mercredi 25 novembre 2020

25 Novembre 1789 : Mirabeau dénonce le prévôt de Marseille


Mirabeau

    Le tonitruant Mirabeau ne lâche pas l'affaire ! Il avait déjà dit ce qu'il pensait du Parlement de Provence lors d'une intervention à la tribune de l'Assemblée nationale le 5 novembre dernier. Mais cette fois-ci il dénonce nommément le prévôt général de Marseille, M. François Sanchon de Bournissac.

    Suite à l'émeute du 19 août 1789, dite affaire de la Tourette, celui-ci, clairement en faveur du parti aristocratique, menait une justice expéditive à l'encontre des jeunes patriotes. Sa justice prévôtale irritait d'autant plus les Marseillais (et Mirabeau) que la réforme de la justice entreprise par l'Assemblée nationale lui avait retiré toute légitimité. Ce qui n'avait pas empêché ledit prévôt de faire arrêter le 16 septembre, les citoyens Toussaint PascalOmer Granet et François Trophime Rebecqui, qui seront enfermés au fort Saint-Jean avant d'être mis au secret au sinistre château d'If.

Les armoiries dudit Sanchon

    Le 31 octobre 1789, le conseil municipal et le comte de Caraman, avaient d'ailleurs demandé la suspension de l’instruction de l’affaire de la Tourette jusqu’à la publication de nouvelles lois sur le système judiciaire.

    De Bournissac sera accusé plus tard du crime de Lèse Nation. L'Abbé Maury prendra sa défense et cela donnera lieu à de beaux échanges à l'Assemblée nationale le 9 mars 1790.


Hôtel particulier de Sanchon de Bournissac


Motion de M. le comte de Mirabeau, concernant le prévôt de Marseille, lors de la séance du 25 novembre 1789

https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3897_t1_0257_0000_7

 

M. le comte de Mirabeau. J'eus l'honneur de vous exposer, le 5 du courant, que votre décret sur les nouvelles formes de l'instruction criminelle n'était point encore en vigueur dans Marseille, et qu'une foule de citoyens pouvaient devenir à chaque instant les victimes d'une procédure suspecte sous mille rapports.

Je vous dénonçais que le 27 octobre, temps auquel votre décret aurait dû être exécuté, le prévôt de Marseille avait rendu un jugement suivant les anciennes formes que vous avez proscrites.

Vous ordonnâtes, Messieurs, qu'il serait provisoirement sursis à l'exécution de tout jugement en dernier ressort, rendu dans la forme ancienne postérieurement à l'époque où votre décret aurait dû être exécuté, et que tout tribun al qui dans trois jours ne l'aurait pas inscrit sur ses registres, qui dans la huitaine ne l'aurait pas fait publier, serait poursuivi comme coupable de forfaiture.

Le décret ne décidait pas un objet très-important pour les accusés : il annonçait implicitement que le jugement rendu le 27 octobre était nul ; mais il ne prononçait pas cette nullité d'une manière expresse ; il n'ordonnait pas de faire juger une seconde fois la même question par d'autres juges, et, comme il s'agissait de la récusation du procureur du Roi et de l'assesseur dû prévôt, le sort des accusés restait évidemment compromis.

J'ai gardé quelque temps le silence, parce que j'attendais que le comité des rapports, qui a reçu une infinité de mémoires sur cet objet, vous les fît connaître ; mais cette affaire a entièrement changé de face par deux nouvelles circonstances, dont l'une m'était inconnue le 5 du courant, et dont l'autre était impossible à prévoir.

La première, c'est que le prévôt de Marseille, loin de traiter les accusés avec cette humanité que sollicitent vos nouvelles lois, les a fait enfermer dans une prison d'Etat ; ils avaient été resserrés jusqu'ici dans une citadelle ; ils ne sont plus aujourd'hui sous la sauvegarde de la loi, mais dans les anciens cachots du despotisme,

La seconde, c'est que bien loin d'exécuter vos décrets, le prévôt a écrit à MM. Les députés de la ville de Marseille qu'il était impossible de rendre la procédure publique. S'il faut l'en croire, des témoins qui n'ont déposé que sous la foi du serment ne consentiront pas que leurs dépositions soient connues. Si la procédure devient publique dans le fort, le peuple s'en emparera ; si le prévôt se rend dans le palais de la sénéchaussée, il aura des dangers à courir, même pour sa vie.

J'ai ouï dire que le prévôt avait exposé les mêmes motifs dans un mémoire qu'il a adressé à l'Assemblée nationale ; je ne sais si ce mémoire existe, mais je puis assurer que la lettre à MM. les députés de Marseille est certaine.

Si le mémoire dont je parle a été envoyé, je demande qu'il soit sur-le-champ communiqué à l'Assemblée, parce qu'une affaire aussi grave ne peut souffrir aucun délai.

La lettre suffit pour m'autoriser à vous demander s'il est possible de laisser une procédure entre les mains d'un juge qui ne croit point à la sagesse de votre décret, qui refuse de l'exécuter, qui allègue pour s'en défendre les plus frivoles prétextes, qui craint de ne pouvoir soustraire les prisonniers aux réclamations d'une ville entière s'il ne les précipite dans des prisons d'Etat, qui ne peut exercer ses fonctions que dans un fort, qui craint encore que ce fort ne soit enlevé, qui a admis des témoins tellement suspects qu'il n'ose espérer qu'il veuillent rendre leurs dépositions publiques, qui a choisi deux juges tellement odieux qu'il ne peut répondre même de leur vie si la procédure se fait dans le palais de justice.

Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille inculper directement le prévôt. C'est un militaire digne de l'estime de ses concitoyens ; mais il est excusable d'ignorer les formes de l'instruction criminelle, et il les ignore. Forcé de choisir un assesseur et un procureur du roi, forcé de confier à d'autres qu'à lui-même les fils tortueux d'une procédure compliquée, le choix qu'il a fait a rendu ses bonnes intentions inutiles, et sa probité personnelle ne peut plus rassurer contre les plus coupables erreurs.

Quel parti reste-t-il donc à prendre ? Un seul, Messieurs, et vous concilierez l'exécution rigoureuse des lois avec ce que vous devez à la tranquillité publique. C'est de confier à un autre tribunal une procédure que le procureur du Roi et l'assesseur du prévôt ont convertie en instrument d'oppression, et qui n'est dans leur mains qu'un moyen de servir des haines secrètes, de favoriser le rétablissement des anciens abus, et de punir les bons citoyens qui ont osé les dénoncer avec courage.

Ce que je dis ici, Messieurs, n'est qu'un aveu que le prévôt a fait lui-même dans sa lettre à MM. les députés de Marseille : il a trouvé, dit-il, en arrivant dans cette ville, toutes les autorités compromises, il a voulu les rétablir ; était-ce là la mission qu'il devait exercer ? Il avait à poursuivre des assassins, des incendiaires ; mais devait-il être le vengeur d'un intendant que la ville de Marseille, que toutes les corporations, que son conseil municipal n'ont cessé de dénoncer ? Pouvait-il décréter comme coupables les citoyens vertueux qui, dans les assemblées primaires, se sont élevés contre ce même intendant ? Voilà, Messieurs, ce qu'il a fait, ou plutôt voilà ce qu'on a fait en son nom ; c'est ainsi qu'un juge honnête a cessé d'être l'organe impassible de la loi, et que sa procédure est devenue un attentat à la liberté publique.

 

Renvoi de l'examen de la motion de M. le comte de Mirabeau, concernant le prévôt de Marseille, au comité des rapports, lors de la séance du 25 novembre 1789

https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3897_t1_0258_0000_2

Cette nouvelle dénonciation est renvoyée au comité des rapports.

25 Novembre 1789 : L'Assemblée nationale pardonne au parlement de Metz

Le parlement de Metz


Un parlement qui "suppose"...

    Souvenons-nous, le 3 novembre 1789, l’Assemblée nationale avait pris la décision de mettre en vacance les parlements, jusqu’à la mise en place des assemblées municipales et provinciales. (Voir l’article du 3 novembre 1789).

    Mais le 12 Novembre 1789, le parlement de Metz s’était permis de supposer que « le décret de l’Assemblée nationale du 3 Novembre, et la sanction de Sa Majesté, étaient dépourvus du caractère de liberté nécessaire pour rendre les lois obligatoires et n’avait pas craint de protester tant contre ledit décret que contre ladite sanction. »

Sourcehttps://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3837_t1_0070_0000_2

    L’Assemblée nationale, vivement choquée par cette protestation du parlement de Metz, avait décrété lors de sa séance du 17 novembre que les signataires de cette protestation devraient comparaitre dans la huitaine.

Un vieux projet.

M. De Volney

    
Ce projet de création d’assemblées municipales et provinciales avait été l’un des premiers sur lesquels avait travaillé l’Assemblée, dès le mois d’août 1789 (Voir l'article du 14 août 1789). Monsieur de Volney, député du Tiers Etat, avait précisé à la tribune que c’était le seul moyen d’apaiser « la fermentation du peuple » :

« L'amendement que je propose, c'est de former des assemblées de divers grades avant de s'occuper de la Constitution. Mais je regarde comme nécessaire de s'occuper avant tout des assemblées secondaires, et de rétablir en quelque sorte le pouvoir exécutif de l'Assemblée. Il faut donc former les assemblées paroissiales, former les assemblées municipales, les assemblées provinciales, et enfin l'Assemblée nationale. Tel est l’ordre des choses, tel est celui que je propose. »

    Le projet n’était pourtant pas nouveau ! Le 20 août 1786, Charles Alexandre de Calonne, contrôleur général des finances (et de fait premier ministre), avait remis à Louis XVI un mémoire sur le déficit financier du royaume dans lequel il avait préconisé la création d'assemblées municipales (élues par tous les propriétaires ayant au moins 600 livres de revenu), qui éliraient des assemblées de district, lesquelles éliraient à leur tour des assemblées provinciales (toutes ces assemblés demeurants d'ailleurs purement consultatives). Hélas pour lui, au lieu de soutenir Calonne et d'imposer son plan de réformes, Louis XVI, comme à son habitude avait tergiversé et cherché, pour vaincre la résistance prévisible des parlements, à obtenir le soutien de la Noblesse, en vain, bien évidemment.

    Les choses auraient peut-être pu se passer mieux, si les tous parlementaires avaient eu connaissance la "petite précision" que le Duc De La Rochefoucauld avait apportée le 3 novembre devant l’Assemblée :

« Vous supprimerez donc véritablement ces grands corps de magistrature, mais en prononçant leur destruction vous rendrez une justice méritée aux membres qui les composent, et sans doute leurs citoyens s'empresseront de les porter par leurs suffrages aux places que le nouvel ordre judiciaire établira. »

    "Sans doute" que les citoyens allaient s'empresser de porter par leurs suffrages aux nouvelles places, les anciens parlementaires ! On pourrait dire que cette phrase résume à elle seule l’état d’esprit de la majorité des hommes politiques de ce début de Révolution :
"On garde les mêmes et on recommence !" 😉

    Mais les parlements de province ne l’avaient pas entendu de cette oreille et la plupart avaient vu là une atteinte à leurs privilèges ! A peine la nouvelle fut elle connue en novembre, que les parlements de Rouen et de Metz refusèrent d'accepter la suppression des chambres de vacations. En décembre, ce sera celui de Rennes, puis en mars celui de Bordeaux. Celui de Rennes s'entêtera à tel point que l'Assemblée rendra le 6 février 1790, un décret par lequel ses membres seront déchus des droits de citoyens actifs !

