dimanche 6 décembre 2020

6 Décembre 1789 : Le spectre de la démocratie effraie les notables, mais pas l'abbé Fauchet.

 

Discours de Périclès, héros de la démocratie athénienne.

L'horrible danger de la démocratie.

    On discute beaucoup politique en cet automne 1789, pas seulement au sein de l’Assemblée nationale, mais aussi dans les salons, les clubs, les loges, les tavernes, les marchés, partout ! Les "honnêtes bourgeois" du Tiers-état, regroupés au sein de la Commune de Paris, menée par le duo Bailly et La Fayette, s’inquiètent de certaines des idées qui commencent de courir au sein du peuple. Des idées excessivement démocratiques, portées par quelques trublions dont nous seront amenés à reparler de plus en plus souvent.

Ça grogne dans les districts parisiens

    Nous en avons déjà parlé les 20 et 23 novembre. Les districts se plaignent que les députés à l'Hôtel-de-Ville ont usurpé une autorité qui ne leur appartenait pas. Ainsi ils ont formé un régiment de chasseurs, fait des règlements de police qu'ils ont portés à l'Assemblée, pour éviter de les soumettre à la décision des districts, ont prié le Roi de rappeler les gardes du corps, etc.

Le très agité district des Cordeliers

Georges Danton

    Par son intense activité, le district des Cordeliers semble mener les 39 autres. Fondé par Georges Danton et Jean-Paul Marat, le club des cordeliers est ouvert aux Parisiens pour une cotisation annuelle de 24 sous (salaire d'une journée de travail d'un ouvrier). Présidé par l’énergique Danton, les Cordeliers ont révoqué leurs députés et en ont nommé d'autres sur la démission des trois membres de la commune qui n'avaient pas voulu prêter le serment qui leur avait été demandé ; ces députés nouveaux n'ont de pouvoirs que pour un règlement provisoire et non des pouvoirs indéfinis. Mais scandale, l'assemblée des représentants des communes a voulu conserver les anciens membres et rejeter les nouveaux !

Jeton d'admission aux séances du club des Cordeliers.
Danton exige :

1° le droit pour chaque district de révoquer à volonté, après trois assemblées tenues pour cet objet, ses cinq représentants à la Commune,

2° La plénitude du pouvoir législatif, en matière municipale, pour la majorité des districts régulièrement consultés.

L’abbé Fauchet en demande plus

Claude Fauchet
    Sur ce dernier point, portant sur le pouvoir législatif, l’abbé Claude Fauchet propose encore plus. Il voudrait qu'une loi de l'Assemblée nationale ne fût définitive qu'une fois adoptée par la majorité des districts et des assemblées électorales des départements. "Eh ! monsieur l'abbé, » lui aurait répliqué un paysan de la banlieue, « quand est-ce que nous aurons le temps de planter nos choux ?".

    Cet abbé est loin de l’idée que l’on se fait des ecclésiastiques sous la Révolution, du moins tels que nous les ont décrits les nostalgiques de l’Ancien régime. Je parle des ecclésiastiques du bas clergé, pas ceux du haut clergé bien sûr qui étaient avant tout des nobles plutôt que de vrais religieux. Les petits curés du bas clergé étaient au contact du peuple et souvent aussi miséreux que leurs ouailles. Du moins jusqu’à ce que les "horribles" révolutionnaire doublent leurs salaires et leurs offrent même le suprême bonheur de pouvoir se marier (5918 prêtres se marieront entre 1791 et 1816).

Claude Fauchet, devenu évêque
    L’abbé Fauchet fut l’un de ceux qui conduisirent le peuple à l’attaque de la Bastille, où, le sabre en main, il guida la députation qui venue sommer le gouverneur Launay de rendre la forteresse. Souvenons-nous également de l’abbé Lefebvre qui la veille, 13 juillet organisait la distribution de petits sachets de poudre aux Parisiens ! Le 5 août suivant, le bouillonnant abbé Fauchet avait prononcé dans l'église Saint-Jacques-la-Boucherie un discours éloquent en guise d’oraison funèbre pour les citoyens tués le 14 juillet, prenant comme point de départ les paroles de l’apôtre Paul : « Vous avez été appelés à la liberté ».     Ce fut lui qui bénit le drapeau tricolore de la Garde nationale en septembre dernier. Il siégea à la Commune de Paris du 18 septembre 1789 au 8 octobre 1790. L26 octobre 1789, dans un discours contre les prêtres réfractaires, Fauchet expliquera ses conceptions sociales, politiques et religieuses. Fauchet considérait le travail comme un attribut de la citoyenneté, développait sa compréhension de l’Évangile comme creuset de l’égalité et, surtout, de la liberté, affirmait la primauté de la qualité de citoyen sur la qualité religieuse, et clamait son attachement à la Constitution, particulièrement au roi, rouage indispensable à la stabilité de la monarchie constitutionnelle. Cet abbé très populaire dirigea également la Société des Amis de la Vérité. Il publiait La Bouche de Fer, avec Nicolas de Bonneville. Les 13 et 22 octobre 1790, il inaugura les séances d’un Cercle social au cirque du Palais-Royal, en prônant un socialisme fondé sur l’amour, et le christianisme, dont la franc-maçonnerie annonçait, selon lui, l’organisation. Mystique, l’abbé Fauchet lançait l’anathème sur les voltairiens et, d’une façon générale, sur tous ceux qui se méfiaient de son syncrétisme "christo-maçonnique". Devenu évêque Fauchet se proclama républicain en juin 1791, lors de la fuite de Louis XVI, et fut élu par le Calvados à la Législative puis à la Convention. Il vota contre la mort du roi, refusa de siéger après le 2 juin 1793, fut impliqué le 14 juillet dans l’affaire de Charlotte Corday et périt avec les Girondins.
PS : J'ai découvert en lisant le journal "Les Révolutions de Paris" semaine du 12 au 19 décembre, que l'abbé Fauchet faisait également partie du Comité de Police qui confirma que ce journal appartenait bien à Prudhomme. Je ne vous cache pas que j'ai beaucoup de sympathie pour ce curé)

Comment les curés ont initié la Révolution.

    Rappelons-nous les 3 curés du Poitou qui furent les premiers à rejoindre le Tiers-état le 13 juin 1789, lors des états généraux. Le 19 juin, l’ensemble du clergé décidera même de se joindre au Tiers par 149 voix contre 137. Le lendemain, le roi fera fermer la salle de l’Assemblée nationale constituée le 17 juin à Versailles et ensuite, tout se précipita. On peut donc dire que le ralliement du clergé fut un élément déclencheur majeur ! Les prêtres seront d’ailleurs très nombreux au sein de l’Assemblée nationale.

    En quoi est-ce étonnant d'ailleurs ? La juste colère de ces prêtres à quelque chose de celle du dénommé Jésus qui chassa les marchands du Temple à Jérusalem ! Le même Jésus qui disait qu'il serait plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu ! (Luc 18 : 25).

Jésus chassant les marchands du Temple.
Oeuvre de Jean-Baptiste Jouvenet
(1644-1717)

Méfiance envers les curés.

