lundi 20 juillet 2020

20 Juillet 1789 : Depuis Strasbourg, Arthur Young explique ce que la Révolution va devenir.

 Article rédigé le 9 août 2023

La ville de Strasbourg en 1720

    Je l’ai déjà écrit ailleurs. Il faut lire le récit des voyages en France d’Arthur Young. Je cite régulièrement des passages de ses écrits dans cette chronologie de l’année 1789.

    Ce passage est passionnant. Arthur Young arrive le 20 juillet 1789 à Strasbourg au moment où la nouvelle de la révolte parisienne agite la ville. Ses suppositions, de ce qui selon lui risque d’arriver, sont d’une lucidité étonnante.

Lisez plutôt :

(J’ai actualisé l’orthographe pour faciliter le travail des outils de traduction automatique et aérer le paragraphe de quelques sauts de lignes).

    "Le 20 (juillet). Je m’avance vers Strasbourg à travers une des plus belles scènes d’agriculture qu’il y ait en France, qui ne peut être rivalisée que par la Flandre, qui cependant la surpasse. J’y arrivai dans un moment critique, qui pensa me faire rompre le cou : un détachement de cavalerie avec ses trompettes d’un côté, un corps d’infanterie avec ses tambours de l’autre, et une grande populace faisant retentir l’air de ses cris, épouvantèrent tellement mon cheval, que j’eus de la peine à l’empêcher de passer sur les corps de ces Messieurs du tiers-état. 

    En arrivant à l’auberge, j’appris la nouvelle intéressante de la révolte de Paris : - que les gardes-françaises s’étaient jointes au peuple ; que l’on ne pouvait pas compter sur le reste des troupes ; que la Bastille était prise ; que l’on avait formé une milice bourgeoise ; en un mot, que l’ancien gouvernement était absolument culbuté. Tout étant ainsi décidé, et le royaume se trouvant entre les mains de l’assemblée, elle a le pouvoir de faire une nouvelle constitution, telle qu’elle le jugera à propos ; et ce sera un grand spectacle pour le monde entier, de voir, dans ce siècle de lumières, les représentants de vingt-cinq millions d’hommes travailler à la constitution d’une nouvelle fabrique de liberté meilleure qu’aucune de celles que l’Europe ait encore offerte. 

    On verra maintenant s’ils copieront la constitution anglaise en élaguant ses défauts, ou s’ils s’en rapporteront à la théorie, pour former simplement quelque chose de spéculatif. Dans le premier cas, ils feront le bonheur de leur pays ; dans le second, ils l’entraineront dans des désordres et dans les guerres civiles interminables, peut-être pas au moment actuel, mais sûrement à quelqu’époque future. 

    Je n’ai pas encore appris qu’ils aient quitté Versailles ; s’ils y restent sous la domination d’une populace armée, il faudra qu’ils fassent un gouvernement agréable à la populace ; mais ils auront, je crois, assez de sagesse pour se retirer dans quelque ville centrale, telle que Tours, Blois, ou Orléans, où ils pourront délibérer librement. 

    Mais l’esprit de révolte parisien se répand avec rapidité ; il est déjà parvenu jusqu’ici ; les troupes qui m’ont presque fait casser le cou, sont chargée de surveiller le peuple qui menace d’une insurrection ; il a cassé les fenêtres de quelques magistrats peu populaires, et il y a dans ce moment une populace assemblée qui demande à hauts cris, qu’on mette la viande à 5 sols la livre : elle a un cri de ralliement qui la conduira loin, c’est points d’impôts et vive les États."

Source, page 438 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102002g/f457.item

Vous pouvez bien sûr consulter le livre en son entier par la fenêtre ci-dessous :

Que se passa-t-il ensuite ?

    Dès le lendemain 21 juillet, des émeutes éclateront dans la ville jusqu'au 23. L'Hôtel de ville sera mis à sac le 21 juillet. Malgré sa faible importance symbolique, il constituera en quelque sorte la Bastille de ces révoltés. Une fois de plus, les émeutiers évoqueront leur colère contre les voleurs et les brigands, un argument qui reviendra sans cesse à l'occasion de toutes les émeutes lors de la Grande Peur. 

    Chose étonnante les autorités civiles et militaires n'interviendront pas, ou alors seulement quand tout sera terminé, juste pour disperser les pilleurs.

    Les illustrations de ces journées se trouvent dans l'article suivant : "21 Juillet 1789 : Début des émeutes à Strasbourg"

L'Hôtel de Ville de Strasbourg lors de la visite de Louis XV le 5 octobre 1744.
Gravure de J.M. Weiss.