    Outre le désir d’apaiser la "fermentation populaire" du mois d’août, les députés souhaitaient ardemment mettre en place cette réforme qui avait déjà trop tardée (et qui aurait peut-être pu empêcher la Révolution). Ils ne comptaient donc pas reproduire l’erreur du roi, qui, à chaque tentative de réforme, s’était vu confronté à l’hostilité des parlements.

Lire cet article sur les Parlements : "Les parlements contre le roi".

    De plus, les parlementaires, qui se faisaient appeler "les pères du peuple", et qui avant la Révolution, avaient bien su instrumentaliser ledit peuple, n’étaient plus partout dans les bonnes grâces de celui-ci ! Dans bon nombre de provinces, l’opinion publique s’était retournée contre eux et les "pères du peuple" y étaient devenus des boucs émissaires, contres lesquels la colère populaire se concentrait. A Rouen par exemple, le 25 juillet 1789, des placards avaient même été affichés aux quatre coins de la ville, qui réclamaient des têtes en ces termes ! :

« Nation, vous avez ici quatre têtes à abattre, celle de Pontcarré, premier président, de Massion, intendant, de Belbeuf, procureur général, et celle de Durand, procureur du roi de la Ville. »


Un gouverneur très particulier

François Claude de Bouillé
    La situation à Metz était un peu différente. Les Messins semblaient attachés à leur parlement, une institution vieille de cent cinquante-six ans, dont ils avaient demandé la conservation dans leurs cahiers de doléances. Depuis juin 89, le nouveau gouverneur de la ville était le marquis de Bouillé et la présence de défenseur de la monarchie, qui plus est, très attaché à Louis XVI devait inspirer une certaine assurance aux membres du parlement. Bouillé avait pris le poste de gouverneur des Trois-Évêchés (ToulMetz et Verdun), en remplacement du maréchal de Broglie qui avait été appelé par le roi pour prendre le commandement des troupes qu’on rassemblait alors secrètement autour de Versailles. Lieutenant général des armées du roi, Bouillé s’était illustré, entre autres, en ayant combattu aux Antilles pendant la guerre d'indépendance des États-Unis, au cours de laquelle il avait pris plusieurs îles aux Britanniques. En 1781, il avait notamment obtenu le commandement de la flotte française du comte de Grasse, lors de la prise de Tobago. Avez-vous lu l'article du 23 octobre sur cette île de Robinson Crusoé ? Non ? Alors cliquez sur l'image ci-dessous !


    Bouillé avait acquis une popularité de courte durée durant l’été 89, pour avoir mis une partie des vivres de son armée à la disposition des Messins en manque de blé et menacés de famine. Mais ce grand militaire fidèle au roi, était hostile au mouvement révolutionnaire. Il avait été un ardent défenseur des privilèges lors des Assemblées des notables de 1787 et 1788, raison pour laquelle il voyait d’un mauvais œil les nouvelles structures que mettait en place cette Assemblée nationale qui avait aboli les privilèges lors de la nuit du 4 août (Lire l'article)Bouillé ne portait donc pas les patriotes messins dans son cœur et il s'efforçait de protéger les anciens édiles de la ville. Ces derniers se trouvaient confrontés au nouveau comité patriotique, devenu le 27 août le seul comité municipal légitime, comité protégé par la nouvelle garde nationale. Lors de la prise de serment des troupes de la garnison qui avait eu lieu le 18 septembre, Bouillé s’était d'ailleurs fait remarquer par son absence.

Cet extrait de ses mémoires nous montre quels étaient en vérité ses intentions :

« J'étais resté constamment à Metz, haï du peuple, mais assuré de la confiance de mon armée, ou j'avais entretenu la jalousie contre les bourgeois et le mépris pour la populace... Isolé au milieu de la Révolution, regardé comme ennemi de ce qu'on appelait la Constitution à laquelle je n'avais pas voulu faire le serment ordonné, serment que j'avais seulement fait prêter aux troupes par ordre du Roi... Désirant me réunir à ceux qui auraient la volonté, la force, le courage et le talent de rétablir une monarchie sur des bases convenables aux circonstances, ou résolu à quitter la France et à aller chercher une autre patrie ; telle était alors ma position. Mon seul objet était de servir le Roi et de soutenir la Monarchie qui s'écroulait. Je ne voulais entrer dans aucun parti... mais je devais ménager celui qui régnait alors et qui était le moins scélérat de tous. Mon rôle était de conserver mon armée et les places fortes, de me maintenir à Metz, d'y attendre les événements et de profiter du moment favorable qui devait naturellement se présenter dans le cours de la Révolution ; je suivis exactement ce plan qui fut dérangé par l'imprudence du Roi ou plutôt par celle de ses conseils... »

    Nous serons amenés à reparler de ce bouillant Bouillé, quand la famille royale le chargera d’organiser sa fuite de Paris en juin 1791.

Bouillé dit Sacrogorgon, général de l'armée noire
faisant faire l'exercice à un ex-conseiller au parlement

Je vous conseille la lecture de ce document très intéressant sur Metz durant la Révolution : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/53145/LCL2008_3-4_44.pdf?sequence=1


Mais revenons à l'Assemblée nationale en ce 25 novembre 1789 et prenons connaissance, si vous le voulez bien, des documents qui y furent lus !
(Vous allez constater que les parlementaires "rebelles" de Metz se feront juste un tout petit peu gronder et seront vite pardonnés.)

