mercredi 11 novembre 2020

11 Novembre 1789 : Pillage de la manufacture d'armes de Saint-Etienne

 

Le fameux fusil "Charleville", modèle 1777.

    La population de la ville de Saint-Etienne pille la manufacture d’armes de la Pièce Ronde, à la suite d’une rumeur prétendant que les nobles prendraient les armes. La noblesse fait toujours peur...

La manufacture d'armes de Saint-Etienne

    La ville de Saint-Étienne était déjà réputée au Moyen Âge pour son artisanat de coutellerie. Près de 80 moulins produisaient des armes de guerre ou de chasse. Elle était devenue à la veille de la Révolution, la plus importante manufacture d’armes à feu portatives du royaume, en concurrence avec celle de Charleville. Plus de 12000 pistolets et fusils y étaient produit par an.

    Ses artisans avaient été autorisés en 1764 à s'organiser en société d'entrepreneurs et obtenir le titre de "Manufacture royale", avec l’approbation du roi Louis XV. Elle était ainsi devenue un fournisseur officiel des armées du roi.

    La manufacture d'armes de Saint-Etienne se répartissait sur de nombreux sites, aussi bien en ville, notamment des églises désaffectées, comme le couvent des Ursulines, l'église des Pénitents ou la Grand'Église, que dans les campagnes alentours, où travaillaient à domicile de nombreux artisans et compagnons (environ un millier en 1727). Chacun d’entre eux était spécialisé dans la fabrication de l’une ou l’autre partie de l’arme. Un plus petit nombre, essentiellement des monteurs, étaient regroupés dans les bâtiments de la Manufacture, place Chavanelle.

    Ce système de fabrication fractionnée finit d’ailleurs par poser un problème quant à la qualité des armes. Il y eut donc plusieurs réformes dans le but de normaliser les pièces. Pour le modèle de fusil de 1773, les ouvriers furent contraints d’employer des mesures, calibres, matrices et proportions de toutes les pièces du fusil.

    La qualité du fer était également très importante. De 1749 à 1763, la préférence fut donnée à celui provenant de la forge de Lœuilley en Haute-Saône, puis ensuite à celle de Pesmes en Haute-Marne. Le règlement du 26 février 1777 apporta un changement majeur, avec l’abandon de la liberté d’approvisionnement du fer pour les entrepreneurs. Tout fer reconnu bon pour la fabrication des armes devait dorénavant être marqué du poinçon d’acceptation, puis distribué aux ouvriers en présence d’un contrôleur. Le fer étant contrôlé, l’inspecteur pouvait désigner un responsable pour les canons éventés ou crevés à la suite du test qu’ils subissaient obligatoirement en fin de fabrication.

    Toutes ces réformes aboutirent à la fabrication du fameux modèle 1777, conçu par l'ingénieur Gribeauval, qui fut utilisé durant toutes les guerres de la Révolution (et dont je vous reparlerai plus tard).

    En cliquant sur l'image ci-dessous, vous pourrez télécharger un intéressant PDF décrivant ce fusil, sur le site du musée des armées :


La pièce ronde ? 

    J’ai passé un peu de temps à chercher d’où venait cette désignation « de pièce ronde » pour la manufacture pillée. J’ai pensé un moment que c’était peut-être une référence aux balles rondes tirées par les fusils de cette époque, ou alors aux types de platines à corps plat et chien à corps rond des fusils fabriqués dans la manufacture de Saint-Etienne. Mais je m’égarais ! J’ai fini par apprendre l'existence d’un clos de la pièce ronde à Saint-Etienne dans un vieux livre de 1826, puis je trouvé son emplacement sur la reproduction d’une carte de la ville de Saint-Etienne en 1767. Le clos de la pièce ronde se situait tout près de la place Chavanelle (au sud). Voilà donc l’explication de cette désignation de la manufacture de la pièce ronde, dont un bâtiment devait surement occuper ce lieu.

Carte sur le site Gallica de la BNF


1789 : L’année où les grenouilles montrèrent les dents !

 

Que disent les grenouilles ?

    C’était ainsi que les Princes s’enquéraient de l’opinion publique parisienne, à la cour de Louis XVI. C’est ce que nous rapporte Louis Sébastien Mercier dans son ouvrage « Le tableau de Paris ». Je vous ai déjà parlé de lui le 1er octobre dernier, lorsqu’il a fondé un journal avec le journaliste Jean-Louis Carra.

    Je vous recommande vraiment la lecture de son livre, le tableau de Paris. Il y décrit le Paris populaire avec une particulière acuité. C’est un bon complément à la lecture des « Nuits de Paris » de Restif de la Bretonne dont je vous ai raconté l’arrestation par le police, le 29 octobre dernier.

    Louis Sébastien Mercier, lui aussi, eut des ennuis avec la police. A peine ses deux premiers volumes furent-ils publiés en 1781, que bien sûr, ils furent interdits. Mercier décrivait avec un peu trop de précision les inégalités sociales et il ne se privait pas de critiquer l’injustice du système fiscal. Il continua néanmoins à publier depuis la Suisse jusqu’en 1788.

Découvrez son œuvre sur cette page du site Gallica 
                                    


    🐸Je vous propose de lire ce court extrait évoquant les grenouilles parisiennes, vues par les "grands".