20 Juillet 1789 : La Grande Peur et la naissance de la mère des théories du complot ! (Rien que ça)

 


    Revenons sur le tragique événement de la journée du 19 juillet qui s’est déroulé à Poissy. Dans mon article j’ai évoqué ces mystérieux agents qui avaient pour tâche de diffuser des rumeurs destinées à enflammer le peuple ou le terrifier. Si vous ne l’avez pas fait misez mon article « Des députés à genoux devant une foule furieuse. Encore une émeute ! »

    J’ai voulu en savoir plus sur cet événement et j’ai découvert sur « books.google » le scan d’un ouvrage donnant une version de ce qui serait "vraiment" arrivé. Publié en 1789 par un certain Hubert La Marle, Linguiste et paléographe, cet ouvrage s’intitule : "Philippe Égalité, Grand Maître dela Révolution, le rôle politique du premier Sérénissime Frère du Grand Orient de France". L’auteur a également écrit un "Dictionnaire des Chouans de la Mayenne" en collaboration avec l’Association du souvenir de la chouannerie mayennaise (Cette précision à seule fin de savoir « d’où parle » l’auteur)

Alors là, chers amis, je suis tombé sur du lourd ! (Passez-moi l'expression)

    Ce paléographe, spécialiste des écritures anciennes, est un vrai défenseur de l’ancien régime. Peu importe, c’est son droit. Le plus intéressant, c’est qu’il présente toute la Révolution française, suivant l’interprétation complotiste célébrissime, qui a fait tant de mal (et de morts) depuis plus de 200 ans, celle du complot Franc-Maçon !

    Nous reviendrons ultérieurement sur cette thèse délirante inventée par l’abbé jésuite Augustin Barruel, dans son essai politique contre-révolutionnaire et anti-Lumières en cinq tomes, publié en Allemagne de 1797 à 1799. Cet ouvrage auquel se mêlent les explications surnaturelles et les diatribes contre les philosophes des Lumières ou Joseph II (le frère réformateur de Marie Antoinette), a servi de bible à tous les nostalgiques de l’ancien régime qui ne pouvaient expliquer que par le complot, une Révolution à laquelle ils n’avaient rien compris.

    Il aurait pu tomber dans les oubliettes de l’histoire, mais hélas, il servira de ferment à de nombreux autres délires complotistes qui hélas sévissent toujours de nos jours. Qui n’a jamais vu passer un jour un article sur le complot judéo-maçonnique ? Car oui, bien sûr, mille fois hélas, aux Francs-Maçons, les délirants ont ajoutés les malheureux Juifs et chacun sait jusqu’où ce délire est allé...

Sincérité n'est pas vérité.

    Revenons à notre paléographe, dont je ne mets d’ailleurs aucunement en doute la sincérité ni l’honnêteté (nous sommes tous déterminés par les milieux d’où nous venons) et penchons-nous sur son ouvrage à propos du Duc d’Orléans, puisqu’il s’agit bien de lui (Philippe égalité).

    Selon cet auteur, c’est le Duc d’Orléans qui fut à l’origine de tous les événements révolutionnaires, les émeutes durant les jours précédents le 14 juillet, la prise de la Bastille et même la grande Peur dont j’ai commencé à vous parler dans une publication précédente.     Rien que ça ! « Selon les désirs de leur maitre (le Duc d’Orléans), les plus hardis révolutionnaires envoient hors de Paris des bandes qu’ils ont armées pour répandre le désordre et soulever la population contre le roi »… « La Grande Peur est lancée, à l’initiative du Prince et de sa chancellerie. ».

    Qui ne lirait que le livre de Hubert La Marle, pourrait souscrire à cette explication, fort bien écrite et très documentée.

    C’est une explication très satisfaisante pour qui ignore tout ou presque de l’état de la France en 1789.

    C’est une explication très réconfortante pour qui défend la vision d’un ancien régime idyllique peuplé de bergers et de bergères dansant dans les près avec de bienveillants aristocrates, comme sur les toiles de Jouy ; un royaume de conte de fées que seraient venu briser les philosophes des Lumières.

L'Ancien régime, façon toile de Jouy.

    Ce n’est pas une explication satisfaisante pour qui a lu la description de l’abominable misère du peuple par D’Argenson en 1750, ou par l’anglais voyageur Arthur Young dans le récit de ses voyages en France peu avant et pendant la Révolution.

La misère dessinée par Jean-Baptiste Greuze.

De tout cela nous reparlerons.

    Je vous propose ci-dessous les quelques pages extraites de l’ouvrage de ce brave Hubert. Mais le mieux et de cliquer sur ce lien pour les découvrir : https://bit.ly/32Fxmw2

Vous pouvez même l’acheter facilement sur le WEB !

Cliquez sur les images pour les agrandir.

1
2

3
4

5


Post Scriptum :

Je n'ai pas dit que le Duc d'Orléans était un saint, loin de là ! Nous le verrons. Mais la réalité est toujours bien plus compliquée. Savez-vous d'ailleurs que Louis XVI était lui aussi franc-maçon ? Nous en reparlerons 😉

    



dimanche 19 juillet 2020

19 Juillet 1789 : Terrifiante explosion au Chateau de Quincey, début de la Grande Peur.

Château de Quincey

    Le soir du 19 juillet 1789, une centaine de villageois et de soldats se rendent au château de Quincey, propriété du seigneur Jean Antoine Marie de Mosnay (ou de Mesmay), conseiller au parlement de Besançon. Ce généreux seigneurs les a invités pour fêter la prise de la Bastille. Vers 23 heures, une explosion occasionnée par des poudres entreposées au château détruit une partie de la terrasse de celui-ci et entraine la mort de quatre personnes.

