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mercredi 22 juillet 2020

22 Juillet 1789, l’horrible assassinat de Foullon et Bertier

Encore une rumeur, encore une émeute...

    Le conseiller d’état Foullon, nommé le 12 Juillet par le roi, contrôleur général des finances à la place de Jacques Necker, ainsi que son gendre l’intendant Bertier, ont été pendus ce 22 Juillet 1789, à la lanterne de l’Hôtel de Ville.

    Selon certaines versions, Joseph François Foullon, dit Foulon de Doué, était chargé du ravitaillement des troupes stationnées autour de Paris, mais c'est probablement une confusion avec la fonction de son gendre. Selon d’autres versions, ce serait l’entourage du Duc d’Orléans qui aurait lancé cette rumeur à laquelle on a ajouté qu’il spéculait sur le prix des blés.

    La rumeur lui aurait aussi attribuait cette formule déjà mise dans la bouche du général de la Tour du Pin pendant la guerre des farines : « Si le peuple n’a pas de grain, qu’il mange du foin ». Les rumeurs font hélas également partie de l'histoire. Le plus intéressant étant de deviner d'où elles viennent.

    Se sentant en danger à Paris, Joseph François Foullon s’était installé la veille chez l'ancien secrétaire d'État de la Marine Gabriel de Sartine, à Viry-Châtillon. C’est là qu’il a été arrêté par des paysans et des domestiques.

Louis Bénigne François Bertier de Sauvigny
    Louis Bénigne François Bertier de Sauvigny, son gendre, était l’intendant chargé d’assurer l’approvisionnement de l’armée assiégeant Paris. Qui s’étonnera qu’il ne fût pas impopulaire auprès des Parisiens manquant de pain ? 

    Cela ne justifiait bien sûr absolument pas, l'horreur de sa mise à mort. 

    Le malheureux fut enlevé par des émeutiers à Compiègne et conduit à Paris, où il fut pendu et démembré (!) en compagnie de son beau-père Foullon de Doué.

    On remarquera que les gravures ci-dessous mentionnent la date du 23 juillet pour cet horrible événement, alors que l'histoire a retenu celle du 22.


    Foullon et Bertier, dont le supplice fut effectivement injuste et cruel, sont devenus pour les nostalgiques de l’ancien régime, les premiers martyrs de cette révolution qu’ils détestent tant. Peu leur importe, semble-t-il, la souffrance des enfants mourant de faim, seule compte à leurs yeux, celle des personnages portant dentelles. Passons. A chacun ses pauvres, comme on disait autrefois.



Point de vue d'un historien révisionniste
(On reconnait un révisionniste à sa façon de voir des Francs-maçon et des Juifs partout)

    L'étonnant paléographe dont nous parlions le 20 à propos de l’affaire Thomassin, nous rend compte, vous vous en doutez, d’une version incriminant bien sûr le sinistre Duc D’Orléans, ce Prince du sang ayant pris parti pour la révolution. Celle-ci ne lui sera d’ailleurs guère reconnaissante, puisqu’il sera guillotiné le 6 novembre 1793. (Son fils deviendra le futur roi Louis-Philippe).

    Selon ce pourfendeur de francs-maçons, ce sont bien les chefs du parti d’Orléans qui ont signalé à la haine du peuple, le conseiller d’état Foullon, présenté comme un honorable vieillard, administrateur consciencieux et de grande qualité. « Le matin de ce 22 Juillet », nous raconte-t-il, « des bandits conduits par Grappe se saisissent de Foullon à Viry, l’emmènent derechef à Paris avec du foin et des chardons dans la bouche. Après un simulacre de procès par la commune, interrompu par des personnes réclamant la mort d’un homme « qu’il est inutile de juger, vu qu’il est jugé depuis trente ans », le malheureux est pendu devant l’hôtel de Ville en présence de gardes nationaux, puis décapité par le peuple, c’est-à-dire par Nicolas Coupe Tête, sinistre sbire recruté par le Duc d’Orléans. La Fayette siège parmi les juges. … »

L'affreux Jordan, dit "coupe tête" sur une gouache de Lesueur.

Analyse

    Nicolas Coupe-Tête, c’est probablement le cabaretier parisien Mathieu Jouve Jourdan, dit Jourdan Coupe-Tête (et pas "Nicolas" cher paléographe). Il a déjà été soupçonné d’avoir tué et décapité le gouverneur De Launay, lors de la prise de la Bastille.