« La cour est très attentive aux discours des Parisiens : elle les appelle, les grenouilles : que disent les grenouilles, se demandent souvent les Princes entre eux ? Et quand les grenouilles frappent des mains à leur apparition, ou au spectacle, ou sur le chemin de Sainte Geneviève, ils sont très contents. On les punit quelques fois par le silence : en effet, ils peuvent lire dans le maintien du peuple les idées qu’on a sur leur compte : l’allégresse ou l’indifférence publique ont un caractère bien marqué. On prétend qu’ils sont sensibles à la réception de la capitale, parce qu’ils sentent confusément que dans cette multitude, il y a du bon sens, de l’esprit, & des hommes en état de les apprécier, eux & leurs actions : or ces hommes, on ne sait pas trop comment, déterminent le jugement de la populace.

La police a soin dans certaines circonstances de payer de fortes gueules, qui se répandent dans différents quartiers, afin de mettre les autres en train, ainsi qu’elle soudoie des chianlis pendant les jours gras : mais les vrais témoignages de l’allégresse publique, ainsi que du consentement du peuple, ont un caractère que rien n’imite, »

 

    Ne vous y trompez pas, la comparaison avec les grenouilles est bien méprisante. Cette image peu flatteuse du peuple remonte à la plus haute antiquité, puisque Esope, l’écrivain Grec du 6ème siècle avant notre ère, l’utilisait déjà dans une fable destinée à se moquer du peuple d’Athènes.

    On a également attribué à Homère, un poème narrant une guerre des grenouilles contre les rats, la "Batrachomyomachie" !


Voici, inspirée de celle d’Esope, la fable de Jean de la Fontaine, intitulée :

"Les grenouilles qui demandent un roi". 🐸

"Les Grenouilles, se lassant

De l'état Démocratique,

Par leurs clameurs firent tant

Que Jupin les soumit au pouvoir Monarchique.

Il leur tomba du Ciel un Roi tout pacifique :

Ce Roi fit toutefois un tel bruit en tombant

Que la gent marécageuse,

Gent fort sotte et fort peureuse,

S'alla cacher sous les eaux,

Dans les joncs, dans les roseaux,

Dans les trous du marécage,

Sans oser de longtemps regarder au visage

Celui qu'elles croyaient être un géant nouveau ;

Or c'était un Soliveau,

De qui la gravité fit peur à la première

Qui de le voir s'aventurant

Osa bien quitter sa tanière.

Elle approcha, mais en tremblant.

Une autre la suivit, une autre en fit autant,

Il en vint une fourmilière ;

Et leur troupe à la fin se rendit familière

Jusqu'à sauter sur l'épaule du Roi.

Le bon Sire le souffre, et se tient toujours coi.

Jupin en a bientôt la cervelle rompue.

Donnez-nous, dit ce peuple, un Roi qui se remue.

Le Monarque des Dieux leur envoie une Grue,

Qui les croque, qui les tue,

Qui les gobe à son plaisir,

Et Grenouilles de se plaindre ;

Et Jupin de leur dire : Eh quoi ! votre désir

A ses lois croit-il nous astreindre ?

Vous avez dû premièrement

Garder votre Gouvernement ;

Mais, ne l'ayant pas fait, il vous devait suffire

Que votre premier roi fût débonnaire et doux :

De celui-ci contentez-vous,

De peur d'en rencontrer un pire."


    Ne sommes-nous donc pour nos maîtres, que des grenouilles coassant dans notre marécage, dont l’opinion est facile à manipuler, grâce à quelques agitateurs, payés autrefois par la police, et maintenant… ?


    Néanmoins, il arrive encore parfois, que les grenouilles montrent les dents, comme en 1789. Est-ce un hasard ou un clin d'œil de Clio, la muse de l'histoire, si une grenouille dénommée "Pepe la grenouille" est devenue la mascotte des manifestants du mouvement prodémocratie à Hong Kong en 2019 ?

Pepe la grenouille, Hong Kong 2019



11 Novembre 1789 : Hubert Robert dit non à la Polignac, ancienne locataire des Tuileries.

 

Hubert Robert, peint par Elisabeth Vigée Lebrun
Le roi emménage.

    L’emménagement du roi aux Tuileries a causé un peu de remue-ménage. Le palais hébergeait en effet nombre d’occupants qui ont dû déménager précipitamment ! Aux Tuileries comme au Louvre, salons et antichambres ont été prestement débarrassés de quelques hôtes importuns, voire abusifs. La Duchesse de Polignac, par exemple, avait du temps de ses séjours aux Tuileries, exigé des réparations et des embellissements pour « son » appartement. Et elle voudrait, à présent qu’elle est réfugiée à Rome, faire décrocher pour elle quelques-uns des tableaux de la collection royale.

    Favorite de la reine, la Polignac avait quitté Paris avec sa famille, deux jours après la prise de la Bastille, à demande des souverains. La reine lui avait offert une bourse de 500 Louis et lui avait écrit ce petit mot, oh combien touchant : « Adieu la plus tendre des amies ; le mot est affreux, mais il le faut ; je n'ai que la force de vous embrasser. »

    Certains français, beaucoup moins chaleureux, lui firent d'autres adieux, dans un pamphlet vertement rédigé, que vous pourrez lire ici, et en bas de cette page.

    Revenons aux tableaux demandés ! Ceux-ci ne quitteront pas la France. Hubert Robert, le garde des Tableaux du roi, si opposera formellement.