    La population croit qu’une machine infernale a été placée par le seigneur des lieux afin de se venger du Tiers État. Elle incendie le château en représailles. Certains documents nous disent que le château a été réduit en cendres. Pourtant, une description de celui-ci en 1794 le représente en bon état et il en est toujours de même aujourd'hui ; vous pouvez même y passer une nuit puisque c'est devenu un hôtel !

    Néanmoins, l’épisode est rapporté dans le journal « Suite des Nouvelles de Versailles », un quotidien fondé par Claude François Beaulieu et l’Assemblée nationale s’en trouve alarmée. Il connaît donc un retentissement national.

« une explosion affreuse se fait aussitôt sentir ; tout dans Quincey n’offre que l’image de la mort, de l’effroi… Des cadavres amoncelés, des membres épars, des débris d’édifices ébranlés… tels est l’horrible spectacle que présente ce village. Le bruit de cette abomination se répand bientôt dans Vesoul et dans les campagnes. Tous les habitants des villages voisins conçoivent le projet de dévaster toute la province et de détruire tous les châteaux. L’endroit où la dévastation a été plus remarquable est le village de Saulx. Les maisons ont été renversées, les effets pillés, les moissons foulées au pied. »

    Finalement, après une enquête minutieuse, il s’avèrera que cette explosion fut due à un acte de malveillance et que Monsieur De Mesmay n’était en rien responsable. Il faudra pourtant attendre le 30 mai 1791 pour que le tribunal de Vesoul conclut à son innocence. (Tout le monde semble donc trouver normal qu'une si grande quantité de poudre se fut trouvée là...)

Une affaire pas si claire que cela.

    On pourrait s'arrêter à cette première relation de cette affaire et la plupart des sites le font. Mais l'envie m'a pris d'en savoir plus et c'est ainsi que j'ai découvert ce second article en date du 29 juillet, à propos de l'incendie du château de Quincey.

Lisez plutôt :

On a lu différentes adresses de félicitation de plusieurs provinces à l’assemblée nationale. La seule vraiment intéressante est celle de madame la princesse de Baufremont, qui réclame la protection de l’assemblée nationale, pour la faire renter en possession des titres que sa maison conservait depuis Philippe IV, titres qui ont été livrés aux flammes par une foule de brigands, qui ont exercé les plus grands ravage de son château en Franche-Comté.

Un membre du parlement de Franche-Comté a demandé la lecture du procès-verbal, dressé par des commissaires nommés à cet effet, & qui se sont transportés au château de Quincé, pour prendre des renseignements locaux, afin de punir les coupables des désordres. Il a fait d’ailleurs l’éloge de la compagnie.

Alors un membre des communes de la même province, s’est élevé pour démontrer que la conduite du parlement de Franche-Comté n’était pas aussi pure, aussi irréprochable qu’un de ses membres avait osé l’avancer.

Il aurait dû abandonner, a-t-il dit, les sentiments aristocratiques qu’il a manifesté dans un certain arrêté du 26 juillet 1789.

Dans cet arrêté on remarque en effet, avec surprise, que le parlement y déclare que l’on ne devra délibérer, aux états généraux, que par ordre & non par tête ; que chacun de leurs députés se retirera dans la chambre, pour y délibérer.

C’était, à l’exemple du parlement de Paris, invoquer la forme de convocation de 1614 : c’est-à-dire cette forme vicieuse & détestable qui enlevait aux communes toutes l’influence qu’ils devaient avoir, puisque les deux ordres du clergé & de la noblesse auraient toujours opposé un fatal veto.

D’après l’esprit de l’arrêté que nous venons d’analyser, l’on ne doit pas être surpris des désordres sans doute condamnables auxquels s’est livré un peuple justement irrité des prétentions d’un corps qui feignait de les représenter.

Ces observations, faites par M. de Puisy, furent appuyées par M. de Touranjon, membre de la noblesse, qui, après avoir développé avec la plus vive énergie, le système des douze parlements du royaume, & les horreurs commises par le conseiller dont nous avons rendu compte, conclut à la suppression totale du parlement de Franche-Comté.

Source : "Suite des nouvelles de Versailles", numéro du 29 juillet 1789.

    A la lecture ce texte, vous aurez compris que le peuple avait quelques raisons d'être "justement irrité des prétentions d'un corps qui feignait de les représenter"...

La Grande Peur de Juillet 1789.

La Grande Peur.

    Après la prise de la Bastille, une rumeur s'était répandu, affirmant que des bandes de brigands à la solde des privilégiés allaient dévaster les granges et couper les blés. Nombre de paysans s’armèrent alors et se livrèrent à une véritable jacquerie.  On appela cela "La Grande Peur". Des châteaux furent attaqués et brûlés, des nobles assassinés. Le mouvement toucha particulièrement la Franche-Comté où près de 350 château furent incendiés ou pillés. La plupart des nobles de cette région s'enfuirent en Savoie. La Grande peur se répandit également dans la vallée du Rhône, la Provence et les régions des Alpes. Je vais l'évoquer encore dans de prochains articles.

Question.

    Le point de départ de cette Grande Peur fut fort probablement cette "destruction" du château de Quincey dans la nuit du 19 juillet 1789. Aurait-elle eu lieu si la presse n'en n'avait pas parlé ?