    Quant à La Fayette, lui qui le 17 juillet 1791 fera tirer sur les membres des sections des clubs des Cordeliers et des Jacobins venus déposer une pétition demandant la déchéance du roi (50 morts), il aurait assisté à ce massacre sans faire intervenir sa chère garde nationale ? Etonnant, non ?

    Concernant Lafayette, lire cet article qui lui rend son honneur concernant cet événement tragique : Suite du 22 Juillet 1789 : Rendons son honneur à Lafayette.

Lafayette

    Ce qui est intéressant dans la version évoquée ci-dessus, c’est que le peuple, n’en déplaise aux tenants du parti de la noblesse, est d’une certaine façon, disculpé, puisque de toute évidence il a été manipulé et que ce n’est même pas lui qui a décapité le malheureux Foullon, mais un sinistre sbire du "Duc maléfique".

    Nous assistons en fait à une lutte entre différents courants issus de la noblesse, un règlement de compte entre gens du même monde, qui se servent du peuple comme de pions sur l’échiquier de leur jeu de conquête du pouvoir. Cela n’empêche pas les descendants de ces gens et leurs affidés, de toujours accuser le peuple. Mais de quoi l’accusent-ils en fait, de sa violence ou du fait qu’il soit si aisément manipulable ? De sa violence bien sûr !

    Qu’importe si celle-ci a été organisée dans le salon d’un Prince du sang, le bureau d’un banquier, une loge maçonnique, un cabaret de Paris, voire à la cour du roi !

    Il y aurait donc complot, me direz-vous ? Peut-être, mais pas seulement. N’oublions pas que la théorie du complot, quelle que soit l’époque, séduit toujours beaucoup de gens, parce qu’elle explique tout par le filtre unique et simpliste de son interprétation. Tout expliquer par le complot, c’est vouloir faire passer le torrent de la Révolution par le petit robinet d’une interprétation bien commode, bien commode parce qu’elle évite de trop réfléchir.

La lucidité d'un témoin

François Noël Babeuf

    
Babeuf, qui assista au supplice de Foullon et Bertier, le cœur serré, fit cette réflexion dans une lettre à sa femme : "Les supplices de tout genre, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, les gibets, les bourreaux multipliés partout nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé."



    Au même moment, dans toute la France, l’agitation est à son comble ; on continue de brûler et piller un grand nombre de châteaux.


Merci pour votre attention, Citoyennes et Citoyens, et à bientôt.


La grande peur de juillet 1789


N'oubliez pas de lire la suite de cet article : Suite du 22 Juillet 1789 : Rendons son honneur à Lafayette.


 


mardi 21 juillet 2020

21 Juillet 1789 : Début des émeutes à Strasbourg.

     Souvenez-vous du témoignage d'Arthur Young, lors de son arrivée le 20 juillet à Strasbourg. Lisez-le si vous l'avez manqué : "20 Juillet 1789 : Arthur Young explique ce que la Révolution va devenir".

    Ce 21 juillet, l'Hôtel de ville est mis à sac. La destruction de cet établissement public sera mal comprise du fait de sa faible importance. Il constituera en quelque sorte la "Bastille" de ces révoltés. Une fois de plus, les émeutiers évoqueront leur colère contre les voleurs et les brigands, un argument qui reviendra sans cesse à l'occasion de toutes les émeutes durant la Grande Peur qui se répandra en France. 

    Fait étonnant, les autorités civiles et militaires n'interviendront pas, ou alors quand tout sera terminé, juste pour disperser les pilleurs. Il y a selon mois, trop de ces faits étonnants dans nombre de récits d'événements...

(A noter que certains documents donnent la date du 20 juillet, ce qui est peu probable car Arthur Young en aurait alors fait mention.)

Les émeutes se termineront le 23 juillet 1789.

    Ci-dessous, gravure du pillage de l’hôtel de ville de Strasbourg par les révolutionnaires en 1789. Des documents, du mobilier (tels un miroir strasbourgeois ou un portrait) et des tuiles furent jetés au sol. Un texte en français et en allemand résume cette scène dans la partie inférieure. Cette estampe fut gravée, imprimée et vendue par Devere à Strasbourg.

Source : Gallica BNF

Variante gravée par Hans Johann.
On remarque bien la garde à cheval, sagement rangée, inactive...

Ci-dessous, deux variantes dont une en couleur d'une gravure de Jean-François Janinet

 


 



lundi 20 juillet 2020

20 Juillet 1789 : Depuis Strasbourg, Arthur Young explique ce que la Révolution va devenir.

 Article rédigé le 9 août 2023

La ville de Strasbourg en 1720

    Je l’ai déjà écrit ailleurs. Il faut lire le récit des voyages en France d’Arthur Young. Je cite régulièrement des passages de ses écrits dans cette chronologie de l’année 1789.