    Hubert Robert, (né le 22 mai 1733, à Paris - mort le 15 avril 1808, dans la même ville) était également l’un des principaux artistes français du XVIIIe siècle. A la fois dessinateur, peintre, graveur, professeur de dessin, créateur de jardins, cet homme talentueux et érudit deviendra plus tard le conservateur du Musée central des arts de la République, (le futur musée du Louvre).

    Les deux protagonistes de cette anecdote ont eu le bonheur d’être portraiturés par la grande artiste Elisabeth Vigée Lebrun.

Vous pouvez les admirer, ci-dessous, ainsi que le bel autoportrait d’ Elisabeth Vigée Lebrun


Duchesse de Polignac (1782)


Duchesse de Polignac (1783)


Elisabeth Vigée Lebrun (1790)


    Et voici le fameux pamphlet, qui donne une petite idée de la "popularité" de cette favorite de la Reine en 1789...


mardi 10 novembre 2020

10 Novembre 1789 : Marat rappelle qu’il n’y a pas de révolutions sans émeutes populaires.

Combien de révolutions en même temps ?

Promulgation de la loi martiale, le 22 octobre 1789
(Collection personnelle )
    En ce mois de novembre 1789, plusieurs révolutions se déroulent en même temps. Combien de révolutions ? Au moins deux, peut-être même trois.

    Il y a la révolution de la bourgeoisie, que celle-ci pense avoir gagnée et même terminée ; à présent qu’elle a son assemblée et qu’elle rédige la constitution de la monarchie constitutionnelle dont elle rêvait.

    Il y a celle du peuple. C’est cette révolution-là qui a vraiment renversé le pouvoir en place. Mais elle n’est pas près de se terminer. Le peuple commence seulement à prendre conscience de son pouvoir.

    Et puis il y a "peut-être" celle de Louis XVI. Un roi "peut-être" moins stupide qu’il n’y paraît. Mais j’insiste bien sur le "peut-être". (Nous en reparlerons)


L’affaire n’est pas conclue.

    Nous avons beaucoup parlé ces dernières semaines de la première révolution, celle de la bourgeoisie. Ne sous-estimons pas ses efforts, ses représentants à l’assemblée sont à l’origine de nombreuses réformes qui vont faire progresser le pays. Mais ne soyons pas aussi naïfs que ces braves députés, l’affaire n’est pas conclue ! Les Parlements commencent à se rebeller. Ils refusent les décrets de l'Assemblé nationale, comme ils refusaient déjà auparavant les tentatives de réformes du roi. Le clergé commence à réagir à la nationalisation de ses biens. Une contre-révolution s’organise bel et bien.

    Les députés ont déjà oublié que ce sont les émeutes populaires qui les ont portés à ce qu’il faut bien appeler un nouveau pouvoir, le pouvoir législatif (celui de faire des lois). Ce sont aussi des émeutes populaires qui les ont protégés de la répression militaire qui se préparait à la veille du 14 juillet, et peut-être aussi de celle qui semblait bien se préparer fin septembre, avec ces nouvelles troupes que le roi rappelait à lui.

    Leur peur de la populace les a fait promulguer le 22 octobre la loi martiale, défendant au peuple tout rassemblement et le menaçant de répression militaire en cas de désobéissance. La peur du danger que leur inspire le peuple les fait oublier le réel danger de la contre-révolution et cet aveuglement durera longtemps encore.


Malgré les poursuites du tribunal de Paris, Marat s'exprime de nouveau !

Jean-Paul Marat

    Dans ce numéro 34 du mardi 10 novembre 1789, de l’Ami du Peuple, Marat s’insurge encore et encore contre ce funeste décret de la loi martiale. Il rappelle dans quelle précipitation il a été promulgué le 22, le lendemain de l’émeute qui avait donné lieu à l’horrible assassinat du boulanger François. Souvenons-nous à ce sujet, que dans son numéro du 5 novembre, Marat avait expliqué que c’était la municipalité de Paris qui avait désigné les boulangers comme responsables du manque de pain ! Marat proteste également contre le fait que la commune de Paris soit venue demander à l’assemblée de suspendre l’exécution de la réforme de la procédure criminelle, et de conserver à la juridiction prévôtale, c’est-à-dire le tribunal du Châtelet, ses anciennes attributions. En effet, nous en avions parlé, dans la foulée de la loi martiale, le 24 Octobre, le roi Louis XVI a autorisé le Châtelet à juger les accusés de crimes de "lèse-nation".

 

Marat craint les suites funestes de ce décret.

« Non, il n’est point de malheurs qu’on n’ait sujet d’attendre de ce funeste décret ; point d’attentats dont il ne soit la source.

En ordonnant aux troupes de marcher contre les citoyens assemblés, il a anéanti la nation, qui n’existe que par la réunion des individus. En sévissant contre les officiers et les soldats qui refuseront d’opprimer leurs frères, il divise les citoyens ; il les oppose les uns aux autres, et les mets aux prises pour s’entr’égorger. »

Marat rappelle comment ce décret a été si hâtivement préparé.

