Malgré la fièvre parisienne, les députés reprennent leur travail
Alors que la fièvre de Paris est loin d’être encore
retombée, les députés de l’Assemblée ont repris leur travail acharné. Je m’étonne
toujours de ce décalage que l’on observe entre ceux qui s’efforcent de
construire une société nouvelle et plus juste, et ceux qui subissent encore les
affres de l’ancienne société. Quoiqu’en disent les ardents défenseurs de l’ancien
régime, celui-ci n’était plus viable. Faute d’avoir pu se soigner par des
réformes indispensables, il commençait sa longue agonie, et ce, malgré les
soins attentionnés de tous ces députés aimant tellement leur roi.
Parmi toutes les tâches abordées ce jour à l’Assemblée
nationale, deux interventions ont attiré mon attention, la motion de Monsieur
Guillotin, suivie de celle de Monsieur Guillaume.
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Joseph Ignace Guillotin |
Monsieur Guillotin était un député, un médecin et un professeur d'anatomie, mais il était aussi un philanthrope. Cet ami des hommes souhaitait non
seulement supprimer toutes les abominables pratiques de l’ancien régime concernant les punitions des condamnés (voir les liens ci-dessous), mais
aussi, qu’il n’y ait plus de traitements différents en fonction du rang du
coupable.
Un
assassin, un traître ou un déserteur, même s’il méritait la mort, n’en était pas
moins un homme et méritait à ce titre quelques égards. Raison pour laquelle il demandait que la peine de mort se fasse
uniquement par la décapitation, qui jusque-là était réservée aux nobles (mort
rapide), et non plus par pendaison (mort lente) ce qui était le lot des roturiers,
quand ce n’était pas l’écartèlement. Le Docteur Guillotin proposa que soit utilisée une machine comme il en
existait déjà une en Italie, qui d’un coup de lame, tranchait net le coup du
condamné, en une seconde et sans souffrance.
« En crimes qui méritent la mort, le vilain sera pendu
et le noble décapité » Antoine Loysel, Institutes coustumieres, 1607
Je vous invite à consulter sur le site du Musée d’histoire de la justice, des crimes et des peines, le diaporama commenté qui détaille les
différentes formes d’exécutions publiques sous l’ancien régime.
Cliquez sur l'image ci-dessous :
Vous pouvez également lire les articles suivants :
Limitation de la peine de mort.
En complément de l’intervention de Monsieur Guillotin,
Monsieur Guillaume demande que la peine de mort ne puisse être appliquée que
pour les forfaits les plus atroces. Il explique que celle-ci fait diminuer
l’horreur pour le crime par la pitié qu'elle fait naître souvent en faveur du
coupable.
Nous reparlerons bien sûr de l’invention du docteur Guillotin,
destinée à abréger le supplice du condamné. Apprenez néanmoins que lors de la
première exécution par guillotine en place publique, la foule poussera des
huées de mécontentement en raison de la brièveté du « spectacle ».
Monsieur Guillaume avait donc bon cœur en gratifiant d’un
sentiment de pitié les spectateurs des exécutions. Mais ce sentiment n’était
pas le plus unanimement partagé.
Contenir la violence.
Nous avons tous connaissance de l’usage abusif qui sera fait
de la guillotine durant la Révolution. Mais il faut savoir que le peuple "assoiffé
de vengeance" (je n’aime pas cette expression), demandait toujours plus
de têtes. Ce sera même la raison pour laquelle, Danton dira en mars 1793 :
« Soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être » et qu’à son
instigation la Convention créera un Tribunal criminel extraordinaire, plus tard
appelé Tribunal révolutionnaire. Nous en reparlerons en temps voulu…
D’où venait cette violence du peuple ? Cela fait l’objet d’un article plus complet : "A propos de la violence de la tempête révolutionnaire". Mais en attendant je vous laisse réfléchir à
cette explication donnée par Babeuf dans un courrier adressé à son épouse,
après qu’il ait assisté dans la journée du 22 juillet 1789, au massacre de l’intendant
général Foullon :
« Les supplices de tout genre, l’écartèlement, la torture, la
roue, les bûchers, les gibets, les bourreaux multipliés partout nous ont fait
de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus
barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce
qu’ils ont semé. »
Concernant la violence révolutionnaire, je vous conseille de
lire absolument cet article de l’historien Jean-Clément Martin : Révolution française et « violence totale
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Le supplice de la roue, notamment imposé par François 1er, pour "donner crainte et terreur" au peuple...