    Bientôt, les Constituants se méfieront de plus en plus de ces 40.000 prêtres du bas-clergé (sur un clergé de 44.000 membres) et nous verrons qu’ils monteront bientôt le peuple contre ceux-ci.     

    Les Girondins que tout le monde considère à présent comme degentils provinciaux modérés justes et bons, victimes des "horribles jacobins", feront passer le 27 mai 1792 une loi terrible contre les prêtres, stipulant qu’il suffisait de la dénonciation de vingt citoyens pour qu’un prêtre soit condamné à la déportation. Le but des Girondins, selon la phrase d’Isnard, était celui-ci : « Le dénouement de la révolution doit être l’exclusion du christianisme ».     Le même Isnard qui menacera de faire raser Paris par la Province le 25 mai 1793…

Véto du roi sur le décret du 27 mai 1792

   Mais pour le moment, en ce mois de décembre 1789, notre abbé révolutionnaire anime de ses fougueux discours les assemblées primaires et les sections de Paris. Et ce faisant, il agace...

Une motion "divine"

Camille Desmoulins
    Le journaliste Camille Desmoulins trouve "divine" la motion de l’abbé Fauchet. C'est une aimable façon de dire qu'elle est utopique, irréalisable. Desmoulins se range ainsi de l’avis des plus raisonnables, qui sont convaincus qu’il n'y aurait alors plus de lois, mais des débats sans fin. Les honnêtes bourgeois qui siègent à la Commune s’inquiètent déjà des empiètements des districts sur l'Hôtel de Ville, et des clubs sur les districts. Pousser plus loin le débat démocratique et la prise de décision politique leur semble totalement déraisonnable. Ils invoquent ainsi l’antique sagesse qui affirme que le mieux est l'ennemi du bien, car selon eux, ce mieux n'est fondé que sur des raisonnements abstraits, sans aucun souci de la véritable nature des hommes et des choses. Vaste sujet…

De l'horrible peur de la démocratie


    Derrière tout cela se cache en effet l’ombre terrifiante du suffrage universel ! Le 22 octobre 1789, un certain Robespierre avait déjà tenté de protester contre la clause du Marc d'argent qui excluait toute une partie de la population. Plus tard, lors de son discours du 11 août 1791, il défendra encore plus clairement le principe du suffrage universel, arguant du fait que le suffrage censitaire choisit par l’Assemblée nationale constituante aurait interdit à Jean-Jacques Rousseau de pouvoir voter !

« Quelle serait la garantie de Rousseau ? Il ne lui eut pas été possible de trouver accès dans une assemblée électorale. Cependant, il a éclairé l’humanité et son génie puissant et vertueux a préparé vos travaux. D’après les principes du Comité, nous devrions rougir d’avoir élevé des statues à un homme qui ne payait pas un marc d’argent. »

    Robespierre pensait que d’années en années, tout de même, il finirait par y avoir de moins en moins d'analphabètes, et qu’avec le suffrage universel, les gens ouvriraient leurs yeux sur leur condition, puis comprenant les causes de leur misère, arriveraient peut‐être à faire une république d'équité. Robespierre était un grand naïf, c'est ça qui l'a perdu...

    Mais durant cet automne de 1789, la voix de Robespierre est constamment étouffée au sein de cette assemblée de bons bourgeois propriétaires. Des cris et tumultes variés, surviennent chaque fois que lui ou l’un des quelques défenseurs du suffrage universel tente de s'exprimer. Dans une lettre qu'il adressa à son ami Buissart, Robespierre expliqua : "Ces dispositions (chahuts) sont l’ouvrage du parti aristocratique de l’Assemblée qui n’a pas même permis aux autres de défendre les droits du peuple et a constamment étouffé leurs voix par des clameurs ; de manière que la plus importante de toutes nos délibérations a été arrêtée sans discussion, dans le tumulte et emportée comme par violence." 

    Pourtant, comme l'a si joliment formulé l’abbé Grégoire : "il suffit d'être bon citoyen, d'avoir un jugement sain et un cœur français" pour avoir le droit de voter.

  Mais selon les gens "raisonnables" de 1789, le referendum populaire n'est éventuellement possible démocratiquement que dans des républiques comme la Suisse : encore n'est-il alors qu'une exception. Dans les grands Etats, il n'aboutirait qu'à l'anarchie, puis, par le plébiscite, au despotisme.

    Il faut dire à leur défense qu’il existait bien peu d’exemples de démocraties au 18ème siècle. Même l'antique Démocratie athénienne était mal vue, puisque c’était elle qui avait condamné à mort le grand Socrate. Platon dans la République, comme Aristote dans la Politique, s’inquiétaient déjà de voir la masse populaire, inculte, influençable et indisciplinée, devenir maîtresse de la cité. Les poètes comiques dénonçaient à l’envie les dangers de la démagogie.

    Ceux des Révolutionnaires qui veulent abolir la monarchie, (il n'y en a pas, ou peu en 1789), se prennent pour les Romains qui abolirent la monarchie des Tarquins et instaurèrent la République. 

Brutus saisissant le poignard ensanglanté de Lucrèce
et jurant par Mars et tous les autres dieux romains qu'il
expulsera les Tarquins de Rome. S’en suivra l’expulsion
de Tarquin le superbe (qui avait violé Lucrèce) et l’abolition
 de la monarchie. A partir de ce moment fondateur les affaires
 de Rome appartiendrai au peuple et Rome deviendra
 une res publica ("une affaire publique" en latin)

Res publica ?

    Contrairement à ce que pensent la majorité des gens, république n’est pas synonyme de démocratie ! Il suffit de découvrir le régime totalitaire rêvé par Platon dans sa République pour s’en convaincre. République vient du latin « res publica » qui signifie « la chose publique », rien de plus. Alors avec nos gentils bourgeois emperruqués de 1789 qui ne rêvent que d’une monarchie constitutionnelle, nous sommes encore loin de l’idée de République et encore plus de celle de démocratie !

    De nos jours, les dangers inhérents à la démocratie sont mieux contrôlés. L’ingénierie sociale s’est développée et les moyens aussi subtils qu’intelligent de "guider" l’opinion, voire de fabriquer le consentement, n’ont jamais été aussi efficaces. Mais c'est un autre sujet...

Réaction dans la Presse.

J'ai évoqué les politiques, mais n'oublions pas la Presse !

Dans le numéro 2 de son journal des « Révolutions de France et de Brabant », publié fin novembre 1789, Camille Desmoulins écrira à propos du Marc d’Argent (page 46) : 

« Je reviendrai quelque jour sur ce décret du marc d’argent, je l’ai toujours regardé comme un attentat révoltant aux droits de l’homme. Si j’avais eu l’honneur d’être à l’Assemblée Nationale, je sens que j’aurais fait tant d’efforts pour empêcher ce décret de passer et pour opposer du moins à l’inégalité réelle des fortunes, l’égalité fictive des droits ; j’aurais parlé avec tant de véhémence que peut-être mon zèle m’eut-il coûté la vie, et j’aurais cru ne pouvoir mourir en plaidant une plus belle cause. Mais me voilà journaliste, et c’est un assez beau rôle. »

Instauration du suffrage universel avec la Constitution de 1793 

    Sans vouloir "spoiler" (Ou divulgacher comme on dit sur Radio France) en dévoilant la suite de la Révolution, vous devez déjà savoir que celle-ci finira par prendre un "mauvais" tournant démocratique, à cause de "l’immonde Robespierre" et sa clique (Humour). C’est sa Convention Montagnarde qui rédigera la si démocratique constitution du 24 juin 1793, jugée encore de nos jours comme la plus démocratique jamais publiée. 