« Mû par des motifs que j’espère pouvoir dévoiler un jour, le comte Mirabeau avait proposé une loi martiale contre les attroupements. On a profité de l’émeute de la veille pour faire sentir la nécessité de reprendre la discussion de cette motion. Les députés de la commune de Paris s’étaient présentés deux fois dans le même jour, pour en presser le décret, lorsque le comité de constitution en a soumis le projet à l’Assemblée, qui l’a adopté, après un léger amendement, et l’a immédiatement envoyé à la sanction. Peu après les députés de la commune de Paris se sont présentés une troisième fois, pour demander à l’assemblée de suspendre l’exécution de la procédure criminelle, et de conserver à la juridiction prévôtale ses anciennes attributions (1). Plusieurs membres se sont élevés contre cette demande qui portait atteinte aux décrets passés. Le Président leur a répondu que l’assemblée examinerait leur proposition, la séance a été levée. »

Marat précise dans une note en bas de page :

« C’est là un réchauffé de la tentative que le ministre a faite, il y a près de deux mois, pour attribuer à la prévôté la connaissance des émeutes et attroupements. Le plan du cabinet est constant ; mais il passe par différentes mains, comme une pièce de fausse monnaie, que des fripons cherchent à couler. »

Marat rappelle que la révolution doit tout aux émeutes populaires !

« D’abord, le peuple ne se soulève que lorsqu’il est poussé au désespoir par la tyrannie. Que de maux ne souffre-t-il pas avant de se venger ! Et sa vengeance est toujours juste dans son principe, quoiqu’elle ne soit pas toujours éclairée dans ses effets ; au lieu que l’oppression qu’il endure n’a sa source que dans les passions criminelles de ses tyrans.

Et puis, est-il quelque comparaison à faire entre un petit nombre de victimes que le peuple immole à la justice, dans une insurrection, et la foule innombrable de sujets qu’un despote réduit à la misère, ou qu’il sacrifie à sa fureur, à sa cupidité, à sa gloire, à ses caprices ? Que sont quelques gouttes de sang que la populace a fait couler, dans la révolution actuelle, pour recouvrer sa liberté, auprès des torrents qu’en ont versé un Tibère, un Néron, un Caligula, un Caracalla, un Commode ; auprès des torrents que la frénésie mystique d’un Charles IX en a fait répandre ; auprès des torrents qu’en a fait répandre l’ambition d’un Louis XIV ? Que sont quelques maisons pillées un seul jour par la populace, auprès des concussions que la nation entière a éprouvées pendant quinze siècles sous les trois races des rois ? Que sont quelques individus ruinés, auprès d’un milliard d’hommes dépouillés par les traitants, par les vampires, les dilapideurs publics ?

Mettons de côté tout préjugé, et voyons.

La philosophie a préparé, commencé et favorisé la révolution actuelle, cela est incontestable ; mais des écrits ne suffisent pas ; il faut des actions : or, à quoi devons-nous la liberté, qu’aux émeutes populaires !

C’est une émeute populaire, formée au Palais royal, qui a commencé la défection de l’armée, et transformé en citoyens deux cent mille hommes dont l’autorité avait fait des satellites, et dont elle voulait faire des assassins. C’est une émeute populaire, formée aux Champs Elysées, qui a causé l’insurrection de la nation entière ; c’est elle qui a fait tomber la Bastille, conservé l’Assemblée nationale, fait avorter la conjuration, prévenu le sac de Paris, empêché que le feu ne l’ait réduit en cendres, et que ses habitants n’aient été noyés dans leur sang.

C’est une émeute populaire, formée à la Halle, qui a fait avorter la seconde conjuration, qui a empêché la fuite de la maison royale, et prévenu les guerres civiles qui en auraient été les suites trop certaines. »

 

Voici le numéro XXXIV de l'Ami du Peuple :

10 Novembre 1789 : La pénurie de farine et le manque de pain sont-ils organisés ?

Le pain, est le personnage principal de la Révolution.
Article mis à jour le 17/08/2021

    A n’en point douter, la pénurie de pain fut l’un des principaux éléments déclencheurs de la Révolution de 1789. Il y eu d'une part la pénurie et d'autre part le coût extraordinairement élevé de celui que l'on trouvait.
    Avant 1750 le pain était à 2 sous la livre. La consommation étant en moyenne de 4 livres de pain par personne et par jour, le pain journalier d'une famille coutait donc 8 sous.
    Début 1789, le pain à Paris était à 14 sous. Un ouvrier non qualifié (80 % des ouvriers parisiens) gagnait 20 sous par jour et un journalier à peine 15 sous.

    Cette situation de manque s’était pourtant déjà produite auparavant, sans pourtant provoquer les mêmes conséquences. La "guerre des farines" qui avait eu lieu de 1774 à 1775, suite à la réforme de Turgot (libre circulation des grains), avec ses nombreuses émeutes, dues autant au manque de blé qu’à la peur du manque, avait été matée sans problème par une violente répression, comme il était d’usage à l'époque. 

    Mais en juillet 1789, la situation avait changé. De nouveaux paramètres déterminants intervenaient dans l’équation de la Révolution, de nouvelles forces et de nouvelles faiblesses, qui ont rendu la Révolution inévitable.

Emeutes des subsistances de 1761 à 1789

    Les émeutes révolutionnaires sont-elles toutes spontanées et motivées par la faim ?   Je vous rappelle également, comme nous l'a dit le ministre Saint-Priest en septembre dernier, qu'en 1789, l'organisation d'une émeute coûte 25 Louis...