Source concernant la Révolution en Franche-Comté (Document PDF) :
https://archives.doubs.fr/document/la-revolution-dans-les-archives-comtoises






19 Juillet 1789 : Des députés à genoux devant une foule furieuse. Encore une émeute !

 

Encore une émeute !

    Rappelons ces deux chiffres : 900 émeutes frumentaires recensées depuis 1786, 300 depuis le début de l’année 1789 (décompte réalisé par l’historien Taine).

    Les émeutes frumentaires sont des émeutes de la faim suscitée par le manque de grains ou par la peur du manque. Dans beaucoup de régions, le pain manque vraiment, la faim est réelle et quand il y a du pain, il est très cher. A Paris et dans la Région parisienne, un pain permettant de nourrir une famille pour une journée coûte 14 sous, alors que le salaire journalier d’un ouvrier est de 15 sous. Je reparlerai dans d’autres articles de ce problème crucial.

    Dans les rapports des séances journalières de l’Assemblée nationale, j’ai trouvé l’évocation de cette émeute frumentaire survenue à Poissy. Un meunier soupçonné d’avoir accaparé des grains a été pris à part par la foule et a été horriblement décapité. Des rumeurs courent les rues concernant les accapareurs ; c’est-à-dire ceux qui cachent du blé dans l’objectif de le revendre quand le manque aura fait augmenté les prix.

    Il y a effectivement des accapareurs et j’aurais l’occasion de vous en parler. Mais il y a aussi des gens qui font courir des bruits relatifs à leur existence. Ces gens sont payés pour cela, et ce faisant, ils servent de sombres causes politiques. Le ministre de l’intérieur expliquera un jour à Axel de Fersen que Mirabeau s’était vanté d’obtenir une bonne émeute pour 25 Louis ! Je pense que vous aurez compris en lisant ma relation de la journée du 14 juillet que trop de faits étonnants prouvent qu’elle fut quelque peu préparée. Bien souvent hélas, les historiens s’en tiennent à l’événement et se contentent la plupart du temps de condamner le peuple, ou plutôt la populace, et sa violente animalité.

    Nous verrons bientôt apparaître à côté de cette violence causé par la faim et la peur de celle-ci, une nouvelle violence suscitée par la peur et la colère ; il s’agira de ce que les historiens ont appelé « La Grande Peur ». Un peu partout en France, des château vont être incendiés ou pillés ; d’autres Bastilles…

    Cette émeute de Poissy, qui s’est étendue jusqu’à Saint Germain en Laye, a ceci de particulier que des députés de l’Assemblée Nationale interpelés par le Maire de Poissy ont été amenés à intervenir. Parmi eux figure l’évêque de Chartres, Monsieur de Lubersac, qui va faire preuve d’un réel courage physique pour sauver un innocent. Je vous laisse lire.

Jean-Baptiste-Joseph de Lubersac

Rapport du maire de Poissy sur les troubles dans les villes de Poissy et Saint-Germain, lors de la séance du 17 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4688_t2_0247_0000_3

Avant la fin de la séance, le maire de Poissy se présente à l'Assemblée, et demande à être entendu. Il rend compte de plusieurs crimes qui ont été commis à main armée par une troupe de brigands dans les villes de Poissy et de Saint-Germain, et supplie l'Assemblée de s'occuper de réprimer ces désordres.

Un membre de l’Assemblée observe que cet objet n'est pas de la compétence du pouvoir législatif ; qu'il y a un pouvoir exécutif et les tribunaux judiciaires chargés de maintenir le repos et la tranquillité publics.

Discussion suite au rapport du maire de Poissy sur les troubles dans les villes de Poissy et Saint-Germain, lors de la séance du 18 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4690_t2_0247_0000_8

On revient sur le rapport, fait dans la séance d'hier, des troubles de la ville de Poissy.

Un membre annonce qu'une populace indisciplinée s'est emparée du corps de garde et de la caserne des Invalides. Un meunier, nommé Sauvage, a été arrêté et conduit à la halle pour y être pendu. Il était accusé d'avoir accaparé des grains ; vainement plusieurs personnes ont tenté de le justifier : on les a menacées de les écarteler si elles entreprenaient sa défense. Ainsi Sauvage, innocent ou coupable, a été victime de la fureur populaire. Un garçon boucher lui a coupé la tête.

Plusieurs membres proposent que l'Assemblée envoie une députation à Poissy et à Saint-Germain.

Envoi d'une députation à Poissy et Saint-Germain pour calmer la fureur populaire, lors de la séance du 18 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4690_t2_0248_0000_2

Divers membres ont offert de s'y transporter pour calmer la fureur populaire, et à l'instant sont partis :

Messieurs :

    • De Lubersac, évêque de Chartres
    • Massieu, curé de Sergy ;
    • Choppier, curé de Flins ;
    • Le comte de Latouche ;
    • Le chevalier de Mauletle ;
    • Perrier ;
    • Camus ;
    • Millon de Montherlant ;
    • Hell ;
    • Schmits ;
    • Ulry.