Allégorie de la Constitution de 1793

    Les adversaires de la Révolution se moquent souvent du fait qu’elle ne fut jamais appliquée. Mais en vérité, la mise en œuvre de celle-ci avait été ajournée jusqu’à la paix. Ce qui choque les rieurs pour la 1ère République ne les choque pas pour la 3ème République, car rappelons que lors de la séance historique du 4 août 1914 à la Chambre des députés, le Parlement français s'ajourna sine die laissant au Président du Sénat et au Président de la Chambre des députés le soin de le convoquer, le cas échéant. L’état d’exception de 1793, avec ses 11 armées étrangères qui envahissaient la France, valait bien celui d’août 1914 !

Constitution de 1793

"Heureusement", la Révolution populaire échouera...

    Au grand soulagement des financiers divers et variés, la Constitution de 1793 sera supprimée et remplacée, grâce à l’exécution de Robespierre le 9 Thermidor an 2 (27 juillet 1794) et la disparition de son courant politique « excessivement » démocratique.

    Le 1er avril 1795 (12 Germinal an III), une fois la Révolution terminée, quelques sans-culottes parisiens tenteront une insurrection contre la Convention thermidorienne pour demander l'application de cette Constitution de 1793 et réclamer du pain. Sur ordre de la Convention thermidorienne, le général Jean-Charles Pichegru, qui était de passage à Paris, dispersera violemment la manifestation. La Révolution populaire était définitivement écrasée.

Au lendemain de la journée insurrectionnelle du 12 Germinal an III (1er avril 1795)
la foule tente de libérer Barère, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois, anciens membres
du Comité de Salut Public, déportés par Décret de la Convention nationale thermidorienne.

Post Scriptum :

Et les femmes ?

    Bonne question. Vous avez remarqué ; que ce soit le suffrage censitaire ou le suffrage universel, on ne parle que du vote des hommes et pas de celui des femmes.

    Pas d’anachronisme s’il vous plaît. Nous parlons encore là de l’ancien monde. Il faudra encore beaucoup de démocratie, de révolutions et d’écoles pour que les droits légitimes soient enfin accordés aux Femmes. On ne les accordera d’ailleurs pas de bon cœur. Comme tous droits nouveaux, elles devront se battre pour les acquérir. Rappelez-vous qu'en matière de progrès social, rien n’est jamais donné ! Et comme pour tous les droits liés au progrès sociétal de la civilisation, rien n’est jamais acquis. Il faut combattre perpétuellement, sous peine de voir la réaction imposer de nouveau ses archaïques traditions.

    Alors souvenons-nous que la Révolution française ne fut qu’un début, une porte ouverte sur le progrès, tout le chemin restait à faire et il n’est pas encore terminé.

    S’il vous plaît, ne me parlez pas de la pauvre Olympe de Gouge. La belle Olympe était pour la monarchie constitutionnelle et le suffrage censitaire. Le vote du peuple lui importait peu et le projet républicain de Robespierre et sa clique l’horrifiait. (Désolé)

Lisez plutôt cet article sur la trop méconnue Louise-Renée Audu



samedi 5 décembre 2020

5 Décembre 1789 : Les bois de Boulogne et Vincennes sont pillés par des paysans en manque de bois de chauffage.

Dessin de Jean-François Millet

    Voilà un fait-divers qui semble au prime abord sans grande importance historique, mais qui est en fait révélateur de la situation dramatique du pays en cette fin d'année 1789.

Fait-divers, fait d'hiver.

    Ce n'est d'ailleurs pas un événement propre à l'année 1789, puisque le 18ème siècle est connu pour l'extrême rigueur de ses hivers. Des hivers terribles suivis d'étés maussades dont les effets conjoints eurent des conséquences incontestables sur l'origine de la Révolution. Le bois de chauffage manquait et de plus il était cher. Les vols de bois étaient donc choses courantes dans les campagnes.

    Ce 1er décembre 1789, la Commune de Paris a dû dépêcher un détachement de quatre cents gardes nationaux qui ont incarcéré à la Conciergerie cinquante-sept voleurs de bois de chauffage.

Notre ami l'avocat Adrien Joseph Colson, dont j'évoque régulièrement la correspondance, écrit ceci à son ami de province dans son courrier du 6 décembre :

" Il se commet beaucoup de vols clandestins et l'on surprend beaucoup de voleurs. Hier on en a arrêté plus de 63, plus hardis que les autres, qui s'avisaient de couper les arbres au bois de Long-Champs, à la face de tous les passants. Monsieur Lafayette qui en a été instruit les a fait investir par mille hommes et les a fait arrêter. Un Monsieur qui vient souvent chez Monsieur Ladoubé lui a dit hier les avoir vu conduire en prison. J'entends crier * à ce moment qu'on en a arrêté 56." (* Cri poussé par un vendeur de journaux dans la rue)

    Notons au passage que Colson ne se pose pas vraiment de questions à propos de ces vols d'arbres...

    Le 31 décembre 1788, on avait relevé -21.8° à Paris et -31° à Mulhouse. Le mois de décembre 1788 avait été, tous mois confondus, le mois le plus froid à Paris depuis des siècles et pour des siècles encore ! Dans les derniers jours de décembre 1788, le froid était devenu si fort que la mer elle-même avait commencé à geler, et le début de l'année 1789 avait commencé avec les catastrophiques débâcles des glaces sur la Seine, la Loire et le Rhône. (Voir l'article du 27 janvier 1789)

    Décembre 1789 était donc une fois de plus un décembre glacial et la population cherchait à se chauffer. C'est bien sûr le peuple, déjà accablé par le manque de pain, qui souffrait le plus du froid et qui peinait à trouver le moyen de se réchauffer !

    Le bois de chauffage était cher à Paris et il était même encore plus cher en banlieue, parce qu'une grande partie de celui-ci, livrée par grands trains de bois flottants arrivant par la Seine, était débarquée dans Paris et que de fait, les marchands devaient payer l'octroi des Fermiers généraux en sortant de Paris !

    Ci-dessous, 2 vues extraites du plan de Bretez, dit de Turgot :

  • La première représente l'île Louvier, aujourd'hui disparue, située à l'entrée Est de Paris, acquise par la Ville de Paris en 1700 et affermée à des marchands de bois.


  • La seconde montre les entrepots de stockage de bois de part et d'autre de la Seine, avant les pataches (bateaux des douaniers) de l'entrée Est de Paris.

Une autre disette, celle du bois !

    Le grand Colbert, ministre du Louis XIV avait déclaré en 1660 « La France périra faute de bois ». Il avait en effet calculé que l’Angleterre pouvait alors fabriquer une centaine de navires de guerre avec ses forêts alors que la France ne pouvait plus en faire qu’une vingtaine ! Il fallait donc reconstituer les forêts de toute urgence pour créer une marine dont il percevait toute l'importance ; il mit donc en place des règlements aptes à assurer la conservation des forêts.