Comparaison récoltes et prix du pain entre 1778 et 1790

    Cependant, même avec les réformes décidées par ce nouveau pouvoir que constitue l’Assemblée nationale, le problème des subsistances reste encore un problème majeur durant cet automne 1789. Le manque de farines persiste et continue de provoquer partout en France et à Paris de nombreuses émeutes de la faim, des émeutes frumentaires (du latin frumentarius, "qui concerne le blé"). Les émeutes parisiennes sont les plus redoutées du pouvoir, car plus proche de lui, elles peuvent le renverser. Mais quel pouvoir d’ailleurs ? Celui de l’Assemblée ? Celui du roi ? Vous allez voir qu’il y a de bonnes raisons de se poser des questions.

Les origines de ce manque.

    Nous avons déjà listé le 24 octobre dernier, toutes les causes possibles pouvant expliquer ce manque de blé : le volcan de 1783, l’orage du 13 juillet 1788, l’agriculture sous-développée et même le libéralisme économique des physiocrates (libre circulation des grains, spéculation, etc.). Mais cela suffit-il à expliquer la situation ? Je n’en suis pas certain.

Même problème dans les pays voisins.

    Souvenez-vous que le même 24 octobre, lorsque nous avions vu les ministres du roi refuser devant l’Assemblée nationale la responsabilité d’un désordre qu’ils n’avaient plus pouvoir de contrôler ; ceux-ci avaient expliqué que les pays avoisinants se trouvaient confrontés au même problème d’insuffisance des subsistances (alors qu’ils n'avaient pas à l'époque une population aussi importante que la France).

Mesures prises par le roi et ses ministres :

  • Primes et avances d’argent faites aux boulangers ;
  • Différence (considérable) entre les prix d'achat et les prix de vente, supportée par le roi ;
  • Cinq cent deux vaisseaux ont approvisionné les deux seules villes du Havre et de Rouen depuis la fin 1788 (pour plus de 23 millions) ; probablement du blé venant des Etats-Unis ;
  • Nombreux convois de blé venant d’Algérie, acheminés depuis Marseille jusqu’à Paris sous garde armée pour prévenir des pillages sur le parcours !

Mesures prises par l’Assemble :

  • Promulgation de deux décrets autorisant la libre circulation des blés, ce qui selon la doctrine physiocrate (ou libérale) devrait permettre d’approvisionner tout le royaume ;
  • Promulgation de la loi martiale le 55 octobre pour empêcher et réprimer les émeutes ;

Un mot sur la libre circulation des blés ?

Je ne voudrais pas être médisant vis-à-vis des députés de l'Assemblée nationale, mais tout recommence comme en 74-75 sous Turgot. Le Roussillon refuse au Languedoc les secours dont il a besoin ; le Haut-Languedoc prend de l'ombrage des secours que le reste de la province lui demande. Le Lyonnais n'obtient qu'avec des peines infinies de légers secours de la Bourgogne ; le Dauphiné se cerne en conséquence. D'autres provinces suivent le même exemple ; et le Havre, Caudebec et Rouen ont retenu et retiennent encore une partie des approvisionnements achetés par le Roi, pour le secours de la ville de Paris. Du plus petit village à la plus grosse municipalité tout le monde s’oppose à cette libre circulation par crainte de manquer.

Mesures prises par la municipalité de Paris :

A Paris, c’est la police, entièrement aux ordres du roi qui contrôle l’approvisionnement en blé. Les commissaires tiennent à jour pour chaque boulanger parisien un registre faisant état de leur consommation quotidienne de farine, de leurs stocks, du marché où ils se fournissent, ou de leurs achats faits directement auprès des marchands ou laboureurs. Ce document leur permet de suivre l’approvisionnement de chaque boulangerie et de déterminer si celle-ci va pouvoir continuer sa production journalière de pain. De cette façon, la police peut répartir les achats de farine ou les faciliter, l’essentiel étant d’assurer que les boulangeries soient garnies coûte que coûte. 

Une thèse "intrigante"

 L’historienne Aurore Chéry a partagé récemment sur un blog, un article, dans lequel elle partage une photo qu’elle a prise de l’un de ces documents, rédigé le 5 juillet 1789, par un certain commissaire Dupuy, pour les boulangeries du quartier Saint-Benoît. Le voici reproduit ci-dessous. Cliquez sur l'image et vous accéderez à son article.

Accédez à l'article

    Elle précise que le document est accompagné d’une notice expliquant que « Le document permet de suivre l’approvisionnement de chaque boulangerie et de déterminer si elle va pouvoir continuer sa production habituelle de pain. De cette façon, la police peut répartir les achats de farine ou les faciliter, l’essentiel étant d’assurer que les boulangeries soient garnies coûte que coûte. »

    Aurore Chéry fait remarquer que malgré ce « coûte que coûte » cela n’a pas empêché « que le pain a manqué aussi bien en juillet 1789 que, de manière encore plus incompréhensible, en octobre. »

    L’historienne s’étonne donc que le roi informé par sa police n’ait pas agit pour empêcher le pain de manquer, et elle s’appuie sur cette observation pour conforter la thèse qu’elle soutient dans son livre "L’intriguant", soutenant que ce serait Louis XVI qui aurait provoqué ces émeutes frumentaires au nom d’une politique révolutionnaire que celui-ci aurait secrètement mené.

Partie mise à jour le 17/08/2021.