    Ce passage est passionnant. Arthur Young arrive le 20 juillet 1789 à Strasbourg au moment où la nouvelle de la révolte parisienne agite la ville. Ses suppositions, de ce qui selon lui risque d’arriver, sont d’une lucidité étonnante.

Lisez plutôt :

(J’ai actualisé l’orthographe pour faciliter le travail des outils de traduction automatique et aérer le paragraphe de quelques sauts de lignes).

    "Le 20 (juillet). Je m’avance vers Strasbourg à travers une des plus belles scènes d’agriculture qu’il y ait en France, qui ne peut être rivalisée que par la Flandre, qui cependant la surpasse. J’y arrivai dans un moment critique, qui pensa me faire rompre le cou : un détachement de cavalerie avec ses trompettes d’un côté, un corps d’infanterie avec ses tambours de l’autre, et une grande populace faisant retentir l’air de ses cris, épouvantèrent tellement mon cheval, que j’eus de la peine à l’empêcher de passer sur les corps de ces Messieurs du tiers-état. 

    En arrivant à l’auberge, j’appris la nouvelle intéressante de la révolte de Paris : - que les gardes-françaises s’étaient jointes au peuple ; que l’on ne pouvait pas compter sur le reste des troupes ; que la Bastille était prise ; que l’on avait formé une milice bourgeoise ; en un mot, que l’ancien gouvernement était absolument culbuté. Tout étant ainsi décidé, et le royaume se trouvant entre les mains de l’assemblée, elle a le pouvoir de faire une nouvelle constitution, telle qu’elle le jugera à propos ; et ce sera un grand spectacle pour le monde entier, de voir, dans ce siècle de lumières, les représentants de vingt-cinq millions d’hommes travailler à la constitution d’une nouvelle fabrique de liberté meilleure qu’aucune de celles que l’Europe ait encore offerte. 

    On verra maintenant s’ils copieront la constitution anglaise en élaguant ses défauts, ou s’ils s’en rapporteront à la théorie, pour former simplement quelque chose de spéculatif. Dans le premier cas, ils feront le bonheur de leur pays ; dans le second, ils l’entraineront dans des désordres et dans les guerres civiles interminables, peut-être pas au moment actuel, mais sûrement à quelqu’époque future. 

    Je n’ai pas encore appris qu’ils aient quitté Versailles ; s’ils y restent sous la domination d’une populace armée, il faudra qu’ils fassent un gouvernement agréable à la populace ; mais ils auront, je crois, assez de sagesse pour se retirer dans quelque ville centrale, telle que Tours, Blois, ou Orléans, où ils pourront délibérer librement. 

    Mais l’esprit de révolte parisien se répand avec rapidité ; il est déjà parvenu jusqu’ici ; les troupes qui m’ont presque fait casser le cou, sont chargée de surveiller le peuple qui menace d’une insurrection ; il a cassé les fenêtres de quelques magistrats peu populaires, et il y a dans ce moment une populace assemblée qui demande à hauts cris, qu’on mette la viande à 5 sols la livre : elle a un cri de ralliement qui la conduira loin, c’est points d’impôts et vive les États."

Source, page 438 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102002g/f457.item

Vous pouvez bien sûr consulter le livre en son entier par la fenêtre ci-dessous :

Que se passa-t-il ensuite ?

    Dès le lendemain 21 juillet, des émeutes éclateront dans la ville jusqu'au 23. L'Hôtel de ville sera mis à sac le 21 juillet. Malgré sa faible importance symbolique, il constituera en quelque sorte la Bastille de ces révoltés. Une fois de plus, les émeutiers évoqueront leur colère contre les voleurs et les brigands, un argument qui reviendra sans cesse à l'occasion de toutes les émeutes lors de la Grande Peur. 

    Chose étonnante les autorités civiles et militaires n'interviendront pas, ou alors seulement quand tout sera terminé, juste pour disperser les pilleurs.

    Les illustrations de ces journées se trouvent dans l'article suivant : "21 Juillet 1789 : Début des émeutes à Strasbourg"

L'Hôtel de Ville de Strasbourg lors de la visite de Louis XV le 5 octobre 1744.
Gravure de J.M. Weiss.