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Voici les retranscriptions des interventions de Messieurs Guillotin
et Guillaume.
M. Guillotin, membre de l'Assemblée, a proposé d'ajouter
aux articles décrétés les six articles qui suivent relatifs aux suppliciés (1) :
Art. 29. Les mêmes délits seront punis par le même genre de
supplice, quels que soient le rang et l'état du coupable.
Art. 30. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de
mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du
délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée.
Art. 31. Le crime étant personnel, le supplice d'un coupable
n'imprimera aucune flétrissure à sa famille. L'honneur de ceux qui lui
appartiennent ne sera nullement entaché, jet tous continueront d'être également
admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et dignités.
Art. 32. Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice
d'un de ses proches, sera puni de .....
Art. 33. La confiscation des biens des condamnés ne pourra
jamais avoir lieu, ni être prononcée en aucun cas.
Art. 34. Le corps d'un homme supplicié sera délivré à sa
famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture
ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5151_t1_0393_0000_5
M. Guillaume propose l'addition suivante, à la motion de M.
Guillotin (2).
Messieurs, rendre les hommes égaux devant la loi, comme ils
le sont aux yeux de l'Etre suprême ; effacer de notre code pénal des supplices
stérilement barbares ; détruire le malheureux préjugé qui jusqu'à présent avait
frappé de déshonneur et d'infamie une famille entière, pour une faute commise
par un de ses membres, sur lequel la loi ne lui avait cependant donné aucune
autorité : tels sont les différents objets de la motion de M. Guillotin, motion
également conforme à la religion, à la philosophie et aux mœurs de la nation.
Mais il est des abus non moins révoltants, et dont
l'humanité sollicite également la réforme.
La peine de mort, prononcée trop indistinctement, diminue
l'horreur pour le crime, par la pitié qu'elle fait naître souvent en faveur du
coupable. Je vous proposerai donc de réserver le dernier supplice pour les
forfaits les plus atroces.
Mais, quand il est une circonstance où cette peine doit être
prononcée sur de simples soupçons, il suffit sans doute de vous indiquer la loi
barbare qui l'ordonne ainsi, pour en obtenir aussitôt l'abrogation.
Que dirai-je maintenant de diverses peines encore eu usage
parmi nous ; par exemple, du fouet, devenu depuis si longtemps dérisoire ; de
la flétrissure, qui marque à jamais du sceau de l'infamie celui qui n'est
souvent séquestré qu'à temps de la société ; du bannissement, qui, laissant à
celui contre lequel on le prononce, une liberté dont il ne peut plus faire
qu'un mauvais usage, est moins une peine pour lui que pour la province où il voudra se retirer ; enfin des
procès faits à des coupables qui ne sont plus, et dont on flétrit plutôt les
parents que la mémoire ?
Mais, Messieurs, vous réformerez en vain ces abus, si vous
laissez subsister le tribunal Sanguinaire de la maréchaussée ; et les
expressions manquent à quiconque en connaît le régime, pour peindre l'horreur
qu'inspire, je ne dirai pas cette juridiction, mais cette boucherie judiciaire.
IL est enfin, Messieurs, dans cette partie, des
améliorations de détail qu'il suffira d'exposer à celte Assemblée pour lui en
faire sentir l'importance.
C'est d'après ces considérations que je crois devoir vous
proposer de décréter ce qui suit :
Article 1er. La peine de mort ne sera prononcée que contre
les assassins, les empoisonneurs et les incendiaires. Les galères à perpétuité
seront substituées au dernier supplice, dans tous les autres cas où il avait
lieu-
Art. 2. L'édit de Henri II, concernant les filles et veuves
enceintes, est et demeure abrogé ; en conséquence, il n'y aura lieu à la peine
portée par cette loi, qu'autant qu'abstraction faite du défaut de déclaration
de grossesse, il y aura preuve suffisante que lesdites filles ou veuves auront
détruit leur fruit.
Art. 3. On ne condamnera plus au fouet, et nul ne sera
flétri d'un fer chaud, s'il n'est condamné aux galères perpétuelles.