    Je me suis étonné en lisant l'explication de cette historienne, en me disant que sa thèse ne semblait pas concorder avec ce que les ministres de Louis XVI avaient affirmé plusieurs fois devant l’assemblée :

Qu’en était-il de la lettre lue par le Duc de Liancourt le 23 juillet devant l’Assemblée ?

« M. le Président fait lecture d'un avis qui lui a été envoyé par le ministre, et qui lui annonce que des grains venus de Barbarie par les soins de M. Necker, pour l'approvisionnement de Paris, sont arrivés jusqu'à Montlhéry, toujours escortés par des troupes ; il demande qu'attendu que les troupes ont été retirées depuis Montlhéry jusqu'à Paris, ou prenne des moyens pour faire arriver ces grains de ce poste jusqu'à Paris, en les faisant escorter par des milices nationales. M. le président ajoute qu'il a fait passer cet avis du ministre à M. le marquis de Lafayette. »

Quid du discours de Necker le 7 août ? 

« Les secours immenses en blés, que le Roi a été obligé de procurer à son royaume, ont donné lieu, non-seulement à des avances considérables, mais ont encore occasionné une perte d'une grande importance, parce que le Roi n'aurait pu revendre ces blés au prix coûtant, sans excéder les facultés du peuple, et sans occasionner le plus grand trouble dans son royaume. Il y a eu de plus, et il y a journellement des pillages que la force publique ne peut arrêter. Enfin, la misère générale et le défaut de travail ont obligé Sa Majesté à répandre des secours considérables. »

Quid de la lettre en date du 14 août 1789 de Monsieur Salomon de la Saugerie, membre de l’Assemblée, destinée à Mr Robert de Massy Président du Comité Permanent ?

 "Les six cent muids de bleds venant d'Afrique sont pour la capitale. Les électeurs en ont la note, ils attendent cette provision. Mr Necker ne peut donc autoriser personne à retenir ces grains soit en totalité soit en partie sans se compromettre lui-même vis-à-vis des parisiens."

Quid de l’intervention des ministres le 24 octobre, que j’ai déjà évoquée plus haut ? 

  • Primes et avances d’argent faites aux boulangers ;
  • Différence (considérable) entre les prix d'achat et les prix de vente, supportée par le roi ;
  • Cinq cent deux vaisseaux ont approvisionné les deux seules villes du Havre et de Rouen depuis la fin 1788 ;
  • Etc.

    Si la thèse de l’historienne était vraie, nous étions alors en droit de nous demander à quel niveau le roi intervenait, ou pas, dans cette rupture de l’approvisionnement ! Intriguant, non ?

    Aurore Chéry m'a fait l'honneur de lire le présent article et elle a même pris la peine de rédiger un billet pour ce modeste blog, que vous trouverez en cliquant sur le lien ci-dessous :

L'historienne Aurore Chéry explique la pénurie de farine en 1789
 et le pourquoi de son origine, l'Algérie.

Fin de la mise à jour du 17/08/21

Les explications officieuses ?

    Jusqu’à présent, nous nous en sommes tenus aux versions officielles. N’oublions pas les officieuses !

Que disait Marat ?

Bailly-Lafayette

    Marat, dans son journal, n’a pas cessé de dénoncer les petits arrangements et disons-le, la corruption, au niveau de la Commune de Paris, c’est-à-dire la municipalité dirigée par Bailly.     Marat déteste le duo Bailly-Lafayette, dont le pouvoir ne cesse de grandir. Rappelons-nous que dans son numéro 29 de l’Ami du Peuple, du 5 novembre, il écrivait : « C’est sur les Boulangers que la Municipalité a jeté tout le blâme, si on venait à manquer de pain, comme si elle eût voulu amener ces scènes d’horreur »
    Il sous-entendait par-là que tout avait été fait pour qu’il y ait de nouvelles émeutes, afin que le pouvoir trouve un prétexte pour instaurer la loi martiale. Je vous renvoie aux différentes versions de l’assassinat du boulanger François, qui, à y bien regarder, posent de nombreuses questions.

(Robespierre attribuera plus tard (en 1793) la préparation de ce crime à Lafayette).



Que dit notre ami Colson ?

    Je fais souvent appel à lui, où plutôt aux courriers qu’il écrivait à l’époque à son ami de province, pour avoir des infos différentes, disons plus proches du peuple. Adrien Joseph Colson ne fait pas vraiment partie du peuple, puisqu’il est avocat au tribunal de Paris et qu’il est même probablement un électeur du Tiers Etat. Mais il vit au milieu du peuple de Paris et il rapporte assez fidèlement dans ses courriers toutes les rumeurs qui circulent. Souvenez-vous de l’article du 13 octobre sur une terrible et folle rumeur !

Concluons avec Colson.

    Pour conclure cet article qui ne pose que des questions, je vous propose de lire les courriers des 8 et 10 novembre rédigés par Colson. Il parle du manque de pain, des gens qui ont faim, d’une femme affamée qui perd connaissance. Il évoque également des rumeurs de boulangers qui auraient été payés pour ne pas pétrir de pain ; mais sont-ce bien des rumeurs ? Il mentionne également un avis que le comité de police de l'Hôtel de Ville a fait afficher, pour dire que « le pain ne manque que par des manœuvres secrètes » et rendant « compte à ce sujet que, dans le mois d'octobre, il est arrivé 81 000 sacs de farine, du poids de 325 litrons chacun, qu'on n'en avait consommé que 40 000 (...) et qu'il en venait d'arriver 2 400. »

Extrait du courrier de Joseph Colson, daté du 8 Novembre :

Le pain nous a manqué ces jours-ci plus que depuis bien du temps. Il a fallu, pour en avoir, s’y prendre dès trois heures du matin et se trouver des premiers à la porte des boulangers.