20 Juillet 1789 : La Grande Peur et la naissance de la mère des théories du complot ! (Rien que ça)

 


    Revenons sur le tragique événement de la journée du 19 juillet qui s’est déroulé à Poissy. Dans mon article j’ai évoqué ces mystérieux agents qui avaient pour tâche de diffuser des rumeurs destinées à enflammer le peuple ou le terrifier. Si vous ne l’avez pas fait misez mon article « Des députés à genoux devant une foule furieuse. Encore une émeute ! »

    J’ai voulu en savoir plus sur cet événement et j’ai découvert sur « books.google » le scan d’un ouvrage donnant une version de ce qui serait "vraiment" arrivé. Publié en 1789 par un certain Hubert La Marle, Linguiste et paléographe, cet ouvrage s’intitule : "Philippe Égalité, Grand Maître dela Révolution, le rôle politique du premier Sérénissime Frère du Grand Orient de France". L’auteur a également écrit un "Dictionnaire des Chouans de la Mayenne" en collaboration avec l’Association du souvenir de la chouannerie mayennaise (Cette précision à seule fin de savoir « d’où parle » l’auteur)

Alors là, chers amis, je suis tombé sur du lourd ! (Passez-moi l'expression)

    Ce paléographe, spécialiste des écritures anciennes, est un vrai défenseur de l’ancien régime. Peu importe, c’est son droit. Le plus intéressant, c’est qu’il présente toute la Révolution française, suivant l’interprétation complotiste célébrissime, qui a fait tant de mal (et de morts) depuis plus de 200 ans, celle du complot Franc-Maçon !

    Nous reviendrons ultérieurement sur cette thèse délirante inventée par l’abbé jésuite Augustin Barruel, dans son essai politique contre-révolutionnaire et anti-Lumières en cinq tomes, publié en Allemagne de 1797 à 1799. Cet ouvrage auquel se mêlent les explications surnaturelles et les diatribes contre les philosophes des Lumières ou Joseph II (le frère réformateur de Marie Antoinette), a servi de bible à tous les nostalgiques de l’ancien régime qui ne pouvaient expliquer que par le complot, une Révolution à laquelle ils n’avaient rien compris.

    Il aurait pu tomber dans les oubliettes de l’histoire, mais hélas, il servira de ferment à de nombreux autres délires complotistes qui hélas sévissent toujours de nos jours. Qui n’a jamais vu passer un jour un article sur le complot judéo-maçonnique ? Car oui, bien sûr, mille fois hélas, aux Francs-Maçons, les délirants ont ajoutés les malheureux Juifs et chacun sait jusqu’où ce délire est allé...

Sincérité n'est pas vérité.

    Revenons à notre paléographe, dont je ne mets d’ailleurs aucunement en doute la sincérité ni l’honnêteté (nous sommes tous déterminés par les milieux d’où nous venons) et penchons-nous sur son ouvrage à propos du Duc d’Orléans, puisqu’il s’agit bien de lui (Philippe égalité).

    Selon cet auteur, c’est le Duc d’Orléans qui fut à l’origine de tous les événements révolutionnaires, les émeutes durant les jours précédents le 14 juillet, la prise de la Bastille et même la grande Peur dont j’ai commencé à vous parler dans une publication précédente.     Rien que ça ! « Selon les désirs de leur maitre (le Duc d’Orléans), les plus hardis révolutionnaires envoient hors de Paris des bandes qu’ils ont armées pour répandre le désordre et soulever la population contre le roi »… « La Grande Peur est lancée, à l’initiative du Prince et de sa chancellerie. ».

    Qui ne lirait que le livre de Hubert La Marle, pourrait souscrire à cette explication, fort bien écrite et très documentée.

    C’est une explication très satisfaisante pour qui ignore tout ou presque de l’état de la France en 1789.

    C’est une explication très réconfortante pour qui défend la vision d’un ancien régime idyllique peuplé de bergers et de bergères dansant dans les près avec de bienveillants aristocrates, comme sur les toiles de Jouy ; un royaume de conte de fées que seraient venu briser les philosophes des Lumières.

L'Ancien régime, façon toile de Jouy.

    Ce n’est pas une explication satisfaisante pour qui a lu la description de l’abominable misère du peuple par D’Argenson en 1750, ou par l’anglais voyageur Arthur Young dans le récit de ses voyages en France peu avant et pendant la Révolution.

La misère dessinée par Jean-Baptiste Greuze.

De tout cela nous reparlerons.

    Je vous propose ci-dessous les quelques pages extraites de l’ouvrage de ce brave Hubert. Mais le mieux et de cliquer sur ce lien pour les découvrir : https://bit.ly/32Fxmw2

Vous pouvez même l’acheter facilement sur le WEB !

Cliquez sur les images pour les agrandir.