M. le Président. Un de MM. les secrétaires va donner lecture d'un mémoire envoyé par la commune de Metz et de pièces concernant le parlement de cette ville :

A Monsieur le président de l’Assemblée nationale.

Monsieur le président,

Je suis chargé de la part de la chambre des vacations de vous adresser son arrêté de ce jour, qui est l'expression du respect que le parlement de Metz ne cessera d'avoir pour les décrets de l'Assemblée nationale.

Je vous prie de vouloir bien le présenter à l'auguste Assemblée que vous présidez.

Je suis avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Signé : De Chazelles, conseiller.

A Metz, le 21 novembre 1789.

Extrait des registres du parlement de Metz.

Ce jour, la chambre des vacations continuant sa délibération sur l'arrêt du Conseil d'Etat du Roi, du 15 du courant, qui casse l'arrêté du parlement du 12 du même mois, elle aurait reconnu avec douleur qu'une démarche dictée par le zèle le plus pur aurait pu faire soupçonner le parlement de manquer au respect qu'il doit à son Roi, et dont il est également pénétré pour les décrets de l'Assemblée nationale ;

Qu'effrayée des bruits fâcheux qui se sont répandus dans les provinces, son zèle ne lui a pas permis de les apprécier ; qu'elle reconnaît avec satisfaction la liberté et l'union qui règnent autour du trône et dans l'Assemblée nationale ;

En conséquence, a arrêté que l'expression de ses sentiments serait mise sous les yeux de Sa Majesté et de l'Assemblée nationale, et que le présent arrêté serait envoyé à M. le garde des sceaux pour être mis sous les yeux du Roi, et à M. le président de l'Assemblée nationale, pour lui en être fait part.

Fait en parlement, à Metz, chambre des vacations, le 21 novembre 1789.

Collationné. Signé : Guinet.

A Nosseigneurs de l’Assemblée nationale.

Le comité municipal, à lui joints les députés des corps, compagnies, communautés, corporations et paroisses représentant la commune de Metz, pénétré du plus profond respect pour les décrets de l'Assemblée nationale, désapprouvant les principes qui ont égaré un moment le parlement, mais vivement touché de son empressement à réparer son erreur, a été saisi d'une douleur profonde en apprenant les dispositions rigoureuses de votre décret du 17 envers ce tribunal.

Cette cour donna souvent des preuves de son zèle pour le peuple ; elle consacra la première les principes de la répartition proportionnée des impôts, et son courage à les soutenir attira sur ses membres les coups du despotisme. Elle a rendu la justice avec équité et bonté ; elle a respecté les droits des citoyens, elle leur a été chère et respectable. Peu avant l'arrêté du parlement du 12 novembre, des bruits alarmants circulaient dans la cité ; ils émanaient de la capitale, ils étaient dans des écrits publics.

L'erreur du parlement de Metz est d'avoir pu les accréditer, tandis qu'il devait les détruire ; mais il n'a point résisté à l'autorité de l'Assemblée nationale et du Roi ; sa conduite doit dissiper le soupçon qu'il ait eu l'intention de préparer l'occasion d'y résister.

L'arrêté du 12 n'a point été envoyé dans les bailliages ; il n'a pas été publié ni affiché ; il n'a pas été répandu ; la commune de Metz n'en a eu des notions précises que par l'arrêt du Conseil qui l'a cassé.

Dès le 17 novembre, la chambre des vacations a enregistré sans réserve tous les décrets sanctionnés qui lui ont été adressés : la loi martiale, les lois touchant la justice criminelle et le rétablissement des impôts ; elle les a fait afficher et adresser sur-le-champ au comité municipal ; elle a enregistré de même l'arrêt du Conseil du 15, qui casse l'arrêté du parlement : son arrêté du 21, et la délibération du parlement de ce jour, dont la copie est ci-jointe, ne laisseront aucun doute sur la soumission de cette compagnie à l'Assemblée nationale et au Roi.

Le parlement a donc prévenu les suites fâcheuses que pouvait avoir son imprudence : cependant, Nosseigneurs, il est l'objet de votre sévérité ; ce transport d'un parlement en corps à quatre-vingts lieues l'exposerait aux insultes, aux huées des peuples, peut-être à de plus grands dangers ; cette humiliation désespérante, comparée à l'antique respect dont jouissait cette compagnie est ; comme l'a dit un de ses membres dans votre auguste Assemblée, un arrêt de mort.

Cette mort frapperait des citoyens, dont les uns ont protesté, dont les autres n'ont suspendu leurs protestations contre l'arrêté du 12 que dans la persuasion qu'ils devaient un secret inviolable aux délibérations de leur compagnie.

Cette mort en frapperait plusieurs qui sont membres du comité municipal de Metz, dont le patriotisme a été hautement professé, unis de cœur et de sentiment avec la commune qui garantit leur loyauté.

Les événements postérieurs à l'arrêté écartent les motifs qui ont pu déterminer l'Assemblée nationale à décréter une nouvelle chambre des vacations, la chambre actuelle ayant enregistré toutes les lois sans refus ni retard.

La commune de Metz vous supplie, Nosseigneurs, d'épargner une peine rigoureuse à un tribunal qui doit conserver de la dignité, et qui est nécessaire au maintien de l'ordre public, et d'accepter comme une satisfaction de cette compagnie le dévouement absolu que ses députés admis dans l'assemblée de la commune viennent de professer à l'Assemblée nationale, au Roi et la loi.

Fait à Metz, le 23 novembre 1789.

Singé : L'Huillier, etc. Collationné.

Signé : Fenouil, Secrétaire.

Metz, le 23 novembre 1789.