Art. 4. La peine du bannissement sera remplacée par celle de
la réclusion du coupable dans une maison de force, où il sera employé à des
travaux, pendant la même durée de temps qu'il aurait dû, suivant les lois
anciennes, rester expatrié.
Art. 5. On ne fera plus de procès à la mémoire.
Art. 6. La juridiction des prévôts des maréchaux est
supprimée, et tous les détenus dans leurs prisons, et en vertu de leurs
décrets, seront par eux transférés, avec les charges et les pièces de
conviction, par devant les juges ordinaires, qui continueront l'instruction des
procès à la charge de l'appel.
Art. 1. Défenses sont faites au ministère public
d'interjeter appel des jugements d'absolution, et de ceux qui ne prononceront
aucune peine afflictive ou infamante, lorsque les condamnés y auront
acquiescé.
Art. 8.Tous jugements d'absolution seront rendus publics par
la voie de l'impression et de l'affiche, aux frais de l'Etat, et l'accusé
obtiendra en outre des indemnités proportionnées aux dommages qu'il aura
soufferts, contre son dénonciateur, et subsidiairement sur les fonds publics
qui seront à ce destinés.
Art. 9. Hors les cas d'émeute populaire et de sédition, il
sera sursis à l'exécution de tout jugement portant peine de mort, pendant trois
mois, à compter de la notification qui en sera faite au conseil de l'accusé, et
la révision du procès se fera de droit huit jours avant l'exécution.
Art. 10. Aucun jugement de mort, hors les cas d'exception
mentionnés en l'article précédent, ne sera exécuté qu'il n'ait été signé par le
Roi.
Art. 11. Le Roi pourra faire grâce, excepté lorsqu'il
s'agira de crimes de lèse-nation, ou de lèse-majesté, au premier chef, de haute
trahison, de péculat ou de concussion ; il pourra aussi dans tous les autres
cas commuer les peines ; le tout néanmoins, seulement après le jugement en dernier
ressort de l'accusé.
Art. 12. Les articles ci-dessus seront incessamment
présentés à la sanction du Roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les
ordres nécessaires pour leur exécution.
(1) La motion de M. Guillotin n'est pas au Moniteur.
(2) La motion de M. Guillaume n'a pas été insérée au
Moniteur.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5151_t1_0393_0000_6
Décret du 9 Octobre 1789 sur la réforme de la procédure criminelle
A l'issue de la journée de débat, sera publié ce décret qui date en quelque sorte la naissance de la justice moderne et la mort de la justice arbitraire et brutale de l'ancien régime.
En voici le texte :
Plusieurs membres ont demandé qu'il fût donné lecture des 28
articles décrétés sur la procédure criminelle.
Cette lecture a été faite ainsi qu'il suit :
DÉCRET DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
sur la réformation de quelques points de la jurisprudence
criminelle.
L'Assemblée nationale, considérant qu'un des principaux
droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu'il est soumis
à l'épreuve d'une accusation criminelle, de toute l'étendue de liberté et de
sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l'intérêt de la société qui
commande la punition des délits ; que l'esprit et les formes de la procédure
pratiquée jusqu'à présent en matière criminelle, s'éloignent tellement de ce
premier principe de l'équité naturelle et de l'association politique, qu'ils
nécessitent une réforme entière de l'ordre judiciaire pour la recherche et le
jugement des crimes ; que si l'exécution de cette réforme entière exige la
lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il est cependant
possible de faire jouir dès à présent la nation de l'avantage de plusieurs
dispositions, qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi,
rassureront l'innocence, et faciliteront la justification des accusés, en même
temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion
publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent :
Article 1 er. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs
tribunaux judiciaires établis, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de
municipalité, la communauté d'habitants nommera un nombre suffisant de notables,
eu égard à l'étendue du ressort, parmi lesquels seront pris les adjoints qui
assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi qu'il va être dit
ci-après.
Art. 2. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de
bonnes mœurs et de probité reconnue. Ils devront être âgés de vingt-cinq ans au
moins, et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans. Ils
prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, ou du
syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et
surtout de garder un secret inviolable sur le contenu en la plainte, et aux
autres actes de la procédure. La liste de leurs noms, qualités et demeures sera
déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux, par le greffier de la
municipalité ou de la communauté.
Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge
qu'en présence de deux adjoints amenés par le plaignant, et par lui pris à son
choix. Il sera fait mention de leur préférence et de leurs noms dans l'ordonnance
qui sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de
nullité.
Art. 4. Les procureurs généraux, et les procureurs du Roi ou
fiscaux qui accuseront d'office, seront tenus de déclarer, par acte séparé de
la plainte, s'ils ont un dénonciateur ou non, à peine de nullité ; et s'ils ont
un dénonciateur, ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa
demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information, avant
qu'elle soit commencée.
Art. 5. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées
ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes,
hardes et effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, seront dressés
en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l'ordre du tableau
mentionné en l'article 2 ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations
dont sera fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de
nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du
chef-lieu de la juridiction, les notables nommés dans le chef-lieu pourront
être suppléés dans la fonction d'adjoints aux procès-verbaux, par les membres
de la municipalité ou de la communauté du lieu du délit, pris, en pareil
nombre, par le juge d'instruction.
Art. 6. L'information qui précédera le décret continuera
d'être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront
également appelés par le juge, et qui assisteront à l'audition des témoins.
Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme et conscience
de faire au juge les observations, tant à charge qu'à décharge, qu'ils
trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou
l'éclaircissement des faits déposés ; et il en sera fait mention dans le
procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le
procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les deux adjoints,
ainsi que par le juge, à l'instant même et sans désemparer, à peine de nullité
; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.
Art. 8. Dans le cas d'une information urgent| et provisoire
qui se ferait sur le lieu même pour flagrant délit, les adjoints pourront, en
cas de nécessité, être remplacés par deux principaux habitants, qui ne seront
pas dans le cas d'être entendus comme témoins, et qui prêteront, sur-le-champ,
serment devant le juge d'instruction.
Art. 9. Les décrets d'ajournement personnel ou de prise de
corps ne pourront plus être prononcés que par trois juges au moins, ou par un
juge et deux gradués ; et les commissaires des cours supérieures qui seront
autorisés à décréter dans le cours de leur commission, rie pourront le faire
qu'en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués.
Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les
domiciliés, que dans le cas où, par la nature de l'accusation et des charges,
il en pourrait échoir peine corporelle. Pourront néanmoins les juges faire
arrêter, sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit, ou de rébellion à la
justice.
Art. 10. L'accusé décrété de prise de corps, pour quelque
crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec
lesquels il pourra conférer librement en tout état de cause ; et l'entrée de la
prison sera toujours permise auxdits conseils : dans le cas où l'accusé ne
pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d'office, à peine
de nullité.
Art. 11. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou
se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement
personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirement avec
lui, publiquement, et les portes de la chambre d'instruction étant ouvertes :
dès ce moment l'assistance des adjoints cessera.
Art. 12. Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de
l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la
déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports,
et l'information ; il lui fera représenter aussi es effets déposés pour servir
â l'instruction ; il lui demandera s’il a choisi, ou s'il entend choisir un conseil,
ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office : en ce dernier cas, le juge
nommera le conseil ; et l'interrogatoire ne pourra être commencé que le jour
suivant. Pour cet interrogatoire et pour tous les autres, le serment ne sera
plus exigé de l'accusé ; il ne le prêtera, pendant tout le cours de
l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les
témoins.
Art. 13. Il en sera usé de même à l'égard des accusés qui
comparaîtront volontairement sur un décret d'assigné pour être ouï, ou
d'ajournement personnel.
Art. 14. 4près l'interrogatoire, la copie de toutes les
pièces de la procédure, signée du greffier, sera délivrée sans frais à
l'accusé, sur papier libre, s'il la Requiert ; et son conseil aura le droit de
voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.
Art. 15. La continuation et les additions d'information, qui
auront lieu pendant la détention de l'accusé, depuis son décret, seront faites
publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant
le cours de sa déposition.
Art. 16. Après que la déposition sera achevée, l'accusé
pourra faire faire au témoin, par le juge, les observations et interpellations
qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication
de la déposition. La mention, tant des observations de l'accusé, que des
réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation ;
mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant,
ne le feront pas réputer faux témoin.