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Post Scriptum :

Je n'ai pas dit que le Duc d'Orléans était un saint, loin de là ! Nous le verrons. Mais la réalité est toujours bien plus compliquée. Savez-vous d'ailleurs que Louis XVI était lui aussi franc-maçon ? Nous en reparlerons 😉

    



dimanche 19 juillet 2020

19 Juillet 1789 : Terrifiante explosion au Chateau de Quincey, début de la Grande Peur.

Château de Quincey

    Le soir du 19 juillet 1789, une centaine de villageois et de soldats se rendent au château de Quincey, propriété du seigneur Jean Antoine Marie de Mosnay (ou de Mesmay), conseiller au parlement de Besançon. Ce généreux seigneurs les a invités pour fêter la prise de la Bastille. Vers 23 heures, une explosion occasionnée par des poudres entreposées au château détruit une partie de la terrasse de celui-ci et entraine la mort de quatre personnes.

    La population croit qu’une machine infernale a été placée par le seigneur des lieux afin de se venger du Tiers État. Elle incendie le château en représailles. Certains documents nous disent que le château a été réduit en cendres. Pourtant, une description de celui-ci en 1794 le représente en bon état et il en est toujours de même aujourd'hui ; vous pouvez même y passer une nuit puisque c'est devenu un hôtel !

    Néanmoins, l’épisode est rapporté dans le journal « Suite des Nouvelles de Versailles », un quotidien fondé par Claude François Beaulieu et l’Assemblée nationale s’en trouve alarmée. Il connaît donc un retentissement national.

« une explosion affreuse se fait aussitôt sentir ; tout dans Quincey n’offre que l’image de la mort, de l’effroi… Des cadavres amoncelés, des membres épars, des débris d’édifices ébranlés… tels est l’horrible spectacle que présente ce village. Le bruit de cette abomination se répand bientôt dans Vesoul et dans les campagnes. Tous les habitants des villages voisins conçoivent le projet de dévaster toute la province et de détruire tous les châteaux. L’endroit où la dévastation a été plus remarquable est le village de Saulx. Les maisons ont été renversées, les effets pillés, les moissons foulées au pied. »

    Finalement, après une enquête minutieuse, il s’avèrera que cette explosion fut due à un acte de malveillance et que Monsieur De Mesmay n’était en rien responsable. Il faudra pourtant attendre le 30 mai 1791 pour que le tribunal de Vesoul conclut à son innocence. (Tout le monde semble donc trouver normal qu'une si grande quantité de poudre se fut trouvée là...)

Une affaire pas si claire que cela.

    On pourrait s'arrêter à cette première relation de cette affaire et la plupart des sites le font. Mais l'envie m'a pris d'en savoir plus et c'est ainsi que j'ai découvert ce second article en date du 29 juillet, à propos de l'incendie du château de Quincey.

Lisez plutôt :

On a lu différentes adresses de félicitation de plusieurs provinces à l’assemblée nationale. La seule vraiment intéressante est celle de madame la princesse de Baufremont, qui réclame la protection de l’assemblée nationale, pour la faire renter en possession des titres que sa maison conservait depuis Philippe IV, titres qui ont été livrés aux flammes par une foule de brigands, qui ont exercé les plus grands ravage de son château en Franche-Comté.

Un membre du parlement de Franche-Comté a demandé la lecture du procès-verbal, dressé par des commissaires nommés à cet effet, & qui se sont transportés au château de Quincé, pour prendre des renseignements locaux, afin de punir les coupables des désordres. Il a fait d’ailleurs l’éloge de la compagnie.

Alors un membre des communes de la même province, s’est élevé pour démontrer que la conduite du parlement de Franche-Comté n’était pas aussi pure, aussi irréprochable qu’un de ses membres avait osé l’avancer.

Il aurait dû abandonner, a-t-il dit, les sentiments aristocratiques qu’il a manifesté dans un certain arrêté du 26 juillet 1789.

Dans cet arrêté on remarque en effet, avec surprise, que le parlement y déclare que l’on ne devra délibérer, aux états généraux, que par ordre & non par tête ; que chacun de leurs députés se retirera dans la chambre, pour y délibérer.

C’était, à l’exemple du parlement de Paris, invoquer la forme de convocation de 1614 : c’est-à-dire cette forme vicieuse & détestable qui enlevait aux communes toutes l’influence qu’ils devaient avoir, puisque les deux ordres du clergé & de la noblesse auraient toujours opposé un fatal veto.

D’après l’esprit de l’arrêté que nous venons d’analyser, l’on ne doit pas être surpris des désordres sans doute condamnables auxquels s’est livré un peuple justement irrité des prétentions d’un corps qui feignait de les représenter.