Rapport par M. Camus sur la mission des députés envoyés à Saint-Germain et à Poissy, lors de la séance du 20 juillet 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4694_t2_0249_0000_9

Armand Gaston Camus

M. Camus, qui était au nombre des députés envoyés à Saint-Germain, fait le récit de leur mission.

Nous nous sommes transportés , dit-il , à Saint-Germain ; la foule n'y était plus ; Thomassin venait d'être conduit à Poissy. Nous nous sommes transportés à Poissy ; nous avons prié l'assemblée municipale du premier lieu de se tenir prête sur les deux heures, pour que nous pussions conférer avec elle.

Dans les premières rues de Poissy, nous avons trouvé le calme ; la foule s'était portée vers la prison ; tout le monde était armé. D'abord nous avons fait entendre des paroles de paix, et l'on ne nous a répondu que par des cris effrayants. De tous côtés on entendait : Il faut le pendre, il faut lui couper la tête.

Nous avons demandé les officiers municipaux ; l'un était eu fuite, l'autre absent ; aucun n'était dans la ville.

Nous nous sommes adressés à un officier invalide qui nous a appris que jeudi il avait été forcé de monter à cheval, de se mettre à la tête de la multitude pour enlever Thomassin ; que c'était un honnête homme, le père de sept enfants, payant 7,000 livres de tailles, et qu'il nourrissait plus de quarante personnes ; qu'ils ont amené Thomassin, les pieds et les mains liés, à Poissy, vendredi soir.

M. l'évêque de Chartres a monté sur une chaise, a cherché à haranguer la multitude, lui a représenté qu'il convenait et même qu'il était de l'intérêt commun de mettre Thomassin dans les mains de la justice, pour l'interroger et connaître ses complices. Ces réflexions ont paru toucher le peuple. M. l'évêque de Chartres a eu une conférence avec Thomassin pour s'instruire de la vérité des faits.

Pendant cet intervalle tout a changé ; le peuple s'est ranimé, a repris ses premiers sentiments de fureur ; on s'écrie qu'il faut le pendre à l'instant. M. l'évêque de Chartres recommence à parler au milieu du peuple, le supplie d'accorder deux jours de délai ; enfin il demande, pour diviser la foule, que quelques-uns d'entre eux veuillent bien reconduire les députés.

Tout est refusé opiniâtrement, et déjà on prépare le supplice de Thomassin. L'on nous en instruit ; le malheureux est tiré de la prison ; c'est alors que M. l'évêque de Chartres, à notre tête, se précipite aux genoux de tous ces furieux, que nous leur demandons grâce.

Thomassin est à genoux d'un côté, les députés y sont de l'autre, c'est dans cette attitude suppliante que nous demandons inutilement la vie de la malheureuse victime. On le conduit au pied d'un mur où sont fichés des anneaux pour attacher des bêtes de somme. Thomassin y est attaché ; dans cet intervalle on va chercher la potence et le confesseur.

C'est là l'heureux événement qui l'a sauvé. Les habitants de Poissy écoulent les cris de leur conscience, ils s'intimident, le remords les saisit, ils ne veulent pas que le crime souille leur ville ; les habitants de Saint-Germain et de Poissy se divisent ; Thomassin se réfugie dans la prison. La discorde augmente, et l'on consent que Thomassin parte avec nous, mais en nous[sommant de le remettre dans les mains de la justice, en nous menaçant de nous pendre nous-mêmes s'il n'était pas exécuté. Une pareille menace ne nous épouvante pas ; Thomassin monte dans la voiture de M. de Chartres, et c'est à ce prélat qu'il doit la vie ; c'est à son éloquence persuasive que nous devons la victoire que nous avons remportée sur des furieux.

À peine sommes-nous en marche, que l'on nous épouvante, que l'on nous fait craindre que le peuple ne tire sur la voiture de M. l'évêque de Chartres.

Plusieurs habitants de Poissy nous accompagnent et nous font prendre par des chemins détournés, pour éviter Saint-Germain.

Après une marche très-lente, très-pénible, et surtout après bien des alarmes, et non pas sans des rencontres de quelques femmes qui voulaient nous accabler de pierres, nous sommes enfin arrivés à Versailles.

Nous avons été déposer Thomassin à la prison ; le juge a été appelé, et nous y avons fait notre déclaration.

À peine avions-nous terminé cette opération, que quelques furieux sans armes sont venus nous trouver pour nous rappeler notre parole et nous sommer de la tenir. Nous leur avons fait donner un extrait de notre déclaration, en les assurant que la justice allait en décider.

 

    



samedi 18 juillet 2020

A propos de la violence de la tempête révolutionnaire

Article mis à jour le 21 juillet 2023

    La Révolution française ressemble par bien des côtés à une tempête en mer. Difficile d’y voir clair au milieu de cette bourrasque d’événements déferlant de tous côtés.

    Chose étonnante, tout le monde ne semble retenir de la Révolution que sa violence, qui selon certains serait hors normes, extraordinaire, voire la mère de toutes les violences totalitaires ! C'est bien commode pour oublier tout le bien que la Révolution nous a apporté. Je vais donc probablement vous étonner en vous expliquant, entre autres, dans cet article que cette violence de la Révolution n'est autre que celle de l'ancien régime...

Représentation de la pire tempête ayant jamais frappé l'Angleterre, celle de 1703.


La difficulté de comprendre les événements.