    Mais la situation du parc forestier ne pouvait pas se résoudre plus rapidement que ne pousse un arbre ! De plus, après la mort de Colbert, puis celle de Louis XIV, on revint en arrière avec le rétablissement des charges vénales, la création de nouveaux postes d'officiers surnuméraires, la reprise des coupes abusives et des délits divers. La période qui suivit, jusqu'à la révolution, fut donc dramatique pour les forêts.


Les effets négatifs du libéralisme des physiocrates

    Vous vous souvenez peut-être des physiocrates dont je vous ai déjà parlés (voir l'article du 3 octobre 1789). Tous les grands esprits se revendiquaient physiocrates au 18ème siècle. Ceux-ci contestaient le système dirigiste et prêchaient le retour à la nature. Leurs penseurs libéraux en prenant pour postulat l'intelligence de l'homme, son bon sens, sa conscience aiguë de ce qui est bon et mauvais pour ses intérêts, ceux de ses voisins et de la forêt, demandèrent l'abolition des lois prohibitives et le retour au respect de la propriété privée. A partir de 1760, le gouvernement adopta ces conceptions libérales. Cela se traduisit par la redistribution de la propriété foncière et la libéralisation des exploitations forestières. Ainsi, le gouvernement de Turgot, à la suite de famines consécutives à deux hivers fort rigoureux (1762 et 1766), autorisa de nombreux défrichements et une décision de Louis XV, en 1766, exempta d'impôts pendant 15 ans les terres défrichées et nouvellement cultivées. La situation des forêts empira en conséquence.

    Jamais autant qu'au 18ème siècle la surface des forêts françaises ne fut aussi réduite ! Il y avait encore des forêts, bien entendu, mais elles n'étaient pas entretenues. Arthur Young (encore lui) écrivait en 1788 :"La disette de bois, et par contrecoup la hausse des prix de ce combustible, ont occupé au moins une centaine de plumes pendant les dix dernières années." En 1827, à l'aube de la révolution industrielle, la forêt ne constituait plus que 16 % du territoire français, soit 7 à 8 millions d'hectares.

Source graphique

15.000 ans d'histoire des forêts en France

La plus forte hausse de prix

    Le bois fut l'une des denrées qui dans tout le pays augmenta le plus à partir de 1730 : il subit une hausse de longue durée, la plus forte de toutes celles observées sur le marché des produits au XVIIIe siècle : 91 %. La hausse fut légère jusqu'en 1770, mais elle se précipita ensuite (66 % d'augmentation de 1770 à 1789).

De grosses quantités de bois.

    Les cahiers des Etats généraux (Tome V, page 284) donnent le chiffre de 700 000 voies de bois pour l'approvisionnement de Paris, dont 500 000 arrivant par trains de bois flottés. (À Paris la « voie » représentait 1,9 stère donc 700 000 voies = 1 330 000 stères de bois.)

Train de bois (Voir vidéo ci-après)

    A noter que les Parisiens utilisaient également du "charbon de terre" équivalent à 150 000 voies de bois. Le charbon de terre était ce que nous appelons le charbon ou la houille. On le dénommait ainsi en opposition au charbon de bois. C'est d'ailleurs l'utilisation généralisée de ce charbon de terre qui sauvera les forêts françaises dont la surface s'était réduite à peau de chagrin à la fin du 18ème siècle.

Sources :
https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1966_num_13_4_2921#:~:text=Le%20bois%20de%20plaine%2C%20l%C3%A9g%C3%A8rement,%E2%80%94%20200)%20(6)%20.
http://foret.chambaran.free.fr/index.php?page=historique

Les trains de bois du Morvan

    Pendant plus de 3 siècles, entre 1547 et 1877, les Parisiens ont été en grande partie chauffés par du bois qui venait du Morvan. Celui-ci arrivait à Paris par des trains de bois flottants partant de Clamecy dans la Nièvre, qui suivaient le cours de l'Yonne, puis de la Seine.

Un train de bois de 72 mètres acheminant 200 stères de bois.


    Ce parcours fut amélioré par la suite, avec la création du Canal du Nivernais cheminant parallèlement à l'Yonne. C'est à la suite du terrible hiver de 1784, que l'idée de ce canal naquit dans l'esprit des académiciens Condorcet, Bossut et Rochon, après qu'ils furent venus enquêter sur le moyen de mieux approvisionner Paris en Bois. Les travaux démarrèrent lentement, s'interrompirent sous la Révolution, reprirent péniblement sous Napoléon 1er, puis pour de bon sous la Restauration jusqu'à son ouverture en 1841.

    Hélas pour ce canal, quelques dizaines d'années seulement après sa mise en service, le chemin de fer vint le supplanter...

Source :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/nievre/le-train-de-bois-qui-etait-parti-de-clamecy-dans-la-nievre-est-arrive-paris-741465.html

Un mot sur le bois de Boulogne

Le bois de Boulogne en 1705

    Le bois de Boulogne est tout ce qui reste de l'ancienne forêt de Rouvray, voulant dire « lieu planté de chênes rouvres », mentionnée pour la première fois en 717, dans la charte de Compiègne (celle-ci date de 1153). Il tient son nom de l'église Notre-Dame-de-Boulogne-la-Petite qui avait été construite sur ordre de Philippe le Bel à la suite d'un pèlerinage qu'il avait effectué avec sa fille Isabelle de France à Boulogne-sur-Mer en 1308. Le roi avait décidé d'élever une église semblable à celle qu'il avait vue sur les bords de la Manche et qui abritait alors une statue miraculeuse de la Vierge. Le roi la voulant près de Paris, cette église fut construite à l'emplacement de Les Menuls lès Saint Cloud, un petit village de bucherons.

Vue du château de Madrid

    Même si les rois avaient commencé de l'aménager progressivement (parc de chasse, plantation de 15000 muriers sous Henri IV, château de la Muette), le bois de Boulogne était encore une vraie forêt au XVIIIe siècle ; c'était depuis le domaine du château de la Muette qu'en novembre 1783, Pilâtre de Rozier et le marquis d'Arlandes avaient réussi le premier vol en ballon à air chaud, construit par les frères Montgolfier.

Vue de la terrasse de Mr. Franklin à Passi.
Premier voyage aérien par M. le marquis d'Arlande et Mr Pilatre des Rosiers, le 21 novembre 1783

L'antique bois de Vincennes

Plan général du bois de Vincennes en 1739
    

    Le bois de Vincennes est un reste de la forêt qui recouvrait les environs de Paris pendant l’Antiquité. Le document le plus ancien mentionnant la forêt de Vincennes est la confirmation par Charles le Chauve d'un échange entre l'évêque de Paris et l'abbé de Saint-Maur date de 848. Tous ceux postérieurs à 980 indiquent le bois comme propriété royale. Devenu terrain de chasse de Hugues Capet, il demeura par la suite à l'usage exclusif des rois de France. Philippe Auguste le fit enclore d'une enceinte de 12 kilomètres qui ne fut abattue que sous le second empire, mais qui n'empêchait pas vols de bois et braconnage, bien sûr. J'allais oublier Louis IX, dit Saint Louis, qui selon la légende venait y rendre justice sous un chêne.