Monsieur le président,

Le comité municipal de la commune de Metz a l'honneur de vous adresser un mémoire en faveur du parlement de Metz, qu'il vous prie de soumettre à la décision de l'Assemblée nationale. Il se permet de vous observer que l'envoi de ce mémoire ; ayant été unanimement délibéré le 22, le parlement, qui en a été instruit, a envoyé le 23 deux députés de l'assemblée générale de la commune ; ils y ont déposé dans un discours touchant et convenable aux circonstances, les témoignages les plus marqués de la soumission du parlement à l'Assemblée nationale, et de sa réunion de cœur et d'opinion à la commune. Nous joignons à ce mémoire l'arrêté de la chambre des vacations du 21, la délibération en date du 23 des autres membres du parlement qui ont été présents à l'arrêté du 12. Ces membres se sont expliqués en cette forme, croyant ne devoir pas s'assembler en corps. Nous supplions l'Assemblée nationale d'accepter ces satisfactions. Si l'ordre du jour ne permettait pas l'examen prompt de notre mémoire, nous prions l'Assemblée nationale d'accorder une surséance au départ des magistrats, que nous ne verrons pas, sans un vif regret, exposés aux humiliations qui peuvent les menacer.

Nous sommes, avec un profond respect, monsieur le président, vos très-humbles et très-obéissants serviteurs,

Les représentants de la commune du comité municipal de Metz,

Signé : Vaultiné, président, Fenouil, secrétaire.

La lecture de ces pièces est accueillie avec satisfaction par l'Assemblée nationale.

En cliquant sur ce lien, vous pourrez lire : l'Extrait des registres du Parlement de Metz, daté du 12 novembre 1789.

Nouveau décret du 25 novembre 1789 sur le parlement de Metz 

M. Le Chapelier propose un arrêté qui est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de l'adresse de la municipalité et des communes de Metz, ensemble le nouvel arrêté pris par la chambre des vacations du parlement de Metz ;

«Décrète que déférant au vœu des citoyens de Metz, elle dispense de se rendre à la barre de l'Assemblée, les membres du parlement de Metz qui avaient pris l'arrêté du 12 novembre ;

«Ordonne que l'adresse de la municipalité et des communes de Metz, et l'arrêté du parlement, seront imprimées à la suite du procès-verbal ;

«Ordonne, en outre, que le président se retirera par devers Sa Majesté pour lui présenter le présent décret et la prier de lui accorder sa sanction. »

Adresse de M. de Pont, au nom de la municipalité de Metz, lors de la séance du 26 novembre 1789

M. de Pont, ancien conseiller au parlement de Metz, actuellement conseiller au parlement de Paris, fils de M. l'intendant de Metz, et député exprès de la commune de Metz, ayant fait demander la permission d'être entendu à la barre, l'Assemblée décrète son admission. Il y paraît accompagné de tous les députés de Metz à l'Assemblée nationale, et prononce le discours suivant :

Messeigneurs, lorsque j'ai osé solliciter la grâce d'être entendu au nom de la commune de Metz, je ne me flattais pas qu'après l'avoir obtenue, je n'aurais plus que des remercîments à vous présenter de sa part.

Chargé de réclamer votre indulgence en faveur de mes anciens confrères, je me fusse acquitté de ce devoir en homme sensible aux bontés qu'ils m'ont marquées, mais en citoyen qui se fait gloire de désavouer de faux et dangereux principes.

Votre sagesse, Messeigneurs, devait s'armer d'une juste sévérité pour prévenir les suites d'un écart qu'on pouvait croire réfléchi ; dès que vous avez connu que les magistrats du parlement de Metz n'avaient été qu'égarés, qu'ils s'étaient empressés d'abjurer leur erreur, qu'elle n'avait aucune influence sur l'opinion publique, qu'elle ne pouvait suspendre les heureux effets d'une révolution à laquelle tout Français rougira bientôt d'avoir voulu opposer quelques vains obstacles, alors, Messeigneurs, vous n'avez plus écouté que votre clémence.

Les décrets que vous avez rendus dans cette affaire honoreront, dans toute l'Europe, votre justice et votre modération.

Qu'il me soit permis d'ajouter qu'en cédant aux vœux de citoyens recommandâmes par leur patriotisme et par leur courage, vous assurez imperturbablement la tranquillité d'une ville importante, au sort de laquelle est lié celui de la frontière, et peut-être du royaume entier. Cette ville reconnaissante sera désormais plus glorieuse de l'intérêt qu'elle a eu le bonheur de vous inspirer, que de tous les monuments et les souvenirs de son antique splendeur.

Depuis plusieurs mois, Messeigneurs, vous avez fait naître dans nos cœurs des sentiments nouveaux, qu'il nous est impossible d'exprimer ; permettez qu'ils se manifestent par notre profond respect pour cette auguste Assemblée, notre soumission à ses décrets, et noire zèle pour en procurer l'entière et parfaite exécution.

M. le Président répond :

L'Assemblée nationale a ressenti la satisfaction d'accorder aux demandes des communes de Metz, fondées sur les principes inaltérables de leur confiance et de leur soumission pour ses décrets, une grâce qui doit contribuer au maintien de la concorde et de la tranquillité publique.

Il ajoute que l'Assemblée approuve que M. de Pont assiste à sa séance.


 

mardi 24 novembre 2020

24 Novembre 1789 : L’affaire des boucles d’argent. Profiteurs de crise ? Brigands ?

Boucles de souliers du XVIIIe siècle

Faits avérés vs Rumeurs infondées

    C'est toujours une bonne idée de consulter la correspondance d’Adrien-Joseph Colson, cet avocat parisien dont je vous ai déjà parlé. C'est une façon de découvrir les informations telles qu’elles circulaient à l’époque dans les rues de Paris. Ses lettres relatent souvent des faits avérés mais aussi parfois des rumeurs infondées. Peu importe, c'est aux historiens de faire le tri. Vrais ou faux, les événements rapportés sont intéressants, ils nous permettent de mieux comprendre ce que ressentaient les gens.