Art. 17, Les procès criminels ne pourront plus être réglés à
l'extraordinaire, que par trois juges au moins. Lorsqu'ils auront été ainsi
réglés, il sera publiquement et en présence de l'accusé, ou des accusés,
procédé par un seul et même acte, d'abord au récolement des témoins, et de
suite à leur confrontation. Il en sera usé de môme par rapport au récolement
des accusés, sur leur interrogatoire et à leur confrontation entre eux. Les
reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en tout état de
cause, tant après qu'avant la connaissance des charges, et l'accusé sera admis
à les prouver, si les juges les trouvent pertinents et admissibles.
Art. 18. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent
à tous les actes de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni
lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre, si ce n'est dans le cas d'une
nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquels il pourra faire ses
observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.
Art. 19. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de
cause, ses défenses et faits justificatifs ou d'atténuation ; et la preuve sera
reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents quoiqu'ils n'aient point été
articulés par l'accusé dans son interrogatoire, et autres actes de la
procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les
nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même
temps que ceux de l'accusateur, sur la continuation ou addition d'information.
Art. 20. Il sera
libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins à sa requête, soit de les indiquer
au ministère public pour qu'il les fasse assigner ; mais, dans l'un ou l'autre
cas, il sera tenu de commencer ses diligences ou de fournir l'indication de ses
témoins, dans les trois jours de la signification du jugement qui aura admis la
preuve.
Art. 21. Le rapport du procès sera fait par un des juges,
les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier
interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l'audience publique.
L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire,
après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier ; mais son conseil pourra
être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le
rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les
juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner
sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique, pour la
prononciation du jugement.
Art. 22. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante,
en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels
l'accusé sera condamné, sans qu'aucun juge puisse jamais employer la formule,
pour les cas résultants du procès.
Art. 23. Les personnes présentes aux actes publics de
l'instruction criminelle se tiendront dans le silence et le respect dû au
tribunal, et s'interdiront tout signe d'approbation et d'improbation, à peine
d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui
sera fixé par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, ou même
poursuivies extraordinairement , en cas de trouble ou d'indécence grave.
Art. 24. L'usage de la sellette au dernier interrogatoire,
et la question, dans tous les cas, sont abolis.
Art. 25. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante
ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort
ne pourra être prononcée par les juges, en dernier ressort, qu'aux quatre
cinquièmes.
Art. 26. Tout ce qui précède sera également observé dans les
procès poursuivis d'office et dans ceux qui seront instruits en première
instance dans les cours supérieures. La même publicité y aura lieu pour le
rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur
de l'accusé, et le jugement, dans les procès criminels qui y sont portés par
appel.
Art. 27. Dans les procès commencés, les procédures déjà
faites subsisteront ; mais il sera procédé au surplus de l'instruction et au
jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret à peine de nullité.
Art. 28. L'ordonnance de 1670, et les édits, déclarations et
règlements concernant la matière criminelle, continueront d'être observés en
tout ce qui n'est pas contraire au présent décret, jusqu'à ce qu'il en ait été
autrement ordonné.

Petit complément d'information :
J'ai trouvé sur la page d'un avocat un court document analysant cette réforme pénale importante, dans laquelle on assiste également à la naissance du droit de défense pénale. En voici le lien :
http://www.cercle-du-barreau.org/files/ABROGATION_DE_LORDONNANCE.pdf
Post Scriptum :
Pour qui sait penser contre le consensus académique et social, ou tout simplement contre ses propres a priori ; il est possible d'interpréter autrement les événements révolutionnaires. Il est en effet assez facile de découvrir une lutte permanente des principaux acteurs de la Révolution, contre la violence populaire. Les révolutionnaires en dentelles, ne répugnent bien évidemment pas à instrumentaliser celle-ci lorsque cela les arrange. Mais la plupart du temps, et cela depuis le début, avec la création de la Garde nationale, leur principale préoccupation est de la contenir, voire de la réprimer.
Je rappelle que la violence révolutionnaire n'est rien d'autre que celle de l'Ancien régime. Il faudra beaucoup de République, de pain, d'école et de justice sociale, pour que les citoyens en colère se contentent de brûler des pneus sur des ronds-points au lieu de pendre les banquiers à des réverbères.