Saint Louis, rendant la Justice


Post Scriptum :

    J'ai lu un commentaire sur Internet disant que la déplétion du bois au XVIIIe siècle signifiait que déjà à l'époque, il y avait trop de gens. J'espère que vous aurez compris à la lecture de cet article que le problème, tout comme aujourd'hui résidait plus dans une mauvaise gestion des ressources, ainsi que leur répartition inéquitable, que dans celui d'une éventuelle surpopulation.

    De plus, cette pénurie de bois incita les gens à trouver de nouvelles solutions. En matière d'énergie, le bois fut progressivement remplacé par le charbon et dans la construction les ingénieurs inventèrent de nouveaux procédés en utilisant par exemple le métal pour les structures et les charpentes des bâtiments et des navires. C'est aussi à ce moment que commença la révolution industrielle et que débuta aussi la production de CO2 en grande quantités.

Vous avez dit CO2 ?

Regardez les chiffres ci-dessous.... (Téléchargez le document pour mieux lire les chiffres)


Téléchargez pour lire le détail.



vendredi 4 décembre 2020

4 Décembre 1789 : Rapport accablant de M. Hébrard sur les grains

 "La loi martiale est confiée aux mains de ceux qu'elle devrait frapper."

Rapport de M. Hébrard sur les grains, lors de la séance du 4 décembre 1789

    M. Hébrard, au nom du comité des rapports, demande à entretenir un instant l'Assemblée de la question des grains. Il fait une peinture touchante des misères qui règnent à Lyon, place si intéressante par sa population et ses manufactures. Des complots sourds el affreux sont ourdis pour intercepter les grains qu'elle achète ; elle est exposée à chaque instant à manquer de subsistance. Sedan, Rethel-Mazarin, Reims, se trouvent exposés aux mêmes malheurs ; les uns se plaignent des accapareurs intérieurs ; les autres disent qu'au mépris des décrets de l'Assemblée nationale on continue toujours d'exporter les grains de France. Telle est la facilité attachée à vos décrets, dit-il, que ceux qui devraient les soutenir sont, les premiers à les enfreindre ; la loi martiale est confiée aux mains de ceux qu'elle devrait frapper.

Projet de décret sur l'exportation des grains, lors de la séance du 4 décembre 1789

Source :
https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3957_t1_0366_0000_2

Le comité propose de remédier au mal par l'adoption des articles suivants :

Art. 1er. Quiconque sera pris exportant ou faisant exporter des grains chez l'étranger, sera puni de mort.

Art. 2. Quiconque sera convaincu d'avoir arrêté ou fait arrêter les grains, et empêché la circulation dans l'intérieur du royaume, sera puni de peines afflictives plus ou moins grandes, suivant les circonstances.

Art. 3. Il sera fait défense à toutes municipalités et comités de prendre aucune délibération, faire aucun arrêté sur la circulation ou exportation des grains, contraires aux décrets de l'Assemblée, sous peine, contre les membres qui les auront signés, d'interdiction perpétuelle de toutes fonctions publiques ou sous plus grande peine, si leurs arrêtés avaient été suivis d'exécution.

Art. 4. Que le décret soit aussitôt porté à la sanction, et de suite envoyé à toutes les municipalités et bourgs du royaume, pour y être lu, publié, enregistré, et exécuté suivant sa forme et teneur.

L'Assemblée renvoie la discussion du décret à l'heure de deux heures.

    Curieusement, le procès-verbal de l'Assemblée n'évoque plus ce projet de décret dans les discussions de l'après-midi.

jeudi 3 décembre 2020

3 Décembre 1789 : Mort de Claude-Joseph Vernet, l'Ulysse de la peinture


"Une tempête", Joseph Vernet, 1752.

    Claude-Joseph Vernet, peintre, dessinateur graveur, né le 14 août 1714 en Avignon, s'éteint ce jour au Louvre, à l'âge de soixante-quinze ans.

Joseph Vernet
Peint par Louis-Michel Van Loo en 1768

    Cet artiste exceptionnel se rendit célèbre en lançant la mode des marines, un thème qu'il avait étudié à Rome, en s'inspirant des œuvres de Claude Gellée, dit Le Lorrain. Il se fit connaître grâce à un réseau qu'il se constitua lors de ce voyage, et par la suite à Paris via les salons, l'Académie royale et les loges maçonniques. Sa renommée devint telle que ses tableaux se vendirent au poids de l'or (si l'on en croit Pierre-Jean Mariette), et ce, à travers toute l'Europe, jusqu'à la Russie de la Grande Catherine II !

    Il revint également de Rome avec une épouse, un jeune Irlandaise dénommée Virginie Cécile Parker (1728-1810).

    Vernet composa deux cents tableaux durant sa longue carrière. Il répondit en particulier en 1753 à la commande par Louis XV de vingt-quatre tableaux de ports de France. Il n'en réalisa néanmoins que quinze, qu'il mit dix ans à réaliser, et ce, toujours d'après nature.

    Son fils Carle Vernet, admis en 1788 à l'Académie de peinture opta sagement pour des thèmes différents de celui sublimés par son père. Son petit-fils Horace Vernet et son arrière-petit-fils Émile Vernet-Lecomte devinrent également peintres.


La témérité d'Ulysse

    Celles et ceux qui ont lu l'Odyssée du grand Homère, se souviennent certainement du passage dans lequel Ulysse se fait attacher au mât de son navire, afin de pouvoir écouter le chant des sirènes, sans risquer de se jeter à l'eau comme l'avaient fait ceux qui avant lui avaient voulu percer le mystère de ce chant.

    Vernet fit la même chose un jour de grande tempête ! Tel le héros mythique, il se fit en effet attacher au grand mât d'un navire, afin de "pénétrer son imagination du terrible et grandiose spectacle de la mer en courroux" et de ne pas être emporté par une vague déferlant sur le pont !

Ulysse attaché au mât de son navire.
Vase grec (Stamnos attique) 480-470 avant notre ère.
Dans l'Antiquité, les sirènes étaient des femmes ailées.

    Claude-Joseph Vernet fut l'ami du solitaire Bernardin de Saint-Pierre et l'aurait dit-on dissuadé de détruire son manuscrit de Paul et Virginie après l'échec de sa lecture au salon de Suzanne Curchod.


Histoire d'un tableau

    En effectuant mes recherches, j'ai découvert que l'un des tableaux de Claude-Joseph Vernet avait été mis aux enchères chez CHRISTIE'S en 2019. Il s'agit de celui-ci :


    Vous pouvez découvrir l'étonnante histoire de ce tableau sur la page du site de CHRISTIE'S. Mais par expérience, je sais que certains articles finissent parfois par disparaître du WEB. Raison pour laquelle je reproduis ci-dessous leur notice que je trouve passionnante :

"Cette impressionnante et apaisante marine de Claude-Joseph Vernet figurant le calme d'un port à la nuit tombée est une reprise autographe d'une de ses compositions, exposée au Salon de 1773 et destinée à la comtesse du Barry pour son château de Louveciennes. Madame du Barry avait commandé pour son château une série de quatre marines évoquant quatre moments de la journée : Le Matin, les baigneuses (musée du Louvre) ; Le Midi (aujourd'hui disparu), Le Soir, coucher de soleil, retour de pêche (déposé par le musée du Louvre au Sénat, donation Victor et Hélène Lyon, 1961), et La nuit, un port de mer au clair de lune (musée du Louvre), dont le nôtre est une seconde version. Les quatre marines de la comtesse réalisées entre 1771 et 1773 avaient été saisies pendant la Révolution avant de gagner, pour certaines, les collections publiques.