    Dans sa lettre du 24 Novembre, adressé à son ami de Province, Colson évoque l’étonnante affaire des boucles d’argent. Je vous laisse lire l'extrait ci-dessous et je reprendrai ensuite le commentaire.

(...) Nous avons (...) du pain aisément et cette heureuse circonstance jointe à celle que, par les assemblées de cantons, de districts et de départements, toute la France jusqu’au plus petit village va se tenir par la main, nous présage que nous allons bientôt jouir d'une paix et d'une tranquillité assurées que rien ne pourra plus troubler.

Cependant, nous touchons au moment de la perdre encore peut-être une fois pour quelques jours, et peut-être avec les commotions les plus violentes. Il règne une si grande fermentation que le plus léger prétexte et une poignée d'hommes ou de femmes serait suffisante pour mettre tout Paris en combustion, et il y a apparence que cela sera entrepris.

Dimanche 22, une femme du monde dit, chez Monsieur Ladoubé, en achetant de la chandelle, que le lendemain, qui était hier 23, elle et d’autres devaient exciter une émeute et que, dans cette émeute, on irait chez les particuliers les faire contribuer pour les pauvres. Elles auraient probablement réussi si elles eussent entrepris. Ce qui le prouve c'est que, publiquement et hautement, quantité de filous prennent de force effrontément les boucles d'argent sous prétexte que c'est pour la nation et que les particuliers et la police se sentent si peu en état de leur résister qu'on ne prend aucune mesure pour s'y opposer et que, pour ne pas perdre les boucles d'argent, tout le monde se décide à n'en porter que de cuivre ou d'acier. Le débit de ces dernières, surtout celles de cuivre, est devenu si considérable que, quoiqu'il n'ait commencé que le 22, tous les marchands en étaient généralement dépourvus dès le lendemain 23, que tous les ouvriers, quoique les orfèvres se mêlent aussi d'en fondre, ne suffisent pas à en fournir au grand nombre de ceux qui en demandent, qu'on assiège les portes de tous les ouvriers qu'on connait pour en fabriquer, qu'on s'y foule, qu'on s'y blesse comme on faisait ci-devant aux portes des boulangers pour avoir du pain, et qu'on est obligé d'y mettre des gardes. Les boucles, qui ne coûtaient il y a 3 jours que 18, 20 et 24 sols, coûtent à présent, quoique très simples, 3, 4 francs (1) et cent sols !

(1) L’éditeur des lettres, en 1993, a dû prendre la liberté de transformer les Livres de l’époque en Francs, auquel cas, 3 Francs correspondrait à 60 sols et 4 Francs à 80 sols. (1 livre = 20 sols (ou sous)).

Monsieur le marquis de Chambrai a hier dit à monsieur Ladoubé que les siennes, qu'il lui a montrées, avaient couté cent sols. C'est la nécessité bien entendu et non le goût qui y fait mettre ce prix. La crainte d'être attaqué avec des boucles d'argent les fait tellement rechercher qu'hier, un ouvrier en ce genre de fabrication, lequel achetait de la chandelle chez Monsieur Ladoubé, a assuré qu'un marchand de notre quartier qu'il citait et qui se croyait fort malheureux d'avoir un amas considérable de ces sortes de boucles qui n'étaient plus de mode et dont il n'avait plus d'espérance de pouvoir se défaire, vient d'y gagner) dans l'espace de 24 heures, environ deux cent mille francs, les ayant vendues non par cartons, ni par centaines, mais par grosses aux marchands particuliers de Paris, quoiqu'il les leur vendît extrêmement cher.

(...) L'origine de ce désordre vient Monsieur, et vous ne le soupçonneriez surement pas, d'un exemple de générosité patriotique bien louable que vient de donner une ville de votre voisinage : Issoudun vient d'envoyer à l'Assemblée nationale environ 115 marcs de boucles d'argent provenant de celles de tous les citoyens qu'elle renferme dans son sein. Bordeaux a mandé qu'il se disposait à en user de même.

L'Assemblée nationale, touchée de ces exemples, a donné au même instant toutes les siennes. D'après cela, les brigands ont prétendu que tout le monde devait en user de même et, pour que cela s'effectuât plus promptement, ils se sont chargés d'être les porteurs du présent !

Puisque la police ne semble pas pouvoir s'opposer à un pareil brigandage et que les districts se contentent de recommander qu'on ne porte pas de boucles d'argent ni de montre, vous sentez, Monsieur, combien il est facile d'exciter des soulèvements.

Les dons patriotiques

Le 1er don patriotique, celui des femmes artistes,
le 7 Septembre 1789.

    Souvenez-vous, l’exemple avait été donné le 7 Septembre 1789 (lire l'article), lorsque des femmes artistes étaient venues à l’Assemblée nationale offrir leurs bijoux pour renflouer le trésor d’une France au bord de la faillite. Le 22 Septembre (lire l'article), le roi lui-même, avait décidé de faire don de sa vaisselle d’argent pour les mêmes honorables raisons ! L’Assemblée nationale avait alors décidé de créer un bureau pour gérer cet afflux de dons. L’Assemblée nationale avait même invité l’Eglise le 29 Septembre, à faire don de son argenterie non nécessaire au culte (lire l'article). Depuis, cet élan national de dons spontanés ne cessait plus. Les journaux en rendaient compte presque chaque jour.

A propos des boucles.