Par la foule et la presse qui s'y sont formées il y a eu, a-t-on dit, des bras cassés. Plusieurs personnes et leurs enfants ont passé des jours entiers sans en avoir et quelques-uns même, entre autres une femme à ce que j'ai ouï raconter, en sont morts de faim. Des malheureux ont cherché encore à augmenter cette disette : les uns, avec des flambeaux, ont entrepris d'enlever la nuit le pain chez plusieurs boulangers afin qu'ils n'en eussent pas le matin pour le public. D'autres ont tenté d'enlever des farines qu'on commençait à amasser dans un couvent afin de les répandre et de les perdre. Un sieur chevalier de Rütli, et ceci a l'air certain, a donné, dit-on, de l'argent à un boulanger pour l’engager à ne pas cuire ; celui-ci, qui s'est trouvé bon patriote, a accepté l'argent pour servir de preuve et, à l'instant même, a fait arrêter le séducteur. Le sieur de Rütli, à ce qu'on rapporte, n'a pu dire autre chose pour se justifier sinon qu'il avait donné l'argent pour s'amuser et pour voir si le boulanger l'accepterait. On dit qu'on a aussi arrêté plusieurs de ceux qui voulaient enlever le pain et les farines.

Dans ces extrémités fâcheuses, un bruit se répandait sourdement il y a quelques jours, qu'un grand nombre de ceux qui manquaient d'argent songeaient à aller dans les maisons en faire donner de force. Jugez de là, Monsieur, combien de crimes, de désordres, d'assassinats et peut-être d'incendies ! On jugeait impossible qu'il se passât trois jours sans qu'il y eût un soulèvement des plus violents et cela exposait l'existence des citoyens à un grand hasard. Comme le principal prétexte était la disette de pain, le comité de police de l'Hôtel de Ville a fait afficher que le pain ne manquait que par des manœuvres secrètes et il a rendu compte à ce sujet que, dans le mois d'octobre, il était arrivé 81 000 sacs de farine, du poids de 325 litrons chacun, qu'on n'en avait consommé que 40 000 (...) et qu'il en venait d'arriver 2 400. [Mais vous savez que la populace] n'endure jamais rien si inévitable qu'il soit, qu'elle est dure, insensée et emportée au-delà de tout excès dans ses fougues, que surtout, lorsque sa frénésie s'échauffe, elle n'éclate jamais tant et ne montre tant de satisfaction que dans le désordre et les meurtres. Je crains que notre crise ne soit pas différée bien du temps !

Où en serions-nous (...) si l'émigration ne nous emmenait 120 ou 150 000 âmes de Paris, l'affiche dont je viens de parler ayant évalué à un 7ème ou un 6ème de la population ce qui en est sorti depuis la seule époque du mois d'août et en étant, outre cela, sorties tous les jours des foules nombreuses pendant le mois de juillet à compter du 12 ? Tant que les municipalités et les Assemblées nationales ne seront pas établies et organisées et que, par-là, elles ne seront pas en état de former un lien entre elles et de s'entendre toutes ensembles pour s'opposer aux manœuvres, aux trames secrètes et aux entreprises de ceux qui auront l'audace de se montrer à découvert, notre tranquillité sera toujours fort chancelante et comme en équilibre, prête à être renversée par les manœuvres, ou même les bruits artificieux et le souffle infernal de la cabale.

On annonce le retour prochain de monsieur le duc d'Orléans dont l'absence sert de prétexte à répandre contre lui mille infamies, mais il n'est pas encore de retour. (...)

Extrait du courrier de Joseph Colson, daté du 10 Novembre :

(...) Nous sommes toujours dans une grande détresse pour le pain au point que de temps à autres on rencontre des personnes qui ont passé des temps considérables sans en avoir. Hier, étant dans la maison de Monsieur le Marquis pour parier au sieur Drot, j'ai vu une femme qui se trouvait mal, au pied de l'escalier, et qu'on a eu une peine infinie à faire revenir. Lorsqu'elle a eu repris ses esprits, elle s'est mise à fondre en larmes et à étouffer des pleurs de manière à fendre le cœur et sans presque apercevoir qu'on fût autour d'elle. L'on entend parler ailleurs d'autres personnes qui ont également beaucoup souffert de la faim. (...)

Nota : En tout cas, pour cette fois, on n’accusera pas le Duc d’Orléans, car il n’est pas encore rentré de son voyage "diplomatique" en Grande Bretagne !

Mon sentiment sur le sujet 😉

    Je l’ai déjà sous-entendu dans mon article du 13 octobre sur les complots, je suis assez sceptique vis-à-vis des explications par des complots. Je ne nie pas que bien souvent il y ait des mauvaises volontés, voire des volontés de nuire. Mais un complot demande trop d’intelligence et de constance, et ce sont des qualités qui sont rares, très rares, même chez les « grands de ce monde ». De par mon expérience professionnelle, j’ai pu constater qu’il ne fallait surtout pas sous-estimer les effets destructeurs de l’incompétence, de l'avidité financière, ou de la simple mauvaise volonté, et ce, à tous les niveaux.