Notre version, datée 1774, s'accompagnait d'un pendant, seconde version du Soir, coucher de soleil, retour de pêche. Ces deux peintures témoignent de l'engouement accru pour les marines de Vernet dans les années 1770 où le peintre redoubla d'effort pour répondre aux nombreuses sollicitations. Exprimant au mieux son talent dans le rendu des embruns, des vaisseaux, des atmosphères, il a été suggéré que certains plans secondaires puissent avoir été exécutés en collaboration avec l'atelier. Deux hypothèses ont été émises quant au commanditaire de notre toile et de son pendant. Florence Ingersoll-Smouse suggérait dans sa monographie du peintre parue en 1926 qu'ils avaient, "très probablement", été réalisés pour un certain M. Giamboni. L'hypothèse est séduisante, car Monsieur Giamboni, de son nom francisé Octave-Marie-Pie Giambione, banquier d'origine génoise, anobli par une charge de conseiller honoraire du roi, avait épousé une certaine Marie-Louise de Marny (autre nom transformé pour Maria-Luisa Marini) qui avait, comme la comtesse du Barry, séjourné dans la résidence du Parc-aux-Cerfs (voir C. Vatel, Histoire de madame du Barry [...], Versailles, 1885, p. XXVI). Ce lieu mystérieux, et fortement fantasmé, était un lieu secret de Versailles où le roi Louis XV aurait hébergé futures maîtresses et dames de compagnie pour d'autres personnalités de la Cour. La promise de Giambone se serait-elle liée à la du Barry lors de son passage au Parc-aux-Cerfs, et son mari aurait-il commandé au peintre la même décoration que celle-ci ? Difficile d'affirmer que ce fut le cas. Les biens ont été saisis à la Révolution lors de la mise sous séquestre de son hôtel particulier au 26 rue Bondy (actuelle rue René Boulanger) à Paris (voir F. Lenormand, La pension Belhomme : Une prison de luxe sous la Terreur, Paris, 2002). Enfin, Vernet écrivait dans son Livre de Raison que les marines pour Giambone devaient être expédiées à Varsovie (voir Lagrange, 1864, p. 368) sans donner d'autres détails… Livre de transactions pour lui, sans autre ambition que d’éclaircir ses comptes, le Livre de Raison de l'artiste comporte malheureusement bien des imprécisions pour les historiens, rendant toute traçabilité délicate.

Pour Isabelle Compin, notre tableau n'aurait d’ailleurs pas été exécuté pour Giambone, mais correspondrait à la commande C262 du Livre de Raison, celle exécutée pour un « monsieur M. Windem milord Aigremont » (voir Compin, 1978, p. 392). Francisant une nouvelle fois un patronyme étranger, Vernet évoquait-il George O'Brien Wyndham, Earl of Egremont (1751-1837) ? Léon Lagragne affirmait que Vernet avait travaillé pour un Lord anglais. Ce troisième comte d’une prestigieuse famille était un grand amateur d’art et soutenait en Angleterre un autre peintre de marines célèbre, William Turner, dont il possédait différents tableaux. Il vécut à Petworth dès l’année 1794 et amassa plus de six cents œuvres d’art dans sa résidence anglaise (voir The Collected Works of Gerard Manley Hopkins: Diaries, Journals, and Notebooks, Oxford, 2015, p. 380).

Banquier italien ou Lord Anglais, les premiers propriétaires du XVIIIe siècle sont incertains, en revanche, les ventes du XXe siècle sont plus précises et témoignent qu’après avoir intégré un château d'aristocrates français (ill. 1), puis, séparé de son pendant, quelques collections parisiennes, notre tableau affronta la Seconde Guerre mondiale de plein fouet et porte encore sur son châssis le numéro de dépôt du futur musée d’Adolf Hitler, à Linz (ill.2). Projet fou et inassouvi du Führer, le musée de Linz ne vit jamais le jour alors que l'enlèvement de tableaux dans toute l’Europe continuait d'enrichir la collection jusqu’aux derniers soubresauts de la guerre. Parti pour l’Allemagne, notre tableau repris le chemin de la France à la fin des conflits et fut conservé pendant plus de cinquante ans au musée Calvet à Avignon, ville natale de Vernet. Le cachet du musée témoigne de l’intervention de l’Etat français sur cette peinture déclarée si longtemps sans propriétaire.

Fort de son histoire, notre tableau révèle avec une certaine magie tout le talent de Vernet comme peintre de marines. On y retrouve son habileté à juxtaposer l'éclairage froid d’une lune haut-perchée offrant une percée sur la mer calme, avec la lumière plus chaude d’un bivouac après une journée de pêche. Le génie du peintre s'exprime encore par ces figures repoussoirs au premier plan qui se répondent comme dans un jeu d'ombres chinoises et confèrent à la scène une dimension poétique.

Note sur le cadre d’origine par Monsieur François Gilles, sculpteur ornemaniste.

Joseph Vernet entretenait des rapports privilégiés avec son beau-frère, le sculpteur Honoré Guibert (1724-1791), pour lequel il a notamment réalisé les « bordures » de la série des Ports de France. Auteur des boiseries du Petit Trianon, Guibert est, de ce fait, l’un des instigateurs du renouveau néo-classique en France. Avec sa mouluration sobrement ornée de rais-de-cœur, lauriers et perles, le cadre de ce tableau incarne pleinement ce nouvel état d’esprit qui innerve les arts décoratifs français de la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’austérité mêlée de sensibilité de la sculpture n’est pas sans évoquer la facture de Guibert à qui ce cadre est attribuable, quoiqu’aucun document ne puisse le prouver. Au demeurant, il s’agit sans aucun doute du cadre d’origine ; c’est d’ailleurs le parfait jumeau du cadre de la Marine, Soleil couchant du Musée du Louvre (son pendant de la donation Victor et Hélène Lyon).

 

Retrouvez l'article complet sur le site de CHRISTIE'S.

 

mercredi 2 décembre 2020

2 Décembre 1789 : Lettre de la Tour-du-Pin à Lafayette à propos des 6.000 fusils accordés par le roi

L'envoi des 6.000 fusils accordés par le roi à la garde nationale parisienne ne se fera pas dans la discrétion.

Sur le Rapport fait à l’Assemblée par M. de la Jard, Aide-Major-général, d’une Lettre écrite à M. le Commandant-Général Lafayette, par le Ministre de la guerre, M. le Comte de la Tour-du-Pin, en date du 20 Novembre dernier, l'Assemblée a arrêté que cette Lettre serait imprimée & affichée partout où besoin serait, au nombre de mille exemplaires.