Boucles du XVIIIe siècle
Source image


    Au XVIIIe siècle, les boucles d’argent étaient un signe extérieur de richesse. Vous ne pouviez pas vous présenter dans le grand monde, sans que vos souliers en soient ornés. Elles étaient devenues un accessoire de mode indispensable. Les joailliers, aussi bien que les cordonniers, faisaient montre de tous leurs talents pour en créer de toujours plus magnifiques, en employant des matériaux aussi variés que précieux, argent, vermeil, quartz, verre, diamant etc. Les boucles en bronze étaient de rigueur en période de deuil.

   J’attire votre attention sur le prix des boucles de substitution en cuivre ou acier, donné par Colson : entre 18 et 24 sols, avant la crise ! Je me permets de vous rappeler à cette occasion, que le prix d’un pain permettant de nourrir une famille était de 14 sols le 14 juillet1789, et qu’un journalier parisien gagnait entre 15 et 20 sols par jour travaillé. Quand Monsieur le marquis de Chambrai dit avoir acheté ses boucles de cuivre en remplacement de ses boucles d’argent 100 sols, cela correspond à 5 jours de pain pour une famille.

    Sans vouloir porter de jugement, ni encore moins minimiser le crime, vous comprenez comme moi que cette panique à propos des boucles d’argent, épargnait une grande partie des Parisiens, qui chaque jour, n’étaient pas certains de manger du pain ou de pouvoir en acheter. (Lire cet article du 10 Novembre sur le manque de pain à Paris).

Les profiteurs de crise

« Une poignée d'hommes ou de femmes serait suffisante pour mettre tout Paris en combustion ». Cette remarque de Colson corrobore ce que je vous dis à propos des minorités agissantes pendant la Révolution, dans mon article du 31 Décembre. Mais en l’occurrence, selon Colson, cette poignée d’hommes et de femmes semblait être vraiment constituée de fieffés brigands ! Cette mauvaise engeance, profiteuse de malheur, apparait en effet systématiquement à chaque période de crise. La Révolution en connaîtra de nombreux, certains même encore plus néfastes que ces petits escrocs. De grandes fortunes se feront "plus ou moins honnêtement" durant cette époque tourmentée, spéculations sur le blé, achats à vils prix de biens nationalisés, approvisionnement des armées, et autres petits et grands trafics. A une différence près, c'est que ces escrocs-là n’iront jamais en prison. 

Il n’empêche que ces voleurs de boucles d’argent étaient tout de même des brigands !

Des brigands ? Vraiment ?

    L'affaire n'est pas si simple que cela en vérité. Relisez le dernier passage de l'extrait de la lettre de notre bon bourgeois du Tiers Etat :

"L'Assemblée nationale, touchée de ces exemples, a donné au même instant toutes les siennes. D'après cela, les brigands ont prétendu que tout le monde devait en user de même et, pour que cela s'effectuât plus promptement, ils se sont chargés d'être les porteurs du présent !

Puisque la police ne semble pas pouvoir s'opposer à un pareil brigandage et que les districts se contentent de recommander qu'on ne porte pas de boucles d'argent ni de montre, vous sentez, Monsieur, combien il est facile d'exciter des soulèvements." 

Alors l'ami Colson, s'agit-il de brigands ? Ou de révolutionnaires ?

    Nous l'avions déjà évoqué le 28 Juillet dernier, "brigand" était aussi un terme utilisé pour désigner les révolutionnaires. Je vous invite à lire l'article du 28 juillet, intitulé : Brigands, "sous prétexte de disette".

    Sans remettre en cause la sincérité de Colson, ne sommes-nous pas en droit de nous demander ce qui est vrai dans son récit. Comment faire la part entre ses préjugés, les faits réels et même la rumeur ? Comme vous le voyez, l'histoire est une discipline bien compliquée.


24 Novembre 1789 : Première et "véritable" parution du journal le Moniteur Universel

 

    Ce titre peut paraître quelque peu étrange, mais vous allez en comprendre le pourquoi. Cet événement ne tenant qu’en une ligne dans ma base de données, j’ai cherché à en savoir un peu plus en furetant sur internet et une fois de plus j’ai fait des découvertes étonnantes !

Version officielle "wikipediesque"

    Bien évidemment, je suis immédiatement tombé sur l’inévitable article de Wikipedia. Mais par expérience, j’ai appris à me méfier un peu des versions données par Wikipedia, qui parfois ne coïncident pas avec mes propres sources et qui trop souvent sont de parti pris, surtout pour ce qui concerne la Révolution française. Celui concernant la Gazette nationale ou le Moniteur Universel me semble plutôt complet et je vous invite à le lire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Moniteur_universel

    Vous y découvrirez une version officielle de l'histoire de ce journal qui se voulait « journal officiel » et qui le deviendra effectivement à partir du 27 décembre 1799, après que Napoléon Bonaparte ait pris le pouvoir le 15 décembre, qu’il se soit nommé premier consul et qu’il ait supprimé la liberté de la presse.     Le grand homme écrira même des articles dans le Moniteur pour défendre ou expliquer sa politique.

Le créateur du journal

Charles-Joseph Panckoucke

    C’est le libraire Charles-Joseph Panckoucke (fils d'un libraire de Lille), venu s'établir à Paris en 1764 qui eut l’idée de créer ce journal, sur le modèle des gazettes anglaises. Il annonça dans le numéro du 21 Novembre 1789 du Premier Mercure de France, dont il était le propriétaire depuis 1779, la parution prochaine d'un nouveau journal, dans la ligne de la Révolution. Ce journal, allait s'appeler "la Gazette Nationale ou le Moniteur Universel" et il comporterait cinq grandes divisions : l'Assemblée nationale ; la politique intérieure et extérieure ; l'administration ; la littérature, les sciences et arts et les annonces et avis.