    En 1789, à tous les niveaux justement, tout le monde en avait plus qu'assez et les gens, à tous les niveaux de la société, avait envie, consciemment ou non, que cela change. Qui plus est, plus rien ne fonctionnait correctement, du fait que les structures de l’ancien régime n’étaient plus adaptées aux nouvelles conditions économiques et sociales, et que les hommes en places, eux-aussi, étaient devenus inefficaces, pour les mêmes raisons.

    Un bateau construit pour naviguer sur une rivière, est voué au naufrage s’il s’aventure en mer. Pas besoin de le torpiller, le bateau de l’ancien régime était condamné à sombrer dans l’océan de la nouvelle ère qui s’annonçait.

    Peut-être y avait-il, par-ci par-là, des petits complots. Mais je pense que les facteurs les plus nuisibles devaient plus ressembler à de sordides magouilles d’opportunistes voulant « faire de l’argent » grâce à la crise, (spéculation sur le prix du blé, stocks planqués, etc.) qu’à des machinations machiavéliques ourdies par des esprits supérieurs.

    Je ne pense pas que louis XVI avait vraiment imaginé que l’évêque de Tréguier soulèverait les campagnes par son mandement incendiaire du 14 septembre, lorsqu’il avait demandé à celui-ci en pleurnichant dans son courrier du 3 septembre, de prier pour lui !

    Quant au Duc d’Orléans, on ne cesse de murmurer depuis le mois de juillet qu’il est à l’origine de tous les désordres, mais tout le monde s’accorde à dire que c’est un faible, écoutant le dernier qui a parlé ! Peut-être n’a-t-il fait que s’accorder quelque fois le plaisir décadent de pousser un peu au crime ?

    J'ai le sentiment que peu de gens comprenaient ce qui se passaient vraiment, pas plus à l’Assemblée qu’à la cour. Nous avons déjà eu un aperçu : les députés ôtent tout pouvoir au roi et le "bousculent" quelque peu, mais ils l’adorent ! Quant à la Cour, j’ai l’impression que les seuls qui ont peut-être compris quelque chose, ce sont ceux qui ont pris la fuite dès le mois de juillet !

    Mais ne vous arrêtez pas à mon impression du moment. Faites-vous votre propre opinion et continuons de naviguer ensemble au milieu de cet océan de la Révolution.

Complément d'enquête !

    Ne manquez pas de lire la thèse de l'historienne Aurore Chéry, dont je vous ai parlé plus haut ! Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder :


A suivre !

Merci pour votre lecture. 😊

                


lundi 9 novembre 2020

9 Novembre 1789 : L'Académie Royale de Musique jouera demain "Iphigénie en Tauride"

 

Académie Royale de Musique

    Dans la rubrique des spectacles du numéro de ce lundi 9 Novembre 1789 du Journal de Paris, nous apprenons que sera jouée demain à l'Académie Royale de Musique : Iphigénie en Tauride, Tragédie lyrique, paroles de M.L.B.D.R., musique de Ch.er Gluck.

    "M.L.B.D.R.", l'auteur du livret, est Nicolas-François Guillard et "Ch.er Gluck" est Christoph Willibald Gluck le grand compositeur bavarois (Empire d'Autriche). Il peut sembler étonnant que le véritable nom de l'auteur du livret soit ainsi masqué. Peut-être cela vient-il qu'il y eu en 1776 une polémique concernant la création de cet opéra. Un certain Alphonse du Congé Dubreuil avait en effet rédigé un livret sur ce sujet qu'il avait proposé en vain à Gluck qui avait déjà reçu des propositions à ce sujet. Dubreuil proposa alors son livret à Niccolo Piccini qui déclina la proposition du fait qu'il ne pourrait produire son opéra avant Gluck.

Le sacrifice d'Iphigénie de Carle Vanloo,
exposé à Paris au salon de 1757.

    Cette tragédie lyrique en quatre actes fut représentée pour la première fois à l'Académie royale de musique de Paris le 18 mai 1779. Le jour de la première, le 18 mai 1779, Marie-Antoinette vint en personne à l'Opéra où elle fut reçue selon le cérémonial ancien, précédée jusqu'à sa loge par les directeurs de l'Opéra porteurs de flambeaux. L'œuvre remporta un très grand succès. À un spectateur qui y trouvait de beaux morceaux, l'abbé Arnaud répliqua : « Il n'y a qu'un beau morceau, c'est l'opéra tout entier ! A la mort de Gluck en 1787 l'Académie royale de Musique et en était à sa quatre-vingt-dixième représentation parisienne.

 Cette œuvre raconte la tragique histoire d'Iphigénie, fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, sœur d'Oreste, d'Électre et de Chrysothémis, donc soumise au destin fatal des Atrides. Devenue en Tauride grande-prêtresse de Diane, Iphigénie s’apprête à immoler son frère Oreste, lui-même meurtrier de leur mère ; elle n’a pas reconnu son frère. Seuls les liens du sang et de l’amitié auront raison des spectres qui hantent Oreste et Iphigénie.

    Je vous propose de regarder et écouter cette magnifique captation (comme on dit maintenant) de cette grande œuvre jouée au théâtre d'Anger :