 20 ans avant l'abolition en 1794, le jeune Louis XVI avait questionné en 1775 son ministre Turgot, pour s'enquérir de ce qu'il en coûterait à l’État de mettre fin à cette pratique. Il pensait au remboursement des propriétaires. (Rappelez-vous, la propriété est sacrée). J'évoque cela plus en détail dans l'article suivant : "Aurore Chery, une historienne 2.0 vous fait découvrir Louis XVI"...

 Merci pour votre lecture ! 💗


Bertrand Tièche

26 Août 1789 : Utopie ouvrière dans les Pyrénées.



Révoltes des humbles

    Quittons aujourd’hui les débats sans fin de l’Assemblée nationale et les « fermentations » parisiennes, pour regarder au sud du royaume, dans les Pyrénées, plus précisément.

    Apprenez que les mineurs de Rancié, en Ariège, précisément le jour où était proclamée la fameuse déclaration des droits, se sont eux-aussi révoltés. Ils ont protesté contre les terribles conditions de travail que leur impose la ville, qui est propriétaire de la mine de fer.

Grand et lourd bloc de goethite massive,
récolté à la fin 18ème à la mine du Rancié,
Vicdessos en Ariège.

Source image : https://www.les-mineraux.fr/

    La municipalité distribue chichement le bois de soutènement destiné à parer aux effondrements dans les galeries et les ouvriers doivent même payer eux-mêmes la poudre pour les explosions et l’huile d’éclairage, avec leurs 20 malheureux sols de salaires journaliers. 

Source : Le fer en Ariège

    De plus les hottes qu’ils doivent porter sur leurs épaules sont trop lourdes : 150 livres pour les hommes, 75 livres pour les garçons de 10 ans. Les jeunes garçons de moins de dix ans transportent le minerai hors de la mine. 


    Les fillettes du même âge conduisent les convois de mulets, à raison de trois ou quatre voyages par jour, escaladant le chemin de Cavallère pour livrer le minerai aux entrepôts de Cabre. Les accidents sont fréquents et causent des morts et des blessés.

Source : Traits en Savoie

    Les 345 mineurs se sont rendus le 26 août chez le notaire pour qu’il enregistre leurs décisions. Ils décident, entre autres, que le bois des galeries et l’usage des explosifs seront contrôlés par les ouvriers qui fixeront un salaire minimum et veilleront au recrutement. Ils demanderont également de pouvoir fixer eux-mêmes le prix du minerai à un taux supérieur à celui existant. Cette possibilité, demandée en ce mois d’août 1789, sera redemandée en mai 1796 et sera chaque fois repoussée par l'Administration Départementale.

    Leur requête est accompagnée d’une lettre d’envoi du syndic Galy qui précise que la délibération des mineurs « n’est qu’un abrégé des misères et des dangers qui affligent ceux qui s’appliquent à l’extraction des mines de fer de cette vallée de Vicdessos… ». Elle sera envoyée à l’Assemblée nationale dans l’espoir que celle-ci confirmera par une loi ce nouveau mode de gestion.

    Nous qui lisons ensemble les procès-verbaux de l’Assemblée nationale depuis quelques semaines ne nous faisons pas d’illusions sur la suite de cette demande.

    Ne cherchez pas sur Wikipédia (à moins que l'un de leurs "érudits" soit tombé sur cet article), vous ne trouverez aucune trace de cet événement dans l’article traitant de la très longue histoire de cette mine, exploitée depuis l’antiquité. Ça vous étonne ? Pas moi. On trouve malgré tout quelques rares articles s'efforçant surtout de décrédibiliser cette utopie ouvrière...

Enfants mineurs, au XIXème siècle

Quelques infos de cet article sont extraites de cet ouvrage :

https://books.google.gr/books/about/La_Mine_aux_mineurs_de_Ranci%C3%A9.html?id=QJVOAAAAYAAJ&redir_esc=y