Dois-je vous dire encore que l'orthographe est d'époque ? 😉

Voici l'affiche, suivie de la retranscription du texte :

Source : Paris Musées


ASSEMBLEE

DES REPRESENTANS

DE LA COMMUNE DE PARIS.

LETTRE de M. le Comte DE LA TOUR-DU-PIN,

à M. le Marquis DE LA FAYETTE, sur les six mille Fusils

que le Roi a accordés à la Ville de Paris.

Paris, le 20 Novembre 1789.

Le Directeur d'Artillerie qui est à Maubeuge, m'annonçant, Monsieur, qu'il est en état de faire la délivrance des 6,000 Fusils que le Roi a accordés à la Ville de Paris, pour le Service de la Garde Nationale, j'ai l'honneur de vous prévenir que, d'après les ordres que je donne, le Convoi de ces Armes, exécuté par cent quarante chevaux d'Artillerie, partira de Maubeuge, le premier Décembre prochain, & arrivera le huit suivant à Compiègne, où vous voudrez bien faire rendre un Détachement de ladite Garde Nationale, pour remplacer l'Escorte des cinquante Chasseurs du Régiment de Languedoc, qui retournera, de ladite Place de Compiègne, à Maubeuge. Alors la Division d’Artillerie marchera, sous les ordres du Commandant de ladite Garde, jusqu’à Paris, où elle séjournera deux jours, afin de laisser le temps de déballer les 6.000 Fusils, & de rendre, au Conducteur de ladite Division, toutes les Caisses qui les contiennent ; après quoi elle retournera dans ses Quartiers avec les Voitures & Chevaux qui auront servi au Convoi.

A ces 6.000 Fusils, j’en ai fait joindre 400 autres, dont 100 pour la Ville de Senlis, 100 pour Corbeil, & 100 pour Fontainebleau ; cette première partie sera remise, en passant à Senlis, à la Municipalité, par le Conducteur en Chef de la Division d’Artillerie : je vous prie d’en prévenir le Commandant de l’Escorte Parisienne, afin qu’il ne mette point d’obstacle à cette délivrance.

Quant aux deux autres parties d’Armes, destinées pour Corbeil & Fontainebleau, je recommande à vos bons offices de tenir la main à ce qu’elles demeurent en dépôt à Paris, jusqu’à ce qu’elles soient réclamées par les Officiers Municipaux de ces Villes, qui sont, en conséquence, prévenus de s’adresser à vous pour les retirer.

Il y a encore dans le Convoi une Caisse de différents modèles de fusils, anciens & nouveaux, marqués à mon adresse. Je vous prie d’autoriser le Conducteur de la Division à la faire conduire chez moi, à l’Hôtel de Marigny, Place du Louvres.

Je vous préviens au surplus que les Individus & Chevaux formant la Division d’Artillerie, recevront l’Etape en Route & à Paris, pendant les deux jours de séjour que je lui donne. Ce double séjour a pour objet de laisser le temps de débaler les 6.000 Fusils qui vous sont destinés, afin de rendre au Conducteur de la Division toutes les Caisses qui les contiennent, & qu’il fera reporter sur les voitures à Douais : c’est un objet que je vous prie de prendre en considération.

Lorsque cette division pourra retourner dans les Quartiers, je ferai remettre routes particulières à celui qui la commandera.

J’ai l’honneur d’être, avec un très parfait attachement, Monsieur, votre très humble & obéissant serviteur.

Signé, LATOUR DU PIN.

Jean Frédéric de La Tour-du-Pin

Extrait du Procès-Verbal de l’Assemblée générale.

Du Mercredi 2 Décembre 1789.

Sur le Rapport fait à l’Assemblée par M. de la Jard, Aide-Major-général, d’une Lettre écrite à M. le Commandant-Général, par M. le Comte de la Tour-du-Pin, en date du 20 Novembre dernier,

L'Assemblée a arrêté que cette Lettre seroit imprimée & affichée par tout où besoin sera, au nombre de mille exemplaires.

Signé, De Sémonville, Président; Bertolio & Benoist, Secrétaires.

" De l'imprimerie de LOTTIN l'aîné, & LOTTIN de S.-Germain, Imprimeurs-Libraires Ordinaires de la VILLE, rue S.-André-des-Arcs. (N° 27) 1789 "





mardi 1 décembre 2020

1er Décembre 1789 : Premier jour de la prime contre les accapareurs

    Une proclamation du roi (du 5 novembre 1789) accorde à tous les négociants français et étrangers qui, à compter du premier décembre 1789 jusqu'au premier juillet 1790, introduiront des froments, seigles, orges et farines desdits grains venant des divers ports de l'Europe ou des Etats-Unis de l'Amérique, les primes suivantes :

  • Par quintal de froment …………………….1 livre 10 sols
  • Par quintal de farine de froment….............2 livres
  • Par quintal de seigle………………………..1 livre  4 sols
  • Par quintal de farine de seigle………….....1 livre  12  sols
  • Par quintal d'orge…………………………...1 livre.
  • Par quintal de farine d'orge………………..1 livre  7 sols.

    Il est important que l'on ne s'y méprenne pas. Ce n'est point parce que l'on manque de bled (blé) en France, que le gouvernement s'impose le sacrifice des primes ; c'est pour déconcerter les projets des accapareurs, et frustrer en même temps l'avidité des cultivateurs, qui réservent les blés dans leurs greniers, jusqu'à ce que le prix soit haussé considérablement ; il est plus probable que ces primes encourageront les négociants français et étrangers, et qu'il n'y aura point de hausse considérable.

Source : Journal des Révolutions de Paris



1er Décembre 1789, Falcon lance la Vedete des Alpes ou la sentinelle de la liberté.

 (Désolé pour "Vedete", l'orthographe est d'époque ! )

Portrait charge (caricature) aquarellé de Jean-Charles Falcon
par Jean-Pierre Colin (XIXe) Bibliothèque municipale de Grenoble

    Mais qui est donc cette "vedette des Alpes" ou cette "sentinelle de la liberté" ? S'agit-il seulement du journal lancé par le sieur Falcon, ou bien serait-ce Falcon lui-même dont nous pouvons contempler ci-dessus la caricature ?

Quelques mots sur le journal

    En cette année de la liberté, comme on l'appellera plus tard, de nombreux nouveaux journaux fleurissent sur tout le territoire, diffusant les idées nouvelles. Celui-ci est rédigé et publié par Jean-Charles Falcon, à Grenoble, dans le Dauphiné. Le Dauphiné est une province propice aux idées révolutionnaires, puisque, souvenez-vous, c'est dans cette belle région qu'en juin 1788 (Journée des tuiles) et juillet 1788 (Assemblée de Vizille), eurent lieu des événements annonciateurs de celle-ci.

Ci-dessous, la journée des tuiles et l'Assemblée de Vizille :

 

Ce journal changera plusieurs fois de nom :

  • Du 1er décembre 1789 au 14 février 1790 (n°66) : "La Vedete des Alpes ou le Courrier du Dauphiné". 
  • Variante du 10 au 30 décembre 1789 : "La Vedete des Alpes ou la Sentinelle de la liberté". 
  • Du 16 février 1790 au 6 décembre 1792 (n°127) : "Journal patriotique de Grenoble". 
  • Du 9 décembre 1792 (n°128) au 12 mars 1798 (n°182) : "Courrier patriotique des départemens de l'Isère, des Alpes et du Mont-Blanc, ou l'Ami de l'égalité".