Naissance "officielle"

    La Gazette Nationale ou le Moniteur Universel paru donc pour la première fois le 24 novembre 1789 (et non-pas en mai 89) et il commença de retranscrire fidèlement (les prenant en sténo), les débats de l'Assemblée, comme les actes du pouvoir.

Une vocation à l’officialité

    Le propre de ce journal qui avait vraiment vocation à devenir officiel fut de toujours suivre le plus fidèlement possible les courants politiques au pouvoir, qu’ils fussent monarchique, constitutionnel, girondin, jacobin, thermidorien, impérial, etc. Ce qui demande un réel talent, convenons-en.

Où il est question de forgerie

    Néanmoins, j’ai trouvé un autre article très intéressant sur un site perso intitulé « 1789-1815.com ». Je félicite au passage son auteur pour son courage à vouloir couvrir une aussi longue période. Personnellement je projette de ne couvrir que la période révolutionnaire qui s’arrête pour moi en Juillet 1794.

Je vous invite donc à lire l’article consacré au Moniteur en cliquant sur l’image ci-dessous.


    Ce qui a retenu mon attention dans cet article, c’est la mention qu’il fait mention d’une sorte de forgerie (sans employer le mot). La forgerie est un problème bien connu des historiens. Il s’agit, comme l’indique le dictionnaire de « fabriquer, de monter de toutes pièces (une chose imaginaire ou trompeuse) pour les besoins de la cause », c’est-à-dire de commettre un faux.

    Il semble que ce phénomène de forgerie se soit produit pour les numéros du Moniteur couvrant la période allant du 5 mai 1789 (ouverture des Etats généraux), jusqu’au 23 novembre 1789. Ceux-ci ont été créés a posteriori, afin de répondre à la demande des lecteurs qui voulaient constituer une collection complète du journal, retraçant le cours de la Révolution depuis ses débuts.

    C’est l'éditeur Agasse, beau-fils et associé de Panckoucke, qui entreprit de donner une nouvelle édition historique du journal, « officielle » elle aussi, qu’il compléta en la faisant débuter à la date du 5 mai 1789, jour de l'ouverture des Etats Généraux. Il fit donc fabriquer des numéros apocryphes, c’est-à-dire des faux qui n’avaient jamais été publiés auparavant. C’est donc bien un cas de forgerie. Cette nouvelle édition officielle fit même qu’elle prit le dessus sur les premiers numéros originaux qui finirent par disparaître !

    Etonnante histoire ! Mais si vous avez lu mon enquête sur le discours de Robespierre, officiellement dit et officieusement censuré, vous avez vu que les versions sont parfois arrangées, voire forgées.

Les vrais et les faux

    C’est dans la bibliothèque digitale de l’université de Floride, aux Etats-Unis, que j’ai trouvé la quasi-intégralité des numéros de la Gazette Nationale ou le Moniteur Universel, y compris les faux !

Je vous laisse les découvrir en cliquant sur l’image ci-dessous :


    Quant au premier numéro, celui du 24 Novembre 1789, vous pouvez y accéder en cliquant sur son image ci-dessous.

Mais est-ce le vrai ou l’officiel ?... 😉


24 Novembre 1789 : Une Révolution généreuse (ou moqueuse ?) avec ceux qui conspirent contre elle.

    L'Observateur fut l'un des premiers journaux révolutionnaires. Ses articles étaient rédigés par le journaliste Gabriel Feydel ainsi que par l’écrivain Choderlos de Laclos. Il fut publié du premier août 1789 au 12 octobre 1790.

    Dans le numéro 49 du journal L’OBSERVATEUR du 24 Novembre 1789, on peut lire en première page cette bien curieuse information :

"Aristocrate engagé pour huit ans dans la garde nationale.

Un conseiller du Parlement de Rennes, qui habite un château à quatre lieues de L’Orient, a été accusé de tenir chez lui des assemblées secrètes, avec quelques-uns de ces aristocrates qui, dans leurs projets ténébreux, conspirent sans cesse la perte de l’Assemblée nationale, et par conséquent de la France. Le comité municipal de L’Orient (Lorient) a mandé ce conseiller, afin qu’il rendît compte de sa conduite. Il s’est justifié ou excusé comme il a pu. On lui a proposé de prendre sa part d’un souper patriotique : il a accepté. On lui a offert du rouge et du blanc : il a accepté. On lui a offert le titre de bon citoyen : il a accepté. On lui a offert l’uniforme de la garde nationale : il a accepté. On lui a proposé de signer un engagement de huit ans : il a accepté.

Le lendemain il a voulu revenir sur ce qu’il avait fait la veille. Il a redemandé sa signature ; mais le comité lui a répondu que la ville de L’Orient, trop heureuse de pouvoir désormais compter un homme tel que lui au nombre des défenseurs de la liberté française, allait déposer dans les Archives cet engagement, pour conserver à jamais un témoignage du patriotisme de celui qui l’a signé."

    Que pensez-vous de l'extrême générosité du comité de la ville de Lorient ? Ses membres ont-ils fait preuve de naïveté ? Ou bien, d'une façon quelque peu machiavélique, ont-ils choisi de compromettre cet aristocrate aux yeux de ses complices comploteurs ?

    Avouez tout de même que combler ainsi de cadeaux un ennemi, est une attitude plutôt inattendue, surtout pendant une Révolution, non ? 😉

Le port de Lorient vers 1780

Un mot sur la ville de Lorient, ville champignon.

Concernant la ville de Lorient, je vous invite à lire, en cliquant sur l'image ci-dessous, un article intéressant qui explique comment cette ville est née au 18ème siècle.


    Comme il est d'usage sur mon site quand je le peux, vous pouvez consulter ci-dessous la source de l'information :