Ces observations, faites par M. de Puisy, furent appuyées par M. de Touranjon, membre de la noblesse, qui, après avoir développé avec la plus vive énergie, le système des douze parlements du royaume, & les horreurs commises par le conseiller dont nous avons rendu compte, conclut à la suppression totale du parlement de Franche-Comté.

Source : "Suite des nouvelles de Versailles", numéro du 29 juillet 1789.

    A la lecture ce texte, vous aurez compris que le peuple avait quelques raisons d'être "justement irrité des prétentions d'un corps qui feignait de les représenter"...

La Grande Peur de Juillet 1789.

La Grande Peur.

    Après la prise de la Bastille, une rumeur s'était répandu, affirmant que des bandes de brigands à la solde des privilégiés allaient dévaster les granges et couper les blés. Nombre de paysans s’armèrent alors et se livrèrent à une véritable jacquerie.  On appela cela "La Grande Peur". Des châteaux furent attaqués et brûlés, des nobles assassinés. Le mouvement toucha particulièrement la Franche-Comté où près de 350 château furent incendiés ou pillés. La plupart des nobles de cette région s'enfuirent en Savoie. La Grande peur se répandit également dans la vallée du Rhône, la Provence et les régions des Alpes. Je vais l'évoquer encore dans de prochains articles.

Question.

    Le point de départ de cette Grande Peur fut fort probablement cette "destruction" du château de Quincey dans la nuit du 19 juillet 1789. Aurait-elle eu lieu si la presse n'en n'avait pas parlé ?

Source concernant la Révolution en Franche-Comté (Document PDF) :
https://archives.doubs.fr/document/la-revolution-dans-les-archives-comtoises






19 Juillet 1789 : Des députés à genoux devant une foule furieuse. Encore une émeute !

 

Encore une émeute !

    Rappelons ces deux chiffres : 900 émeutes frumentaires recensées depuis 1786, 300 depuis le début de l’année 1789 (décompte réalisé par l’historien Taine).

    Les émeutes frumentaires sont des émeutes de la faim suscitée par le manque de grains ou par la peur du manque. Dans beaucoup de régions, le pain manque vraiment, la faim est réelle et quand il y a du pain, il est très cher. A Paris et dans la Région parisienne, un pain permettant de nourrir une famille pour une journée coûte 14 sous, alors que le salaire journalier d’un ouvrier est de 15 sous. Je reparlerai dans d’autres articles de ce problème crucial.

    Dans les rapports des séances journalières de l’Assemblée nationale, j’ai trouvé l’évocation de cette émeute frumentaire survenue à Poissy. Un meunier soupçonné d’avoir accaparé des grains a été pris à part par la foule et a été horriblement décapité. Des rumeurs courent les rues concernant les accapareurs ; c’est-à-dire ceux qui cachent du blé dans l’objectif de le revendre quand le manque aura fait augmenté les prix.

    Il y a effectivement des accapareurs et j’aurais l’occasion de vous en parler. Mais il y a aussi des gens qui font courir des bruits relatifs à leur existence. Ces gens sont payés pour cela, et ce faisant, ils servent de sombres causes politiques. Le ministre de l’intérieur expliquera un jour à Axel de Fersen que Mirabeau s’était vanté d’obtenir une bonne émeute pour 25 Louis ! Je pense que vous aurez compris en lisant ma relation de la journée du 14 juillet que trop de faits étonnants prouvent qu’elle fut quelque peu préparée. Bien souvent hélas, les historiens s’en tiennent à l’événement et se contentent la plupart du temps de condamner le peuple, ou plutôt la populace, et sa violente animalité.

    Nous verrons bientôt apparaître à côté de cette violence causé par la faim et la peur de celle-ci, une nouvelle violence suscitée par la peur et la colère ; il s’agira de ce que les historiens ont appelé « La Grande Peur ». Un peu partout en France, des château vont être incendiés ou pillés ; d’autres Bastilles…

    Cette émeute de Poissy, qui s’est étendue jusqu’à Saint Germain en Laye, a ceci de particulier que des députés de l’Assemblée Nationale interpelés par le Maire de Poissy ont été amenés à intervenir. Parmi eux figure l’évêque de Chartres, Monsieur de Lubersac, qui va faire preuve d’un réel courage physique pour sauver un innocent. Je vous laisse lire.

Jean-Baptiste-Joseph de Lubersac

Rapport du maire de Poissy sur les troubles dans les villes de Poissy et Saint-Germain, lors de la séance du 17 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4688_t2_0247_0000_3

Avant la fin de la séance, le maire de Poissy se présente à l'Assemblée, et demande à être entendu. Il rend compte de plusieurs crimes qui ont été commis à main armée par une troupe de brigands dans les villes de Poissy et de Saint-Germain, et supplie l'Assemblée de s'occuper de réprimer ces désordres.