Evoquons à présent plus longuement Jean-Charles Falcon

Stendhal

    Le bonhomme aurait pu tomber dans un oubli total, mais un heureux hasard fit qu'il croisa plusieurs fois sur son chemin celui qui allait devenir le grand Stendhal. Ce seul fait eut été insuffisant bien sûr, si la personnalité de Jean-Charles Falcon n'avait pas séduit le jeune Stendhal au point que celui-ci le prit pour modèle de personnage dans ses romans.

    Stendhal garda en effet un souvenir ému de ce petit homme qui avait marqué son enfance. Il le décrivit ainsi dans "La vie de Henry Brulard" : "Il avait un grand toupet à l’oiseau royal parfaitement poudré et arborait un bel habit rouge à grands boutons d’acier..." et Stendhal d’ajouter : "C’est le plus bel échantillon du caractère dauphinois... Il y avait dans ce laquais une âme vingt fois plus noble que celle de mon grand-père, de mon oncle, je ne parlerai pas de mon père et du jésuite Séraphie". Stendhal fit également de Falcon le modèle du libraire libéral Falcoz, de Verrières, chez qui Julien Sorel, enthousiaste, conduit Madame de Rênal dans "le Rouge et le Noir" et du libraire Schmidt dans "Lucien Leuwen". Le libraire et journaliste Jean-Charles Falcon constituait une figure exemplaire du jacobinisme dauphinois.

    Stendhal écrivit dans "Vie de Brulard" : "Ces livres de mon oncle portaient l'adresse de M. Falcon, qui tenait alors l'unique cabinet littéraire ; c'était un chaud patriote profondément méprisé par mon grand-père et parfaitement haï par Séraphie et mon père. Je me mis par conséquent à l'aimer…"

Les vignes de Chapareillan

    Jean-Charles Falcon naquit à Chapareillan en 1746 (ou 1747 ou 1752, voire e 4 novembre 1753 selon les sources), dans le Grésivaudan (Isère), d'un père laboureur. Selon Stendhal, il aurait d'abord été laquais chez une dame noble de la rue Neuve, à Grenoble. Après avoir "étudié la librairie pendant quinze ans à Paris, à Lyon, à Grenoble", comme il l'écrit lui-même dans une requête de 1779, notamment chez les libraires grenoblois François Brette et Joseph Cuchet, il obtient l'autorisation d'ouvrir une boutique pour "vendre toutes sortes de vieux livres".

Vue de la ville de Grenoble au XVIIIe siècle

    Il fut reçu le 5 nov. 1779, après un recours auprès de la juridiction consulaire de Grenoble. En 1781 et 1782, des exemplaires des œuvres de Rousseau et du "Dictionnaire encyclopédique" qu'il avait commandés, furent saisis par le syndic de la communauté. Dans les années 1780, il s'affilia à la loge maçonnique de la Parfaite Union. Dès 1789 il prit une part active au mouvement révolutionnaire comme membre (dès janvier 1790), puis secrétaire (à partir de juillet 1793) et enfin président (du 22 juillet au 18 août 1794) de la Société populaire de Grenoble, qui se réunissait en l'église Saint-André, face à sa boutique, où il tenait un cabinet de lecture par abonnement.

Eglise Saint-André de Grenoble

    Membre de la Société populaire de Grenoble dès le 28 janvier 1790, Falcon se fit remarquer dans les clubs. On reprochait à Falcon ses inconséquences et ses propos peu réfléchis en beaucoup d'occasions. Il écrivit par exemple, en 1790 : "Le sieur Falcon, libraire à Grenoble, prévient tous les manufacturiers, marchands, débitants de feuilles aristocratiques ou qui ne sont pas dans le sens de la Révolution, qu'il n'entend rien tirer de leurs magasins, et qu'excédé des envois multiples de leurs échantillons, il ne se bornera plus à les faire brûler devant la porte de son bureau, mais qu'il les leur renverra par la poste".

Place Saint André de Grenoble sur laquelle se trouvait la librairie de Falcon
Vue sur le Parlement du Dauphiné (début XIXe siècle, lithographie d'Hague Louis)

    De décembre 1789 à février 1791, il rédigea et édita les journaux : "Bulletin patriotique", puis "La Vedet(t)e" des Alpes", puis "Journal patriotique de Grenoble". En octobre 1793, il fut signalé à la Convention pour son "apostolat civique"(1), ce qui lui valut d'être objet de chansons. Devenu suspect après la chute de Robespierre le 9 Thermidor (27 juillet 1794), il perdit sa qualité de notable en novembre 1794. Par un arrêt du conseil général de la municipalité du 11 août 1795, sa librairie fut mise sous stricte surveillance. Il fut nommé chef de brigade adjoint à la garde nationale sous le Directoire. Admirateur littéraire de Bonaparte, son cabinet de lecture aurait été sous l'empire, chose étrange, un "lieu de réunion du parti aristocratique de la ville".

     Plus tard, d'après Henri Martineau (le promoteur de Stendhal au XXe siècle), ses anciens adversaires eux-mêmes témoigneront qu'il n'avait jamais dénoncé personne et qu'il avait rendu de réels services à de nombreux individus compromis. Jusqu'en 1821, Falcon publia sous le titre de "Cabinet politique et littéraire" plusieurs catalogues de livres et journaux qu'il distribua. Breveté libraire le 1er janvier 1813 (brevet renouvelé le 4 juillet 1818), il tient sa boutique et son cabinet jusqu'en 1828 et il décéda le 16 juin 1830 à Grenoble. Jusqu'au terme de sa vie Jean-Charles Falcon restera fidèle à ses idéaux égalitaires.

    Si Falcon n'avait pas eu le bonheur de croiser Stendhal, il ne resterait de lui que ce méchant portrait de lui, entreposé à la bibliothèque municipale de Grenoble. C'eut-été dommage, car il représente un brave homme de son temps, un révolutionnaire épris de liberté, d'égalité et de fraternité, fidèle à ses idées, jusqu'au bout.


(1) L'apostolat civique fut plus tard légiféré par Lakanal en 1794 lorsqu'il donna l'ordre d’établir un comité d’instruction sociale chargé de la rédaction d’un journal populaire et l’établissement d’un apostolat civique "chargé de greffer la Liberté dans l’âme des fanatiques". Il s'agissait en fait de former dès l'école de bons citoyens. De mon temps, on appelait cela "l'instruction civique".

Concernant Joseph Lakanal, rappelons que ce sera sur la proposition de celui-ci le 17 novembre 1794, que la Convention décidera la fondation de 24 000 écoles primaires. La même année, sur le rapport de Lakanal et Garat, seront créées l’École normale de l’an III et les Écoles de l'an III scientifiques. Lakanal pensait que : "L'analyse seule était capable de recréer l'entendement, et que la diffusion de sa méthode dans les écoles détruirait l'inégalité des lumières."