    Il peut être tentant de se laisser entraîner par un seul courant et de tout juger du même point de vue, mais ça serait trop simple et un peu malhonnête. Plus on s’intéresse au sujet, plus on lit de documents, de mémoires, de comptes-rendus, et plus on s’en rend compte que la plupart des acteurs étaient entraînés dans une suite d’actions et de décisions qu’ils ne maîtrisaient pas vraiment.

    Louis XVI et son entourage n’ont pas su voir, ce en quoi cette révolte différait par rapport aux précédentes. Celle-ci ne résultait pas simplement d’un ras-le-bol des impôts pour les uns, ni d’une nouvelle famine pour les autres.

    La tournure inattendue qu’avaient pris les Etats Généraux se proclamant Assemblée Nationale, n’avait rien à voir avec les précédentes révoltes des parlements refusant les lois et tentatives de réformes du roi. C'était une révolte de la bourgeoisie et non une réaction des privilégiés de la noblesse et du haut clergé défendant leurs acquis.

    Les révoltes frumentaires qui éclataient un peu partout dans le pays à cause du manque de pain n’allaient pas se régler aussi facilement qu’en 1775 et 1776, en faisant intervenir la troupe qui tirerait dans la foule et pendrait quelques émeutiers.

Emeutes des subsistances de 1761 à 1789

    Le malaise était plus profond. Mais le roi et les siens, incapables d’en prendre la mesure, ne savaient qu’appliquer les vieilles méthodes qui avaient toujours réussi jusqu’alors. Ce "malaise", appelons-le ainsi, était d’autant plus difficile à circonscrire qu’il avait également gagné la noblesse. Une partie de celle-ci, acquise aux idées du siècle, c’est-à-dire celles des philosophes des lumières, se rendait bien compte que la société devait évoluer et de nombreux nobles devinrent des acteurs de cette révolution qui allait changer l’ordre du monde.

    Du côté du Tiers Etat, il en était de même. La grande majorité de ses représentants élus, ne s’imaginaient pas, lorsqu’ils arrivèrent à Versailles le 5 mai aux Etats Généraux, qu’ils allaient provoquer un tel bouleversement.

    La plupart ne souhaitait dans le meilleur des cas qu’une évolution de la monarchie absolue vers une monarchie constitutionnelle, avec un parlement à l’anglaise et une constitution à l’américaine.


Quel Tiers-Etat ?

    Ne nous méprenons pas sur la nature de ce Tiers Etat présent aux Etats Généraux. Si le Tiers Etat représentait environ 95 ou 98% de la population française. Ses représentants élus étaient issus d’une nouvelle classe sociale, celle des grands commerçants, des industriels et des banquiers, c’est-à-dire la bourgeoisie, qui elle, représentait environ 5% des français.

Lire cet article sur le Tiers-Etat.

    Cette nouvelle élite, que certains ont appelé le "4ème ordre", était constituée de personnages, instruits, industrieux et riches, qui dans la société de l’ancien régime, payaient de lourds impôts mais n’avaient aucun pouvoir politique. L’un de ses représentants, Barnave, un avocat originaire du Dauphiné, résumera parfaitement la situation dans cette formule : "Une nouvelle répartition des richesses, impose une nouvelle répartition des pouvoirs."


Quel Peuple ?

    Quant au peuple, il est bien évident qu’il ne comprenait pas grand-chose à la situation. Même plongé dans la plus indicible misère, il n’avait jamais cessé d’aimer le "bon roi Louis", et il rendait responsables de son malheur les mauvais intendants et fermiers généraux du roi, ses ministres mauvais conseillers et plus tard la Reine Marie Antoinette, dont les excès étaient parvenus à ses oreilles.

    La grande majorité du peuple ne savait pas lire et je pense que je vais vous étonner en vous disant qu’une grande majorité dudit peuple ne parlait pas le français, du moins celui parlé en Île de France, comme s’en rendra compte l’abbé Grégoire lorsqu’on lui remettra en 1790 le rapport qu’il avait demandé sur l’état du pays et des langues et patois parlés. Des centaines de parlers différents existaient en France, voire des milliers si l’on tenait compte des patois qui pouvaient changer d’un village à l’autre.

    Beaucoup de ces braves gens ignoraient même qu’ils étaient français !

    Néanmoins, les idées nouvelles s’étaient peu à peu diffusées au sein de ce peuple mosaïque. Les colporteurs vendaient des petits livrets ou libelles, que ceux qui savaient lire achetaient et lisaient aux autres en public. Beaucoup connaissaient Voltaire et Rousseau sans les avoir jamais lus. Les estampes se vendaient bien aussi, elles qui disaient tout ou presque en un dessin. Le peuple, lui aussi, changeait peu à peu.

    Au début des événements révolutionnaires, ce peuple sera d’abord manipulé. On le voit bien, quand les élus du Tiers Etat se rendent compte que le versatile Louis XVI revient à une politique, disons réactionnaire, voire brutale. Certains ont l’idée (dangereuse) d’instrumentaliser le peuple, pas seulement en diffusant des rumeurs qui occasionnent des émeutes, mais aussi, ce qui est plus grave, en l’armant. Une émeute coûte 25 Louis dira le ministre Saint-Priest.

    Selon l'usage que l'on fait du peuple, il est parfois populace plutôt que peuple. Lisez cet article "Peuple ou populace ?"