Un membre de l’Assemblée observe que cet objet n'est pas de la compétence du pouvoir législatif ; qu'il y a un pouvoir exécutif et les tribunaux judiciaires chargés de maintenir le repos et la tranquillité publics.

Discussion suite au rapport du maire de Poissy sur les troubles dans les villes de Poissy et Saint-Germain, lors de la séance du 18 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4690_t2_0247_0000_8

On revient sur le rapport, fait dans la séance d'hier, des troubles de la ville de Poissy.

Un membre annonce qu'une populace indisciplinée s'est emparée du corps de garde et de la caserne des Invalides. Un meunier, nommé Sauvage, a été arrêté et conduit à la halle pour y être pendu. Il était accusé d'avoir accaparé des grains ; vainement plusieurs personnes ont tenté de le justifier : on les a menacées de les écarteler si elles entreprenaient sa défense. Ainsi Sauvage, innocent ou coupable, a été victime de la fureur populaire. Un garçon boucher lui a coupé la tête.

Plusieurs membres proposent que l'Assemblée envoie une députation à Poissy et à Saint-Germain.

Envoi d'une députation à Poissy et Saint-Germain pour calmer la fureur populaire, lors de la séance du 18 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4690_t2_0248_0000_2

Divers membres ont offert de s'y transporter pour calmer la fureur populaire, et à l'instant sont partis :

Messieurs :

    • De Lubersac, évêque de Chartres
    • Massieu, curé de Sergy ;
    • Choppier, curé de Flins ;
    • Le comte de Latouche ;
    • Le chevalier de Mauletle ;
    • Perrier ;
    • Camus ;
    • Millon de Montherlant ;
    • Hell ;
    • Schmits ;
    • Ulry.

Rapport par M. Camus sur la mission des députés envoyés à Saint-Germain et à Poissy, lors de la séance du 20 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4694_t2_0249_0000_9

Armand Gaston Camus

M. Camus, qui était au nombre des députés envoyés à Saint-Germain, fait le récit de leur mission.

Nous nous sommes transportés , dit-il , à Saint-Germain ; la foule n'y était plus ; Thomassin venait d'être conduit à Poissy. Nous nous sommes transportés à Poissy ; nous avons prié l'assemblée municipale du premier lieu de se tenir prête sur les deux heures, pour que nous pussions conférer avec elle.

Dans les premières rues de Poissy, nous avons trouvé le calme ; la foule s'était portée vers la prison ; tout le monde était armé. D'abord nous avons fait entendre des paroles de paix, et l'on ne nous a répondu que par des cris effrayants. De tous côtés on entendait : Il faut le pendre, il faut lui couper la tête.

Nous avons demandé les officiers municipaux ; l'un était eu fuite, l'autre absent ; aucun n'était dans la ville.

Nous nous sommes adressés à un officier invalide qui nous a appris que jeudi il avait été forcé de monter à cheval, de se mettre à la tête de la multitude pour enlever Thomassin ; que c'était un honnête homme, le père de sept enfants, payant 7,000 livres de tailles, et qu'il nourrissait plus de quarante personnes ; qu'ils ont amené Thomassin, les pieds et les mains liés, à Poissy, vendredi soir.

M. l'évêque de Chartres a monté sur une chaise, a cherché à haranguer la multitude, lui a représenté qu'il convenait et même qu'il était de l'intérêt commun de mettre Thomassin dans les mains de la justice, pour l'interroger et connaître ses complices. Ces réflexions ont paru toucher le peuple. M. l'évêque de Chartres a eu une conférence avec Thomassin pour s'instruire de la vérité des faits.

Pendant cet intervalle tout a changé ; le peuple s'est ranimé, a repris ses premiers sentiments de fureur ; on s'écrie qu'il faut le pendre à l'instant. M. l'évêque de Chartres recommence à parler au milieu du peuple, le supplie d'accorder deux jours de délai ; enfin il demande, pour diviser la foule, que quelques-uns d'entre eux veuillent bien reconduire les députés.

Tout est refusé opiniâtrement, et déjà on prépare le supplice de Thomassin. L'on nous en instruit ; le malheureux est tiré de la prison ; c'est alors que M. l'évêque de Chartres, à notre tête, se précipite aux genoux de tous ces furieux, que nous leur demandons grâce.

Thomassin est à genoux d'un côté, les députés y sont de l'autre, c'est dans cette attitude suppliante que nous demandons inutilement la vie de la malheureuse victime. On le conduit au pied d'un mur où sont fichés des anneaux pour attacher des bêtes de somme. Thomassin y est attaché ; dans cet intervalle on va chercher la potence et le confesseur.

C'est là l'heureux événement qui l'a sauvé. Les habitants de Poissy écoulent les cris de leur conscience, ils s'intimident, le remords les saisit, ils ne veulent pas que le crime souille leur ville ; les habitants de Saint-Germain et de Poissy se divisent ; Thomassin se réfugie dans la prison. La discorde augmente, et l'on consent que Thomassin parte avec nous, mais en nous[sommant de le remettre dans les mains de la justice, en nous menaçant de nous pendre nous-mêmes s'il n'était pas exécuté. Une pareille menace ne nous épouvante pas ; Thomassin monte dans la voiture de M. de Chartres, et c'est à ce prélat qu'il doit la vie ; c'est à son éloquence persuasive que nous devons la victoire que nous avons remportée sur des furieux.

À peine sommes-nous en marche, que l'on nous épouvante, que l'on nous fait craindre que le peuple ne tire sur la voiture de M. l'évêque de Chartres.

Plusieurs habitants de Poissy nous accompagnent et nous font prendre par des chemins détournés, pour éviter Saint-Germain.

Après une marche très-lente, très-pénible, et surtout après bien des alarmes, et non pas sans des rencontres de quelques femmes qui voulaient nous accabler de pierres, nous sommes enfin arrivés à Versailles.

Nous avons été déposer Thomassin à la prison ; le juge a été appelé, et nous y avons fait notre déclaration.

À peine avions-nous terminé cette opération, que quelques furieux sans armes sont venus nous trouver pour nous rappeler notre parole et nous sommer de la tenir. Nous leur avons fait donner un extrait de notre déclaration, en les assurant que la justice allait en décider.

 

    



samedi 18 juillet 2020

18 Juillet 1789 : La chasse à la grosse bête, ou l'hydre aristocratique !

 N'oublions pas que le citoyen Basset, était un marchand d'estampe !

    Raison pour laquelle je vous présente cette estampe qui raconte à sa façon, les événements qui se sont déroulés du 12 au 14 juillet à Paris. Celle qui suit est une variante, (ou une copie) de la première, signe qu'elle devait bien se vendre !

Je vous ai retranscrit la légende juste en-dessous de la gravure.


Chasse patriotique à la grosse bête

"La postérité apprendra qu’en 1789, le 12 juillet vers les 4h du soir plusieurs personnes assurèrent avoir vu aux environs de Paris sur le chemin de Versailles, une bête d’une grandeur énorme et d’une forme si extraordinaire qu’on n’avait jamais vu sa pareille. Cette nouvelle répandit l’alarme universelle dans la Ville et mis les habitants dans une violente agitation, on cria de toutes parts Aux Armes ? Aux Armes sans pouvoir en trouver : il semblait que la bête les eut toutes avalées avec les munitions. Aussitôt on en forgea d’aussi extraordinaires que l’animal que l’on avait à combattre. Le 13 on continua de s’agiter de s’armer et de courir après la bête sans pouvoir la rencontrer. Le 14 suivant, jour à jamais mémorable pour la France qui gémit, cent-mille personnes coururent à l’Hôtel des Invalides en emportèrent les canons et soixante milles fusils, de manière qu’il se trouva plus de deux cent mille hommes armés qui cherchèrent la Bête de toutes parts. Comme l’on soupçonna qu’elles s’étaient retirées à la Bastille, on s’y porte avec un courage héroïque, et cet antre du despotisme malgré cent bouches d’Airain qui vomissaient du feu, fut emporté d’assaut en deux heures de temps. Sitôt cette victoire, parut le monstre à cent têtes, sa forme hideuse fit voir qu’elle était d’espèce Aristocratique. Soudain nos plus braves chasseurs la saisirent de toutes parts et c’est à qui lui coupera plus de têtes. Ce monstre qui trainait à sa suite la désolation la famine et la mort disparut aussitôt sous cent formes différentes et s’enfuit languissant chez l’étranger, emportant avec lui le désespoir et la honte de sa défaite."




    Les explications allégoriques données par cette estampe répondent-elles aux questions que vous vous posez ? Il semble que les gens aient voulu combattre l'aristocratie, cette élite qu'il jugeait être leur ennemie, comme celle de leur bon roi Louis. Nous verrons dans les années à venir, fleurir nombre de caricatures violemment antiaristocratiques.