    Cette vague de violence a d'ailleurs déconcerté les révolutionnaires bien policés de l’Assemblée nationale. Ils avaient sous-estimé la colère et le désespoir du peuple, accumulés depuis des siècles. On les verra plusieurs fois tenter de canaliser ce torrent destructeur. Danton inventera la politique, dite de la Terreur, après avoir proclamé : "Soyons terrible avant que le peuple ne le devienne".

« Peut-on faire une révolution sans révolution ? », demandera plus tard Robespierre...


Violence révolutionnaire ? Vraiment ?


    On doit à Gracchus Babeuf l'explication la plus intelligente de cette violence révolutionnaire. Il écrira dans un courrier adressé à son épouse le 22 juillet 1789, après avoir assisté, horrifié, à la pendaison aux lanternes de l’Hôtel de Ville du conseiller d’état Foulon chargé du ravitaillement de l’armée et de son gendre l’intendant Berthier :

« Les supplices de tout genre, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, les gibets, les bourreaux multipliés partout nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé. »

Cette violence, c’était tout simplement celle de l’ancien régime...

Qui sème le vent, récolte la tempête.

Quelques exemples ?

    Le général commandant les colonnes infernales en Vendée, Louis-MarieTurreau de Lignières, était un enfant de l’ancien régime, éduqué et formé par les institutions de celui-ci. Il s’est comporté en Vendée comme Turenne et Louvois lors du ravage du Palatinat ordonné par Louis XIV ! La guerre totale n'est pas une invention de la Révolution.

    Le tristement célèbre accusateur public du tribunal révolutionnaire, Antoine de Fouquier de Tinville, avait été formé à son métier sous l’ancien régime, au collège de Noyon. Devenu clerc, c’est grâce à l’aide de sa famille et d’un emprunt, qu’il put racheter sa charge à son employeur en 1774. Et c’est bien sous l’ancien régime qu’il débuta sa carrière de procureur au Châtelet le 21 janvier 1774 !

Des poternes aux ronds-points...

    Il faudra encore beaucoup de pain dans les ventres, beaucoup d’éducation et de justice sociale, c’est-à-dire beaucoup de république et de démocratie, pour que le torrent de violence se retire dans le gouffre des siècles d’où il avait jailli et que les citoyens en colère se contentent de brûler des pneus sur les ronds-points que de pendre les banquiers à des réverbères.


Mise à jour au 19/11/2022 :

    En cliquant sur l'image ci-dessous, vous accéderez à une vidéo publiée sur Facebook, extraite d'une émission de 2016 d'Arrêt sur image, qui démonte brillamment toute l'intoxe que nous subissons encore à propos de la violence révolutionnaire :



La violence, et surtout la Terreur !

    Comment ne pas évoquer la terreur dans un article qui traite de la violence pendant la Révolution ? J'ai déjà rappelé les 6 siècles de terreur de l'ancien régime, selon la formule de Michelet. Je vous en conseille la lecture : "Les 600 ans de terreur de l'ancien régime (Michelet)". 

    Je reparlerai de ladite terreur ultérieurement lorsque la chronologie de ce site nous y mènera. Mais je ne veux pas vous donner l'impression de fuir le sujet, aussi je vous conseille de mettre à jour vos connaissance, comme je l'ai fait moi-même en lisant les ouvrages d'historiens contemporains, tels que par exemple Jean-Clément Martin (professeur émérite de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l'institut d'Histoire de la Révolution française).

    Tous les livres de Jean-Clément Martin sont excellents, ainsi que toutes ses interventions, comme vous pourrez le constater en cliquant sur ce lien vers une page de France Culture : https://www.franceculture.fr/personne/jean-clement-martin


Violence...

    Je vous propose de lire cet extrait de l'ouvrage de Jean-Clément Martin :"Violence et Révolution. Essai sur la naissance d'un mythe national" Paru au Seuil en 2006. Cliquez sur l'image ci-dessous.


Terreur...

    Cet autre ouvrage 
traite intelligemment de la terreur : « Les échos de la Terreur - Vérités d’un mensonge d’État 1794-2001 ». Jean-Clément Martin y démontre comment ladite terreur a été fabriquée a posteriori. Cette idée vous choque ? Alors regardez et écoutez attentivement la vidéo ci-dessous qui présente cet ouvrage :



La Terreur, mère de tous les totalitarismes ?

    Cette affirmation a eu un grand succès politique et a aussitôt rempli les rayons du prêt-à-penser. Elle a pour origine le livre de la célèbre philosophe Hannah Arendt intitulé "Essai sur la Révolution". Je vous propose d'en lire une analyse intéressante dans cet article de Stéphanie Rossa que l'on trouve sur l'indispensable site Cairn.info :"Le social et le politique : un bilan de l'Essai sur la Révolution d'Hannah Arendt". Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder :

Quid de la terreur américaine ?

    J'ai beaucoup d'admiration pour Hannah Arendt et je comprends son américanisme qui s'explique par son vécu. Il me semble malgré tout que dans sa comparaison entre la révolution américaine et la Révolution française, elle a étayé tout son raisonnement sur une vision partisane de la terreur "française", tout en faisant l'impasse sur la terreur de la révolution américaine ! 
    La terreur de la révolution américaine n'a pas de nom mais elle a bien existé. Comment appeler les combats sanglants qui eurent lieu pendant la guerre d'indépendance ? Comment appeler le génocide des amérindiens, l'esclavage, les guerres d'annexions contre la Canada et le Mexique et toutes celles qui suivirent ? Comment appeler la politique ségrégationniste qui dura jusqu'en 1964

Pendaison de 38 indiens Sioux le 26 décembre 1862


    La différence entre leur terreur et la nôtre, c'est qu'elle n'a pas été nommée et surtout que ses auteurs ont été les vainqueurs au contraire des nôtres qui ont perdu et dont les vainqueurs ont très rapidement écrit une histoire à leur convenance.
    Vous trouvez que j'exagère ? Etudiez l'histoire de nos amis américains ! Vous apprendrez par exemple qu'en remerciement de notre aide durant leur guerre d'indépendance, ils préférèrent nous faire la guerre en 1798 plutôt que de rembourser leur dette. Lisez mon article de la journée du 27 octobre 1789. Peut-être découvrirez-vous également les vraies raisons de la guerre d'indépendance contre l'Angleterre ? J'en parle dans cet autre article :"4 juillet 1776, les 13 colonies font sécession".



Conclusion 

    Pour terminer ce long article sur la violence révolutionnaire, je vous propose cette belle citation d'un curé brésilien, Dom Hélder Câmara, qui a combattu toute sa vie la pauvreté : 

« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »

 


Post Scriptum :

La violence populaire n'est pas spécifique à la Révolution.

Les émeutes populaires du passé.

    On veut nous faire croire de nos jours que la violence populaire est un phénomène exceptionnel. Affirmer cela, sous-entend avoir la mémoire courte, ou alors effacée. La violence populaire est omniprésente en histoire, même si celle-ci tant à diminuer progressivement au fil du temps comme le démontre l’historien Robert Muchembled dans son ouvrage publié en 2015 « Une histoire de laviolence, de la fin du Moyen Âge à nos jours ».

Jeunesse masculine turbulente.

    L'historien explique comment à la fin du Moyen Age, à la campagne, les “abbayes de jeunesse” ou "bachelleries", étaient à l’origine des batailles entre villages voisins, des rixes viriles entre leurs membres à l’occasion des fêtes ou des jours chômés. Ces violences avaient lieu surtout à la taverne, par l’emploi d'armes blanches, de bâtons ou des poings. Les coups et blessures n’entraînant qu’accidentellement la mort, la justice ne punissait que par des amendes ou des bannissements. Cet esprit de courage et d’agressivité était même entretenu dans l’éventualité d’une guerre. Des compagnies d’archers étaient même créées à cette fin, compagnies que l’on retrouve à la Révolution dans diverses villes et villages et qui pour certaines, constitueront les noyaux des premières gardes nationales.

Grandes jacqueries

N’oublions surtout pas les "jacqueries", ces révoltes paysanne ou urbaines qui parsemèrent également la fin du Moyen-âge ! C’est ainsi que Paris fut secoué par l'insurrection parisienne menée par Étienne Marcel en 1358 tandis que la grande Jacquerie se répandait depuis le Bassin parisien jusqu'à la Normandie à l'ouest et l'Auxerrois à l'est. La grande jacquerie de 1356-1358 ressembla très fortement à une révolution affirme l’historienne Claude Gauvard (professeure émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste d'histoire politique, sociale et judiciaire du Moyen Âge).

Ecoutez ce podcast sur France Culture :


Des émeutes populaires ultra-violentes, du temps de nos grands parents !

    Tout cela est bien loin, me direz-vous ! Si bien sûr, vous faites abstraction des révoltes des Gilets jaunes et des émeutes de banlieues...

    Dans son livre "Bourlinguer", publié en 1948, l'écrivain Blaise Cendrars décrit une émeute incroyable à laquelle il assista (et participa), à Rotterdam. Les faits rapportés sont d’une violence inouïe et parait-il "coutumière à l’époque", comme il l’explique au début du récit. L’écrivain en donne l’explication suivante : 


"On n’y peut rien. C’est la misère des hommes qui veut ça et qui les pousse avec mégalomanie. C’est irrésistible et irréfrénable. Les individus n’y sont pour rien. C’est tout ce que l’on peut en dire."

 

Quelques explications ?

    Cendrars nous dit que la cause de la violence populaire est la violence ; la misère étant elle-même une forme de violence contre le peuple (Pensez à la citation de Dom Hélder Câmara)

    On pourra également évoquer la pression démographique et le manque de femmes. Ne vous étonnez pas de cette remarque à propos des femmes. Elle est mentionnée dans certains ouvrages. La frustration masculine due à la pression du patriarcat sur les jeunes hommes, est une explication raisonnable à la violence. La célèbre écrivaine américaine Ursula K. Le Guin traite de ce sujet dans l’un de ces livres de Science-Fiction « La main gauche de la nuit », arguant du fait que la masculinité exacerbée est la cause principale de toutes les guerres...


Je vous laisse réfléchir à tout cela...


Bertrand Tièche


Gravure d'une violente tempête, datée de 1750